Texte intégral
Cette réunion des ministres du travail et de l’emploi du G20 restera un moment important de ce G20 sous présidence française, parce que nous avons fait progresser d’une manière décisive notre vision d’une régulation sociale de la mondialisation.
Cette vision, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, l’a défendue devant l’OIT alors que nous étions au cur de la crise économique mondiale, en 2009. Ce que nous voulons, c’est que la mondialisation marche sur deux jambes : la croissance économique et la justice sociale, le libre-échange et le respect des droits des travailleurs. Ce que nous voulons, c’est une mondialisation équilibrée, qui ne donne pas tout à l’économie et rien au social. C’est un défi, j’en ai bien conscience, mais ce défi, nous le relevons pas à pas. Il y a eu le sommet des chefs d’Etat et de Gouvernement du G20 à Pittsburgh, en 2009, et la réunion des Ministres du Travail et de l’Emploi à Washington, en 2010, qui ont déjà permis de lancer une dynamique. Cette année, à l’occasion de sa présidence, la France a proposé à ses partenaires du G20 d’aller plus loin.
Il s’agissait de prendre des décisions concrètes, pérennes, pour répondre aux attentes de nos concitoyens. Ensemble, c’est ce que nous avons fait. Bien sûr, nos concitoyens ont l’impression que tout cela est loin de leur réalité quotidienne. Je ne le crois pas. Les choses avancent lentement, c’est vrai, parce qu’il faut du temps, mais elles avancent, parce que les lignes bougent. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que l’on travaille à créer un consensus entre des Etats souverains qui ont des histoires très différentes. Cela demande beaucoup d’énergie, beaucoup d’efforts, beaucoup d’échanges avec chacun. Je me suis rendu en Chine, je me suis rendu aux Etats-Unis, je me suis entretenu avec beaucoup de mes homologues par téléphone, j’ai aussi publié une tribune commune avec mon homologue allemande ce week-end, qui montre l’engagement franco-allemand sur le social. Je voudrais aussi saluer l’action de Gilles de Robien, qui n’a pas ménagé ses efforts pour convaincre nos partenaires, en Inde, en Russie, en Turquie
Alors oui, vu de loin, c’est lent, mais il faut bien voir que petit à petit chacun fait un pas. On se rend compte que sur le social, même si l’on a des cultures très différentes, on a des choses à se dire, on peut travailler ensemble, on peut prendre des décisions ensemble. C’est comme cela que les lignes bougent. C’est comme cela que l’on peut faire progresser ensemble une forme de régulation sociale de la mondialisation.
Pour vous résumer l’ensemble de nos décisions, nous avons obtenu trois résultats majeurs.
Le premier résultat majeur, c’est que nous avons réussi à faire avancer chacune des quatre priorités que nous avions mises à l’ordre du jour de cette réunion.
D’abord, l’emploi, en particulier l’emploi des jeunes et des plus vulnérables : tous les pays sont tombés d’accord pour en faire une priorité. Nous avons décidé d’ériger l’emploi en objectif-clé de politique économique. C’est un message fort à la fois envers nos concitoyens et envers les marchés.
Bien sûr, le contexte est difficile, la maîtrise des finances publiques demande à chaque Etat de faire des efforts, mais ce n’est pas une raison pour laisser l’emploi de côté. Au contraire, la croissance doit être soutenue par des politiques actives.
Nous en avons conscience, les situations de nos marchés de l’emploi sont différentes au sein du G20. Reste que donner un emploi aux jeunes de nos pays est une préoccupation que nous partageons tous. Par exemple, en France, j’ai lancé un plan d’action pour développer la formation en alternance, parce que c’est un des moyens les plus efficaces, pour les jeunes, de s’insérer durablement sur le marché du travail. C’est ce que fait si bien l’Allemagne, et d’une manière générale, je pense que nous avons tout intérêt à nous inspirer de ce qui marche chez nos partenaires du G20.
Nous nous sommes aussi donné les moyens de faire avancer concrètement cette priorité : nous avons décidé de créer une task force du G 20 sur l’emploi des jeunes. Elle permettra d’échanger sur nos bonnes pratiques. Cette task force, c’est la garantie que l’emploi reste une priorité du G20 au-delà de la seule présidence française.
Cette task force, il faut maintenant la faire vivre. Voilà pourquoi dès la fin de l’année, la France y apportera ses contributions.
Notre deuxième objectif était de développer des socles de protection sociale adaptés à la situation de chaque pays.
Là non plus, rien n’était gagné d’avance, mais nous sommes parvenus à des décisions satisfaisantes pour tous. Les Etats du G 20 se sont engagés à mettre en oeuvre des socles nationaux de protection sociale adaptés à chacun : ce socle prévoit notamment l’accès à la santé, une garantie de revenus pour les personnes âgées et handicapées, l’octroi de prestations pour enfants à charge et une garantie de revenus pour les chômeurs et les travailleurs pauvres.
Dans son rapport, Mme Bachelet, l’ancienne présidente chilienne, demande à la communauté internationale de s’impliquer pour mettre en oeuvre des socles de protection sociale. Cet engagement des Etats du G20 apporte une réponse concrète à son appel.
Notre troisième objectif visait à promouvoir le respect des droits sociaux et du travail, en nous appuyant sur le travail fait au quotidien par l’OIT. C’est évidemment un sujet sur lequel les avis divergeaient au sein du G20. Les négociations ont été difficiles, mais notre objectif d’avancer sur le sujet a été atteint.
Les Etats du G 20 se sont engagés à soutenir les efforts de l’OIT pour promouvoir la ratification des huit conventions fondamentales.
Notre quatrième objectif, enfin, était d’améliorer la cohérence entre les différentes organisations internationales. Là-aussi, l’enjeu était de taille, parce que mieux coordonner les organisations internationales, cela veut dire que l’on ne discute pas commerce d’un côté, finances d’un autre et social encore ailleurs.
Certains Etats étaient réticents à établir ces liens. Pourtant nous sommes parvenus à nous entendre et nous avons pris, là aussi, des décisions concrètes. Nous avons demandé aux organisations internationales de mieux coordonner leurs actions, par exemple par des accords de coopération. De plus, l’OIT sera consultée de façon plus systématique pour évaluer l’impact social des mesures envisagées par les autres organisations internationales. Je vous rappelle par ailleurs qu’à l’initiative de Nicolas Sarkozy, le Directeur général du BIT, M. Somavia, participe désormais aux sommets du G20.
Ainsi, sur chacune de ces priorités, nous avons pris des décisions concrètes. C’est un résultat dont nous pouvons être fiers, parce que l’exercice était difficile, pour ne pas dire impossible. Soyons honnêtes, au sein du G20, nous n’avons pas d’emblée la même vision de la mondialisation, ni les mêmes traditions sociales, ni les mêmes intérêts à défendre. Cela vaut aussi bien en matière de ratification des conventions fondamentales de l’OIT que de mise en place de socles de protection sociale.
Et pourtant nous avons pu avancer. Tous les Etats se sont engagés pour faire de l’emploi la priorité, pour développer la protection sociale de leurs habitants, pour respecter les principes des conventions fondamentales de l’OIT, pour donner davantage de place à l’OIT à côté de l’OMC et du FMI dans l’action des organisations internationales. C’est la preuve que nous progressons dans la régulation sociale de la mondialisation.
Cela m’amène au deuxième résultat majeur de cette réunion : grâce à la présidence française, les enjeux sociaux sont durablement à l’agenda du G 20.
Si nous voulons progresser vers une mondialisation plus équilibrée, il faut que cette priorité accordée par le G 20 aux questions sociales soit non pas ponctuelle, mais durable. Voilà pourquoi nous avons décidé que le social allait continuer d’être une priorité du G 20 après la présidence française. Cela se traduit concrètement dans les décisions que nous avons prises, par exemple, la création de la task force sur l’emploi des jeunes dont je viens de vous parler. C’est une décision qui inscrit notre action dans la durée. Cette task force sera très utile pour préparer la réunion des Ministres du Travail du G 20 qui se tiendra en 2012 sous présidence mexicaine, et je veux remercier le Mexique pour le travail que nous avons accompli main dans la main.
Enfin troisième résultat important, nous sommes en train de réussir à faire émerger un dialogue social au niveau du G 20.
Pendant toute la présidence française, nous avons associé étroitement les partenaires sociaux aux travaux du G20. C’est clairement la première fois qu’il y a au niveau du G20 une si étroite association des partenaires sociaux. Ils se réuniront en marge du sommet des Chefs d’Etat début novembre à Cannes dans le cadre du B 20, le sommet des représentants des employeurs, et du L 20, le sommet des représentants des salariés. Nous soutenons l’organisation de ces deux sommets. Surtout, nous espérons que cela sera, pour la première fois dans le cadre du G 20, l’occasion d’un engagement commun des partenaires sociaux.
Je crois au dialogue social et je tiens à ce qu’il se développe au niveau du G 20, parce que c’est la garantie que les décisions prises par les Etats dans le cadre du G 20 seront relayées et intégrées par les acteurs de terrain, les entreprises et les salariés. Par exemple, en France, j’ai été frappé par l’intérêt des partenaires sociaux à s’impliquer dans la préparation de notre réunion ministérielle. Cet intérêt, cette implication, sont bien la preuve qu’ils sont conscients que nos décisions ont un impact sur le quotidien des Français.
Voilà en quelques mots les résultats auxquels nous sommes parvenus avec les ministres du travail et de l’emploi du G20. Je ne suis pas naïf : nos concitoyens qui sont confrontés à la crise dans leur vie quotidienne se diront sans doute que ces résultats ne sont pas suffisants.
Bien sûr, ce n’est pas suffisant et nous devons nous garder de tout triomphalisme. Mais nous devons aussi remettre les choses en perspective. II y a deux ans, en pleine tourmente financière, personne n’aurait imaginé que les enjeux sociaux seraient désormais inscrits dans l’agenda mondial, au même titre que les priorités économiques et financières : grâce à la présidence française, c’est désormais chose faite.
Nous avons fait avancer l’emploi, la protection sociale, le respect des droits et la coordination entre les organisations internationales ; nous avons mis les enjeux sociaux à l’agenda du G20 de façon durable, et nous progressons vers l’instauration d’un dialogue social au niveau du G20 : ce sont des décisions concrètes qui vont dans le sens d’une mondialisation plus équilibrée.
Maintenant, le G20 est là pour fixer des lignes et donner des impulsions ; ensuite, il faut que tous les acteurs s’en saisissent : il y a la part des Etats, il y a aussi le rôle des partenaires sociaux et des organisations internationales, FMI, OMC, OCDE, OIT bien sûr
. Nous les avons incités à dialoguer ensemble et ce dialogue doit se poursuivre. Le Sommet de Cannes et les sommets des partenaires sociaux du B20 et du L20 sont les prochaines étapes : ils nous permettront, j’en suis sûr, de faire un pas de plus pour apporter des réponses concrètes aux attentes des citoyens de nos pays.
Je vous remercie.
Source http://www.travail-emploi-sante.gouv.fr, le 28 septembre 2011