Texte intégral
Le 6 décembre 1999, j'étais venu, dans cette préfecture de Région, installer la mission confiée à M. Jean-Pierre GERONDEAU, en présence d'un certain nombre des personnalités réunies à nouveau aujourd'hui.
Cette mission s'inscrivait alors dans un contexte de crise sectorielle qui avait conduit un certain nombre de représentants professionnels agricoles à venir me voir pour que nous puissions ensemble réfléchir à la recherche des voies d'un nouveau développement, d'un développement pérenne, de l'agriculture et de l'agro-alimentaire bretons.
En juillet 2000, le préfet de région et Jean-Pierre GERONDEAU proposaient à tous les acteurs bretons concernés l'élaboration d'une Charte fixant les orientations d'un tel développement. C'est ce document que nous signons aujourd'hui.
D'autres l'ont dit avant moi, le premier intérêt de cette charte est que son élaboration a donné lieu à un travail fondamental de diagnostic et de définition d'orientations stratégiques qui a associé l'ensemble des acteurs concernés.
La mission de M. Gérondeau n'était pas, en effet, de proposer la solution mais de recueillir les aspirations des acteurs et de vous aider à les transformer en une ambition collective. Je veux remercier et féliciter Jean-Pierre GERONDEAU de la qualité de son travail. Cela correspond parfaitement à l'esprit et à la lettre de sa mission.
Cette charte associe aujourd'hui une quarantaine de signataires. Parmi ceux-ci figurent - notamment - les collectivités régionales et départementales, les chambres consulaires, les organisations professionnelles agricoles, et de nombreux organismes publics ou investis de missions de service public ; cette charte associe également - et j'y insiste - les grands groupes coopératifs agricoles ou groupes industriels de l'agro-alimentaires dont on sait le poids dans la détermination des conditions économiques de la production agricole ; je souhaiterais enfin souligner - pour m'en féliciter - la signature de la charte par d'importantes associations de consommateurs.
Que dit cette charte ? Elle n'est pas un acte d'accusation ni de condamnation du passé. Elle ne méconnaît pas les enjeux économiques et sociaux qui ont fondé le développement de ce modèle de production ni que celui-ci a longtemps été en adéquation à la fois avec une certaine demande sociale et avec l'état des marchés.
Mais cette Charte fait aussi le constat lucide des faiblesses de ce modèle en s'accordant à reconnaître, par exemple :
- que la recherche du volume des productions a mis au second rang celle de la valeur ajoutée qui contribue tout autant au revenu des agriculteurs et permet de limiter la vulnérabilité aux crises conjoncturelles ;
- que les attentes de l'aval et notamment des consommateurs justifient des efforts supplémentaires dans la mise au point de produits nouveaux, dans la segmentation des productions, dans la transparence des conditions de production ;
- enfin, que l'élevage intensif a eu des graves conséquences sur la qualité de l'eau et qu'il est indispensable pour la Bretagne toute entière, mais aussi pour l'avenir des produits agricoles bretons, d'engager des actions résolues et efficaces pour revenir à la normale.
Devant cette fragilité grandissante, cette Charte nous propose une ambition et un cadre pour mobiliser les efforts de tous en vue de maintenir, sur une base renouvelée, la place de l'agriculture et de l'agroalimentaire dans l'économie et la vie sociale de votre région.
Cela exige une réorientation forte qui permette de sortir des crises économiques cycliques ou à répétition ; qui brise aussi et surtout cette assimilation destructrice entre production et pollution.
Cette charte, je l'ai dit, constitue une étape importante ; il ne s'agit toutefois que d'une étape. Elle n'a de sens que si elle est suivie d'un plan d'actions engageant les uns et les autres dans des programmes opérationnels. Opérationnels cela signifie dans mon esprit que ce plan d'actions devra être fondé sur des objectifs quantifiés, des calendriers clairs, des maîtrises d'ouvrage identifiés, des coûts budgétaires chiffrés et clairement répartis.
Ce plan d'actions qu'il nous faut élaborer avant la fin de cette année, recevra l'appui de l'Etat, aussi bien dans sa conception que dans sa mise en uvre. Sans attendre l'achèvement de ce plan d'actions, je proposerai au Premier ministre que la démarche qui s'engage aujourd'hui soit clairement reconnue et confirmée, dans sa méthode, ses orientations et ses thématiques d'actions prioritaires. Un prochain comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) pourrait nous en donner l'occasion.
Pour ce qui concerne la méthode, je crois qu'elle doit d'abord se fonder sur un dialogue élargi à tous les acteurs, prenant notamment en compte la place des territoires. J'attache ainsi beaucoup de prix à ce que les enjeux économiques et environnementaux liés à l'agriculture soient pleinement intégrés dans l'élaboration en cours des chartes de Pays. Les Pays sont des lieux de dialogue très pertinents pour associer tous les acteurs et faire toute leur place aux habitants des territoires dans la réflexion sur leur projet de vie et de développement.
Les actions prioritaires à conduire devront porter évidemment sur la qualité de l'eau : on évalue à environ 100 000 tonnes d'unités d'azote l'excédent annuel en Bretagne. Nous devrons définir précisément, par bassin, et sous-bassin, les objectifs quantifiés et les moyens de réduire significativement ces excédents par le jeu combiné d'une maîtrise de la production, cohérente avec l'application du cadre réglementaire, et d'un plan de résorption que l'Etat est prêt à accompagner, en partenariat avec les Collectivités Locales et l'Agence de l'Eau, sur la base de démarches organisées et novatrices.
Cette reconquête de l'eau passera aussi par une modification des pratiques agronomiques pour que l'éleveur soit aussi pleinement un agronome. Tel est l'ambition du programme " éleveur- agronome " dont vous m'avez présenté les prémices, au SPACE 2000. Je vous invite à le concrétiser rapidement.
Il convient enfin que les réglementations nationales et européennes soient strictement respectées.
Je retiens aussi comme deuxième piste d'actions la volonté de mieux répondre aux attentes des consommateurs par des démarches fondées sur la recherche de la transparence, la qualification et la certification, la diversification des produits, la segmentation des marchés, l'amélioration de l'image et, bien-sûr, la sécurité sanitaire des produits.
Enfin, une dernière action prioritaire devrait porter sur l'adaptation et la qualification des emplois : avec près de 60 000 salariés, les 1000 établissements industriels agroalimentaires représentent la moitié du chiffre d'affaire et un tiers des emplois des industries bretonnes. Dans ce contexte la qualification des hommes et des femmes impliqués dans ces activités représente un enjeu important.
En deux mots simples, les deux objectifs stratégiques qui devraient guider ce plan d'actions sont, d'une part, la valorisation des produits et des emplois, d'autre part, la maîtrise de la production et de ses impacts environnementaux et sanitaires.
La charte que nous allons signer maintenant se limite nécessairement à des orientations. Mais sa portée est d'ampleur. Le défi qu'elle a pour ambition de relever est en effet de faire en sorte que la Bretagne garde toute sa place dans l'économie agricole de notre pays tout en s'adaptant aux termes du nouveau contrat qui s'élabore entre la société et son agriculture.
Sa mise en uvre nécessite un important investissement humain avec l'exigence de gérer l'évolution, sans exclusion ni démission.
Elle reposera sur l'engagement de tous :
- car, chacun le sait, que l'enjeu de la qualité de l'eau concerne tout le monde et l'objectif de reconquête dépend de la mobilisation de tous, dont notamment mais pas seulement des agriculteurs ;
- car la réorientation des modes de production ne se fera qu'au travers d'une solidarité renforcée et durable entre l'aval et l'amont des filières.
Cette charte a une grande et double ambition : d'abord, prouver que l'on peut, que l'on doit, conjuguer agriculture et environnement, sans que cela soit un handicap économique ; ensuite que l'on peut échapper à la spirale autoritaire de l'interdiction et de la sanction si l'on sait jouer à la fois de la mobilisation et de la responsabilité.
Un défi que nous nous devons de réussir ensemble ; mais la Bretagne en a réussi d'autres Elle dispose en effet pour cela des ressources humaines, intellectuelles, scientifiques et techniques nécessaires. L'Etat, soyez-en assuré, vous accompagnera. Je ne doute pas de votre implication et de notre réussite. Je vous remercie.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le16 mai 2001
Cette mission s'inscrivait alors dans un contexte de crise sectorielle qui avait conduit un certain nombre de représentants professionnels agricoles à venir me voir pour que nous puissions ensemble réfléchir à la recherche des voies d'un nouveau développement, d'un développement pérenne, de l'agriculture et de l'agro-alimentaire bretons.
En juillet 2000, le préfet de région et Jean-Pierre GERONDEAU proposaient à tous les acteurs bretons concernés l'élaboration d'une Charte fixant les orientations d'un tel développement. C'est ce document que nous signons aujourd'hui.
D'autres l'ont dit avant moi, le premier intérêt de cette charte est que son élaboration a donné lieu à un travail fondamental de diagnostic et de définition d'orientations stratégiques qui a associé l'ensemble des acteurs concernés.
La mission de M. Gérondeau n'était pas, en effet, de proposer la solution mais de recueillir les aspirations des acteurs et de vous aider à les transformer en une ambition collective. Je veux remercier et féliciter Jean-Pierre GERONDEAU de la qualité de son travail. Cela correspond parfaitement à l'esprit et à la lettre de sa mission.
Cette charte associe aujourd'hui une quarantaine de signataires. Parmi ceux-ci figurent - notamment - les collectivités régionales et départementales, les chambres consulaires, les organisations professionnelles agricoles, et de nombreux organismes publics ou investis de missions de service public ; cette charte associe également - et j'y insiste - les grands groupes coopératifs agricoles ou groupes industriels de l'agro-alimentaires dont on sait le poids dans la détermination des conditions économiques de la production agricole ; je souhaiterais enfin souligner - pour m'en féliciter - la signature de la charte par d'importantes associations de consommateurs.
Que dit cette charte ? Elle n'est pas un acte d'accusation ni de condamnation du passé. Elle ne méconnaît pas les enjeux économiques et sociaux qui ont fondé le développement de ce modèle de production ni que celui-ci a longtemps été en adéquation à la fois avec une certaine demande sociale et avec l'état des marchés.
Mais cette Charte fait aussi le constat lucide des faiblesses de ce modèle en s'accordant à reconnaître, par exemple :
- que la recherche du volume des productions a mis au second rang celle de la valeur ajoutée qui contribue tout autant au revenu des agriculteurs et permet de limiter la vulnérabilité aux crises conjoncturelles ;
- que les attentes de l'aval et notamment des consommateurs justifient des efforts supplémentaires dans la mise au point de produits nouveaux, dans la segmentation des productions, dans la transparence des conditions de production ;
- enfin, que l'élevage intensif a eu des graves conséquences sur la qualité de l'eau et qu'il est indispensable pour la Bretagne toute entière, mais aussi pour l'avenir des produits agricoles bretons, d'engager des actions résolues et efficaces pour revenir à la normale.
Devant cette fragilité grandissante, cette Charte nous propose une ambition et un cadre pour mobiliser les efforts de tous en vue de maintenir, sur une base renouvelée, la place de l'agriculture et de l'agroalimentaire dans l'économie et la vie sociale de votre région.
Cela exige une réorientation forte qui permette de sortir des crises économiques cycliques ou à répétition ; qui brise aussi et surtout cette assimilation destructrice entre production et pollution.
Cette charte, je l'ai dit, constitue une étape importante ; il ne s'agit toutefois que d'une étape. Elle n'a de sens que si elle est suivie d'un plan d'actions engageant les uns et les autres dans des programmes opérationnels. Opérationnels cela signifie dans mon esprit que ce plan d'actions devra être fondé sur des objectifs quantifiés, des calendriers clairs, des maîtrises d'ouvrage identifiés, des coûts budgétaires chiffrés et clairement répartis.
Ce plan d'actions qu'il nous faut élaborer avant la fin de cette année, recevra l'appui de l'Etat, aussi bien dans sa conception que dans sa mise en uvre. Sans attendre l'achèvement de ce plan d'actions, je proposerai au Premier ministre que la démarche qui s'engage aujourd'hui soit clairement reconnue et confirmée, dans sa méthode, ses orientations et ses thématiques d'actions prioritaires. Un prochain comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) pourrait nous en donner l'occasion.
Pour ce qui concerne la méthode, je crois qu'elle doit d'abord se fonder sur un dialogue élargi à tous les acteurs, prenant notamment en compte la place des territoires. J'attache ainsi beaucoup de prix à ce que les enjeux économiques et environnementaux liés à l'agriculture soient pleinement intégrés dans l'élaboration en cours des chartes de Pays. Les Pays sont des lieux de dialogue très pertinents pour associer tous les acteurs et faire toute leur place aux habitants des territoires dans la réflexion sur leur projet de vie et de développement.
Les actions prioritaires à conduire devront porter évidemment sur la qualité de l'eau : on évalue à environ 100 000 tonnes d'unités d'azote l'excédent annuel en Bretagne. Nous devrons définir précisément, par bassin, et sous-bassin, les objectifs quantifiés et les moyens de réduire significativement ces excédents par le jeu combiné d'une maîtrise de la production, cohérente avec l'application du cadre réglementaire, et d'un plan de résorption que l'Etat est prêt à accompagner, en partenariat avec les Collectivités Locales et l'Agence de l'Eau, sur la base de démarches organisées et novatrices.
Cette reconquête de l'eau passera aussi par une modification des pratiques agronomiques pour que l'éleveur soit aussi pleinement un agronome. Tel est l'ambition du programme " éleveur- agronome " dont vous m'avez présenté les prémices, au SPACE 2000. Je vous invite à le concrétiser rapidement.
Il convient enfin que les réglementations nationales et européennes soient strictement respectées.
Je retiens aussi comme deuxième piste d'actions la volonté de mieux répondre aux attentes des consommateurs par des démarches fondées sur la recherche de la transparence, la qualification et la certification, la diversification des produits, la segmentation des marchés, l'amélioration de l'image et, bien-sûr, la sécurité sanitaire des produits.
Enfin, une dernière action prioritaire devrait porter sur l'adaptation et la qualification des emplois : avec près de 60 000 salariés, les 1000 établissements industriels agroalimentaires représentent la moitié du chiffre d'affaire et un tiers des emplois des industries bretonnes. Dans ce contexte la qualification des hommes et des femmes impliqués dans ces activités représente un enjeu important.
En deux mots simples, les deux objectifs stratégiques qui devraient guider ce plan d'actions sont, d'une part, la valorisation des produits et des emplois, d'autre part, la maîtrise de la production et de ses impacts environnementaux et sanitaires.
La charte que nous allons signer maintenant se limite nécessairement à des orientations. Mais sa portée est d'ampleur. Le défi qu'elle a pour ambition de relever est en effet de faire en sorte que la Bretagne garde toute sa place dans l'économie agricole de notre pays tout en s'adaptant aux termes du nouveau contrat qui s'élabore entre la société et son agriculture.
Sa mise en uvre nécessite un important investissement humain avec l'exigence de gérer l'évolution, sans exclusion ni démission.
Elle reposera sur l'engagement de tous :
- car, chacun le sait, que l'enjeu de la qualité de l'eau concerne tout le monde et l'objectif de reconquête dépend de la mobilisation de tous, dont notamment mais pas seulement des agriculteurs ;
- car la réorientation des modes de production ne se fera qu'au travers d'une solidarité renforcée et durable entre l'aval et l'amont des filières.
Cette charte a une grande et double ambition : d'abord, prouver que l'on peut, que l'on doit, conjuguer agriculture et environnement, sans que cela soit un handicap économique ; ensuite que l'on peut échapper à la spirale autoritaire de l'interdiction et de la sanction si l'on sait jouer à la fois de la mobilisation et de la responsabilité.
Un défi que nous nous devons de réussir ensemble ; mais la Bretagne en a réussi d'autres Elle dispose en effet pour cela des ressources humaines, intellectuelles, scientifiques et techniques nécessaires. L'Etat, soyez-en assuré, vous accompagnera. Je ne doute pas de votre implication et de notre réussite. Je vous remercie.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le16 mai 2001