Déclaration de M. Henri de Raincourt, ministre de la coopération, sur l'aide publique au développement, au Sénat le 28 novembre 2011.

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Circonstance : Examen en séance publique du budget "Aide publique au développement", au Sénat le 28 novembre 2011

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées,
Madame et Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Vos interventions témoignent de l’intérêt attentif de la représentation nationale pour notre politique d’APD.
Les perspectives en sont retracées dans le «document de politique transversale», publié il y a trois semaines.
Cette année, nous devrions consacrer 0,46 % de notre richesse nationale à l’APD. Ce pourcentage, annoncé par anticipation dès la fin 2010, est inférieur à celui de l’an passé. Il devrait se redresser à nouveau pour atteindre 0,50 % en 2012. Nous poursuivons donc l’objectif de parvenir à 0,7 % de RNB à l’horizon 2015.
En cette période de l’année, il reste quelques données à collecter pour parvenir à un chiffre exact. Il est donc possible que le pourcentage réellement constaté pour 2011 soit un peu supérieur à ces 0,46 %.
Mais l’essentiel, c’est qu’en matière d’APD nous tenons le cap malgré un contexte contraint.
La «mission APD», soumise à votre examen, représente plus du tiers de notre APD totale qui s’élève à près de 10 milliards d’euros. Ce montant, qui inclut des réalités différentes ; annulations de dettes, dons, prêts ; résulte d’une méthode de calcul validée par l’OCDE et commune à l’ensemble des donateurs.
60 % de ces 10 milliards d’euros correspondent à de l’aide bilatérale. Ce n’est pas assez et nous nous efforçons d’augmenter cette proportion pour acheminer 65 % de notre aide par le canal bilatéral d’ici 2013.
Il est en tous cas indispensable de valoriser l’effort que nous consentons au travers des instruments européens ou multilatéraux. Nous le faisons par la mobilisation de notre expertise et de notre assistance technique.
Il faut faire en sorte que nos opérateurs soient performants dans les appels d’offres sur crédits de l’Union européenne, des Nations-Unies ou des divers fonds multilatéraux destinés à appuyer les pays en développement. La place de l’expertise française à l’international et de l’assistance technique est un enjeu qui ne doit pas être mésestimé dès lors que nous envisageons notre aide dans sa globalité.
L’effort budgétaire consenti par l’État demeure constant, conformément aux orientations du triennum budgétaire.
Ceci, en dépit d’une décision récente de réduire, à la marge, les crédits du FED. Je souhaite préciser la portée de cette mesure en rappelant que nous avons fait le choix de préserver intégralement nos moyens bilatéraux.
Cette baisse est commandée par l’effort requis au titre du second plan d’économies mis en place il y a quelques jours par le gouvernement. Elle correspond à 7,4 millions d’euros et porte exclusivement sur notre contribution au FED.
La Commission européenne, qui gère le FED, détermine à échéance régulière les crédits qu’elle sollicite des États membres en fonction du rythme d’engagement et de décaissement des projets. Dans ce cadre, elle a fait savoir, mi-novembre, que les besoins de financement étaient moindres que ceux prévus. Pour cette raison, nous allons verser 25 millions d’euros de moins au FED. C’est sur cette somme que nous avons dégagé 7,4 millions d’euros d’économie. La différence, soit environ 18 millions d’euros, reste sur le programme 209.
Cette mesure n’a aucune retombée sur la coopération. Ni le nombre, ni la qualité des projets du FED n’en sont affectés.
Notre contribution au FED, avec près de 800 millions d’euros, reste de très loin la premier poste de dépense du programme 209. Par ailleurs, les économies déjà constatées plus tôt dans l’année (26 millions d’euros) ont intégralement été réaffectées afin de servir nos priorités. Il n’y a rien de changé sur ce point par rapport à ce que j’avais indiqué à votre commission des Affaires étrangères et de la Défense.
Je n’entre pas dans le détail des crédits du programme 209. Je souhaite simplement revenir sur quelques ordres de grandeur :
Avec 2,1 milliards d’euros prévus au PLF 2012, le contenu du programme suit donc bien les orientations du triennum budgétaire.
Le FED - près de 800 millions d’euros - et le Fonds mondial sida (300 millions d’euros de crédits budgétaires et 60 millions d’euros additionnels financés par la taxe sur les billets d’avion) en concentrent plus de la moitié des moyens.
Nous augmentons les autorisations d’engagement destinés aux subventions, qui atteignent 324 millions d’euros. Cet élément est essentiel. Il est destiné d’abord aux 14 pays prioritaires d’Afrique sub-saharienne.
L’Afrique demeure le premier bénéficiaire de l’aide française. Notre pays est, de loin, le bailleur européen le plus engagé sur ce continent. Près de 60 % de notre APD, tous instruments confondus, multilatéraux ou bilatéraux se porte en Afrique sub-saharienne.
À titre d’illustration, la part de la santé dans notre APD - près d’un milliard d’euros - sert en grande majorité des populations africaines. Il en va de même pour les moyens considérables que nous engageons via le FED dont environ deux tiers bénéficient à l’Afrique sub-saharienne.
Cet engagement solidaire répond à une vision de l’Afrique résolument tournée vers l’avenir. Il s’ordonne autour de deux idées simples et fortes : la modernité et la démocratie.
Le président de la République en a posé les fondements.
Il l’a fait dans son discours du Cap en 2008 en annonçant que la France mobilisera 10 milliards d’euros sur cinq ans en faveur de la croissance en Afrique en mettant l’accent sur le soutien au secteur privé.
D’autre part, notre pays s’emploie activement, avec ses partenaires européens, à promouvoir les droits de l’Homme, la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption. C’est le sens de son engagement déterminé pour la transparence des industries extractives.
C’est suivant cette logique d’équilibre et de clarté que nous renouvelons tous les accords de défense avec nos partenaires africains. L’intervention de la force «Licorne» en Côte d’Ivoire aux côté de l’ONUCI procède d’une démarche collective de la communauté internationale à laquelle nous nous sommes associés pour faire respecter le choix libre de la majorité des citoyens ivoiriens.
Le registre de la compassion n’est pas suffisant. C’est l’agenda de la mondialisation qui ponctue également notre action de solidarité. Ceci est vrai en Afrique comme ailleurs.
À côté de cette concentration géographique, il nous revient de contribuer à relever les grands défis globaux.
C’est pourquoi l’AFD intervient dans les pays émergents, telles que la Chine, l’Indonésie, le Brésil ou le Mexique. Cette orientation a un coût budgétaire très faible, voire nul, et elle est politiquement utile. Elle favorise des croissances plus équitables et soucieuses de l’environnement. Elle constitue l’un des fondements de notre politique de prêts et nous permet ainsi de diversifier nos interventions et leurs destinataires. Ce choix n’est pas contradictoire de l’effort accompli en matière de dons. Il en est même complémentaire.
C’est cette même logique de diversification qui nous conduit à augmenter la part de notre aide qui transite par les ONG. Le but est de porter cette proportion à 2 % de notre APD. Nous sommes actuellement à 1,3 %.
Je citerai aussi la coopération décentralisée qui en combinant la mise de fonds de l’État et les moyens des collectivités locales représentent au moins 70 millions d’euros d’aide par an.
Plusieurs de vos remarques ont porté sur le pilotage de l’aide dont vous déplorez parfois la complexité.
Nos procédures et nos moyens ont été rationalisés, en concertation du Parlement. Ceci, de façon à conférer à notre action plus de prévisibilité.
Cette priorité répond à une logique plus globale de cohérence renforcée de l’aide. C’est ce pourquoi nous plaidons, par exemple cette semaine à la réunion de l’OCDE à Busan. L’objectif est de mieux répartir le fardeau, d’associer les émergents à l’effort collectif et de rendre l’aide moins fragmentée.
S’agissant des actions que nous menons en matière de genre et d’égalité hommes-femmes, le document cadre «genre et développement» de 2007 nous engage à prendre en compte cette dimension dans l’ensemble de notre politique. Elle est donc présente dans l’évaluation de tous nos projets. Par ailleurs nous avons engagé des projets spécifiques comme le FSP «genre et économie», prévu de fin 2009 à fin 2012, qui permet de soutenir les femmes d’Afrique de l’Ouest impliquées dans les secteurs de l’agriculture et du commerce.
La stratégie française est désormais formalisée dans un «document cadre» qui trace une perspective à dix ans.
Par ailleurs, les rapporteurs ont bien notés la mise en place des évaluations biennales et décennales. Je m’engage à ce que les trois thèmes qu’ils ont abordés (sur les 14 pays prioritaires, les pays émergents et la cohérence avec la politique européenne) soient pris en compte.
La gouvernance de l’AFD est améliorée. Un contrat d’objectifs et de moyens a été signé avec l’État. Le Conseil d’orientation stratégique de l’agence se réunit régulièrement. Le travail entre services de l’État et de l’agence est confiant et efficace.
2011 aura été une année déterminante pour le développement. La France y a pris toute sa part, y a tenu ses engagements et a agi sur deux plans :
D’abord, par des efforts qui n’ont pas toujours de traduction dans le PLF. C’est le cas de l’aide promise par le partenariat de Deauville (G8) aux «printemps arabes». La France y participera à hauteur de 2,7 milliard d’euros d’ici 2013 (prêts AFD).
S’agissant des transitions africaines, nous allons mobiliser 3,5 milliards d’euros pour la Côte d’Ivoire, dont un engagement exceptionnel de 400 millions, un contrat de désendettement et de développement (C2D) de 2 milliards et 1 milliard d’annulation de dette qui seront conclus en 2012. Ce soutien concerne tout le continent, je pense ici au Niger auquel nous allons verser 100 millions d’euros («prime à la démocratie»).
Ensuite, la France a plaidé pour que le développement soit au cœur de l’agenda du G20.
Le Sommet de Cannes reflète cette volonté. Il a endossé un plan d’action, élaboré par les ministres du G20 en charge du développement, qui se décline autour de quelques axes majeurs : la sécurité alimentaire, les infrastructures - avec une liste de 11 projets, dont 5 en Afrique - et les normes sociales dont Mme Garriaud-Maylam a justement souligné l’importance.
Enfin, le G20 a reconnu la nécessité de trouver des sources additionnelles complémentaires de l’APD traditionnelle. Au vu du rapport commandé à Bill Gates par le président de la République, l’accent a été mis sur la taxe sur les transactions financières.
La France a milité sans relâche en ce sens. Plusieurs pays ont manifesté leur intérêt pour cet instrument. Il nous faut maintenant mettre en place. C’est ce que nous allons faire.
Le sujet est important. Il doit par conséquent être traité de façon méthodique.
Nous lancer seuls, dans cette initiative aboutirait à l’effet inverse de celui recherché. Nous prendrions le risque de pénaliser la place de Paris et de surcroît nous serions inefficaces. Or notre but, c’est justement de mettre en place un instrument crédible.
Il faut pour cela faire progresser le projet entre Européens. Ceci a commencé. Il faut continuer et aller de l’avant. Le président de la République a indiqué que, si nous nous heurtions à l’inertie dans ce cadre, alors nous étions prêts à instaurer cette taxe avec l’Allemagne et ceux qui le voudront.
Je sais qu’il y a un large consensus dans cette assemblée en faveur de cette taxe. Le gouvernement se réjouit de cet accord de principe qui renforce sa main dans la négociation internationale en cours.
Il faut maintenant agir auprès de nos partenaires pour obtenir le meilleur résultat possible, le plus rapidement possible.
Pour relever les défis du développement et du changement climatique et il faut dégager des financements nouveaux assis pour partie sur les premiers bénéficiaires de la mondialisation.
C’est à ce prix que le monde sera plus juste, plus stable et plus sûr.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 novembre 2011