Entretien de M. Henri de Raincourt, ministre de la coopération, avec BFM Business le 20 octobre 2011, notamment sur la réunion du G20 consacrée au développement.

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Média : BFM

Texte intégral

Q - Henri de Raincourt, bonjour. Vous êtes ministre en charge de la Coopération, vous avez été Ministre en charge des Relations avec le Parlement, puis vous avez été 25 ans Sénateur, Sénateur de l’Yonne. Se déroule demain le G20 Développement puisque vous êtes Ministre de la Coopération, vous nous en direz un peu plus dans un instant dans la perspective du G20 de Cannes, mais tout d’abord, ce Conseil européen hier. On a vu Nicolas Sarkozy faire un aller retour à Francfort, avez-vous le sentiment que cette visite éclair a servi à quelque chose, et sans faire de très mauvais jeu de mots, que l’on va accoucher de nouvelles mesures à ce Conseil européen ?
R - Je suis convaincu que le sens des responsabilités des dirigeants, aussi bien de l’Allemagne fédérale que de la France, va nous permettre de franchir cette étape en rebondissant pour un nouveau départ au niveau financier et européen.
Q - Le président de la Commission européenne, qui était mon invité en début de semaine, disait qu’il y aura des décisions décisives ou du moins il le faut. On a eu M. Schauble le ministre allemand des Finances qui a dit qu’il n’y aura rien de définitif, où se situe le curseur du côté français ?
R - On le verra dimanche. Nous, ce que l’on souhaite vraiment c’est que des décisions de fond soient prises qui permettent de nous sortir le plus rapidement possible de la crise financière dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. C’est un préalable incontournable si l’on veut avoir des chances de relancer la croissance, qui elle-même est indispensable.
Q - Savez-vous, Monsieur le Ministre, s’il y a un accord qui a été trouvé sur le fonds européen de stabilité financière ou pas, est-ce qu’un accord a été trouvé ?
R - Non, pas à l’heure où je parle, les décisions ne sont pas encore totalement arrêtées, mais il est bien évident, et j’en suis totalement convaincu, que le président de la République et la chancelière trouveront les formules pour que cet accord se fasse à l’occasion du Sommet.
Q - Alors, il y a le Conseil européen décisif, peut-être pas définitif mais décisif, dimanche, et puis, il y a bien sûr le G20 qui va se dérouler à Cannes le 3 novembre. Vous, vous vous occupez du G20 Développement, en l’occurrence il y a une réunion ministérielle à Washington, demain il y a une Conférence G20 Développement. Ca sert à quoi le G20 Développement ?
R - Cela sert à affirmer que le G20 ce n’est pas simplement le lieu où les chefs d’État et de gouvernement viennent parler de finances. C’est le visage humain de la rencontre des chefs d’État des pays les plus puissants du monde et des pays émergents, qui analysent la situation et qui font le constat qu’une politique de développement est absolument indispensable pour avoir des perspectives de croissance dans le monde, pour favoriser la paix et la sécurité dans le monde.
Q - Mais ce visage il est masqué par les mauvais chiffres, l’aide au développement est en réduction de partout donc c’est difficile la coopération quand on est soi-même dans une crise sans précédent
R - Non parce que l’Aide publique au Développement, par exemple en France, ne diminue pas bien au contraire, elle a augmenté depuis 2007 dans des proportions importantes et elle a été sanctuarisée au niveau budgétaire…
Q - … oui, mais dans la réalité, en tout cas ce que disent de nombreuses associations, c’est que dans la réalité on est loin du compte.
R - Eh bien non ! J’ai des réunions avec les ONG et nous discutons de tous les paramètres qui font le développement. Je peux vous dire que cela ne diminue pas à l’échelon mondial, c’est tout de même 129 milliards de dollars qui sont consacrés au développement et il faut d’ailleurs que l’on en trouve plus.
Q - Alors ce G20 Développement il va entériner quels types de nouvelles actions peut-être ?
R - La France a voulu que le G20 Développement soit concret, c’est la raison pour laquelle nous nous sommes concentrés sur quelques thèmes seulement, alors que l’on aurait pu en choisir de nombreux.
Ces thèmes sont de trois ordres : premièrement, la sécurité alimentaire ; deuxièmement, les infrastructures - si l’on veut développer les marchés, si l’on veut développer l’économie, il faut qu’il y ait de l’eau, de l’électricité, des routes, des trains, du transport fluvial ; et enfin pour faire face aux besoins nouveaux, par exemple le changement climatique, les besoins supplémentaires sur le plan énergétique, il nous faut des financements nouveaux
Q - Et donc là, vous allez mettre en œuvre des financements nouveaux à l’occasion de ce G20 ? Il y aura une signature ?
R - Sur la table de travail des chefs d’État et de gouvernement, il y aura en matière d’infrastructures la proposition d’une liste de grands projets réalisables, avec les maîtres d’ouvrages et ceux qui peuvent les financer ; pour la sécurité alimentaire, ce sont bien sûr les travaux qui ont été fait dans le domaine agricole du G20 Agricole, auquel on ajoute des stocks alimentaires d’urgence pour éviter, par exemple hélas, ce qui s’est passée dans la Corne de l’Afrique il y a quelques semaines ; et troisièmement, les financements innovants avec en particulier la proposition commune de la France et de l’Allemagne de la création d’une taxe sur les transactions financières
Q - Ceux qui peuvent les financer aujourd’hui ce sont les Chinois, les Indiens, les Brésiliens…
R - Non, la taxe sur les transactions financières, nous espérons qu’elle aura une vocation universelle, en tout cas le plus rapidement possible. Et si cela n’est pas possible tout de suite, on essayera de déterminer un groupe pionnier suffisamment nombreux pour que cette taxe produise des effets rapidement.
Q - Cela veut donc dire qu’il n’y aura pas l’adoption d’une taxe sur les transactions financières au G20 ?
R - C’est exactement l’inverse, nous espérons très vivement qu’au G20, il y aura la décision politique.
Q - Oui, mais…
R - Ce sont les chefs d’État et de gouvernement qui décident et donc ce sont eux qui, j’espère, se mettront d’accord pour l’instauration de cette taxe sur les transactions financières.
Q - Quelle sera la part justement qui sera imputable aux pays en développement ?
R - Alors, c’est la deuxième étape puisque vous savez qu’il y a un débat à l’intérieur sur l’affectation du produit de cette taxe : certains prétendent qu’elle pourrait être utilisée à la réduction de la dette et des déficits publics, et d’autres qu’il faut en réserver l’essentiel au financement du développement. Il faut simplement trouver un équilibre entre les deux.
Q - Et vous votre position, Henri de Raincourt, la position française ?
R - Moi, ma position est que le produit attendu de la taxe fixée, qui a été estimé par la Commission européenne à 55 milliards sur le plan global, ne pourra pas permettre de diminuer d’une manière substantielle la dette, ni de réduire les déficits publics. Par conséquent il faut qu’il y ait une part très importante qui soit réservée aux financements du développement, il en va de l’avenir de continent entier, il en va, très certainement, de la paix et de la sécurité dans le monde, dans les décennies qui viennent.
Q - Henri de Raincourt, une question, peut être plus de politique intérieure. Je disais, vous avez été 25 ans Sénateur, vous avez été élu en 1986 Sénateur de l’Yonne, vous avez été aussi Ministre des Relations avec le Parlement. Lorsque vous voyez « votre » Sénat passer à gauche - en plus vous, vous présidiez le groupe UMP au Sénat - cela vous a fait un drôle d’effet, c’est un choc ?
R - C’est la loi de la démocratie….
Q - Oui, on est bien d’accord.
R - … je la respecte.
Q - Vous vous attendiez à une telle vague ?
R - J’ai eu la faiblesse de dire que pour ce qui me concerne, j’avais prédit qu’effectivement la majorité basculerait, non pas tant parce que le corps électoral sénatorial résulte des dernières élections qui ont marqué une victoire de la gauche, mais que comme à chaque fois, la droite se déchire dans un certain nombre de départements, ce qui nous fait perdre des sièges.
Q - Et vous savez de quoi vous parlez, puisque vous avez été Républicain indépendant, donc vous n’êtes pas un UMP « pur jus » ?
R - Je sais ce que les divisions coûtent à notre formation politique, à notre majorité présidentielle ce qui me désole c’est que les expériences des uns ne semblent jamais servir aux autres.
Q - Les primaires socialistes, est-ce que cela peut vous inspirer, notamment est-ce que cela doit inspirer la droite, vous qui êtes un sage ?
R - Écoutez, nous n’avons pas à nous pencher là-dessus pour 2012, puisque nous avons la chance d’avoir un candidat idéal pour se présenter aux élections, c’est le président Nicolas Sarkozy…
Q - On ne sait toujours pas s’il est candidat ou pas !
R - La décision dépend de lui et je pense effectivement que les primaires sont en train de s’installer dans le paysage politique.
Q - Et c’est une bonne chose ? Vous avez plutôt un avis positif sur ce qui s’est passé à gauche ?
R - Écoutez, on en a fait tout un tintamarre avec la désignation du candidat socialiste ces dernières semaines. Mais les primaires ont existé depuis longtemps dans les départements parfois pour désigner des candidats à des élections plus locales. Je crois que c’est un outil démocratique qui va dans le sens d’une modernisation effectivement de notre fonctionnement politique.
Q - Merci beaucoup, donc G20 Développement demain …
R - Grand conférence internationale et surtout une ouverture sur la société civile, aux associations, aux étudiants, nous accueillons des élèves. Nous ne voulons pas que le G20 soit considéré simplement comme le rassemblement de technocrates et de spécialistes parce que le G20 ça concerne la vie quotidienne de tout le monde.
Q - Surtout quand il s’agit du G20 Développement. Merci, Monsieur le Ministre, d’avoir été avec nous.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 novembre 2011