Déclaration de M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur la réponse des pays de la zone euro et du Conseil européen à la crise de l'euro, à l'Assemblée nationale le 8 novembre 2011.

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Circonstance : Audition du ministre de l'économie devant la Commission des finances et la Commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale, le 8 novembre 2011

Texte intégral

Je reviens très rapidement sur les éléments de l’accord du 27 octobre.
Nous avons formulé une réponse à la crise que traversent les pays de la zone euro en ce moment, et cette réponse est crédible.
Plusieurs éléments se détachent particulièrement, que j’aimerais évoquer avec vous ce matin :
Un premier point de l’accord a porté sur l’implication volontaire du secteur privé dans l’effacement de la dette grecque à hauteur de 50 %. Par ailleurs, le nouveau plan d’aide à la Grèce est non plus de 109 mais de 130 milliards d’euros.
Le deuxième point résulte du Conseil européen à vingt-sept et pas seulement de l’Eurogroupe : il concerne la recapitalisation du secteur bancaire. Nous nous sommes entendus sur le renforcement des fonds propres des banques européennes à hauteur de 9 % d’ici à juin 2012. Cela représente 8,8 milliards d’euros pour les banques françaises qui n’ont pas besoin, pour cela, de guichet public. Elles renforcent leurs fonds propres à partir de leurs résultats ou en faisant appel au marché, plus sûrement à partir de leurs résultats, puisqu’elles ont annoncé 11 milliards d’euros de bénéfices au premier semestre.
Le troisième pilier, c’est le fonds européen de stabilité financière, le FESF. Les mécanismes que nous avons envisagés ont pour objectif de démultiplier les moyens d’intervention du Fonds, sans contribution additionnelle des États membres de la zone euro, pour une capacité de financement d’environ 1 000 milliards d’euros.
Deux mécanismes distincts seront présentés aux investisseurs souverains comme privés. Je précise que ces deux mécanismes peuvent être envisagés individuellement ou de manière complémentaire :
- le premier pourrait prendre la forme d’une assurance partielle sur la dette de certains États membres ; les investisseurs se verraient ainsi reconnaître une décote qui rendrait l’emprunt attractif. Le niveau de la décote - plus attractif s’il est élevé mais, dans ce cas, avec un moindre effet de levier - reste à définir, comme les autres modalités techniques de ce mécanisme. La mission en a été confiée à M. Klaus Regling, directeur général du Fonds.
- Le second devrait conduire à la création, à l’intérieur du Fonds, d’un véhicule spécial accueillant des participations privées et des participations souveraines. Ici encore, il revient à M. Regling de rechercher les partenaires privés et publics intéressés par une participation au Fonds dont la mission essentielle est d’intervenir sur le marché secondaire et d’acheter de la dette afin de stabiliser le marché.
Enfin, le quatrième point concerne la modification de la gouvernance de la zone euro, qui sera renforcée avec la mise en œuvre d’au moins deux sommets obligatoires chaque année. Il est envisagé la possibilité d’apporter des modifications limitées au traité. Voilà pour l’essentiel de l’accord.
Concernant les questions des présidents Cahuzac et Lequiller, je rappelle, pour ce qui est de la Grèce, qu’après l’annonce d’un référendum, son Premier ministre a dû rencontrer, au cours du Sommet du G20, Mme Angela Merkel et M. Nicolas Sarkozy, lesquels lui ont fait savoir que la sixième tranche d’aide ne pourrait être versée au gouvernement grec dans l’attente d’un referendum, lequel, s’il devait avoir lieu, ne pourrait porter que sur le maintien ou non dans la zone euro. L’annonce d’un référendum a alors été retirée. Depuis, nous constatons une évolution de la situation politique que nous estimons positive, avec l’annonce de la prochaine formation d’un gouvernement d’union nationale dont l’élément constitutif est l’acceptation de l’accord du 27 octobre. La troïka européenne ira sur place pour s’assurer que les engagements pris sont respectés. Ce sont évidemment des avancées même si tout n’est pas réglé.
Le FESF dispose actuellement d’environ 290 milliards d’euros. C’est pour cela que l’on arrive à la somme de 1 000 milliards d’euros avec un effet de levier compris entre 3 et 4 compte tenu de la réalité du marché.
L’accord du 27 octobre n’a pas d’impact sur la dette publique française, il s’agit d’une participation, volontaire, du secteur privé.
Quant à la révision du traité, il est, à ce stade, prématuré d’en définir le détail.
Pour revenir sur une question posée à la précédente réunion, concernant l’impôt sur les sociétés et la convergence franco-allemande, je voudrais rappeler qu’en Allemagne, le taux fédéral de l’IS est de 15 % mais qu’il convient d’y ajouter l’impôt perçu par les Länder - qui s’apparente à la CVAE - au taux de 14 % : au total, le taux de l’impôt acquitté par les sociétés n’est pas très éloigné de celui appliqué en France. Le Trésor allemand et le Trésor français travaillent sur les modalités de rapprochement. Nous présenterons un document cadre avec les Allemands en janvier 2012 pour pouvoir être opérationnels début 2013.
La situation de l’Italie est difficile. L’Italie a sollicité le FMI pour qu’il participe à la surveillance de la mise en œuvre opérationnelle des réformes structurelles qu’elle a entreprises. Si l’Italie a une dette égale à 120 % du PIB, elle est aussi la 8ème puissance économique mondiale, en excédent budgétaire primaire, avec un bon maillage d’entreprises de taille intermédiaire. Mais elle connaît une perte de confiance des marchés et la situation des spreads continue à se tendre. Ceci est bien le signe que désormais la situation politique d’un pays est un élément essentiel de sa crédibilité.
Q - (concernant de la dette italienne)
R - Je n’ai pas parlé de décote italienne mais j’ai évoqué le premier volet du fonctionnement du Fonds concernant le système de garantie, et j’ai pris l’exemple d’un mécanisme de garantie à 20 % pour inciter les investisseurs à revenir sur le marché des titres italiens, alors que seuls les Italiens sont actuellement acquéreurs. Pour 100 euros, les 20 premiers, en perte, seraient garantis par le fonds.
Q - (concernant la dette grecque)
R - Le haircut sur la dette grecque concerne les seuls titres détenus par le secteur privé. Il n’a aucun impact sur la partie publique. On était antérieurement dans un schéma de prêts bilatéraux. Dorénavant, on a un système de garantie entre le Fonds et les États, à la fois plus simple et plus structurant.
Q - (concernant le capital des banques)
R - En ce qui concerne le capital des banques et le calendrier de recapitalisation, je pense honnêtement que si l’on avait fait plus bref, on aurait couru le risque d’un resserrement du crédit, d’un credit crunch, dans des proportions spectaculaires, en France comme ailleurs. La Commission européenne était clairement sur la ligne d’un calendrier plus court, avec un taux de 9 % voire à 10 % de fonds propres sous la pression des États-Unis et du FMI, avec un rendez-vous en fin d’année. Mais on ne voit pas comment les banques auraient pu faire un tel effort sans réduire de manière drastique l’accès au crédit pour les entreprises et pour les particuliers. Même en supprimant les dividendes, comme l’évoque M. Emmanuelli, ce n’aurait pas suffi. Même si le calendrier retenu par l’accord fut l’objet de débats, on s’est mis d’accord ; on ne touche plus à l’accord des 27 à ce sujet.
Q - (concernant le Fonds européen de stabilité financière)
R - Le FESF est-il un maillon faible ? La faiblesse n’est pas celle du FESF mais vient en fait du niveau de dette, du niveau nécessaire de consolidation budgétaire, de l’addition tout aussi nécessaire des plans qui sont imposés et du doute qu’ont désormais les marchés sur les dettes souveraines. On doit progressivement mettre en œuvre le dispositif, dans des conditions très difficiles, car la situation actuelle des marchés ne favorise pas la tâche du fonds européen. Nous faisons tout pour parvenir à des accords et avoir le plus de ressources et d’effet de levier possible.
C’est dans cette perspective que le G20 a examiné la question de l’augmentation des ressources du FMI. Dans l’accord global, tous ont été accord pour adapter les ressources du FMI en fonction de la situation. Le FMI jouera son rôle en cas de ralentissement très spectaculaire de l’activité économique. Les modalités de l’augmentation de ces ressources peuvent prendre trois formes : soit un versement direct des actionnaires, soit une augmentation de la ligne sur les prêts bilatéraux, soit une mutualisation des quotes-parts de DTS - dans les différents paniers, européens ou autres -, pour les mettre à disposition d’un véhicule spécifique, soit celui qui est interne au FESF, soit un nouvel instrument créé par le FMI lui-même.
Il n’y a jamais eu de débat sur les réserves en or. En revanche, il est de notoriété publique qu’il y a des réserves de l’Allemagne, et de la Bundesbank, sur la mutualisation des DTS européens. Mais la piste n’a pas été écartée par le gouvernement allemand. Les ministres des Finances du G20 vont travailler la question, avec la perspective d’un rendez-vous en février prochain sous présidence mexicaine. On examinera si nécessaire quelle est la meilleure option et ce que les pays peuvent accepter pour un renforcement du FESF.
Q - (concernant la BCE)
R - Pour ce qui concerne la question de la présence italienne au sein de la BCE, je n’ai aucun élément précis.
Q - (concernant le dialogue avec les États membres extérieurs à la zone euro)
R - Entre les États membres extérieurs à la zone euro et les dix-sept membres de la zone euro, on se parle. C’est déjà important. Il y a, je ne le cache pas, parfois des agacements d’entendre en permanence certains États membres extérieurs à la zone euro donner des conseils sans jamais s’engager financièrement.
Q - (concernant la taxe sur les transactions financières)
R - Sur la taxe sur les transactions financières, les travaux avancent. La Commission a présenté hier ses propositions en Ecofin. C’est une étape importante. La France et l’Allemagne ont apporté une contribution. A l’intérieur des vingt-sept, la Suède a considéré, au cours de l’Ecofin, à la lumière de l’expérience de son pays, que c’était le meilleur moyen de ralentir l’économie. Il y a un élément culturel également. Les Britanniques sont très opposés à ce projet.
Au G20, le président Obama a expliqué qu’il était favorable à une contribution du secteur financier pour contribuer à la résolution de la crise. La question est de savoir sous quelle forme. Le président Obama a déjà proposé une taxe sur le secteur bancaire, mais c’est le Congrès qui l’a refusée. Il s’appuie donc sur une initiative internationale pour adresser un message à l’opinion.
Q - (concernant la décote de la dette grecque)
R - S’agissant de la Grèce, la décote ne concerne que les banques privées. Des représentants de la Troïka - Commission européenne, BCE, FMI - doivent se rendre à Athènes pour y rencontrer le gouvernement grec. Celui-ci doit confirmer son engagement à appliquer le plan. Cela signifiera le décaissement de la sixième tranche du précédent programme et un suivi précis de l’avancée des réformes selon des modalités coordonnées entre la BCE, la Commission européenne et le FMI. La situation est très difficile. La croissance s’effondre. Il y a également le programme de privatisation très ambitieux. La Troïka suivra l’évolution de la situation et les décisions seront éventuellement ajustées au niveau des ministres des Finances et du Conseil européen. C’est clairement la règle du jeu entre la Grèce et ses créanciers.
Q - (concernant la coordination franco-allemande en matière d’impôt sur les sociétés)
R - Sur la coordination franco-allemande en matière d’impôt sur les sociétés, il y a comme je l’ai dit un calendrier et un document-cadre sera présenté en début d’année prochaine. L’objectif est une application début 2013 et donc un texte dans le cadre de la loi de finances qui sera examinée à l’automne 2012. Est-ce l’aile avancée d’une coopération renforcée entre certains États membres en matière de convergence fiscale, je le crois. Les lignes sont en train de bouger. La Belgique a indiqué qu’elle accompagnerait l’initiative.
Q - (concernant le rôle de la Chine)
R - S’agissant de la Chine, celle-ci sera en début d’année prochaine le troisième actionnaire du FMI. C’est le pays qui a aujourd’hui les réserves potentielles les plus importantes, avec plus de 3 200 milliards de dollars. Il a des positions sur le dollar. Il a toujours déclaré vouloir agir en investisseur avisé. Ses dirigeants continuent à affirmer qu’ils croient à la zone euro. C’est précieux.
La Chine est partie prenante aux discussions à l’OMC. Dans le cycle de Doha, il y a des rendez-vous qui sont pris, dont l’un en 2016 pour attribuer à la Chine le statut d’économie de marché. Il n’y a donc aucun «échange» sur cette question.
La question est uniquement de savoir si la Chine achète directement des obligations d’État sur les marchés ou si elle passe par le fonds, montrant par là qu’elle accorde une confiance soutenue à la zone euro. C’est une simple question de positionnement des réserves de change. Il n’y a donc aucun élément nouveau. Tout se fait à livre ouvert. Il n’y a aucune discussion parallèle, aucun échange dissimulé. Il faut plutôt se féliciter qu’on encourage les Chinois, comme tous les autres investisseurs, à investir dans notre zone.
Je dois dire que toutes les interrogations qui ont fleuri ici ou là ont fait réfléchir nos amis chinois. Les dirigeants du Fonds vont donc retourner en Chine pour y rediscuter ces questions.
Q - (concernant l’exposition des banques françaises à la dette italienne)
R - S’agissant de l’exposition des banques françaises à la dette italienne, les données ont été publiées, sauf pour ce qui concerne les dernières semaines. C’est le gouverneur de la Banque de France qui pourrait répondre.
Q - (concernant d’éventuelles contreparties à l’aide que pourrait apporter au FESF des pays comme la Chine, le Brésil ou la Russie)
R - Ces pays ont des réserves considérables mais ne demandent pas de contreparties dans les différentes discussions que l’on a avec eux.
Q - (concernant le retrait des banques d’affaires)
R - N’est avéré que le retrait de banques qui conseillaient le gouvernement grec.
Q - (concernant le rôle de la BCE)
R - La BCE, dans le contexte actuel de très forte instabilité de la zone euro, devrait faire ce que fait la FED aux États-Unis ou la Banque d’Angleterre au Royaume-Uni. C’est la position française. Mais la BCE est indépendante, cette indépendance étant liée à l’approche historique qui est celle de l’Allemagne vis-à-vis de ce type d’institution. On essaie donc de trouver d’autres réponses.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 novembre 2011