Déclaration de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, sur l'organisation hospitalière dans le cadre de la loi de 1991 et l'ensemble des outils de coopération, de contractualisation et d'évaluation pour l'élaboration des schémas régionaux d'organisation sanitaire, Angoulème le 19 mai 2000.

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Circonstance : Assises nationales des présidents de CME de centres hospitaliers à Angoulème le 19 mai 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureuse d'être aujourd'hui parmi vous à l'occasion de cette visite à laquelle je suis tout particulièrement attachée. Je souhaite en effet par ma présence vous signifier l'importance que j'accorde à l'hôpital et aux représentations institutionnelles qui le font avancer.
Je ne ferai pas de long discours mais je souhaite néanmoins profiter de ces circonstances pour vous dire en quelques mots comment je conçois les enjeux auxquels se trouvent confrontés l'hôpital aujourd'hui.
Vous l'avez souligné, Monsieur le Président, l'institution hospitalière est depuis plus d'un demi siècle maintenant le théâtre de bouleversements conséquents qui ont à chaque fois profondément renouvelé les conceptions et les modes de travail des professionnels. A l'aube d'un nouveau millénaire il n'est pas inutile de les rappeler rapidement. Cette mise en perspective historique permet en effet de comprendre bien des hésitations et des incompréhensions qui se font parfois jour.
Il est nécessaire tout d'abord de se souvenir que ce n'est qu'en 1941 que les hôpitaux ont vu leur vocation d'accueil élargie à tous les patients, indépendamment de leurs revenus. Auparavant seuls les indigents y avaient accès.
De même 1958 et l'ordonnance qui y est attachée a marqué un renouveau total dans les missions et les organisations en y introduisant l'enseignement et la recherche, par la signature de conventions entre l'université et l'hôpital.
L'histoire s'accélère ensuite avec de façon concomitante une formidable évolution de la médecine et on peut même dire de la technologie en médecine, avec en parallèle une restructuration forte du monde hospitalier.
On peut citer par exemple :
- la loi de 1970 et les débuts d'une planification hospitalière rationnelle,
- Le plan de modernisation et d'humanisation des hôpitaux à la même époque dont naîtront bon nombre d'hôpitaux neufs au début des années 70,
- La séparation des champs sanitaire et social avec la transformation et l'humanisation des hospices qui en a découlé,
- La loi hospitalière de 1991 que vous avez rappelé, Monsieur le Président, est une loi fondatrice des organisations contemporaines de l'hôpital avec en particulier l'émergence des projets d'établissements qui constituent le socle du projet collectif à l'échelle de l'hôpital,
- enfin les ordonnances de 1996 et l'ensemble des outils de coopération, d'évaluation et de contractualisation qu'elles ont facilité ou rendu possible.
Ceci bien sûr passe encore sous silence toutes les évolutions réglementaires et méthodologiques qui ont accompagné ces changements, en particulier la mise en place de la dynamique de concertation à l'uvre pour l'élaboration des schémas régionaux d'organisation sanitaire.
Ce bref aperçu diachronique permet de mettre en perspective le fantastique effort d'adaptation qui est demandé aux établissements de soins et aux professionnels, effort sans équivalent dans aucune autre institution publique surtout aussi ancienne et chargée d'histoire que l'hôpital.
Cette évolution est bien évidemment liée à la demande croissante de qualité et de sécurité des prises en charge voulues par tous mais aussi aux réponses rendues possible par l'évolution de la médecine et l'augmentation des procédures thérapeutiques de plus en plus programmées et concentrées dans le temps.
Les structures de soins à temps partiel se développent rendant encore plus nécessaire un travail en partenariat dans le cadre de filières de malades ou de réseaux de soins.
Cette démarche de changement qui se manifeste notamment par la multitude des questions que vous avez posées, Monsieur le Président, nous obligent à penser aujourd'hui les organisations hospitalières non plus en termes de structures mais en termes de fonctionnalités et de réponses aux besoins de la population.
L'hôpital est au cur de notre système de soins. C'est autour de lui que s'organise la réponse aux besoins de santé de la population. Les Français vous le savez y sont très attachés; ils lui font confiance et ils ont raison.
L'enquête d'opinion réalisée il y a quelques semaines par l'IFOP nous l'a encore démontré et l'élément le plus encourageant que j'y ai noté est que ce sont les patients qui ont eu à connaître personnellement l'hôpital qui en ont la meilleure image. Ce qui prouve à mes yeux que l'engagement des personnels est visible de tous ceux qui ont à le connaître.
Mais si l'hôpital fait des efforts pour s'adapter, évoluer, améliorer sa gestion, il doit le faire en poursuivant les trois objectifs majeurs qui fondent notre politique hospitalière et que je souhaite rappeler :
- adapter l'offre aux besoins
- améliorer la qualité et la sécurité des soins
- réduire les inégalités d'accès aux soins.
Ces objectifs me semblent rencontrer un large consensus et même s'il peut exister des divergences sur les modalités ou le rythme des adaptations nécessaires pour les atteindre, chacun s'accorde à reconnaître que c'est autour de ces orientations que nous devons redéfinir notre système hospitalier de demain.
C'est ainsi qu'une nouvelle étape est aujourd'hui engagée pour l'hôpital.
Cette nouvelle étape repose à la fois sur une dynamique de concertation à tous les niveaux où se prennent les décisions afin que chacun au sein du système de santé et pas uniquement au sein de l'hôpital puisse comprendre, là où il travaille et exerce ces compétences, le sens de l'action qui est menée et le but poursuivi.
Nous devons nous astreindre tous collectivement à ne rien faire qui ne soit compris. Ceci est valable pour tous les décideurs à quelque niveau qu'ils se situent. Personne ne doit avoir une impression d'arbitraire lors de restructurations ou de réorganisations retenues dans le cadre des SROS.
Nous le savons, cette deuxième étape est aussi marquée par la volonté que soit renforcé le dialogue social avec l'ensemble des personnes participant à la vie des établissements. Ces évolutions du système hospitalier, c'est en effet avec les personnels et les praticiens que nous devons les conduire. Les protocoles que nous avons signés avec les organisations syndicales comprennent d'importantes dispositions en ce sens. Ils sont notamment une incitation au dialogue à tous les niveaux. C'est à mes yeux une des clefs de la réussite de cette nouvelle étape.
Mais les évolutions qui sont à conduire, si elles sont définies par les schémas régionaux d'organisation sanitaire de deuxième génération élaborés par les ARH, ne sont pas pour autant faciles à mettre en uvre. Elles sont néanmoins nécessaires et vous l'avez rappelé Monsieur le Président. Les techniques changent, les exigences en termes de sécurité et d'encadrement médical se renforcent. Et l'on ne peut pas tout faire partout.
Dans bien des domaines il faut concentrer des moyens pour disposer de plateaux techniques performants et constituer des équipes médicales suffisamment étoffées pour assurer la permanence des soins.
La garantie que nous devons à nos concitoyens, ce n'est pas la proximité dans tous les domaines mais bien l'assurance de la sécurité et la certitude que chacun puisse accéder à une structure de soins adaptée à son état.
Ces évolutions, grâce aux SROS, s'inscrivent dans de véritables projets régionaux et dans une dynamique positive d'adaptation des établissements. Les SROS ont mis en évidence des besoins mal satisfaits par l'organisation actuelle du système de soins. Certains déficits ont été pointés avec des perspectives de correction. C'est ainsi le cas des structures de prise en charge de la douleur chronique rebelle dont les SROS ont prévu de doubler le nombre et qui constitue à mes yeux certes une priorité mais qui ne doit pas résumer l'action à mener au quotidien pour lutter contre la douleur.
De même les besoins que nous devons couvrir pour l'accueil des personnes âgées sont tels que d'un façon générale, même lorsque des restructurations sont nécessaires, ce ne sont pas des établissements que l'on ferme mais des activités que l'on transforme. Et ceci est particulièrement important pour les personnels qui travaillent dans ces établissements et qui dans la majorité des cas peuvent ainsi poursuivre leurs activités dans leur cadre professionnel habituel même si pour cela il y a parfois une adaptation professionnelle à conduire. Mais c'est aussi la richesse d'un projet professionnel que de pouvoir s'adapter à une évolution des activités.
Dans ce contexte les fonctions d'encadrement et notamment la fonction de chef de service dans les hôpitaux est à l'évidence en profonde mutation. Vous l'avez signalé, Monsieur le Président, le chef de service d'aujourd'hui est l'animateur d'une équipe, le partenaire de la direction. Il doit aussi acquérir une culture collective de la gestion indispensable pour un véritable partenariat éclairé avec les décideurs administratifs pour l'affectation des moyens dont nous sommes tous collectivement comptables.
Cette perspective a d'ailleurs été inscrite dans le protocole du 13 mars 2000 signé avec les praticiens hospitaliers en inscrivant dans ce protocole la mise en place de formations systématiques des chefs de services hospitaliers au management et la gestion.
Vous l'avez fort justement souligné, un excellent praticien reconnu par ses pairs n'est pas obligatoirement formé à lire un budget ou à animer une équipe, qui compte fréquemment plusieurs dizaines de personnes dans un service hospitalier.
Je veux vous redire ici publiquement et solennellement, car je sais que ce point a été mal compris de certains d'entre vous au moment des discussions que nous avons eues avec les praticiens hospitaliers, qu'aux yeux de Martine AUBRY et de moi-même, il n'a jamais été question d'évincer la représentation médicale institutionnelle du dialogue. Ainsi, les présidents de CME constituent bien au sein des hôpitaux un rouage capital de la conduite du changement nécessaire, en lien avec les directions hospitalières.
Les hôpitaux doivent avoir une visibilité de leur avenir par le biais des projets d'établissement et des contrats d'objectifs et de moyens. Or le projet médical constitue le socle de ce projet d'établissement. Il n'est pas une somme de projets de service mais bien au contraire une synthèse pour le moyen terme des volontés de chacun des acteurs en conformité avec les priorités définies dans les SROS.
C'est un exercice difficile dans lequel les CME ont un rôle capital à jouer. Là où les CME forment un tandem opérationnel avec le directeur, les projets d'établissement constituent une réelle vision partagée de l'avenir des établissements.
Ainsi, Monsieur le Président, si en France les accords dans les organisations professionnelles se négocient avec les syndicats, c'est un fait qui n'est pas propre à l'hôpital, il va de soi que les protocoles qui en résultent n'ont pas pour vocation d'exclure ni de constituer une vision définitive d'un sujet. A cet égard et vous le savez bien, votre conférence est d'ores et déjà associée à de nombreux groupes de travail qui ont été mis en place depuis la signature des protocoles en question. Tout comme elle a été associée à la réflexion et à la concertation menée pour la préparation de la loi de modernisation du système de santé.
Avant de conclure, je voudrais encore vous dire quelques mots de la démographie médicale qui est effectivement un sujet de préoccupation.
La qualité des soins suppose aussi que nous sachions retenir à l'hôpital public les médecins et les meilleurs médecins. Je crois qu'en la matière ce que nous avons fait constitue une avancée historique. Après avoir revalorisé la carrière des assistants, des chefs de clinique et des praticiens adjoints contractuels, c'est celle des praticiens hospitaliers qui a été prise en compte. Notre souci dans cet exercice a été de conforter le service public. Car attirer des médecins à l'hôpital c'est aussi assurer son avenir.
C'est ainsi qu'une prime spécifique est créée pour ceux qui se consacrent au seul service public sans activité privée.
C'est ainsi également que nous revalorisons la grille salariale et notamment en direction des jeunes médecins pour les conserver à l'hôpital public.
C'est ainsi enfin que nous étudions les moyens d'attirer les praticiens sur des postes difficiles à pourvoir.
Parallèlement le niveau du numerus clausus, 3 850 cette année, fait actuellement l'objet d'une expertise par mes services. Il est probable, même si en la matière il est trop tôt pour annoncer un chiffre, qu'il faille remonter de façon significative ce nombre. C'est vous le savez un sujet sensible, mais vous pouvez croire en ma détermination. Sur environ 195 000 médecins en exercice en France aujourd'hui 70 000 environ apportent une contribution au fonctionnement des établissements publics de santé, tous statuts confondus.
Je peux vous assurer que le Gouvernement prendra toutes les dispositions nécessaires pour que le pivot de notre système de santé que représente l'hôpital public puisse conserver le niveau de qualité et de sécurité qui doit être le sien.
Il est trop tôt pour envisager des mesures coercitives telles que vous les laissez entendre dans votre propos, Monsieur le Président. Mon passé professionnel me fait d'avantage croire à la persuasion, à la conviction, à l'incitation qu'à la coercition. Mais encore une fois, je vous le répète, aucun sujet ne sera tabou face à ce problème important et collectif qui nous attend, celui de la démographie médicale.
Je voudrais pour terminer vous redire ma conviction que le véritable défi de l'hôpital public est devant lui. Les personnels qui y travaillent doivent aujourd'hui penser autrement, en intégrant les notions de réseaux de soins, de complémentarité et aussi d'évolution professionnelle. A cet égard, la modification de l'accès à l'information et la fantastique évolution des modes de transmission des savoirs que rendent possibles les nouvelles technologies telles que la télémédecine ou les réseaux de données, vont encore accélérer cet indispensable changement dans les pratiques professionnelles.
C'est une révolution humaine qui est en marche. Ce sont les plus difficiles.
Et dans ce défi, les représentations institutionnelles qu'il s'agisse des représentations des personnels ou des représentations des médecins, ont un rôle capital à jouer. C'est l'avenir de notre système hospitalier qui en dépend.
Les Français, je l'ai rappelé, font dans leur immense majorité confiance à l'hôpital. Pour ma part je fais confiance aux professionnels qui travaillent à son évolution.

(source http://www.sante.gouv.fr, le 24 mai 2000)