Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, en réponse à une question sur l'accord conclu à Bruxelles le 26 octobre par les chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro, au Sénat le 27 octobre 2011.

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Circonstance : Question au gouvernement posée par M. Jean-Pierre Chevènement, sénateur (Rassemblement démocratique et social européen - RDSE) du Territoire de Belfort, au Sénat le 27 octobre 2011

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Je voulais commencer mon propos en disant que chacun savait le grand respect que j’ai depuis très longtemps pour Jean-Pierre Chevènement et pour la qualité et la pertinence de ses analyses qui sont rarement médiocres. Elle ne l’était pas d’ailleurs aujourd’hui sauf cette conclusion qui n’est pas tout à fait à la hauteur des qualités de Jean-Pierre Chevènement que je me plais ici à souligner. Si les analyses pertinentes, Monsieur Chevènement, sont aisées à faire, vous conviendrez avec moi qu’il est plus difficile de mettre 17 pays d’accord surtout lorsqu’ils ont des cultures, des histoires qui sur beaucoup de sujets et notamment sur ces questions financières les opposent. Et donc vous me permettrez de vous dire d’abord avant d’imaginer l’accord idéal que nous aurions pu obtenir quels sont les points extrêmement positifs qui ont été obtenus hier grâce à une mobilisation très forte du président de la République française et de la chancelière allemande dont le travail de compromis a été fondamental pour éviter ce qui aurait été une catastrophe, c’est-à-dire une absence d’accord hier soir.
Le premier point positif c’est le fait qu’on a définitivement abandonné l’idée qu’on pourrait lâcher un pays de la zone euro. Cette idée a été longtemps défendue par un certain nombre d’Etats qui considéraient qu’après tout il n’y avait qu’à laisser tomber la Grèce. Nous avons trouvé hier des solutions difficiles mais qui permettent d’apporter 100 milliards d’euros supplémentaires d’aide à la Grèce, qui permettent de réduire de 50 % sa dette en faisant appel seulement aux créanciers privés dans des conditions qui devraient permettre à l’économie grecque de se redresser. C’est très important parce que, comme vous l’avez souligné vous-même, les attaques spéculatives contre les autres pays sont liées au fait que les milieux financiers avaient le sentiment que l’Union européenne n’était pas capable de résoudre la crise grecque.
Si nous arrivons à endiguer les attaques contre la Grèce, alors une grande partie des attaques qui se sont portées de façon peu cohérente, peu réaliste sur d’autres pays de la zone euro cesseront.
La deuxième chose, c’est que nous avons un Fonds européen de stabilité financière qui est renforcé. C’est vrai que cela n’est pas la banque que nous aurions voulu adosser à la Banque centrale européenne, c’est vrai qu’il a fallu trouver un compromis avec l’Allemagne mais je vous rappelle que de son côté l’Allemagne ne voulait pas entendre parler il y a quelques semaines d’un effet de levier du Fonds européen de stabilité. Nous avons trouvé ce compromis, c’est une étape très importante. Et là aussi permettez-moi d’attirer votre attention sur le fait qu’il y a un an il n’y avait aucun instrument de défense de la stabilité de la zone euro.
Enfin, nous avons trouvé un accord sur la recapitalisation des banques qui est un accord cohérent, qui permettra une recapitalisation dans l’ordre et en faisant appel essentiellement au secteur privé, c’est-à-dire aux résultats des banques elles-mêmes et non pas au fonds publics.
Enfin, France et Allemagne se sont mis d’accord, l’ensemble des pays de la zone d’euro se sont mis d’accord sur la mise en œuvre d’un gouvernement économique. Je sais bien qu’il est facile de dire que deux rendez-vous par an cela n’est pas tout à fait un gouvernement économique mais en même temps c’est une dynamique qui est enclenchée par rapport à une époque où le seul fait de réunir les chefs d’Etat de la zone euro était impossible.
Alors là où Jean-Pierre Chevènement a parfaitement raison c’est que cela n’est qu’une étape et tous ceux qui avaient combattu le traité de Maastricht dont je faisais partie disaient à l’époque "il n’est pas raisonnable de mettre en place une union monétaire avant d’avoir résolu les problèmes de l’union politique. Il n’est pas raisonnable de mettre en place une union monétaire sans mettre en place les instruments nécessaires au pilotage de cette union monétaire". D’une certaine façon, aujourd’hui la crise que nous connaissons donne raison à ces analyses. Il va donc falloir réviser les traités et c’est la décision qui a été prise par l’ensemble des chefs d’Etat et de gouvernement hier soir. C’est une décision lourde de conséquences, tout cela va prendre beaucoup de temps, va nécessiter des débats.
Je vous livre simplement mon avis personnel, nous devrons aller vers une union intergouvernementale très forte des pays de la zone euro et au cœur de cette union intergouvernementale il y a un rapprochement franco-allemand qui ne peut plus être seulement symbolique, qui doit faire l’objet d’un travail en commun de convergence de nos économies.
Voilà, Mesdames et Messieurs, Monsieur le ministre Chevènement, je pense que nous sommes à un moment clé de notre histoire dans la mesure où nous n’assistons pas à des changements du monde mais le monde a changé profondément sans peut-être que certains d’entre nous ne s’en soient rendus compte, et la question que nous adresse l’histoire maintenant, c’est, est-ce que nous allons être capables, et notamment nous les forces politiques françaises, de trouver des points d’accord pour permettre une mutation qui est absolument fondamentale à l’avenir de la civilisation européenne.
Source http://www.gouvernement.fr, le 7 novembre 2011