Texte intégral
Monsieur le Commissaire européen à la politique régionale,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Messieurs les Présidents des Conseils régionaux,
Madame et Messieurs les Présidents des Conseils généraux,
Messieurs les Préfets,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux d’ouvrir les travaux de cette conférence de coopération régionale Antilles-Guyane. Ce bonheur est toutefois teinté d’un regret, car Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’Outre-mer, ne peut participer à cette conférence en raison de la situation que connait la Réunion, ravagée par des incendies d’une rare intensité. Je salue toute l’énergie qu’elle a consacrée à la préparation de cette conférence, qui lui tenait très à cur.
Je me réjouis du nombre et de la qualité des participants : État, collectivités, chefs d’entreprises, représentants de la société civile et aussi responsables européens, dont le Commissaire Hahn, que je remercie personnellement d’être resté spécialement après la Conférence des présidents de régions ultrapériphériques, que la Martinique a su organiser avec talent.
C’est aussi je crois la première fois que nous réunissons ici en Martinique nos sept ambassadeurs de la zone, ainsi que tous nos Préfets, tous nos recteurs, et tous nos responsables des questions de sécurité.
Votre présence témoigne de notre souci commun de faire de l’insertion régionale non plus un sujet d’étude, mais un point d’application concret de notre politique.
Il s’agit donc maintenant de passer de la théorie à la pratique. Il s’agit de passer du temps de la réflexion à celui de l’action. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité une conférence qui donne lieu à des résultats concrets, clairs, et opérationnels.
C’est aussi la raison pour laquelle nous avons, ensemble, choisi de privilégier les trois thématiques qui peuvent se résumer par les questions suivantes :
- D’abord, quels sont la place et le rôle de la France comme de ses collectivités dans la zone Antilles-Guyane ? Comment pouvons-nous être à la fois plus présents, mieux insérés et plus efficaces ? Comment nos agences gouvernementales peuvent-elles contribuer à cette dynamique ? Et comment l’Europe s’inscrit-elle dans cet environnement ?
- Ensuite, comment valoriser notre système éducatif et universitaire ? Comment faire en sorte que notre réputation d’excellence, unanimement reconnue, se traduise par une plus grande influence, et aussi par un bénéfice tangible pour nos Territoires ?
- Enfin, que pouvons-nous faire à l’échelle régionale pour nos entreprises ? Comment, dans les secteurs où nous possédons une vraie plus-value, mieux nous organiser pour conquérir des parts de marché supplémentaires ? Comment favoriser l’emploi dans nos régions par une meilleure connaissance et une plus grande réactivité vis-à-vis des potentialités des pays qui nous entourent ?
J’insiste sur le fait que cette conférence est aussi un forum d’échanges, de dialogue et de rencontres, entre des acteurs qui parfois pourraient mieux se connaître. Je souhaiterais maintenant, en quelques mots, replacer cette journée dans le cadre des priorités que nous avons déterminées depuis deux ans, avec la ministre chargée de l’Outre-mer, pour l’insertion régionale de nos collectivités.
En effet, pour la politique d’influence de la France et son rayonnement, cette région Antilles-Guyane est une région majeure.
Parler de rayonnement, c’est parler en premier lieu du rayonnement des idées, qui trouvent leur expression à travers une langue. C’est tout le sens de nos actions de coopération culturelle, universitaire et scientifique dans la région. Notre première mission porte sur la promotion de la francophonie. Elle est mise en uvre par les écoles et les lycées français de la région et par les 25 alliances françaises qui enseignent le français à près de 20.000 étudiants. Cette action, en faveur de laquelle nos ambassades dans les pays de la région sont très mobilisées, porte ses fruits. J’en veux pour preuve la récente adhésion de la République dominicaine à l’Organisation internationale de la Francophonie. La promotion de la langue française ne nous éloigne pas de la défense des cultures de la Caraïbe. Il s’agit d’un même combat en faveur de la diversité culturelle, qui doit être celle du monde d’aujourd’hui. Plus que jamais le monde a besoin de connaître et de partager l’extraordinaire richesse de la culture de la Caraïbe, fondée sur le métissage créatif des traditions, des langues, des styles et de toutes les formes d’art. C’est l’ambition du ministère des Affaires étrangères et européennes, qui grâce à l’Institut français, son nouvel opérateur culturel, s’attache à diffuser dans le monde la culture de la région, avec notamment le programme «Caraïbes en création», qui rencontre un grand succès.
La coopération universitaire et scientifique est un axe tout aussi essentiel de notre politique de rayonnement. Les établissements français doivent rester des pôles d’excellence reconnus dans la région, capables d’accueillir les meilleurs étudiants étrangers et de constituer des plateformes à partir desquelles seront lancés des projets de coopération universitaire ambitieux.
Il va de soi que le gouvernement reste particulièrement mobilisé sur les enjeux de la région sur le plan de la sécurité internationale. La zone Antilles-Guyane est aussi un de ces endroits du monde où se joue la sécurité de notre pays et la préservation de nos intérêts. Comment en serait-il autrement pour une région stratégiquement placée au carrefour de deux océans et de deux continents, ouverte sur ces pays immenses que sont les États-Unis et le Brésil ? Face aux risques que représente la montée des trafics et de la criminalité organisée, la préservation de la stabilité régionale est une priorité. La sécurité est un enjeu commun à tous les pays de la région mais c’est aussi une responsabilité partagée. La coopération internationale et transrégionale en matière de sécurité doit être renforcée, et la France s’y engage de manière très active. Je souligne notamment l’importance du plan d’action pour lutter contre le trafic transatlantique de cocaïne, adopté en mai dernier, sous présidence française, par les ministres du G8 et des États concernés. C’est aussi le sens des nombreuses autres initiatives que nous menons dans la région en collaboration avec les États-Unis et l’Union européenne. Et c’est bien sûr le sens de l’action quotidienne des forces françaises et de l’ensemble des moyens de l’État qui concourent aux missions de sécurité, non seulement au profit des territoires français mais de toute la région, et auxquels je veux rendre hommage. Et qui ne voit que cette approche concertée des questions de sécurité doit pouvoir se décliner de la même manière, avec les mêmes bénéfices, s’agissant de la prévention et de la gestion des catastrophes naturelles.
En matière économique, nous avons beaucoup à gagner à une meilleure insertion régionale. La croissance de nos collectivités repose en effet sur le développement de la zone tout entière, et les progrès du commerce avec des voisins que nous souhaitons voir devenir de plus en plus prospères. Ce modèle ne vaut pas que pour la région. Au lendemain du G20, en tant que ministre chargé de la Coopération, je peux vous l’affirmer : il n’y aura pas de croissance à long terme pour nos entreprises, et donc d’emploi, en France et en Europe, si nous ne valorisons pas le réservoir de croissance presque sans limite que constituent les pays en développement.
Les pays voisins de la région ne sont en effet pas que des concurrents. Ce sont aussi des partenaires potentiels, et des débouchés naturels encore insuffisamment exploités.
C’est donc dans une logique de complémentarité qu’il convient d’envisager la stratégie ultramarine de l’Agence française de développement, opérateur de notre aide au développement. L’AFD agit à la fois comme banque de l’Outre-mer et comme acteur de la coopération internationale. L’action de l’AFD au service du développement endogène de l’Outre-mer doit s’articuler à celle conduite, par ailleurs, au titre de l’aide publique au développement. L’un ne doit pas ignorer l’autre. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu, dans le cadre du Comité interministériel de l’Outre-mer, l’émergence d’une stratégie de coopération régionale qui vous sera présentée aujourd’hui.
La croissance Outre-mer nécessite aussi de tisser des liens commerciaux avec les pays voisins. Car nous devons tout mettre en uvre pour aider nos entreprises à emporter des parts de marché. Nos ambassades ont un rôle à jouer en la matière, avec nos Commissaires au développement endogène. Nous devons valider aujourd’hui une mise en réseau qui permette une meilleure information et aussi une meilleure assistance à celles de nos entreprises qui sont tournées vers l’exportation et vers des partenariats mutuellement profitables avec nos voisins. La conférence de ce jour fait donc une part importante à nos entreprises, et je m’en réjouis particulièrement.
Il est important aussi pour le gouvernement que les départements français d’Amérique bénéficient concrètement des fortes synergies que doit leur apporter l’intégration à l’Union européenne. Dans la compétition régionale, l’appartenance à l’Europe doit faire la différence. Les réalités de la Caraïbe doivent être bien prises en compte à Bruxelles, je sais que nous pouvons compter pour cela sur le commissaire Hahn, et nos territoires doivent mesurer aussi tous les avantages qu’ils peuvent retirer de l’Europe. Dans ce contexte, l’élaboration de la nouvelle stratégie de l’Union pour la zone est tout à fait essentielle, et le ministère des Affaires étrangères et européennes sera à vos côtés pour vous accompagner et restera très attentif aux intérêts des ultramarins. Sur deux chantiers très importants en matière de développement, la reconstruction d’Haïti et la préservation de l’environnement et de la biodiversité, l’Europe peut là aussi apporter un soutien tout à fait appréciable aux efforts qui sont menés par la France, conformément aux orientations très claires fixées par le président de la République.
Nous le voyons bien, le rayonnement de la France et le succès des collectivités ultramarines passe par une insertion toujours plus grande dans la région. Il est temps désormais de renforcer le volet institutionnel de ces liens.
Tout d’abord, je voudrais vous confirmer la nomination du nouvel ambassadeur délégué à la Coopération régionale Antilles-Guyane. Il s’agit de M. Fred Constant, il connaît bien la région, vous le connaissez bien, je lui souhaite plein succès pour sa nouvelle mission.
Les collectivités d’Outre-mer peuvent désormais adhérer aux organisations régionales. C’est une évolution souhaitable et le gouvernement y est favorable, qu’il s’agisse de l’Association des États de la Caraïbes, mais aussi de la Communauté des Caraïbes ou de l’Organisation des États de la Caraïbe orientale. L’atelier consacré à ce sujet permettra de préciser le fonctionnement de ces organisations, et de cerner la manière de les aborder afin d’y exercer une stratégie d’influence.
Enfin, il nous faut avancer ensemble sur la question de la représentation des collectivités ultramarines au sein de nos ambassades. Les bénéfices mutuels d’un tel dispositif ne font plus de doutes. Il faut désormais passer à la mise en oeuvre et cette conférence sera, je l’espère, l’occasion de faire des annonces concrètes sur ce sujet.
J’en suis convaincu, l’Outre-mer est une dimension majeure de notre République, et je sais qu’en disant ces mots je traduis la conviction que partage évidemment, avec combien de chaleur et d’engagement, Marie-Luce Penchard. C’est pour notre pays un facteur d’influence, de rayonnement, voire de puissance. Ce sont les Outre-mers qui permettent à la France et à l’Europe d’être présents sur trois océans. C’est aussi le symbole de cette diversité dont nous sommes fiers. Mais elle peut et doit aussi devenir un symbole d’efficacité, y compris au niveau européen. Que serait par exemple l’industrie spatiale européenne sans la Guyane ? Que serait la biodiversité européenne sans notre «France des Amériques» ? Nous avons des savoir-faire, nous avons des talents, nous avons des compétences qui doivent nous permettre de faire la différence. Abordons donc ces thématiques avec confiance, car nous disposons de forces et d’atouts qui nous permettent d’être optimistes.
Je vous souhaite une bonne conférence à tous, et bon travail.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 novembre 2011