Entretien de M. Henri de Raincourt, ministre de la coopération, avec RFI le 2 novembre 2011, sur l'action de la France en faveur de la résolution du différend entre le Pakistan et l'Afghanistan.

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Circonstance : Déplacement en Turquie à l'occasion de la Conférence d'istanbul sur l'Afghanistan, le 2 novembre 2011

Média : Radio France Internationale

Texte intégral

Q - Dix ans après, le différend entre le Pakistan et l’Afghanistan ne semble pas s’arranger, comment voyez-vous les choses ?
R - J’aurais plutôt tendance à dire : un pas devant l’autre et toujours recommencer. Même si les choses peuvent parfois être difficiles, il faut saisir les occasions de rencontres, d’échanges qui permettent de lever les difficultés qui peuvent surgir ici ou là. Je pense que la Conférence d’Istanbul est un succès parce qu’elle a permis de réunir autour de la table les pays de la région, un certain nombre d’autres pays et de grandes organisations internationales. Tous se sont retrouvés autour de grands principes : le respect territorial, la non-ingérence... Ce n’est pas rien.
Q - Ce ne sont, ceci dit, que des rappels de principes de bon voisinage, mais est-ce qu’il y a une avancée particulière ? Avez-vous senti qu’il y avait eu un pas en avant, quelque chose de concret et de sérieux, ou pas vraiment ?
R - Si les affaires internationales dans des secteurs particulièrement sensibles pouvaient se résoudre par miracle, comme par enchantement, on le constaterait ici ou là sur la planète depuis longtemps. On n’efface pas des difficultés comme cela, au détour d’une conférence ou d’une rencontre, même avec de la bonne volonté. Il faut du temps ; il faut apprendre à se connaître ; il faut partager une même vision du besoin d’avoir la stabilité et une organisation institutionnelle qui soit la meilleure possible. Je ne crois pas vraiment, encore une fois, à la politique du grand soir, mais plutôt à la politique du petit jour.
Q - Pensez-vous que l’on peut réussir dans cette région et autour de l’Afghanistan et de son conflit avec le Pakistan - même s’il est larvé - avec la mise en place d’une institution du modèle OSCE ?
R - La France en la matière a fait des propositions extrêmement claires et précises ; elles sont sur la table. Nous sommes totalement disponibles pour en discuter avec les acteurs de la région. Certains peuvent y être favorables, d’autres un peu moins. Ce qui compte en la matière comme en toute chose, c’est d’être imaginatif et persévérant. Je crois qu’au fond, ce sont là deux des qualités essentielles de la diplomatie : il ne faut jamais renoncer ; il faut toujours espérer qu’un jour ou l’autre ce qui n’était pas possible hier deviendra possible demain ou après-demain.
Au moment où la transition s’opère entre les pays de la coalition vers un appui civil d’autant plus conséquent que le nombre de militaires va aller en diminuant, il faut absolument que les dix dernières années qui ont marqué d’une manière tout à fait spécifique la vie en Afghanistan soit une occasion saisie et réussie de reconfigurer, avec la bonne volonté des uns et des autres, les relations dans cette région du monde.
Q - Avez-vous senti auprès des principaux États concernés - l’Afghanistan avant tout - la volonté, la possibilité de discuter avec les talibans ?
R - Je crois avoir compris il y a déjà un certain temps que les autorités afghanes aujourd’hui sont décidées, dans un processus de réconciliation nationale, à discuter avec tout le monde. A partir du moment où l’on s’engage dans ce type de processus, cela veut dire que l’on n’exclut personne. Mais il faut que ses propres interlocuteurs eux-mêmes fassent un geste, c’est-à-dire renoncent au terrorisme.
Q - Donc là, il n’y a pas eu d’avancée particulière ?
R - Tout cela est un processus global, il n’y a pas eu de recul non plus. Quelles que soient les difficultés, la volonté des autorités afghanes est de s’engager résolument dans un processus de réconciliation nationale, parce que c’est sans doute là comme ailleurs un des seuls moyens de s’en sortir. Il faut que cela repose aussi, tout simplement sur une notion que l’on voit figurer dans un certain nombre de documents : la confiance réciproque. Les rencontres concourent à établir et à conforter, petit à petit, ce sentiment de confiance sans lequel on ne peut rien faire.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 novembre 2011