Texte intégral
Q - En Afghanistan, où en est la coalition ?
R - La coalition a pris la décision majeure, au Sommet de lOTAN à Lisbonne en novembre 2010, de mener à bien une transition totale dici à 2014, cest-à-dire de confier la sécurité du pays aux seules forces de sécurité afghanes, qui représentent environ 300.000 hommes à ce jour. Le président Karzaï a annoncé dimanche la deuxième tranche de la transition, qui porte sur six provinces et un certain nombre de villes et de districts. Cette décision concerne la France, puisquelle va nous conduire à transmettre à larmée afghane la responsabilité de la sécurité dans le district de Surobi. Ceci est la reconnaissance de lefficacité de notre action et permettra une bascule de notre effort vers notre second secteur, aujourdhui plus difficile, la province de Kapisa. Avec la première tranche, lancée en juillet, cette nouvelle étape annoncée par le président Karzaï placera bientôt la sécurité de la moitié de la population sous la responsabilité des Afghans.
Q - Concrètement, quest-ce que cela signifie pour nos troupes ?
R - Ceci va permettre dici à la fin de lannée le retour en France de 200 soldats supplémentaires, qui sajoutent aux 200 déjà rentrés en octobre. Il y a une cohérence entre le travail de nos troupes sur le terrain et ces retours.
Q - Ce retrait de lOtan ne signifie-t-il pas que Kaboul retombera aux mains des talibans dès 2015 ?
R - La première phase de la transition aux forces afghanes, qui avait concerné 25 % de la population, se met en uvre sans que les talibans aient repris le contrôle daucun des districts concernés. Cest le résultat de la mise en place dinstitutions viables, qui ont été formées par la coalition et qui demeurent soutenues par elle. Cest donc au contraire le début dun ordre étatique.
Q - Croyez-vous que larmée afghane, qui jusquà maintenant ne sest pas montrée capable deffectuer seule de grandes opérations de ratissage, parviendra à contenir la poussée des talibans et de leurs alliés islamistes ?
R - Il est notoire que les Afghans sont de très bons guerriers. Cela vaut pour les deux côtés. Pour ce qui est de lArmée nationale afghane (ANA), il sagit den faire des soldats expérimentés, avec notre soutien. Cest le cas en Kapisa et en Surobi, où les effectifs des forces de sécurité afghanes sont passés en trois ans de 1.000 à 5.000 hommes. Lorsque nous sortons de nos bases - et nous sortons toujours -, cest principalement pour leur fournir des appuis et pour conseiller tactiquement les unités afghanes dans leurs manuvres.
Q - LANA sera-t-elle vraiment capable de tenir seule ?
R - Nous nallons pas laisser tomber les Afghans après 2014. Des partenariats vont se mettre en place avec un soutien politique et financier à long terme de la communauté internationale. Le moral, qui est décisif dans la solidité dune armée, repose sur une confiance de long terme. Seul un engagement international fort peut létablir.
Q - Quel type dengagement ?
R - Je veux parler des partenariats à long terme qui sont en train dêtre définis et des initiatives régionales. Il faut obtenir que toutes les puissances régionales reconnaissent et soutiennent concrètement lexistence dun Afghanistan indépendant.
Q - Comment en persuader le Pakistan , qui a toujours considéré lAfghanistan comme un vassal destiné à lui assurer de la «profondeur stratégique» ?
R - Il faut réfléchir à un système de sécurité régionale qui associe en particulier la Russie, lInde et la Chine. Cest la condition pour que le Pakistan normalise ses relations avec son voisin afghan.
Q - Nest-ce pas un vu pieux ?
R - Le 2 novembre à Istanbul, les pays de la région, dont la Chine, la Russie, le Pakistan et lIran, se sont engagés à respecter lintégrité territoriale et la souveraineté de lAfghanistan. Par ailleurs, la Russie, lAfghanistan, le Tadjikistan et le Pakistan se réunissent déjà, dans un format régional, sur le thème de la stabilité. Nous ne sommes donc plus à lheure des vux, mais à celle des réalisations concrètes.
Q - Quelles leçons les armées tirent-elles de dix ans de présence en Afghanistan ?
R - Il y a eu trois temps différents. La première guerre a duré moins de deux mois et a abouti à la chute des talibans. La France a été immédiatement solidaire, par lengagement de moyens logistiques aériens. Dès 2002, des aéronefs de combat et de ravitaillement, le groupe aéronaval, des forces spéciales, des formateurs et un bataillon français stationné sur laéroport de Kaboul ont accompagné leffort de stabilisation de la coalition. Le Sommet de lOtan à Bucarest en 2008 a décidé dun effort important pour contrer une offensive talibane qui avait pour objet dempêcher la tenue des élections présidentielles. De fait, cette offensive a été brisée par le «surge» américain (envoi de renforts), que la France a accompagné. Après Lisbonne, voici le troisième temps, qui est celui de la transition.
Même si les leçons du conflit nont pas encore été toutes tirées, larmée française sest aguerrie: elle sest adaptée à des combats combinant laction du milieu terrestre et du milieu aérien; 50.000 soldats sont passés par ce théâtre, le matériel a été adapté. Cest larrivée des VAB à tourelles téléopérées; des véhicules anti-mines du génie pour louverture ditinéraires. Cest le lien direct entre les Rafale et les troupes au sol, qui peuvent désormais directement leur désigner des objectifs; ce sont les hélicoptères dattaque Tigre, les Caracal et les appuis feu apportés par le canon de 155 mm Caesar (dont la précision est décamétrique jusquà 40 km). Ajoutons les drones tactiques et Male (moyenne altitude longue endurance). Mais laccomplissement le plus significatif a été dapprofondir la coopération avec nos partenaires, quils soient afghans ou de la coalition.
Q - Comment la France prévoit-elle de sortir dAfghanistan ?
R - À lorigine, nous nous sommes engagés par solidarité avec nos alliés américains après le 11 Septembre. Aujourdhui, la France appartient à une coalition au sein de laquelle elle est tenue davoir un comportement responsable et solidaire. Un processus de transition se met en place par étapes. Sur le terrain, on observe la relève afghane. Si nous décidions seuls et de manière anticipée de nous retirer, sans lien avec les résultats sur le terrain et en nous dissociant de nos partenaires, ( ) nous casserions le crédit de cette discipline collective et manquerions à nos engagements. Ce qui est important, cest quau-delà de 2014 le Traité damitié franco-afghan - que nous avons proposé au président Karzaï et qui sera soumis à la ratification du Parlement - instaure un partenariat militaire bilatéral pour continuer à former des cadres afghans. 2014 signifie la fin des missions de combat, mais pas la fin du soutien français au peuple afghan. On peut parler de transition responsable.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er décembre 2011
R - La coalition a pris la décision majeure, au Sommet de lOTAN à Lisbonne en novembre 2010, de mener à bien une transition totale dici à 2014, cest-à-dire de confier la sécurité du pays aux seules forces de sécurité afghanes, qui représentent environ 300.000 hommes à ce jour. Le président Karzaï a annoncé dimanche la deuxième tranche de la transition, qui porte sur six provinces et un certain nombre de villes et de districts. Cette décision concerne la France, puisquelle va nous conduire à transmettre à larmée afghane la responsabilité de la sécurité dans le district de Surobi. Ceci est la reconnaissance de lefficacité de notre action et permettra une bascule de notre effort vers notre second secteur, aujourdhui plus difficile, la province de Kapisa. Avec la première tranche, lancée en juillet, cette nouvelle étape annoncée par le président Karzaï placera bientôt la sécurité de la moitié de la population sous la responsabilité des Afghans.
Q - Concrètement, quest-ce que cela signifie pour nos troupes ?
R - Ceci va permettre dici à la fin de lannée le retour en France de 200 soldats supplémentaires, qui sajoutent aux 200 déjà rentrés en octobre. Il y a une cohérence entre le travail de nos troupes sur le terrain et ces retours.
Q - Ce retrait de lOtan ne signifie-t-il pas que Kaboul retombera aux mains des talibans dès 2015 ?
R - La première phase de la transition aux forces afghanes, qui avait concerné 25 % de la population, se met en uvre sans que les talibans aient repris le contrôle daucun des districts concernés. Cest le résultat de la mise en place dinstitutions viables, qui ont été formées par la coalition et qui demeurent soutenues par elle. Cest donc au contraire le début dun ordre étatique.
Q - Croyez-vous que larmée afghane, qui jusquà maintenant ne sest pas montrée capable deffectuer seule de grandes opérations de ratissage, parviendra à contenir la poussée des talibans et de leurs alliés islamistes ?
R - Il est notoire que les Afghans sont de très bons guerriers. Cela vaut pour les deux côtés. Pour ce qui est de lArmée nationale afghane (ANA), il sagit den faire des soldats expérimentés, avec notre soutien. Cest le cas en Kapisa et en Surobi, où les effectifs des forces de sécurité afghanes sont passés en trois ans de 1.000 à 5.000 hommes. Lorsque nous sortons de nos bases - et nous sortons toujours -, cest principalement pour leur fournir des appuis et pour conseiller tactiquement les unités afghanes dans leurs manuvres.
Q - LANA sera-t-elle vraiment capable de tenir seule ?
R - Nous nallons pas laisser tomber les Afghans après 2014. Des partenariats vont se mettre en place avec un soutien politique et financier à long terme de la communauté internationale. Le moral, qui est décisif dans la solidité dune armée, repose sur une confiance de long terme. Seul un engagement international fort peut létablir.
Q - Quel type dengagement ?
R - Je veux parler des partenariats à long terme qui sont en train dêtre définis et des initiatives régionales. Il faut obtenir que toutes les puissances régionales reconnaissent et soutiennent concrètement lexistence dun Afghanistan indépendant.
Q - Comment en persuader le Pakistan , qui a toujours considéré lAfghanistan comme un vassal destiné à lui assurer de la «profondeur stratégique» ?
R - Il faut réfléchir à un système de sécurité régionale qui associe en particulier la Russie, lInde et la Chine. Cest la condition pour que le Pakistan normalise ses relations avec son voisin afghan.
Q - Nest-ce pas un vu pieux ?
R - Le 2 novembre à Istanbul, les pays de la région, dont la Chine, la Russie, le Pakistan et lIran, se sont engagés à respecter lintégrité territoriale et la souveraineté de lAfghanistan. Par ailleurs, la Russie, lAfghanistan, le Tadjikistan et le Pakistan se réunissent déjà, dans un format régional, sur le thème de la stabilité. Nous ne sommes donc plus à lheure des vux, mais à celle des réalisations concrètes.
Q - Quelles leçons les armées tirent-elles de dix ans de présence en Afghanistan ?
R - Il y a eu trois temps différents. La première guerre a duré moins de deux mois et a abouti à la chute des talibans. La France a été immédiatement solidaire, par lengagement de moyens logistiques aériens. Dès 2002, des aéronefs de combat et de ravitaillement, le groupe aéronaval, des forces spéciales, des formateurs et un bataillon français stationné sur laéroport de Kaboul ont accompagné leffort de stabilisation de la coalition. Le Sommet de lOtan à Bucarest en 2008 a décidé dun effort important pour contrer une offensive talibane qui avait pour objet dempêcher la tenue des élections présidentielles. De fait, cette offensive a été brisée par le «surge» américain (envoi de renforts), que la France a accompagné. Après Lisbonne, voici le troisième temps, qui est celui de la transition.
Même si les leçons du conflit nont pas encore été toutes tirées, larmée française sest aguerrie: elle sest adaptée à des combats combinant laction du milieu terrestre et du milieu aérien; 50.000 soldats sont passés par ce théâtre, le matériel a été adapté. Cest larrivée des VAB à tourelles téléopérées; des véhicules anti-mines du génie pour louverture ditinéraires. Cest le lien direct entre les Rafale et les troupes au sol, qui peuvent désormais directement leur désigner des objectifs; ce sont les hélicoptères dattaque Tigre, les Caracal et les appuis feu apportés par le canon de 155 mm Caesar (dont la précision est décamétrique jusquà 40 km). Ajoutons les drones tactiques et Male (moyenne altitude longue endurance). Mais laccomplissement le plus significatif a été dapprofondir la coopération avec nos partenaires, quils soient afghans ou de la coalition.
Q - Comment la France prévoit-elle de sortir dAfghanistan ?
R - À lorigine, nous nous sommes engagés par solidarité avec nos alliés américains après le 11 Septembre. Aujourdhui, la France appartient à une coalition au sein de laquelle elle est tenue davoir un comportement responsable et solidaire. Un processus de transition se met en place par étapes. Sur le terrain, on observe la relève afghane. Si nous décidions seuls et de manière anticipée de nous retirer, sans lien avec les résultats sur le terrain et en nous dissociant de nos partenaires, ( ) nous casserions le crédit de cette discipline collective et manquerions à nos engagements. Ce qui est important, cest quau-delà de 2014 le Traité damitié franco-afghan - que nous avons proposé au président Karzaï et qui sera soumis à la ratification du Parlement - instaure un partenariat militaire bilatéral pour continuer à former des cadres afghans. 2014 signifie la fin des missions de combat, mais pas la fin du soutien français au peuple afghan. On peut parler de transition responsable.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er décembre 2011