Interview de M. Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à France-Inter le 28 juillet 2011, sur le marché de l'emploi pour les étudiants, les frais d'inscription aux universités et le climat politique.

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Média : France Inter

Texte intégral


 
PIERRE WEILL Laurent WAUQUIEZ, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche est notre invité. Bonjour.
 
LAURENT WAUQUIEZ Bonjour.
 
PIERRE WEILL Laurent WAUQUIEZ, chiffre inquiétant pour les étudiants, ceux qui vont arriver sur le marché du travail, la forte poussée du chômage en juin. Début 2010 Nicolas SARKOZY promettait sur TF1 « le chômage va baisser dans les mois qui viennent. » Promesse non tenue ?
 
LAURENT WAUQUIEZ D’abord il y a la question, d’abord, que vous posez, qui est comment est-ce qu’on fait pour que quand nos étudiants finissent leurs études, ils trouvent le plus rapidement un emploi. Dans ce cadre-là, depuis que je suis arrivé à la tête de l’Enseignement supérieur, on a fait un accord très important pour changer la licence. Qu’est-ce qu’on voyait ? Nos étudiants qui font des licences, souvent, n’arrivent pas ensuite à trouver un emploi, souvent, d’ailleurs, parce que les pratiques de recrutement en France sont très archaïques. C'est-à-dire qu’un étudiant en licence d’Histoire, on considère, on ne voit pas trop à quoi est-ce qu’on va pouvoir l’employer, à tort. Un étudiant en licence de Lettres, on ne voit pas trop à quoi on va pouvoir l’employer, à tort. Et donc, ce qu’on veut changer, c’est qu’on donne leur chance à des étudiants en licence, qui ont acquis des savoir-faire, qui ont acquis une capacité à travailler en équipe, et qu’ils aient leur chance dans les entreprises.
 
PIERRE WEILL Ce n’est pas la question que je vous pose, Laurent WAUQUIEZ. La réforme de la licence a été majoritairement adoptée par les organisations étudiantes, c’est vrai…
 
LAURENT WAUQUIEZ Ce qui était bien d’ailleurs.
 
PIERRE WEILL C’est rare ; je vous parle des chiffres du chômage qui sont mauvais en juin.
 
LAURENT WAUQUIEZ J’avais bien compris. Alors, d’abord, depuis le début de l’année on a quand même une tendance de l’emploi qui reste à la baisse, malgré le chiffre très mauvais qu’il y a eu hier. Si vous additionnez globalement avec les baisses qu’il y a eu depuis le début de l’année, il y a globalement une tendance qui reste à la baisse. La deuxième chose c’est que si on veut arriver à s’attaquer à ça, il y a des choses qu’on doit changer. Ce qu’on voit, c’est que la reprise en tant que telle, uniquement la reprise, ne permettra pas de faire baisser le chômage, si on ne change pas nos habitudes. C’est pour ça que je vous parle de cette question essentielle, de comment est-ce qu’on arrive à résoudre le passeport vers l’emploi une fois que vous avez fini vos études. Et cet accord sur la licence, qui a été, vous l’avez rappelé, soutenu par l’ensemble des organisations étudiantes, il prévoit aussi quelque chose de très intéressant, prévoir à l’intérieur des licences un stage automatique. Un stage qui peut permettre, cette possibilité de stage, d’améliorer les passerelles monde de l’entreprise/ monde de l’université.
 
PIERRE WEILL Laurent WAUQUIEZ, les syndicats disent il faut renoncer aux heures sup. défiscalisées, c’est contreproductif, les patrons préfèrent développer les heures supplémentaires plutôt que d’embaucher. Que répondez-vous ?
 
LAURENT WAUQUIEZ C’est le vieux raisonnement français malthusien. On croit que le travail des uns prend la place des autres. C’est faux. Les heures supplémentaires dont vous parlez c’est quoi ? Ce sont des centaines de milliers d’ouvriers, d’ouvriers qualifiés, pour lesquels ça représente un petit plus à la fin du mois. Est-ce que c’est, alors que la France est encore en crise, alors que pour les classes moyennes ça reste très difficile, qu’on va enlever ces heures ? Je ne crois pas à ça. Je ne crois pas à l’idée que le travail des uns prenne l’emploi des autres.
 
PIERRE WEILL Ce n’est pas quand même une très mauvaise nouvelle ces chiffres du chômage en forte hausse en juin…
 
LAURENT WAUQUIEZ Bien sûr.
 
PIERRE WEILL A 9 mois de la présidentielle ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Je vais vous dire, c’est une très mauvaise nouvelle en soi, et je me méfie un peu de la tendance dans laquelle on risque d’être dans 1 an, depuis 1 an, d’avoir uniquement une clé de lecture 100% politique. C'est-à-dire que les chiffres du chômage, je ne les regarde pas à l’aune de la présidentielle, je les regarde à l’aune de la situation de l’emploi, je les regarde à l’aune de ma question qui…
 
PIERRE WEILL Mais il y a une promesse qui a été faite, « le chômage va baisser », Nicolas SARKOZY l’avait promis. Bon, et bien voilà, ce n’est pas le cas !
 
LAURENT WAUQUIEZ Oui, c’est pour ça que je vous dis que depuis 2011, question précise, réponse précise, depuis 2011 on a quand même un chômage qui est à la baisse. Après il faut bien être clair, j’ai été ministre de l’Emploi…
 
PIERRE WEILL Oui, mais il baisse, et puis il remonte, donc les gains de la baisse sont perdus.
 
LAURENT WAUQUIEZ Oui. J’ai été ministre de l’Emploi, l’emploi et le chômage, l’activité économique, ce n’est pas une tendance linéaire. Il n’y a pas tout d’un coup vous ouvrez une porte et vous rentrez dans un monde dans lequel le chômage va baisser non-stop. Il y a des mois bons, il y a des mois où on recule un peu, il y a des mois où on repart de l’avant. Le but c’est que sur la durée, sur l’ensemble de l’année 2011, qu’on le fasse reculer. Mais je le dis, ça ne se fera pas si on reste uniquement statique. On doit travailler sur l’alternance, on doit travailler sur ces passerelles monde de l’université/ monde de l’entreprise, on doit améliorer l’insertion de nos jeunes dès qu’ils ont fini leurs études, c’est ça aussi qui permettra d’avancer.
 
PIERRE WEILL Question à Laurent WAUQUIEZ, le ministre de l'Enseignement supérieur. L’UNEF dit que 28 universités sur 83 sont hors la loi en matière de frais d’inscription. Confirmez-vous ce chiffre et que faites-vous contre cette situation ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Il y a des règles, dans ce pays…
 
PIERRE WEILL Vous confirmez ce chiffre ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non. Je ne le confirme pas, pourquoi ? Parce que c’est le chiffre de l’UNEF, qui est une analyse qui a été faite, dans lequel on n’est pas d’accord sur toutes les situations qui ont été faites. Par contre, ce que je confirme, c’est qu’on doit être très vigilant sur cette question d’universités qui mettent en place des frais d’inscription excessifs, qui sont illégaux. Moi je suis ministre, un ministre ça défend les lois de la République. Il y a des lois qui encadrent, dans ce pays, les frais d’inscription, et qui veillent – c’est une de mes convictions très importantes – que les frais d’inscription, quand on fait ses études, ce ne soit pas prohibitif, que les classes moyennes modestes puissent aider leurs enfants à faire leurs études. Cette loi est très claire, elle fixe des bornes, les universités ne peuvent pas tout faire. On ne peut pas, par exemple, vous mettre des frais de dossier supplémentaires.
 
PIERRE WEILL Mais combien d’universités ne respectent pas l’arrêté ministériel ?
 
LAURENT WAUQUIEZ On est en train de l’étudier. Je vais par exemple vous dire un exemple concret. La semaine dernière on a identifié une université, du Sud, qui avait mis en place des frais d’inscription qui étaient illégaux.
 
PIERRE WEILL Moi j’ai trouvé Aix-Marseille, Troyes, 4555…
 
LAURENT WAUQUIEZ Alors, euros…
 
PIERRE WEILL C’est le chiffre donné par l’UNEF.
 
LAURENT WAUQUIEZ Oui, il faut faire attention, parce que l’UNEF, pour des raisons, que je comprends, médiatiques, qui sont légitimes pour un syndicat, a tendance à sortir des cas qui ne sont pas forcément des vrais cas. La réalité c’est quoi ? La première réalité c’est que la France est le pays du monde où les frais d’inscription sont les plus bas. La deuxième réalité, et vous avez raison, c’est qu’on a un certain nombre d’universités…
 
PIERRE WEILL Un certain nombre.
 
LAURENT WAUQUIEZ Qui ont une petite tendance à vouloir augmenter ces frais d’inscription. Je l’ai dit très simplement, à la rentrée on surveillera tous ces cas, on négociera très précisément avec les présidents d’université pour leur demander de le retirer, et si ce n’est pas retiré, je saisirai le tribunal administratif. Ce sera une première, ça n’a jamais été fait, mais j’irai jusque là. Il y a un dernier point que je voudrais, si vous me permettez, souligner rapidement. Il y a 5 ans, quand l’UNEF sortait sa liste, elle mettait 47 universités, aujourd’hui, quand elle sort sa liste, il n’y en a plus que 28. Ça veut dire que les choses baissent, et que même l’UNEF reconnaît que la situation s’améliore.
 
PIERRE WEILL Laurent WAUQUIEZ, ceux qui ont payé des frais illégaux seront-ils remboursés ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Ça va de soi. C'est-à-dire que des frais qui sont considérés comme illégaux, ils doivent être remboursés, c’est évident.
 
PIERRE WEILL Laurent WAUQUIEZ, pourquoi ne pas avoir gelé les dépenses obligatoires des étudiants, tickets de restaurant, loyer en cité universitaire, frais d’inscription ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Là encore, je me méfie un peu des emballements médiatiques. J’ai essayé de faire, vous savez… non, non, mais ce n’est pas du tout FRANCE INTER, pardonnez-moi, que je mets en cause, évidemment…
 
PIERRE WEILL Ils ont augmenté ces frais obligatoires.
 
LAURENT WAUQUIEZ Oui, alors parlons des choses clairement. Les frais de Resto U. L’alimentaire, chaque citoyen le constate, a explosé. J’ai demandé, que pour la restauration universitaire, ce soit limité au maximum. L’augmentation sur 1 an, pour quelqu’un qui s’alimenterait 100% au Resto U, représente 10 euros en plus, 10 euros sur toute l’année. Les frais d’inscription en licence, 177 euros, ça a augmenté de 3 euros. Donc, l’effort qu’on a fait, dans un contexte qui n’est pas facile, c’est de limiter au maximum les augmentations pour nos étudiants et que ce ne soit pas les étudiants qui payent l’addition. Je serai un ministre très attentif aux conditions d’études. Je crois que c’est important, pour une raison, c’est que derrière, ce qui est en cause, c’est l’ascenseur social. Mon objectif c’est que les étudiants des classes moyennes modestes puissent continuer à accéder facilement à l’université.
 
PIERRE WEILL Laurent WAUQUIEZ, Nicolas SARKOZY a écrit à tous les parlementaires pour leur dire « unissons-nous pour réduire les déficits, donc votons la Règle d’or », inscrire dans la Constitution un retour à l’équilibre des comptes publics. Ségolène ROYAL répond, je la cite : « c’est comme si un conducteur sans permis prétendait donner des leçons de conduite. » « Nicolas SARKOZY a doublé le déficit », dit-elle, « il est passé de 50 à 100 milliards d’euros depuis son accession à l’Elysée. » Votre réponse.
 
LAURENT WAUQUIEZ D’abord ma réponse, c’est que plutôt de chercher à répondre dans le champ politicien, il serait bon que le PS, qui ces temps-ci, je trouve, a une obsession tellement politicienne qu’elle les rend aveugles…
 
PIERRE WEILL Mais les chiffres de Ségolène ROYAL sont vrais ou faux ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Est-ce qu’il y a un tout petit point que le PS n’est pas en train d’oublier ? Un petit point que, apparemment, le PS n’a pas dans son radar ? La crise. On a l’impression qu’au PS il n’y a pas eu de crise, qu’on fait comme si il n’y avait pas de sujet, il n’y a pas eu de crise, on n’a pas traversé la pire crise de la France depuis la Seconde Guerre mondiale. Vraiment, je suis frappé par cette irresponsabilité politique. En plus elle est intéressante à observer des deux côtés de l’Atlantique, et le PS et les Tea Party américains, ces temps-ci c’est même combat, même irresponsabilité politique.
 
PIERRE WEILL Qu’est-ce que vous voulez dire par-là ? Expliquez-nous.
 
LAURENT WAUQUIEZ C’est très simple, qu’est-ce qui se passe ? Des deux côtés de l’Atlantique vous avez deux partis, d’un côté le Parti Socialiste, de l’autre côté le Tea Party américain. A priori, ils n’ont rien à voir. Vous en avez un qui est ultra conservateur, américain, l’autre qui est théoriquement un parti de gauche. Ces deux partis sont soumis à une question d’intérêt général, posée dans un cas par le président de la République français, dans l’autre cas par Barack OBAMA. Comment est-ce qu’on gère nos déficits et comment est-ce que collectivement, pour une fois, on évite d’être dans un affrontement gauche/ droite, et on essaie de travailler ensemble sur une question d’intérêt général ? Et dans un cas comme dans l’autre, des deux côtés de l’Atlantique, vous avez deux partis qui font une preuve d’irresponsabilité politique. Il y a eu un très bel édito d’ailleurs, qui a été fait par le journal LE MONDE, qui a dit « irresponsabilité politique », ils ont raison. Il y a une irresponsabilité politique, et du Parti Socialiste, et des Tea Party américains. Il ne faut pas regarder la question de la dette avec des lunettes politiciennes, tout n’est pas un piège politique, le sujet qui est posé c’est, on a une question d’intérêt général, comment est-ce que sur la sortie de crise on ramène notre pays sur un sentier d’équilibre budgétaire.
 
PIERRE WEILL Alors, sur la comparaison avec l’Amérique, Laurent WAUQUIEZ, les socialistes répondent, je les cite : Nicolas SARKOZY fait tout le contraire de son homologue américain, là où Nicolas SARKOZY creuse les déficits en baissant les impôts des plus riches, Barack OBAMA, actuellement, souhaite mettre à contribution les plus grandes fortunes pour désendetter son pays.
 
LAURENT WAUQUIEZ Non mais là encore…
 
PIERRE WEILL Non, mais puisque vous avez fait une comparaison.
 
LAURENT WAUQUIEZ Bien sûr ; non, mais là encore on est sur des pures postures. On critiquait le bouclier fiscal, en disant il est favorable aux riches, il a été supprimé. On a posé la question, qui est une juste question, des plus hauts revenus, sur ces plus hauts revenus il y a une décision qui a été portée par le Premier ministre qui consiste à mettre en place une taxation, une contribution exceptionnelle à la rentrée. Et puis il y a un dernier point sur lequel je voudrais revenir, en termes de sincérité sur cette question, le président de la République a donné beaucoup de gages. Qui est-ce qui a donné la présidence de la Commission des Finances à l’Assemblée nationale à l’opposition ? Le président. Qui a confié la Cour des Comptes à un ancien député socialiste ? Le président. Qui a permis de contrôler le budget de l’Elysée pour la première fois dans l’histoire de la Vème République ? De la même manière. Donc il y a vraiment, sur cette question, il y a une volonté, qui est une volonté constante depuis le début, de faire en sorte de sortir de ce champ de bataille gauche/ droite et d’avoir une vision où l’opposition puisse porter une vision commune objective. Donc je crois qu’il faut vraiment saisir cette occasion et se mettre au niveau de l’enjeu.
 
PIERRE WEILL Laurent WAUQUIEZ, que répondez-vous à ceux qui s’étonnent que Nicolas SARKOZY insiste sur l’importance du retour à l’équilibre des comptes publics et puis en même temps il annonce une exception, puisque la TVA réduite de 5,5% pour les restaurateurs est préservée ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Ce n’est pas une exception. C'est-à-dire, de la même manière, il y a un certain nombre…
 
PIERRE WEILL 2,5 milliards de recettes en moins.
 
LAURENT WAUQUIEZ Mais de la même manière, et vous me l’avez posée aussi, la question des heures sup. Sur la question des heures sup. oui, c’est préservé, mais ce n’est pas ça la question de la Règle d’or. La question de la Règle d’or c’est, comment est-ce qu’on fait en sorte d’avoir une limitation de nos dépenses et une limitation de nos recettes, pour être sûr qu’on ait une espèce de chemin qui nous ramène vers l’équilibre budgétaire. Après, à l’intérieur de ce chemin, bien sûr qu’il y a le choix politique, bien sûr que la gauche ne fait pas les mêmes choix que la droite, que la droite valorise plus le travail, que la gauche peut peut-être avoir des choix qui sont plus de dépenses publiques, chacun ses choix et ses options. Mais est-ce que collectivement, pour une fois, on ne peut pas être responsable en France et sortir d’une bataille rangée gauche/ droite pour s’entendre sur cette règle de bon sens, on doit ramener notre pays à l’équilibre.
 
PIERRE WEILL Enfin, cet avantage, pour les restaurateurs et les cafetiers, il reste là. Les restaurateurs, les cafetiers, leurs clients, il faut peut-être les soigner avant la présidentielle, Laurent WAUQUIEZ ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Vous savez, ce qu’il faut surtout soigner, c’est les apprentis qui sont dans les restaurants, c’est les emplois qui ont été créés dans les restaurants. Moi je le vois dans ma ville du Puy-en-Velay, qu’est-ce qui m’a tiré l’emploi dans la période de crise, la restauration et les cafetiers. Et je ne vais pas sombrer dans cet espèce de poujadisme consistant à 19 prendre le pistolet et à tirer sur les cafetiers et restaurateurs. Je pense que c’est une vraie erreur.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 2 août 2011