Interview de M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, à France Inter le 9 novembre 2011, sur la démission de Silvio Berlusconi, la suppression de 3 000 postes de policiers et de gendarmes et la lutte contre le trafic et la consommation de drogues.

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Média : France Inter

Texte intégral

PATRICK COHEN Est-ce que comme Bernard GUETTA, vous pourriez exprimer une forme de soulagement face au départ de Silvio BERLUSCONI ou bien est-ce un leader européen que vous regretterez ?
 
CLAUDE GUEANT Ecoutez, je n’ai pas d’opinion à avoir sur la vie politique italienne, ce que je constate cependant, c’est que l’Italie, depuis quelque temps déjà, est attaquée sur le plan économique et financier du fait de problèmes de gouvernance. Et le départ de Silvio BERLUSCONI apporte une réponse à ce problème qui est posé.
 
PATRICK COHEN Donc les marchés ont eu raison de BERLUSCONI ?
 
CLAUDE GUEANT Non, ce ne sont pas les marchés qui ont eu raison de BERLUSCONI, c’est l’Italie qui prend son destin en main.
 
PATRICK COHEN Et une gouvernance qui était défaillante en Italie…
 
CLAUDE GUEANT Et la gouvernance, ça veut dire que plus personne n’avait confiance, si vous voulez, l’Union européenne a demandé à plusieurs reprises à l’Italie de bâtir un plan de redressement crédible, ce plan de redressement a été annoncé à de multiples reprises, sous des formes diverses, et jamais les promesses n’ont été tenues. Ça, c’est un problème de gouvernance qui n’inspire pas confiance.
 
PATRICK COHEN BERLUSCONI poussé au départ par la crise, après SOCRATES au Portugal, PAPANDREOU en Grèce, demain, sans doute ZAPATERO en Espagne, et après-demain, en France ?
 
CLAUDE GUEANT Eh bien, après-demain, nous aurons des élections présidentielles en France, et le meilleur gagnera, le meilleur, c’est-à-dire celui que les Français estimeront le plus capable de diriger le pays pendant les cinq ans qui viennent, et à cet égard, Nicolas SARKOZY, pour ma part, est de loin le meilleur.
 
PATRICK COHEN Et il pourra résister à cette vague qui frappe la plupart des pays d’Europe touchés par la crise…
 
CLAUDE GUEANT Eh bien, il me semble clair, puisque nous parlions de confiance à l’égard des gouvernances des pays, que la France n’est pas frappée de cette question-là.
 
PATRICK COHEN En tout cas, si les socialistes gagnent en mai prochain, ce ne sera pas par effraction, Monsieur GUEANT ?
 
CLAUDE GUEANT Le suffrage universel a toujours raison.
 
PATRICK COHEN Il a toujours raison, y compris en 97, pour ce qui est du mot prononcé par François BAROIN hier…
 
CLAUDE GUEANT Eh bien, écoutez, si vous voulez évoquer le mot prononcé par François BAROIN hier, à l’Assemblée nationale, je dirais que, évidemment, François BAROIN n’a pas voulu mettre en cause la légitimité de l’élection de la gauche en 1997, chacun le connaît, c’est un démocrate viscéral, je dirais, profondément respectueux des personnes, de surcroît…
 
PATRICK COHEN Il a voulu dire quoi alors…
 
CLAUDE GUEANT Par rapport à cet incident, vous me permettrez simplement de dire que la gauche a moins de scrupules quand elle insulte les membres du gouvernement ou ses collègues de droite à l’Assemblée dans le même hémicycle.
 
PATRICK COHEN A quelle occasion ?
 
LAUDE GUEANT A toute occasion.
 
PATRICK COHEN A toute occasion.
 
CLAUDE GUEANT A toute occasion.
 
PATRICK COHEN Vous pouvez donner un exemple récent ?
 
CLAUDE GUEANT Eh bien écoutez, à toute séance de questions d’actualité, vous pouvez entendre les noms d’oiseaux qui circulent.
 
PATRICK COHEN Bon, on cherchera. La rigueur va-t-elle encore affecter davantage les moyens affectés aux services de police, je rappelle que 3.000 policiers, 3.000 postes de policiers et gendarmes sont encore supprimés l’an prochain, Claude GUEANT.
 
CLAUDE GUEANT Oui, c’est vrai que la loi de Finances – et il n’y a pas de modifications par rapport au projet initial – comporte la suppression d’un peu plus de 3.000 emplois de policiers et de gendarmes, cela étant, ce que je fais, c’est de compenser ces suppressions d’effectifs, qui sont progressives dans l’année quand même, ne l’oublions pas, par des réorganisations ; par exemple, des effectifs des compagnies républicaines de sécurité et des escadrons de gendarmerie mobile ont été réduits, afin que la présence dans la rue des policiers ou des gendarmes, qui font la vie quotidienne de nos concitoyens, qui veillent à leur sécurité, qui leur donnent le sentiment de sécurité, ne soit pas diminuée.
 
PATRICK COHEN Oui, l’AFP a diffusé hier une circulaire signée du directeur central de la sécurité publique qui demande à ses troupes une optimisation de leur présence sur la voie publique, et avec notamment des effectifs, des fonctionnaires sédentaires qu’on puisse retrouver dans la rue, il vise notamment les gardes statiques, ce qu’on appelle les plantes vertes.
 
CLAUDE GUEANT Oui, il vise les gardes statiques, parce qu’il faut les réduire, on continue à les réduire, il vise aussi les fonctionnaires de police, c’est-à-dire les fonctionnaires actifs, portant l’uniforme, qui font des travaux administratifs, et qui vont retourner, pour partie de leur temps, faire des patrouilles sur la voie publique, il vise aussi un certain nombre de détachements syndicaux qui ont été consentis de façon excédentaire par rapport au texte, et ce sont plusieurs centaines de détachés syndicaux qui vont ainsi retrouver le service actif. Nous compensons les suppressions d’emplois, et au total, nous ne diminuons pas l’effectif présent sur la voie publique, l’effectif actif, qui se consacre à la sécurité quotidienne de nos concitoyens. Et pour aller jusqu’au bout de votre réponse, je voudrais indiquer que les moyens matériels de police technique et scientifique, de locomotion, de radio, etc., qui sont à la disposition de la police et de la gendarmerie vont se trouver garantis, puisque le budget exécute strictement la loi de programmation intérieure, qui a été votée par le Parlement à la fin de l’année dernière, et même, j’ajoute deux plans exceptionnels, un plan pour améliorer l’immobilier de la police et de la gendarmerie, augmentation des moyens de 60% par rapport à l’année dernière, et un plan de renouvellement des véhicules automobiles, c’est un plan de cent millions, l’augmentation est de 70% par rapport à l’année dernière.
 
PATRICK COHEN On a envie de vous demander pourquoi ne l’avoir pas fait plus tôt, face à une situation qui n’est guère satisfaisante sur le plan de la sécurité et des effectifs sur la voie publique, qui ont diminué année après année, le PS dit : 3.000 personnes de moins sur la voie publique, depuis dix ans.
 
CLAUDE GUEANT Eh bien, ce n’est pas parce que le PS le dit, Monsieur COHEN, que c’est vrai…
 
 PATRICK COHEN Mais c’est pour ça que je vous pose la question.
 
CLAUDE GUEANT Et le PS qui aime bien citer la Cour des comptes devrait se référer à la Cour des comptes qui, dans son récent rapport, qui a fait l’objet de quelques polémiques sur la sécurité publique…
 
PATRICK COHEN Au mois de juillet, oui, vous n’en avez pas dit du bien de ce rapport de la Cour des comptes à l’époque…
 
CLAUDE GUEANT Parce que je n’en pense pas de bien, effectivement, mais au moins, il dit une chose qui est absolument est vraie, c’est que dans les cinq ans écoulés, la présence des policiers sur la voie publique a été augmentée de 10%.
 
PATRICK COHEN Bon, le rapport de la Cour des comptes, puisque vous le citez, dit aussi que la lutte contre le trafic des stupéfiants a été négligée pendant cette période.
 
CLAUDE GUEANT C’est tout à fait inexact, quand vous comparez la situation de la France à la situation des autres pays, vous constatez que, en France, la consommation et le trafic de stupéfiants sont contenus, je dis bien « contenus », c’est un travail qui est considérable, et je ne dis pas que nous gagnons à tous les coups et que la situation soit parfaite, il faut sans cesse lutter contre les bandes, il faut sans cesse lancer de nouvelles opérations, faire de nouvelles saisies, mais c’est un profond motif de satisfaction, je crois, dans notre pays, à la différence de ce qui se passe dans d’autres pays voisins, il n’y a pas d’explosion de la consommation de stupéfiants. Et à cet égard, nous avons une doctrine, qui est extrêmement ferme, nous sommes absolument opposés à toute forme de libéralisation ou de légalisation de la consommation de stupéfiants, à la différence d’un certain nombre de responsables du Parti socialiste, pourquoi, parce que la drogue, c’est d’abord un gigantesque problème sanitaire. Ça a des conséquences sanitaires lourdes sur les personnes qui en consomment, et ça, nous ne voulons pas que notre pays dérive.
 
PATRICK COHEN Qu’est-ce qui vous permet de dire, comme vous l’avez fait récemment, que si le PS arrive au pouvoir, Claude GUEANT, la délinquance explosera.
 
CLAUDE GUEANT Eh bien écoutez, il y a plusieurs éléments, d’abord, quand je lis les documents qui sont produits, non pas par le PS, mais par une personnalité du PS, qui se présente comme le futur ministre de l’Intérieur, donc ça mérite quand même un peu d’attention…
 
PATRICK COHEN Vous parlez de monsieur URVOAS…
 
CLAUDE GUEANT Voilà, exactement, vous avez dit son nom, eh bien, ce que je constate, c’est que ses propositions prévoient une totale désorganisation de la police et des forces de sécurité en France, une totale désorganisation, ça ne signifie pas…
 
PATRICK COHEN Lui, il parle de réorganisation.
 
CLAUDE GUEANT Oui, ça ne signifie pas plus d’efficacité, quand vous confondez la police et la gendarmerie, que vous les mélangez, que vous associez dans une même direction, qui est baptisée la sécurité de l’Etat, à la fois le contre-espionnage et puis la police de la circulation, vous vous demandez si c’est bien sérieux, bon. Par ailleurs, le même document fait quelque chose qui, dans une première lecture, peut paraître intéressant, on se demande si par hasard, il y a eu un éclair de lucidité, à savoir qu’il dit : ben oui, la police de proximité, ça a été un échec, bon, mais la conclusion, c’est que si c’est un échec, eh bien, c’est la faute des Français, en gros, c’est parce qu’ils n’ont pas compris, ils ont résisté au changement, et puis, les statistiques n’ont pas été bonnes, mais malheureusement, les statistiques disent la vérité, et donc on propose de recommencer. Alors, ce que je voudrais dire, c’est que la police de proximité…
 
PATRICK COHEN Dans les territoires prioritaires…
 
CLAUDE GUEANT Ce que je voudrais dire, c’est que la police de proximité s’est traduite entre 97 et 2002 par une augmentation de la délinquance de 17%. Il y a eu, en 2002, 600.000 victimes de plus que cinq ans plus tôt, il faut le savoir quand même…
 
PATRICK COHEN Ça, c’est le résultat de la police de proximité…
 
CLAUDE GUEANT Mais évidemment !
 
PATRICK COHEN Mais vous, vous proposez la police de contact.
 
CLAUDE GUEANT Oui.
 
PATRICK COHEN C’est quoi la différence ?
 
CLAUDE GUEANT Eh bien, la différence, c’est que la police de contact ou de présence signifie que nous sommes plus nombreux sur la voie publique, parce que la présence policière rassure nos concitoyens, mais que nous assumons la totalité des fonctions de la police, c’est-à-dire la prévention, la dissuasion, mais aussi la répression, qui n’est rien d’autre que l’interpellation des malfaiteurs pour les présenter à la justice, ce que la police de proximité n’a jamais intégré, et ce que les nouvelles propositions n’intègrent pas non plus.
 
Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 15 novembre 2011