Texte intégral
Interview d'Alain Madelin,Journal du Dimanche, 31 janvier 1999
JDD : Pourquoi l'opposition s'est-elle atomisée ?
A.Madelin : Posez la question à ceux qui la divisent ! C'est dans le cadre de l'union de l'opposition que, pour ma part, je chercherai toujours à défendre les convicions libérales auxquelles je suis farouchement attaché. Mais il est clair que dans ce scrutin européen, le poison de la proportionnelle chavire les esprits, ouvre les appétits et ambitions personnelles.
JDD : Ce n'est donc pas l'Europe qui divise ?
A.Madelin : Non, ce n'est pas l'Europe. De 1993 à 1997, nous avons été ensemble dans les mêmes gouvernements pour conduire une même politique européenne. S'il y avait des différences insurmontables, que ne les a-t-on exprimées alors ? Tout le monde aujourd'hui se reconnait peu ou prou dans la ligne européenne de Jacques Chirac
JDD : Mais une liste d'union de l'opposition paraît maintenant impossible !
AM : Je veux encore y croire. La division ne profiterait qu'au PS. Que l'on ne mette pas un veto préalable sur Philippe Séguin et tout sera possible ! Nous sommes capables d'élaborer un projet commun pour l'Europe et de désigner, en commun, une tête de liste.
JDD : Mais c'est le RPR et DL qui ont imposé Séguin avant toute discussion !
AM : On ne peut pas avoir signé l'Alliance entre libéraux, gaullistes et centristes pour, quelques semaines plus tard, contester toute possibilité à son Président de pouvoir un jour prétendre conduire la liste européenne. C'est une stratégie de tension inutile. On ne peut exclure Séguin a priori par une sorte de sectarisme pro-européen. Et le fait qu'il ait, en 1992, fait le choix du "non" à Maastricht peut être un inconvénient aux yeux de certains, mais un avantages pour d'autres: il peut incarner le rassemblement d'un électorat hier divisé. Les Français, qui font aujourd'hui confiance à l'opposition et partagent l'engagement européen de la France, souhaitent l'union et non la division. Alors, laissons les ambitions personnelles, partisanes, et les rivalités inutiles au vestiaire !
JDD : Mais deux campagnes séparées ne peuvent-elles être complémentaires ?
AM : Si ces listes de division représentent des opinions contraires, on ne peut les additionner. Si elles représentent la même vision de l'Europe, elles n'ont pas de raison d'être. Moi, je ferai campagne pour le vote utile et contre la dvision qui affaiblit l'opposition. Je n'entends me tromper ni d'enjeu, ni d'adversaire, ni d'alliance : l'enjeu de la campagne sera l'affrontement entre deux grandes listes, celles des socialistes et celle de l'Alliance, entre une Europe socialiste et une Europe libérale-conservatrice.
JDD : Au soir du 13 juin, s'il y a eu campagnes séparées, quel sera le message de l'opposition ?
AM : J'oeuvrerai toujours pour l'union. Il faudra reconstruire l'union de l'opposition. Mais cette reconstruction se fera nécessairement sur des bases nouvelles, à partir de ceux qui auront dans cette campagne montré aux Français leur volonté d'union.
JDD : Que pensez-vous de Millon qui vient d'annoncer sa liste ?
AM : Je regrette qu'il ait décidé de conduire une liste. Lui qui ne cesse de prêcher l'union ajoute à la confusion et à la division.
JDD: Pourquoi collez-vous ainsi au RPR, quelle est cette nouvelle proximité avec les gaullistes ?
AM : Je n'ai qu'une ligne, celle de l'union de l'opposition à laquelle aspire la plus grande majorité des électeurs. Je ne colle pas au RPR, je veux faire peser les idées libérales. Sur l'Europe, ce grand espoir du 21ème siècle qui fera renaître la civilisation européenne, les centristes sont assez proches de nous. L'Alliance se construit à trois.Si les centristes descendent du train, j'y resterai avec le RPR. Et le train continuera...
JDD : En Autriche ce week-end, les leaders sociaux démocrates des Quinze se réunissent pour préparer une campagne commune. La droite pourrait-elle faire de même ?
AM : Nous sommes évidemment ouverts aux contacts avec d'autres partis européens. Mais je combats vigoureusement l'idée socialiste dangereuse, avancée par Jacques Delors, de proposer un candidat commun à la présidence de la Commission, de Bruxelles qui bénéficierait ainsi d'une sorte de légitimité analogue à celle du président des Etats Unis. Le génie de l'Europe c'est sa diversité. Et l'union européenne doit s'enrichir de ces diversités,les respecter, les protéger. La France n'a pas vocation à devenir le Kentucky des Etats Unis d'Europe. Ce projet constitue un risque majeur : la construction d'un super-Etat centralisateur et je serai très attentif aux propositions socialistes en faveur d'un impôt européen. Je ne veux pas que l'on ajoute aux impôts nationaux un superimpot européen ! Je ne veux pas que, demain, des décisions applicables à la France se décident d'abord dans une enceinte d'abord dans une enceinte partisane regroupant les partis socialistes européens.
Interview, Paris Match, dimanche 21 février 1999
Paris Match : Comprenez-vous qu'une partie des électeurs de l'opposition n'aient pas envie de voter pour Séguin ou pour Pasqua ?
Alain Madelin : Sur la question européenne comme sur d'autres, ce qui nous rassemble est plus important que ce qui nous divise. S'agissant de l'idée d'une europe fédérale, la sensibilité des libéraux est assez proche de celle des centristes et un peu plus éloigné du RPR. Mais ces différences ne nous ont pas empêché de gouverner ensemble dans le passé et de faire progresser ensemble la construction européenne. Au surplus, être européen, c'est chercher à rassembler au-delà des divergences. L'Europe est constituée de pays par nature différents, avec des régimes politiques différents.
P-M : Visiblement, les centristes ne veulent pas de Séguin comme tête de liste...
AM : J'ai fait campagne pour Maastricht quand Séguin faisait campagne contre. Mais cela appartient au passé. Il nous faut faire une plate-forme commune et rechercher le plus grand rassembleur et entraîneur commun. Dire aujourd'hui de Séguin qu'il ne pourrait pas incarner cela procède plus d'un calcul politique que d'une analyse des faits. Il s'agit de recoller les morceaux entre un électorat divisé lors du référendum de Maastricht. En tout état de cause, j'ai dit qu'il nous faudrait, le moment venu, choisir le meilleur.
P-M : Malgré les beaux discours sur le rassemblement, l'Alliance ne fonctionne pas. Il a même fallu un rappel à l'ordre de Chirac...
AM : Ce serait une erreur d'assimiler le président de la République au chef de l'opposition. Je pense que ce n'est ni son souhait ni son rôle...Sa fonction est différente. Seulement, dans la position quiest la sienne, il a souhaité que l'opposition s'unisse pour les élections européennes. D'autant qu'il a inspiré une politique européenne qui rassemblait, il y a peu, l'opposition. Chirac ne voit pas de raison à une division de l'opposition, moi non plus. Je souscris donc à 100% à ses propos.
P-M : Dans ce contexte, sur quels thèmes se déroulera la campagne européenne ?
AM : Je souhaite que nous fassions partager aux Français l'idée que la construction européenne renforce la France et ne l'affaiblisse pas. Qu'elle donne au contraire une nouvelle chance de prospérité et de justice et qu'il nous appartient de consolider l'Europe du marché unique et de tirer les bénéfices de l'Euro. Mais nous devons aussi aller au-delà de cette Europe économique pour construire l'Europe de tous les Européens en la dotant d'une vraie politique de sécurité commune et d'institutions efficaces et bien contrôlées. L'Europe dont nous ne voulons pas, celle d'un super-Etat européen, sorte d'Etat-nation agrandi avec une sorte de super-gouvernement, ses super-technocrates, ses super-lois et ses super-impôts. Tout cela est d'ailleurs la conception implicite que les socialistes ont de l'Europe
(source http://www.demlib.com, le 7 février 2001)
JDD : Pourquoi l'opposition s'est-elle atomisée ?
A.Madelin : Posez la question à ceux qui la divisent ! C'est dans le cadre de l'union de l'opposition que, pour ma part, je chercherai toujours à défendre les convicions libérales auxquelles je suis farouchement attaché. Mais il est clair que dans ce scrutin européen, le poison de la proportionnelle chavire les esprits, ouvre les appétits et ambitions personnelles.
JDD : Ce n'est donc pas l'Europe qui divise ?
A.Madelin : Non, ce n'est pas l'Europe. De 1993 à 1997, nous avons été ensemble dans les mêmes gouvernements pour conduire une même politique européenne. S'il y avait des différences insurmontables, que ne les a-t-on exprimées alors ? Tout le monde aujourd'hui se reconnait peu ou prou dans la ligne européenne de Jacques Chirac
JDD : Mais une liste d'union de l'opposition paraît maintenant impossible !
AM : Je veux encore y croire. La division ne profiterait qu'au PS. Que l'on ne mette pas un veto préalable sur Philippe Séguin et tout sera possible ! Nous sommes capables d'élaborer un projet commun pour l'Europe et de désigner, en commun, une tête de liste.
JDD : Mais c'est le RPR et DL qui ont imposé Séguin avant toute discussion !
AM : On ne peut pas avoir signé l'Alliance entre libéraux, gaullistes et centristes pour, quelques semaines plus tard, contester toute possibilité à son Président de pouvoir un jour prétendre conduire la liste européenne. C'est une stratégie de tension inutile. On ne peut exclure Séguin a priori par une sorte de sectarisme pro-européen. Et le fait qu'il ait, en 1992, fait le choix du "non" à Maastricht peut être un inconvénient aux yeux de certains, mais un avantages pour d'autres: il peut incarner le rassemblement d'un électorat hier divisé. Les Français, qui font aujourd'hui confiance à l'opposition et partagent l'engagement européen de la France, souhaitent l'union et non la division. Alors, laissons les ambitions personnelles, partisanes, et les rivalités inutiles au vestiaire !
JDD : Mais deux campagnes séparées ne peuvent-elles être complémentaires ?
AM : Si ces listes de division représentent des opinions contraires, on ne peut les additionner. Si elles représentent la même vision de l'Europe, elles n'ont pas de raison d'être. Moi, je ferai campagne pour le vote utile et contre la dvision qui affaiblit l'opposition. Je n'entends me tromper ni d'enjeu, ni d'adversaire, ni d'alliance : l'enjeu de la campagne sera l'affrontement entre deux grandes listes, celles des socialistes et celle de l'Alliance, entre une Europe socialiste et une Europe libérale-conservatrice.
JDD : Au soir du 13 juin, s'il y a eu campagnes séparées, quel sera le message de l'opposition ?
AM : J'oeuvrerai toujours pour l'union. Il faudra reconstruire l'union de l'opposition. Mais cette reconstruction se fera nécessairement sur des bases nouvelles, à partir de ceux qui auront dans cette campagne montré aux Français leur volonté d'union.
JDD : Que pensez-vous de Millon qui vient d'annoncer sa liste ?
AM : Je regrette qu'il ait décidé de conduire une liste. Lui qui ne cesse de prêcher l'union ajoute à la confusion et à la division.
JDD: Pourquoi collez-vous ainsi au RPR, quelle est cette nouvelle proximité avec les gaullistes ?
AM : Je n'ai qu'une ligne, celle de l'union de l'opposition à laquelle aspire la plus grande majorité des électeurs. Je ne colle pas au RPR, je veux faire peser les idées libérales. Sur l'Europe, ce grand espoir du 21ème siècle qui fera renaître la civilisation européenne, les centristes sont assez proches de nous. L'Alliance se construit à trois.Si les centristes descendent du train, j'y resterai avec le RPR. Et le train continuera...
JDD : En Autriche ce week-end, les leaders sociaux démocrates des Quinze se réunissent pour préparer une campagne commune. La droite pourrait-elle faire de même ?
AM : Nous sommes évidemment ouverts aux contacts avec d'autres partis européens. Mais je combats vigoureusement l'idée socialiste dangereuse, avancée par Jacques Delors, de proposer un candidat commun à la présidence de la Commission, de Bruxelles qui bénéficierait ainsi d'une sorte de légitimité analogue à celle du président des Etats Unis. Le génie de l'Europe c'est sa diversité. Et l'union européenne doit s'enrichir de ces diversités,les respecter, les protéger. La France n'a pas vocation à devenir le Kentucky des Etats Unis d'Europe. Ce projet constitue un risque majeur : la construction d'un super-Etat centralisateur et je serai très attentif aux propositions socialistes en faveur d'un impôt européen. Je ne veux pas que l'on ajoute aux impôts nationaux un superimpot européen ! Je ne veux pas que, demain, des décisions applicables à la France se décident d'abord dans une enceinte d'abord dans une enceinte partisane regroupant les partis socialistes européens.
Interview, Paris Match, dimanche 21 février 1999
Paris Match : Comprenez-vous qu'une partie des électeurs de l'opposition n'aient pas envie de voter pour Séguin ou pour Pasqua ?
Alain Madelin : Sur la question européenne comme sur d'autres, ce qui nous rassemble est plus important que ce qui nous divise. S'agissant de l'idée d'une europe fédérale, la sensibilité des libéraux est assez proche de celle des centristes et un peu plus éloigné du RPR. Mais ces différences ne nous ont pas empêché de gouverner ensemble dans le passé et de faire progresser ensemble la construction européenne. Au surplus, être européen, c'est chercher à rassembler au-delà des divergences. L'Europe est constituée de pays par nature différents, avec des régimes politiques différents.
P-M : Visiblement, les centristes ne veulent pas de Séguin comme tête de liste...
AM : J'ai fait campagne pour Maastricht quand Séguin faisait campagne contre. Mais cela appartient au passé. Il nous faut faire une plate-forme commune et rechercher le plus grand rassembleur et entraîneur commun. Dire aujourd'hui de Séguin qu'il ne pourrait pas incarner cela procède plus d'un calcul politique que d'une analyse des faits. Il s'agit de recoller les morceaux entre un électorat divisé lors du référendum de Maastricht. En tout état de cause, j'ai dit qu'il nous faudrait, le moment venu, choisir le meilleur.
P-M : Malgré les beaux discours sur le rassemblement, l'Alliance ne fonctionne pas. Il a même fallu un rappel à l'ordre de Chirac...
AM : Ce serait une erreur d'assimiler le président de la République au chef de l'opposition. Je pense que ce n'est ni son souhait ni son rôle...Sa fonction est différente. Seulement, dans la position quiest la sienne, il a souhaité que l'opposition s'unisse pour les élections européennes. D'autant qu'il a inspiré une politique européenne qui rassemblait, il y a peu, l'opposition. Chirac ne voit pas de raison à une division de l'opposition, moi non plus. Je souscris donc à 100% à ses propos.
P-M : Dans ce contexte, sur quels thèmes se déroulera la campagne européenne ?
AM : Je souhaite que nous fassions partager aux Français l'idée que la construction européenne renforce la France et ne l'affaiblisse pas. Qu'elle donne au contraire une nouvelle chance de prospérité et de justice et qu'il nous appartient de consolider l'Europe du marché unique et de tirer les bénéfices de l'Euro. Mais nous devons aussi aller au-delà de cette Europe économique pour construire l'Europe de tous les Européens en la dotant d'une vraie politique de sécurité commune et d'institutions efficaces et bien contrôlées. L'Europe dont nous ne voulons pas, celle d'un super-Etat européen, sorte d'Etat-nation agrandi avec une sorte de super-gouvernement, ses super-technocrates, ses super-lois et ses super-impôts. Tout cela est d'ailleurs la conception implicite que les socialistes ont de l'Europe
(source http://www.demlib.com, le 7 février 2001)