Texte intégral
Q - Vous étiez présent à la réunion de crise, hier, à lÉlysée. Le président était-il «fumasse», comme on dit ?
R - Non. Je crois que le président a deux qualités : dabord, il a beaucoup de sang-froid - on en a besoin dans cette période ; et puis, en même temps, il a beaucoup de réactivité. Sur le perron de lÉlysée, il a, à la fois, posé les problèmes de manière claire et simple et, en même temps, de manière ferme.
Q - Il la appris à la télévision cette idée du référendum grec ?
R - Je ne sais pas où il la appris mais il dit dans son communiqué que cela a surpris tout le monde. Visiblement, M. Papandréou na prévenu personne. Je crois même quil na prévenu personne au sein de son gouvernement.
Q - M. Sarkozy a-t-il appelé M. Papandréou? Lui a-t-il parlé ?
R - Je ne peux pas vous répondre, mais je sais quils vont se rencontrer aujourdhui. Angela Merkel et Nicolas Sarkozy vont avoir les explications de M. Papandréou sur ce référendum qui ne remet pas en cause lensemble du plan adopté mais fragilise, bien sûr, laccord qui a été conclu par dix-sept États. Ces dix-sept pays sengagent pour aider la Grèce et, en même temps, demandent à la Grèce de faire un effort ; ce qui est logique puisque tous les pays ont fait, font, et feront des efforts.
Q - Cette initiative fragilise laccord, mais met-il la zone euro en péril ?
R - Je crois quil met surtout la Grèce en péril. Le vrai danger aujourdhui, cest que cet accord ne soit pas accepté par le peuple grec, que lon en déduise quil y a une faillite de lÉtat grec et que la Grèce décide - mais alors cest elle qui le déciderait - de sortir de la zone euro. À ce moment-là, ce serait plus dangereux pour la Grèce et pour le peuple grec que pour la zone euro.
Q - Cest aussi très dangereux pour la France parce quil y a une garantie française à hauteur de vingt milliards. Il y a aussi un prêt de lÉtat de pratiquement neuf milliards. Si la Grèce est en défaut, cet argent il faudra bien le payer nous-mêmes
R - Oui, mais comme il y a aujourdhui un engagement de cent milliards deuros, ajoutés à cent milliards deuros de diminution de dette acceptée par les banques à hauteur de 50 %, vous voyez que le problème est malheureusement davantage du côté du peuple grec. Dans ce cas, la Grèce serait en faillite et plus en grande difficulté que les autres pays de la zone euro qui trouverait dautres pare-feux pour empêcher la contamination et leffet domino.
Q - Il y a encore une chance, daprès vous, que ce référendum ne se fasse pas ?
R - Je crois quil faudra bien poser la question au peuple grec. Le référendum, ce nest pas «êtes-vous daccord avec laccord qui a été passé ?», mais «voulez-vous rester dans la zone euro ou non ?».
Q - Vous pensez que ce sera la question posée ?
R - En tout cas, ce sera la conséquence annoncée. Je crois donc quil faut être clair avec le peuple grec et dire quil ny a pas dautre solution pour sortir de la crise que celle proposée par les dix-sept pays de lEurogroupe, à linitiative de la France. Je ne dis pas que cest à prendre ou à laisser mais on ne peut pas dire en même temps : «je suis contre laccord» et «je reste dans la zone euro et je ne suis pas en faillite».
Q - Est-ce que ce nest pas une façon quand même démocratique de sortir de cette crise ? Après tout si les Grecs disaient oui
R - Il ny a aucune critique qui puisse être faite sur lidée que lon recourt au peuple pour décider, mais il faut que la question soit bien posée.
Q - Quelle serait la question acceptable pour vous ?
R - La question cest : «voulez-vous rester dans la zone euro ou pas ?». Voilà une question acceptable, avec dun côté bien sûr un plan de rigueur nécessaire pour apurer la dette en contrepartie de la solidarité de lEurope ; et puis, de lautre côté, sortir de leuro, revenir à la monnaie nationale, mais à ce moment-là se mettre en situation de faillite.
Rappelez-vous quand même que lArgentine a mis dix ans pour sen sortir, avec des capacités dexportation que la Grèce na pas. Ce serait donc la misère pour le peuple grec.
Q - Il y a un problème de timing qui se pose également. Les Grecs ont dit que ce référendum interviendrait en janvier ou en février, ce qui nous reporte encore aux calendes grecques - sans mauvais jeu de mots. Ce serait quoi le bon timing ?
R - Le bon timing, cest le plus rapidement possible.
Q - Cest-à-dire ?
R - M. Papandréou va aller devant son Parlement et il va demander la confiance de son Parlement : cest une première étape.
Q - il y a une chance quil ne lobtienne pas ?
R - Devant un Parlement, on nest jamais certain du résultat. Rappelez-vous Angela Merkel et langoisse que nous avons tous eue de savoir si elle allait obtenir laval du Bundestag pour le plan qui avait été décidé.
Q - Alors, sil ne lobtient pas, cela veut dire quil sera renversé, quil y aura un nouveau Premier ministre et on oubliera peut-être lidée du référendum. Cest quelque chose que la France peut souhaiter ?
R - Cest le problème des Grecs.
Q - Mais non, cest le problème de toute lEurope !
R - La France na pas à souhaiter le référendum pour la Grèce ; elle na pas à souhaiter que M. Papandréou soit ou non renversé. La France souhaite simplement que les questions soient clairement posées et que lon rappelle quil y a eu un accord : la solidarité contre la discipline budgétaire. Cet accord nest pas négociable ; il a été négocié et voté à lunanimité par les 17 pays de lEurogroupe à hauteur de deux cents milliards deuros. Il faut que les Grecs nous aident à les aider.
Q - La Grèce attend un prêt de huit milliards deuros en novembre. Est-ce que ce prêt est suspendu ?
R - Le prêt est suspendu à la décision du Parlement - cest-à-dire les représentants du peuple - de ne pas accepter le plan. Je vois mal comment on pourrait continuer à payer
Q - En attendant, on fait quoi ?
R - Vendredi, le Parlement grec va prendre une décision ; ce sera un signal. Si le Parlement grec valide le plan, il y aura quand même une bouffée dair frais sur lensemble des marchés financiers et le retour à la stabilité. Ensuite, ce sera la question du référendum. Si le référendum est maintenu, il faut que les choses soient claires et que les Grecs sachent bien les conséquences de leur vote.
Q - Est-ce quil ny a pas urgence à revoir les traités pour prévoir la possibilité de sortir un pays de la zone euro en cas de problème ?
R - Je crois quil faudra peut-être revoir les traités, mais il est faux de donner limpression que lon va revoir les traités dans un, deux ou trois ans, pour régler un problème urgent. Il me semble que nous avons suffisamment doutils aujourdhui pour régler lensemble des problèmes. Cest la volonté du président de la République, qui a pris beaucoup dinitiatives et qui est parvenu à un accord avec notre partenaire allemand, accepté à lunanimité par les dix-sept pays de la zone euro. Appliquons cet accord, et vous verrez quil y aura certes de la discipline budgétaire pour beaucoup de pays, mais il y aura aussi beaucoup de solidarité dans la zone euro et elle en sortira renforcée.
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source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 novembre 2011
R - Non. Je crois que le président a deux qualités : dabord, il a beaucoup de sang-froid - on en a besoin dans cette période ; et puis, en même temps, il a beaucoup de réactivité. Sur le perron de lÉlysée, il a, à la fois, posé les problèmes de manière claire et simple et, en même temps, de manière ferme.
Q - Il la appris à la télévision cette idée du référendum grec ?
R - Je ne sais pas où il la appris mais il dit dans son communiqué que cela a surpris tout le monde. Visiblement, M. Papandréou na prévenu personne. Je crois même quil na prévenu personne au sein de son gouvernement.
Q - M. Sarkozy a-t-il appelé M. Papandréou? Lui a-t-il parlé ?
R - Je ne peux pas vous répondre, mais je sais quils vont se rencontrer aujourdhui. Angela Merkel et Nicolas Sarkozy vont avoir les explications de M. Papandréou sur ce référendum qui ne remet pas en cause lensemble du plan adopté mais fragilise, bien sûr, laccord qui a été conclu par dix-sept États. Ces dix-sept pays sengagent pour aider la Grèce et, en même temps, demandent à la Grèce de faire un effort ; ce qui est logique puisque tous les pays ont fait, font, et feront des efforts.
Q - Cette initiative fragilise laccord, mais met-il la zone euro en péril ?
R - Je crois quil met surtout la Grèce en péril. Le vrai danger aujourdhui, cest que cet accord ne soit pas accepté par le peuple grec, que lon en déduise quil y a une faillite de lÉtat grec et que la Grèce décide - mais alors cest elle qui le déciderait - de sortir de la zone euro. À ce moment-là, ce serait plus dangereux pour la Grèce et pour le peuple grec que pour la zone euro.
Q - Cest aussi très dangereux pour la France parce quil y a une garantie française à hauteur de vingt milliards. Il y a aussi un prêt de lÉtat de pratiquement neuf milliards. Si la Grèce est en défaut, cet argent il faudra bien le payer nous-mêmes
R - Oui, mais comme il y a aujourdhui un engagement de cent milliards deuros, ajoutés à cent milliards deuros de diminution de dette acceptée par les banques à hauteur de 50 %, vous voyez que le problème est malheureusement davantage du côté du peuple grec. Dans ce cas, la Grèce serait en faillite et plus en grande difficulté que les autres pays de la zone euro qui trouverait dautres pare-feux pour empêcher la contamination et leffet domino.
Q - Il y a encore une chance, daprès vous, que ce référendum ne se fasse pas ?
R - Je crois quil faudra bien poser la question au peuple grec. Le référendum, ce nest pas «êtes-vous daccord avec laccord qui a été passé ?», mais «voulez-vous rester dans la zone euro ou non ?».
Q - Vous pensez que ce sera la question posée ?
R - En tout cas, ce sera la conséquence annoncée. Je crois donc quil faut être clair avec le peuple grec et dire quil ny a pas dautre solution pour sortir de la crise que celle proposée par les dix-sept pays de lEurogroupe, à linitiative de la France. Je ne dis pas que cest à prendre ou à laisser mais on ne peut pas dire en même temps : «je suis contre laccord» et «je reste dans la zone euro et je ne suis pas en faillite».
Q - Est-ce que ce nest pas une façon quand même démocratique de sortir de cette crise ? Après tout si les Grecs disaient oui
R - Il ny a aucune critique qui puisse être faite sur lidée que lon recourt au peuple pour décider, mais il faut que la question soit bien posée.
Q - Quelle serait la question acceptable pour vous ?
R - La question cest : «voulez-vous rester dans la zone euro ou pas ?». Voilà une question acceptable, avec dun côté bien sûr un plan de rigueur nécessaire pour apurer la dette en contrepartie de la solidarité de lEurope ; et puis, de lautre côté, sortir de leuro, revenir à la monnaie nationale, mais à ce moment-là se mettre en situation de faillite.
Rappelez-vous quand même que lArgentine a mis dix ans pour sen sortir, avec des capacités dexportation que la Grèce na pas. Ce serait donc la misère pour le peuple grec.
Q - Il y a un problème de timing qui se pose également. Les Grecs ont dit que ce référendum interviendrait en janvier ou en février, ce qui nous reporte encore aux calendes grecques - sans mauvais jeu de mots. Ce serait quoi le bon timing ?
R - Le bon timing, cest le plus rapidement possible.
Q - Cest-à-dire ?
R - M. Papandréou va aller devant son Parlement et il va demander la confiance de son Parlement : cest une première étape.
Q - il y a une chance quil ne lobtienne pas ?
R - Devant un Parlement, on nest jamais certain du résultat. Rappelez-vous Angela Merkel et langoisse que nous avons tous eue de savoir si elle allait obtenir laval du Bundestag pour le plan qui avait été décidé.
Q - Alors, sil ne lobtient pas, cela veut dire quil sera renversé, quil y aura un nouveau Premier ministre et on oubliera peut-être lidée du référendum. Cest quelque chose que la France peut souhaiter ?
R - Cest le problème des Grecs.
Q - Mais non, cest le problème de toute lEurope !
R - La France na pas à souhaiter le référendum pour la Grèce ; elle na pas à souhaiter que M. Papandréou soit ou non renversé. La France souhaite simplement que les questions soient clairement posées et que lon rappelle quil y a eu un accord : la solidarité contre la discipline budgétaire. Cet accord nest pas négociable ; il a été négocié et voté à lunanimité par les 17 pays de lEurogroupe à hauteur de deux cents milliards deuros. Il faut que les Grecs nous aident à les aider.
Q - La Grèce attend un prêt de huit milliards deuros en novembre. Est-ce que ce prêt est suspendu ?
R - Le prêt est suspendu à la décision du Parlement - cest-à-dire les représentants du peuple - de ne pas accepter le plan. Je vois mal comment on pourrait continuer à payer
Q - En attendant, on fait quoi ?
R - Vendredi, le Parlement grec va prendre une décision ; ce sera un signal. Si le Parlement grec valide le plan, il y aura quand même une bouffée dair frais sur lensemble des marchés financiers et le retour à la stabilité. Ensuite, ce sera la question du référendum. Si le référendum est maintenu, il faut que les choses soient claires et que les Grecs sachent bien les conséquences de leur vote.
Q - Est-ce quil ny a pas urgence à revoir les traités pour prévoir la possibilité de sortir un pays de la zone euro en cas de problème ?
R - Je crois quil faudra peut-être revoir les traités, mais il est faux de donner limpression que lon va revoir les traités dans un, deux ou trois ans, pour régler un problème urgent. Il me semble que nous avons suffisamment doutils aujourdhui pour régler lensemble des problèmes. Cest la volonté du président de la République, qui a pris beaucoup dinitiatives et qui est parvenu à un accord avec notre partenaire allemand, accepté à lunanimité par les dix-sept pays de la zone euro. Appliquons cet accord, et vous verrez quil y aura certes de la discipline budgétaire pour beaucoup de pays, mais il y aura aussi beaucoup de solidarité dans la zone euro et elle en sortira renforcée.
( ).
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 novembre 2011