Déclaration de M. Henri de Raincourt, ministre de la coopération, sur l'action de la France en faveur de la stabilisation et de la sécurité de l'Afghanistan et des Etats d'Asie centrale, à Istanbul le 2 novembre 2011.

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Circonstance : Déplacement en Turquie à l'occasion de la Conférence d'Istanbul sur l'Afghanistan, le 2 novembre 2011

Texte intégral

Messieurs les co-présidents,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,
Je veux d’abord remercier chaleureusement le ministre des Affaires étrangères et le gouvernement turc pour les efforts remarquables qu’ils ont déployés pour cette conférence co-organisée avec le gouvernement afghan. Nous sommes aujourd’hui rassemblés à un moment décisif, qui demande la participation de tous aux efforts de stabilisation de l’Afghanistan.
1 - Dix ans après le déclenchement des opérations militaires contre les auteurs des attentats du 11 septembre, une nouvelle phase se prépare :
- L’action de la coalition, les coups portés au terrorisme international et la montée en puissance des forces afghanes ont permis de lancer le processus de transition : les autorités afghanes vont reprendre l’ensemble des responsabilités de sécurité d’ici 2014, date à laquelle les troupes de la coalition auront quitté le pays. Les attentats que les Taliban continuent à perpétrer montrent que la partie n’est pas gagnée, mais nous sommes résolus à faire réussir cette stratégie.
- L’Afghanistan est également engagé dans un processus politique en vue de parvenir à une réconciliation de l’ensemble de la société afghane autour des valeurs inscrites dans sa constitution. L’assassinat de l’ancien président Rabbani montre à quels obstacles se heurte cette volonté de reconstruire l’unité nationale.
- Enfin, les partenaires de la coalition et l’OTAN ont engagé les travaux sur la forme que prendra leur soutien, passé la période de transition. Cette approche sera différente et portera sur le renforcement des structures de l’État afghan, l’appui à la lutte contre le terrorisme et le développement de l’économie. Pour la France, c’est tout l’objet du traité d’amitié et de coopération annoncé par le président de la République et le président Karzaï cet été et que nous devrions conclure d’ici la fin de l’année.
2 - Tout ceci peut aboutir, pourvu que nous maîtrisions un phénomène encore redoutable : l’amplification des perturbations afghanes par la situation régionale, et vice-versa. Chacun sait les risques que font peser, pour tous les États, les foyers d’instabilité demeurant en Afghanistan. Nous voyons tous que les groupes terroristes ne connaissent pas de frontières. Nous voyons tous que les réseaux de la drogue déstabilisent toutes les structures le long des routes amenant l’héroïne vers le nord, vers l’ouest et vers le sud. Nous voyons tous que les factions remettant en cause l’intégrité territoriale de l’Afghanistan menacent aussi l’intégrité territoriale des voisins de ce pays. Et ces phénomènes devraient s’accélérer, alors que se multiplient les échanges le long de ce vaste espace allant de l’Océan indien jusqu’au nord de l’Asie centrale.
Chacun sait aussi que trop longtemps, l’Afghanistan a servi de théâtre aux rivalités régionales et internationales, qui ont exacerbé ses tensions intérieures. Face aux fléaux du terrorisme et de la drogue, l’heure n’est plus aux rivalités mais à l’action collective.
Tel est bien l’enjeu de notre conférence, par les décisions qu’elle va prendre et qu’elle prépare. La déclaration adoptée aujourd’hui formule déjà trois engagements-clés :
- la non-ingérence dans les affaires intérieures de l’Afghanistan afin de ne pas faire le jeu de factions intérieures et ne pas entraver les efforts du gouvernement afghan en faveur de la réconciliation nationale, déjà été mis durement à l’épreuve par l’assassinat du président Rabbani ;
- le respect de l’intégrité territoriale de ce pays qui a trop souffert des ingérences et des invasions ;
- et le refus de laisser se développer à nouveau des sanctuaires pour les terroristes, en Afghanistan ou ailleurs.
3 - Outre les engagements d’Istanbul, notre conférence lance un processus qui doit permettre d’avancer dans la mise en place d’un véritable système de sécurité collective en Asie Centrale. La France, qui a toujours soutenu les approches régionales sur les questions de sécurité, est prête à apporter toute son aide pour bâtir cette architecture collective en Asie centrale : l’énonciation de principes communs, la mise en place de mécanismes de prévention et de règlement des conflits, l’adoption de mesures de confiance et de transparence. Je constate que beaucoup d’États membres de l’Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe sont présents dans cette salle : l’expérience d’Helsinki, qui a créé un système de sécurité collective à l’échelle d’un continent, peut nous guider aujourd’hui.
Dès maintenant, la France propose que les États de la région s’engagent sur des conventions permettant de mieux contrôler et d’empêcher l’accès des terroristes aux armes et aux matériels sensibles. Nous proposons également que soit renforcée l’entraide judiciaire et que les États parties à ces mécanismes s’engagent à poursuivre ou extrader les personnes mises en cause pour des actes de terrorisme.
4 - Cette perspective politique doit s’accompagner de projets économiques structurants pour l’ensemble de la région et je me réjouis que de nombreuses initiatives aient été lancées dans ce domaine. Le projet de la «nouvelle route de la soie» a fixé l’objectif de créer une zone de libre échange dans la région. Le G8, sous Présidence française, s’est aussi penché sur la question des infrastructures : avec tous nos partenaires de la région, nous avons travaillé à développer des réseaux ferroviaires interconnectés, à créer une Autorité nationale des Chemins de fer afghans, et à favoriser l’interconnexion des réseaux électriques. La formation de personnels de santé est également prometteuse et nous soutenons le projet porté par la fondation Agha Khan.
Ces projets de long terme bénéficieront de la dynamique politique que les États de la région sauront créer. De notre coté, nous allons mobiliser l’Union européenne, qui peut apporter toute son expérience des projets transnationaux.
Mesdames et Messieurs, la Conférence d’Istanbul est décisive par les engagements qui y sont pris par les États de la région et les perspectives qu’elle ouvre vers la réalisation de l’objectif que nous visons tous : un Afghanistan apaisé, libéré des vieux démons de l’histoire. C’est bien toute la région qui en bénéficiera, au-delà du peuple afghan lui-même.
Ici à Istanbul, la France réitère son soutien au gouvernement afghan et au président Karzaï, pour que réussisse notre stratégie commune. Nous formons le vœu que la stabilisation de la situation en Afghanistan ouvre la voie à un avenir de sécurité et de prospérité au cœur de l’Asie. Nous avons confiance dans la volonté des États de la région d’avancer.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 novembre 2011