Entretien de M. Jean Leonetti, ministre des affaires européennes, avec RTL le 3 novembre 2011, sur la décision du Premier ministre grec d'organiser un référendum portant sur le plan d'aide à la Grèce et l'avenir de la Zone euro.

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Q - Urgent AFP, 6h42 ce matin, le ministre des Finances grec, Evangélos Vénizelos se dit opposé au référendum sur l’euro que souhaite organiser son Premier ministre, le Premier ministre grec George Papandréou ; cette division du gouvernement grec est un élément supplémentaire dans la crise qui vous inquiète Jean Leonetti ?
R - Non, c’est sûr que la décision unilatérale grecque a un petit peu surpris tout le monde et qu’elle pose le problème en termes différents...
Q - Mais la division du gouvernement grec qu’on constate ce matin ?
R - On n’a pas à commenter la situation interne au gouvernement grec. Quand la Grèce négocie et qu’il y a 17 pays européens qui signent un plan de sauvetage de la Grèce, on ne signe pas avec M. Papandréou ou avec son ministre, on signe avec la Grèce. Le chef d’État et de gouvernement qui s’engage, ne s’engage pas à titre personnel, il s’engage pour son pays.
Q - Visiblement non.
R - Il n’y a qu’une chose qui peut changer, ce sont les élections. Nous sommes en démocratie, il va y avoir une élection en France, il y aura peut-être un référendum en Grèce. S’il y a un référendum en Grèce c’est le peuple grec qui décidera mais ce n’est pas le ministre de M. Papandréou qui s’oppose à M. Papandréou qui définit la position ou qui remet en cause un plan qui a été voté par 17 pays à l’unanimité avec quelques difficultés, vous l’avez noté, et dans un plan qui a une certaine complexité, vous l’avez noté aussi.
Q - Demain soir M. Papandréou va demander la confiance à son parlement, il n’est pas certain qui l’aie, il est possible qu’il n’y ait plus de gouvernement grec demain soir, l’accord du 27 octobre était trouvé avec M. Papandréou, sans Papandréou cet accord n’existe plus, son gouvernement est divisé je viens de le dire, est-ce qu’il faut anticiper, préparer, penser à la sortie de la Grèce de l’euro ?
R - Non, comme je l’ai dit, on n’a pas signé avec M. Papandréou, on a signé avec le chef du gouvernement grec.
Q - Qui peut sauter demain…
R - S’il saute demain et qu’il y a une nouvelle majorité ou qu’il y a la même majorité et qu’il y a des positions différentes, à ce moment-là ils peuvent remettre en cause en tant que chef d’État et de gouvernement l’accord qui a été donné. Pour autant, il faut anticiper. Ce plan est un pare-feu qui, d’une part aménage la gestion de la dette grecque et sauve donc la Grèce et en même temps, empêche la propagation. Plus que jamais, il y a intérêt à accélérer le processus et à faire que ce pare-feu empêche la contamination à l’Italie et à d’autres pays.
Q - Est-ce que vous voulez dire que, la Grèce est potentiellement sortante de l’euro ?
R - Il ne faut pas se faire d’illusion, si la Grèce dit qu’elle ne veut pas du plan, elle n’aura pas l’argent prévu. Vous ne pouvez pas avoir la solidarité de 17 pays de la zone euro sans avoir de contraintes, sans avoir de discipline budgétaire.
S’ils n’acceptent pas la discipline budgétaire et le plan, il n’y aura pas de versement d’aide financière. Je crois que le président de la République l’a dit assez clairement avec Angela Merkel hier. Le FMI est dans la même disposition. Ça veut dire que s’il n’y a pas d’argent, ce pays va à la faillite. Mais ça sera une décision du peuple grec et nous n’avons pas à décider à la place du peuple grec. En revanche, ce qu’il faut bien dire, c’est : «vous n’êtes pas en train de voter pour ou contre un plan, vous êtes en train de voter pour ou contre le maintien de la Grèce dans la zone euro».
Q - Si la Grèce va à la faillite comme vous dites, c’est probable que des banques feront faillite, l’euro peut-il survivre au départ de la Grèce ?
R - Oui. Vous savez, le problème de la dette grecque c’est quelque chose qu’on peut surmonter. L’économie grecque ne représente que 2% du PIB de la zone euro et sa dette ne représente que 4% de la dette de la zone euro.
Par conséquent, on peut les aider, on peut les sauver, mais on ne peut pas sauver non plus les gens malgré eux. Ce n’est pas parce que la potion est amère - et tout le monde compatit avec les difficultés rencontrées par peuple grec aujourd’hui - qu’il ne faut pas la prendre parce que le malade est très gravement malade. Donc on peut le sauver, mais c’est aux dirigeants et au peuple grec de le décider.
S’ils décidaient de sortir de la zone euro ça serait terrible pour eux. Regardez ce qui s’est passé en Argentine : un pays qui fait faillite met 20 ans à s’en sortir et en plus l’Argentine avait la capacité d’exporter, ce n’est pas forcément le cas de la Grèce. Cela signifierait donc des baisses de salaires majeures pour l’ensemble du pays et la misère. On ne le souhaite pas.
Q - Mais l’Europe survivra, enfin, vous savez, si quelqu’un nous avait dit il y a six mois, qu’un pays pourrait quitter la zone euro parce que ce n’est plus possible pour lui, on n’y aurait pas cru, d’ailleurs on ne sait même pas comment ça se passera parce que c’est très compliqué. Il y a six mois, qu’un pays sorte de la zone euro, c’était impossible et puis aujourd’hui, nous sommes le 3 novembre, on dit, un pays peut sortir de la zone euro, vous croyez que l’euro peut survivre à ça ?
R - Je pense que l’euro et l’Europe peuvent survivre à ça pour les raisons que je viens d’évoquer sur le pourcentage d’importance économique de la Grèce. En revanche, ça serait un coût moral énorme bien sûr.
Pour moi qui suis ministre des Affaires européennes, que la Grèce sorte de l’euro, ce serait un coût moral et un coup au moral. Mais pour autant sur le plan économique, ce serait possible, pourquoi ? Parce qu’on a mis en place un fonds monétaire européen, qu’on l’a doté et renforcé, on a recapitalisé les banques. Tout ça fait que ça serait grave, bien sûr les banques grecques connaîtraient de graves difficultés, tout comme le peuple grec.
Pour autant vous le savez, l’exposition des banques françaises à la dette grecque doit être entre 8 et 10 milliards. 10 milliards c’est à peu près le chiffre de recapitalisation des banques françaises pendant le premier semestre.
Q - À propos de l’euro, on ne sait plus trop par où prendre la situation.
Il y a l’Italie, 1 900 milliards de dette, un gouvernement incapable depuis des mois, ça doit être un souci d’inquiétude évidemment. Le Parlement français qui étudie dans l’indifférence générale un budget avec 1,75 % de croissance dont tout le monde sait qu’elle n’y sera pas, même le 1 % prévu par le gouvernement qui va entraîner une révision budgétaire, il est très probable que l’année prochain il n’y soit pas. Est-ce que le gouvernement français lui-même n’est pas dépassé par cette situation de dégradation vertigineuse à laquelle on assiste Jean Leonetti ?
R - Absolument pas, je crois au contraire qu’il y a un moment où dans ces périodes il faut avoir deux choses : beaucoup de sang froid et beaucoup de réactivité. Le sang froid c’est de dire, ce pays, la France, a les potentialités d’être un des premiers compétiteurs du monde et d’être aussi un des premiers compétiteurs en Europe. Et de maintenir l’Europe avec l’Allemagne dans une compétition internationale. Le deuxième c’est de dire : on ne va pas continuer à créer de la dette. Donc quand vous voyez que vous avez une dérive et qu’au lieu de 1,7 % de croissance on va voir 1 %, il faut regarder avec lucidité et courage et dire, «on réajuste». Et on réajuste sur deux volets, un : «je dépense moins» et deux : «oui je prélève plus».
Source http://www.diplomatie.gouv.frf, le 9 novembre 2011