Entretien de M. Jean Leonetti, ministre des affaires européennes, avec Europe 1 le 7 novembre 2011, notamment sur la situation de la Zone euro.

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Média : Europe 1

Texte intégral

Q - Jean Leonetti, Vous nous avez dit par le passé : «La Grèce doit rester dans l’euro, il n’est pas question qu’elle fasse défaut». Peu de temps après on a entendu Angela Merkel et puis vous-même dire : «Bon, si la Grèce veut sortir de la zone euro, au fond, ce n’est pas grave». Savez-vous ce qui va se produire en Europe dans les mois qui viennent ?
R - C’est très difficile de le savoir, mais ce sur quoi j’ai une idée....
Q - Eh bien, c’est clair.
R - ... c’est ce qui va se passer en Grèce. La Grèce étant une démocratie ce sont les Grecs et leurs dirigeants qui vont devoir prendre des décisions. Mais sur le plan européen, l’Europe a toujours dit qu’elle ne souhaitait pas que la Grèce quitte la zone euro, qu’elle ne la laisserait pas livrée à elle-même et que par conséquent elle allait lui apporter une aide mais qu’en contrepartie de celle-ci elle lui demandait un peu de rigueur budgétaire.
Il convient donc de trouver un équilibre entre droits et devoirs, entre obligation d’un budget resserré et un budget de solidarité. Je reste sur la même position et continue à dire que la Grèce ne sortira pas de l’euro et ne sortira pas de l’Europe.
Q - N’avez-vous pas parfois l’impression de naviguer à vue sur la crise européenne ?
R - Pas du tout. Quand les Grecs nous disent qu’ils vont organiser un référendum, je ne peux en ma qualité de ministre français des Affaires européennes que dire que nous respecterons leur décision. Cela me parait être respectueux de la démocratie et des États nations qui composent l’Europe.
Q - La crise politique semble se terminer en Grèce, un gouvernement d’Union nationale, sans George Papandréou, cela est-il une bonne nouvelle ?
R - Il ne m’appartient pas de dire si M. Papandréou doit quitter le jeu politique grec ou pas.
Q - Mais son départ est-il une bonne nouvelle ?
R - Le président...
Q - Puisqu’il est sorti du jeu.
R - Le Président de la République a appelé les Grecs à la responsabilité, et il a même appelé la majorité et l’opposition à former une Union nationale, compte tenu de la situation dans laquelle se trouve la Grèce.
Il y a désormais une Union nationale. Il me semble que si M. Papandréou s’efface, comme il en a l’intention c’est un très beau geste de responsabilités de manière à faire l’union et à permettre à la Grèce de demeurer dans l’euro et dans l’Europe.
M. Zapatero a eu aussi un véritable courage politique. Dans ces moments là, je trouve que la politique retrouve ses lettres de noblesse.
Q - Il a le sens du sacrifice, vous dites ce matin, il réussit sa sortie ?
R - Oui, je pense que si, si le prix à payer pour que la Grèce retrouve une unité, que le peuple grec qui souffre, se trouve dans une situation où on lui donne une perspective et où la solidarité de l’Europe, qui n’a jamais failli, continue à exister, alors, c’est un beau geste.
Q - Est-ce que vous dites ce matin : «Le problème grec est réglé, passons à l’Italie» ?
R - Non, le problème grec n’est pas réglé, les problèmes de l’Europe ne sont pas réglés, on voit bien que l’on est dans une situation où on a créé une monnaie unique, qui est l’euro, et on n’avait pas fait la gouvernance économique de la zone euro. Eh bien il faut passer à l’étape supplémentaire. Cette étape supplémentaire, ça veut dire que le gouvernement économique européen, qu’appelle le président de la République de ses vœux, est enfin mis en place.
Q - Dans combien de temps ? Vous avez une petite idée du calendrier ? Parce que ça c’est une «vieille lune», ça s’appelle comme ça ! Ça fait des années qu’on dit : «Il faut un gouvernement économique européen»...
R - Vous savez, les utopies, elles flottent pendant longtemps et puis un jour elles arrivent.
Q - ... «Il faut de la régulation».
R - La taxe...
Q - Est-ce que vous avez une idée du calendrier ? C’est une question sérieuse.
R - Ah, je pense que dans les semaines qui viennent, ce gouvernement pourra être en place. Dès l’instant où maintenant on a fait une architecture, on sauve la Grèce, on recapitalise les banques, on augmente le Fonds européen de stabilité financière, la troisième ou quatrième étape, c’est la mise en place effective d’un gouvernement économique européen.
Q - En tant que ministre chargé des Affaires européennes, comment est-ce que vous avez vécu le pied de nez, on va dire, des pays émergents, qui vous ont dit : «Vous êtes gentil, débrouillez-vous avec votre zone euro, on n’a pas un yuan, par exemple, pour les Chinois, à mettre dans le sauvetage de la zone euro» ?
R - Je ne l’ai pas ressenti comme cela.
Q - Ah ?
R - J’ai plutôt senti que, de ce G20, il sortait une idée, très humaniste d’ailleurs : tout le monde a besoin de tout le monde et la Chine a besoin d’une zone euro stable, et donc si la Chine a besoin d’une zone euro stable, on devient...
Q - Mais «débrouillez-vous quand même», vous l’avez entendu, ça, ou pas ?
R - Pas franchement «débrouillez-vous quand même», puisque les Chinois ont accepté que le yuan rentre dans un processus d’intégration dans une parité monétaire, et en même temps, il est bien compris que dès l’instant où la zone euro serait stabilisée, les pays émergents viendraient y contribuer. Donc, ne croyons pas qu’il y a la Chine puissante qui impose sa volonté à la zone euro. La zone euro, c’est la zone la plus forte sur le plan économique, et l’euro c’est la monnaie la plus forte du monde.
Q - Mais pour l’instant, ils n’ont pas versé un yuan. C’était ça la question.
R - Oui, mais, aujourd’hui, comment voulez-vous qu’ils versent un yuan, alors que le Fonds européen de stabilité financière dans sa nouvelle formule n’est pas encore définitivement en place?
Q - D’accord.
R - Il faut quand même qu’il y ait une caisse pour qu’on puisse mettre dans la caisse.
(…)
Q - L’actu aujourd’hui, c’est aussi le budget et les déficits, bien entendu. Oui, alors, on ne s’est pas trompé, on sait que vous n’êtes pas ministre du Budget, on ne va pas vous demander de faire les annonces avant le...
R - Même si j’étais ministre du Budget, je ne dirais rien. Mais la première des choses, c’est de faire comprendre aux Français, et je crois qu’ils l’ont déjà compris, que cet effort est nécessaire. Endetter un pays c’est faire payer les générations futures. Le deuxième élément, c’est : comment ? C’est ça la question que vous me posez. Deux principes doivent guider notre action : équilibre et équité.
Si on ne faisait qu’augmenter les impôts, on dirait : «écoutez, franchement, vous ne pourriez pas faire un petit effort pour dépenser moins?». Eh bien là il y a un équilibre qui va se mettre en place entre : «Je dépense moins» et, en même temps, «j’ai des recettes supplémentaires».
Le deuxième point, c’est l’équité, pour que l’on accepte de contribuer, tous, à un effort commun, il faut qu’il y ait le sentiment que l’effort est justement réparti. Et je vous ferai remarquer que dans le précédent plan présenté par François Fillon, il y avait 87 % des mesures qui concernaient le grand capital, les personnes les plus favorisées et le patrimoine.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 novembre 2011