Texte intégral
Cette conférence internationale est une belle réussite, en tout cas au regard du nombre de délégations présentes et du niveau de représentation des différents États.
Pour ce qui nous concerne, cela a été loccasion de réaffirmer notre volonté de continuer à soutenir lAfghanistan dans son processus de retour à la paix, à la démocratie et, nous lespérons, à la prospérité.
Tout dabord, nous avons engagé le processus de transition depuis la décision rendue le 27 novembre par le président Karzaï. Nous constatons que la Surobi est dans la liste du deuxième groupe de provinces et de district [inaudible] qui représentent dailleurs à peu près la moitié de la population de lAfghanistan ; cest donc une décision très significative.
Nous avons donc mis en uvre ce que nous avions annoncé, cest-à-dire le retrait dun millier de soldats français dici la fin de lannée 2012. Le premier contingent de 200 soldats a dores et déjà été retiré et nous poursuivrons au fur et à mesure du transfert de la Surobi. Au-delà, nous souhaitons que lensemble de la province de la Kapisa soit concernée par ce transfert et par cette transition. Nous préparons donc activement le soutien que nous apporterons à lAfghanistan au-delà de 2014.
Comme vous le savez, à la suite de la visite du président français à Kaboul, nous avons mis en chantier un projet de traité damitié et de coopération. Le texte a été mis au point et a été transmis aux autorités afghanes.
Le président Karzaï, que je viens de rencontrer, ma confirmé laccord de principe du gouvernement afghan. Nous sommes en train de mettre au point le texte définitif qui portera sur plusieurs domaines : la sécurité, léducation, lagriculture, le secteur minier, avec un plan daction quinquennal dans le cadre dun traité qui, lui, se fixera un objectif à vingt ans. Jespère que, comme me la confirmé le président Karzaï, ce traité pourra être signé à Paris au mois de janvier prochain.
Nous avons aussi pris linitiative de demander une réflexion sur la sécurité collective régionale. Cette idée a été validée lors de la Conférence dIstanbul du 2 novembre dernier. On y travaille actuellement. Jai eu loccasion den parler avec le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et, bien sûr, avec les autorités afghanes qui adhérent tout à fait à cette idée. Nous allons essayer de la faire progresser.
Voilà ce que je souhaitais dire sur cette conférence qui est donc une étape importante dans ce processus de transition ordonné et responsable. Je sais quen France certains souhaiteraient accélérer le retrait. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Il sagit, pour nous, dorganiser un retrait ordonné et de sang-froid.
Je pense que vous avez dautres questions sur lactualité immédiate et je vous laisse le soin de les poser après ces quelques mots sur cette Conférence de Bonn.
Q - Sur le partenariat à long terme, les négociations entre les États-Unis et lAfghanistan, on a entendu lIran sexprimer, la Russie et le Pakistan également. Ces pays ne souhaitent pas voir de soldats américains à long terme sur le territoire afghan. Quen pensez-vous ? Quelle est la position de la France sur cette question-là ? Estimez-vous que cest légitime ? À quel niveau ?
R - Ce nest pas la position de la France qui compte, cest la position du gouvernement afghan. Il y aura bien entendu toute une série daccords post-2014. Nous souhaitons que les Nations unies restent fortement impliquées. Jai rencontré ce matin M. Ban Ki-moon qui ma assuré que la MONUA poursuivrait son action.
Il y aura sans doute un accord avec lOTAN. Il nous paraît tout à fait normal quune présence de lOTAN, qui ne soit pas une présence combattante mais une présence de soutien à larmée afghane qui en aura sans doute besoin, puisse se poursuivre.
Et puis, il y aura des accords bilatéraux, comme laccord que je viens dévoquer entre la France et lAfghanistan. Tout ceci doit donc constituer un ensemble de dispositions selon ce que le gouvernement de Kaboul souhaitera.
Q - Je me suis mal exprimé. Pensez-vous que cest bien que les États-Unis laissent un certain nombre de bases
R - Je vais vous répondre quil est normal que lOTAN et les États-Unis, vraisemblablement, poursuivent une présence non pas combattante mais une présence de soutien, notamment pour tout ce qui concerne la formation et lentraînement de larmée afghane ; cest ce que je vous ai dit à linstant.
Q - Ce sera en bilatéral essentiellement, il ny aura plus de mandat ASAF ?
R - Je pense que la FIAS naura plus son rôle à jouer après 2014. Cest donc un nouveau contexte qui mettra laccent sur la dimension civile et non pas sur la dimension militaire.
Q - Juste un tout petit problème : le volume de larmée afghane, telle quelle est prévue aujourdhui, après le retrait, est quand même assez conséquent et assez cher pour un État comme lAfghanistan. Comment va-t-on réussir à réarmer larmée pour que ce soit à la fois tenable dun point de vue militaire et financièrement viable sur le long terme pour cet État ?
R - Larmée afghane aujourdhui, si je ne me trompe, compte déjà 300.000 soldats. La montée en puissance sest donc déjà faite, et bien faite.
Je sais que la question de savoir comment compenser, jallais dire «le manque à gagner» - cest une expression un peu curieuse -, leffet du retour du retrait des forces de lOTAN dans le budget, dans léconomie de lAfghanistan, est en discussion. Nous ne sommes pas favorables, pour ce qui nous concerne, à une proportionnalité entre leffort accompli sous le statut AFAS et puis sur le futur dispositif post-2014. Cest une question à discuter.
Q - Cela veut-il dire, Monsieur le Ministre que vous êtes opposé à lidée, apparemment mise en avant par les Américains, que la charge du maintien du soutien à cette armée afghane soit transféré à lOTAN, en tout cas que lOTAN devienne le fournisseur de soutien aux forces afghanes après 2014 ?
R - Je ne suis pas hostile à ce quil y ait négociation entre lOTAN et le gouvernement afghan pour le soutien post-2014. En revanche, comme je viens de vous le dire, je ne vois pas dun très bon il quil y ait une sorte de proportionnalité automatique entre ce qui a été fait avant 2014 et ce qui le sera après. Il faut rediscuter.
Q - Sur le volet paix et réconciliation - sachant que nous considérons que cest aux Afghans dabord de prendre en main cet aspect-là et que les perspectives en la matière sont quand même assez sombres avec lassassinat du médiateur afghan et labsence de représentation des insurgés -, quel rôle pouvons-nous jouer ?
R - Je vous disais que cette conférence était un pas en avant. Cela na pas réglé tous les problèmes, qui restent nombreux : la sécurité sur le terrain nest pas entièrement réglée ; le processus de réconciliation est en panne depuis lassassinat de lancien président Rabbani ; le rôle du Pakistan est pour le moins ambigu avec le boycott à la suite dun incident tout à fait regrettable, dun drame sur lequel lOTAN doit faire toute la lumière. Nous le souhaitons. Ceci a été annoncé par le Secrétaire général de lOTAN et nous souhaitons que le Pakistan soit associé à cette enquête permettant détablir les faits.
La situation reste donc bien évidemment extrêmement difficile. Nous avons essayé, pour ce qui nous concerne, de faciliter le dialogue. À la fin de la semaine dernière, nous avons organisé à Paris, avec la Fondation pour la Recherche stratégique, une rencontre où sont venus de très nombreux représentants de la société civile afghane de toutes sensibilités.
Nous navons pas voulu donner une résonance médiatique trop forte à cette conférence mais cest notre façon à nous de coopérer, daider à cette reprise du dialogue qui sera très certainement difficile.
Q - Quelles garanties avez-vous pu obtenir du gouvernement afghan sur la lutte contre la corruption et la bonne gouvernance ?
R - Lexpression dune bonne volonté. Jai interrogé M. Karzaï sur la lutte contre la drogue en particulier et il ma dit très spontanément et très franchement que cela ne marchait pas bien, que cétait devenu une question régionale parce que dautres pays participent à ces trafics, et que la question de la demande était très difficile à traiter. Vous avez donc pu observer, dans toutes les interventions que jai entendues - au moins une dizaine - que tout le monde a mis laccent sur cette nécessité de développer la lutte contre la drogue et contre la corruption ; le chantier est immense, il est sans doute devant nous.
Q - Sur la drogue, des chiffres fournis par lONU indiquent que le marché de la drogue correspond à 60 % du PIB afghan. Qualifiez-vous aujourdhui lAfghanistan de «narco-État» ?
R - Si on veut collaborer avec lAfghanistan et laider, on ne va pas commencer par lui coller ce genre détiquettes. Que la production et le trafic de la drogue sont des points considérables dans léconomie afghane aujourdhui, oui, cest évident. Mais dire que cest un narco-État reviendrait à dire que le gouvernement en place organise le trafic de drogue.
Q - Le gouvernement, non, mais lONU a dit lui-même quil y avait plus de la moitié des parlementaires afghans qui étaient
R - Je vous ai dit que la lutte contre la corruption était un sujet fort et difficile.
Q - Beaucoup craignent un glissement de lAfghanistan, au-delà de la date du retrait des forces internationales, dans la guerre civile. Beaucoup mentionnent le cas de la mort de Burhabuddin Rabbani. Comment pourrait-on éviter ce scenario, dans un contexte de crise où personne na beaucoup dargent à consacrer à lAfghanistan.
R - Le scénario est très exactement celui que nous avons essayé de dessiner aujourdhui afin que cette possibilité soit ouverte. Oui, bien sûr, le pire nest pas complètement exclu en Afghanistan. La situation sécuritaire sur le terrain reste difficile. La bataille nest pas gagnée. Le processus de réconciliation est en panne. Le rôle du Pakistan reste un problème majeur. Il ny aura pas véritablement de retour à la paix dans cette région si le Pakistan ne sengage pas fortement. Bref, les points dinterrogation sont extrêmement importants.
La stratégie est précisément celle dont je vous ai parlé, cest-à-dire essayer de stabiliser la situation sécuritaire en faisant monter en puissance larmée afghane. Des progrès ont été faits dans ce sens de manière incontestable.
Ensuite, préparer les perspectives post-2014 par toute une série daccords multilatéraux et bilatéraux visant à aider le gouvernement afghan à reconstruire. Des progrès ont été faits et le président Karzaï lui-même a donné des chiffres assez spectaculaires sur lalphabétisation en Afghanistan et sur lamélioration du système de santé ; on a fait des choses ! Il faut continuer dans cette direction.
Enfin, le troisième effort que nous essayons de développer, cest la recherche dune sécurité collective parce que si effectivement les voisins de lAfghanistan ne prennent pas dengagements, la situation peut se détériorer. La stratégie est définie. Sur le plan financier, la France a annoncé un effort significatif, à notre mesure évidemment, et dautres pays le feront aussi.
Q - Prévoyez-vous que les États-Unis continuent de porter financièrement la charge principale de lengagement financier en Afghanistan ?
R - Cest une question pour Mme Clinton. Je pense quil y aura de nouvelles règles, on ne peut pas prolonger les lignes exactement comme les choses se passent depuis leur engagement militaire ici.
Q - Visiblement, le fait quil ny ait pas encore daccord américano-afghan fait peser aussi des suspicions sur la stabilité du régime. Est-ce que cela ne fait pas perdre de temps ?
R - Non, je pense que de ce point de vue-là, les choses se sont stabilisées, le Parlement est en place, la Loya jirga a été une étape plutôt positive. Je pense donc que ce gouvernement aujourdhui a des perspectives devant lui.
Q - Si laccord nest pas signé ou sil est signé de manière un peu faible
R - Entre les États-Unis et lAfghanistan ? Rien ne permet de dire aujourdhui que laccord ne sera pas signé. Il est en discussion, la question se pose, il y a des risques considérables, jen suis parfaitement conscient, mais ce qui sest passé aujourdhui diminue plutôt ces risques et augmente les chances dune solution positive.
Q - Vous avez parlé deffort significatif de la France, pouvez-vous être plus précis ?
R - On le saura lorsquon signera laccord au mois de janvier prochain, quand on aura les chiffres.
Q - Vous pouvez nous donner une fourchette ?
R - Non, pas encore, on discute avec nos amis afghans.
Q - La Conférence dIstanbul a-t-elle dessiné peut-être une stratégie pour la communauté internationale qui serait de faire reposer sur les pays de la région.
R - Oui absolument. Je rappelais que cétait une idée française, parmi dautres, mais cest la France qui a suggéré la recherche dun mécanisme de sécurité collective. Ce matin quand jen discutais avec mon collègue russe, il me disait : «est-ce que vous allez créer une nouvelle organisation ?» Pas forcément. Il y a déjà des organisations et des mécanismes qui existent. Ce que nous voulons, cest essayer de progresser dans une approche plus collective et plus globale, cela a été posé en principe a Istanbul et de nouvelles étapes ont été fixées.
En juin, à Kaboul, la conférence ministérielle pourrait permettre davancer sur ce projet, qui est compliqué : quand vous voyez la liste des voisins de lAfghanistan, la Russie elle-même, la Chine, lIran, le Pakistan, lOuzbékistan, le Tadjikistan, etc Cest une raison supplémentaire pour essayer. Ce processus dIstanbul va sy attaquer.
Q - Sur les élections en Russie, avez-vous évoqué avec votre homologue russe les défaillances apparentes ou, en tout cas, les soupçons de manipulation et de pressions sur les médias, en particulier Internet ?
R - Non, car quand je lai rencontré, je navais pas encore les déclarations des observateurs de lOSCE soulevant un certain nombre de questions. Nous en avons pris note et nous souhaitons que la clarté soit faite sur ces critiques pour connaître lampleur des difficultés auxquelles ce scrutin a pu donner lieu.
Q - Apparemment, Hillary Clinton a été assez critique à légard des modalités de ce scrutin.
R - Nous allons regarder exactement ce que lOSCE va mettre sur la table. Et sil y a des critiques à faire, nous les ferons.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 décembre 2011
Pour ce qui nous concerne, cela a été loccasion de réaffirmer notre volonté de continuer à soutenir lAfghanistan dans son processus de retour à la paix, à la démocratie et, nous lespérons, à la prospérité.
Tout dabord, nous avons engagé le processus de transition depuis la décision rendue le 27 novembre par le président Karzaï. Nous constatons que la Surobi est dans la liste du deuxième groupe de provinces et de district [inaudible] qui représentent dailleurs à peu près la moitié de la population de lAfghanistan ; cest donc une décision très significative.
Nous avons donc mis en uvre ce que nous avions annoncé, cest-à-dire le retrait dun millier de soldats français dici la fin de lannée 2012. Le premier contingent de 200 soldats a dores et déjà été retiré et nous poursuivrons au fur et à mesure du transfert de la Surobi. Au-delà, nous souhaitons que lensemble de la province de la Kapisa soit concernée par ce transfert et par cette transition. Nous préparons donc activement le soutien que nous apporterons à lAfghanistan au-delà de 2014.
Comme vous le savez, à la suite de la visite du président français à Kaboul, nous avons mis en chantier un projet de traité damitié et de coopération. Le texte a été mis au point et a été transmis aux autorités afghanes.
Le président Karzaï, que je viens de rencontrer, ma confirmé laccord de principe du gouvernement afghan. Nous sommes en train de mettre au point le texte définitif qui portera sur plusieurs domaines : la sécurité, léducation, lagriculture, le secteur minier, avec un plan daction quinquennal dans le cadre dun traité qui, lui, se fixera un objectif à vingt ans. Jespère que, comme me la confirmé le président Karzaï, ce traité pourra être signé à Paris au mois de janvier prochain.
Nous avons aussi pris linitiative de demander une réflexion sur la sécurité collective régionale. Cette idée a été validée lors de la Conférence dIstanbul du 2 novembre dernier. On y travaille actuellement. Jai eu loccasion den parler avec le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et, bien sûr, avec les autorités afghanes qui adhérent tout à fait à cette idée. Nous allons essayer de la faire progresser.
Voilà ce que je souhaitais dire sur cette conférence qui est donc une étape importante dans ce processus de transition ordonné et responsable. Je sais quen France certains souhaiteraient accélérer le retrait. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Il sagit, pour nous, dorganiser un retrait ordonné et de sang-froid.
Je pense que vous avez dautres questions sur lactualité immédiate et je vous laisse le soin de les poser après ces quelques mots sur cette Conférence de Bonn.
Q - Sur le partenariat à long terme, les négociations entre les États-Unis et lAfghanistan, on a entendu lIran sexprimer, la Russie et le Pakistan également. Ces pays ne souhaitent pas voir de soldats américains à long terme sur le territoire afghan. Quen pensez-vous ? Quelle est la position de la France sur cette question-là ? Estimez-vous que cest légitime ? À quel niveau ?
R - Ce nest pas la position de la France qui compte, cest la position du gouvernement afghan. Il y aura bien entendu toute une série daccords post-2014. Nous souhaitons que les Nations unies restent fortement impliquées. Jai rencontré ce matin M. Ban Ki-moon qui ma assuré que la MONUA poursuivrait son action.
Il y aura sans doute un accord avec lOTAN. Il nous paraît tout à fait normal quune présence de lOTAN, qui ne soit pas une présence combattante mais une présence de soutien à larmée afghane qui en aura sans doute besoin, puisse se poursuivre.
Et puis, il y aura des accords bilatéraux, comme laccord que je viens dévoquer entre la France et lAfghanistan. Tout ceci doit donc constituer un ensemble de dispositions selon ce que le gouvernement de Kaboul souhaitera.
Q - Je me suis mal exprimé. Pensez-vous que cest bien que les États-Unis laissent un certain nombre de bases
R - Je vais vous répondre quil est normal que lOTAN et les États-Unis, vraisemblablement, poursuivent une présence non pas combattante mais une présence de soutien, notamment pour tout ce qui concerne la formation et lentraînement de larmée afghane ; cest ce que je vous ai dit à linstant.
Q - Ce sera en bilatéral essentiellement, il ny aura plus de mandat ASAF ?
R - Je pense que la FIAS naura plus son rôle à jouer après 2014. Cest donc un nouveau contexte qui mettra laccent sur la dimension civile et non pas sur la dimension militaire.
Q - Juste un tout petit problème : le volume de larmée afghane, telle quelle est prévue aujourdhui, après le retrait, est quand même assez conséquent et assez cher pour un État comme lAfghanistan. Comment va-t-on réussir à réarmer larmée pour que ce soit à la fois tenable dun point de vue militaire et financièrement viable sur le long terme pour cet État ?
R - Larmée afghane aujourdhui, si je ne me trompe, compte déjà 300.000 soldats. La montée en puissance sest donc déjà faite, et bien faite.
Je sais que la question de savoir comment compenser, jallais dire «le manque à gagner» - cest une expression un peu curieuse -, leffet du retour du retrait des forces de lOTAN dans le budget, dans léconomie de lAfghanistan, est en discussion. Nous ne sommes pas favorables, pour ce qui nous concerne, à une proportionnalité entre leffort accompli sous le statut AFAS et puis sur le futur dispositif post-2014. Cest une question à discuter.
Q - Cela veut-il dire, Monsieur le Ministre que vous êtes opposé à lidée, apparemment mise en avant par les Américains, que la charge du maintien du soutien à cette armée afghane soit transféré à lOTAN, en tout cas que lOTAN devienne le fournisseur de soutien aux forces afghanes après 2014 ?
R - Je ne suis pas hostile à ce quil y ait négociation entre lOTAN et le gouvernement afghan pour le soutien post-2014. En revanche, comme je viens de vous le dire, je ne vois pas dun très bon il quil y ait une sorte de proportionnalité automatique entre ce qui a été fait avant 2014 et ce qui le sera après. Il faut rediscuter.
Q - Sur le volet paix et réconciliation - sachant que nous considérons que cest aux Afghans dabord de prendre en main cet aspect-là et que les perspectives en la matière sont quand même assez sombres avec lassassinat du médiateur afghan et labsence de représentation des insurgés -, quel rôle pouvons-nous jouer ?
R - Je vous disais que cette conférence était un pas en avant. Cela na pas réglé tous les problèmes, qui restent nombreux : la sécurité sur le terrain nest pas entièrement réglée ; le processus de réconciliation est en panne depuis lassassinat de lancien président Rabbani ; le rôle du Pakistan est pour le moins ambigu avec le boycott à la suite dun incident tout à fait regrettable, dun drame sur lequel lOTAN doit faire toute la lumière. Nous le souhaitons. Ceci a été annoncé par le Secrétaire général de lOTAN et nous souhaitons que le Pakistan soit associé à cette enquête permettant détablir les faits.
La situation reste donc bien évidemment extrêmement difficile. Nous avons essayé, pour ce qui nous concerne, de faciliter le dialogue. À la fin de la semaine dernière, nous avons organisé à Paris, avec la Fondation pour la Recherche stratégique, une rencontre où sont venus de très nombreux représentants de la société civile afghane de toutes sensibilités.
Nous navons pas voulu donner une résonance médiatique trop forte à cette conférence mais cest notre façon à nous de coopérer, daider à cette reprise du dialogue qui sera très certainement difficile.
Q - Quelles garanties avez-vous pu obtenir du gouvernement afghan sur la lutte contre la corruption et la bonne gouvernance ?
R - Lexpression dune bonne volonté. Jai interrogé M. Karzaï sur la lutte contre la drogue en particulier et il ma dit très spontanément et très franchement que cela ne marchait pas bien, que cétait devenu une question régionale parce que dautres pays participent à ces trafics, et que la question de la demande était très difficile à traiter. Vous avez donc pu observer, dans toutes les interventions que jai entendues - au moins une dizaine - que tout le monde a mis laccent sur cette nécessité de développer la lutte contre la drogue et contre la corruption ; le chantier est immense, il est sans doute devant nous.
Q - Sur la drogue, des chiffres fournis par lONU indiquent que le marché de la drogue correspond à 60 % du PIB afghan. Qualifiez-vous aujourdhui lAfghanistan de «narco-État» ?
R - Si on veut collaborer avec lAfghanistan et laider, on ne va pas commencer par lui coller ce genre détiquettes. Que la production et le trafic de la drogue sont des points considérables dans léconomie afghane aujourdhui, oui, cest évident. Mais dire que cest un narco-État reviendrait à dire que le gouvernement en place organise le trafic de drogue.
Q - Le gouvernement, non, mais lONU a dit lui-même quil y avait plus de la moitié des parlementaires afghans qui étaient
R - Je vous ai dit que la lutte contre la corruption était un sujet fort et difficile.
Q - Beaucoup craignent un glissement de lAfghanistan, au-delà de la date du retrait des forces internationales, dans la guerre civile. Beaucoup mentionnent le cas de la mort de Burhabuddin Rabbani. Comment pourrait-on éviter ce scenario, dans un contexte de crise où personne na beaucoup dargent à consacrer à lAfghanistan.
R - Le scénario est très exactement celui que nous avons essayé de dessiner aujourdhui afin que cette possibilité soit ouverte. Oui, bien sûr, le pire nest pas complètement exclu en Afghanistan. La situation sécuritaire sur le terrain reste difficile. La bataille nest pas gagnée. Le processus de réconciliation est en panne. Le rôle du Pakistan reste un problème majeur. Il ny aura pas véritablement de retour à la paix dans cette région si le Pakistan ne sengage pas fortement. Bref, les points dinterrogation sont extrêmement importants.
La stratégie est précisément celle dont je vous ai parlé, cest-à-dire essayer de stabiliser la situation sécuritaire en faisant monter en puissance larmée afghane. Des progrès ont été faits dans ce sens de manière incontestable.
Ensuite, préparer les perspectives post-2014 par toute une série daccords multilatéraux et bilatéraux visant à aider le gouvernement afghan à reconstruire. Des progrès ont été faits et le président Karzaï lui-même a donné des chiffres assez spectaculaires sur lalphabétisation en Afghanistan et sur lamélioration du système de santé ; on a fait des choses ! Il faut continuer dans cette direction.
Enfin, le troisième effort que nous essayons de développer, cest la recherche dune sécurité collective parce que si effectivement les voisins de lAfghanistan ne prennent pas dengagements, la situation peut se détériorer. La stratégie est définie. Sur le plan financier, la France a annoncé un effort significatif, à notre mesure évidemment, et dautres pays le feront aussi.
Q - Prévoyez-vous que les États-Unis continuent de porter financièrement la charge principale de lengagement financier en Afghanistan ?
R - Cest une question pour Mme Clinton. Je pense quil y aura de nouvelles règles, on ne peut pas prolonger les lignes exactement comme les choses se passent depuis leur engagement militaire ici.
Q - Visiblement, le fait quil ny ait pas encore daccord américano-afghan fait peser aussi des suspicions sur la stabilité du régime. Est-ce que cela ne fait pas perdre de temps ?
R - Non, je pense que de ce point de vue-là, les choses se sont stabilisées, le Parlement est en place, la Loya jirga a été une étape plutôt positive. Je pense donc que ce gouvernement aujourdhui a des perspectives devant lui.
Q - Si laccord nest pas signé ou sil est signé de manière un peu faible
R - Entre les États-Unis et lAfghanistan ? Rien ne permet de dire aujourdhui que laccord ne sera pas signé. Il est en discussion, la question se pose, il y a des risques considérables, jen suis parfaitement conscient, mais ce qui sest passé aujourdhui diminue plutôt ces risques et augmente les chances dune solution positive.
Q - Vous avez parlé deffort significatif de la France, pouvez-vous être plus précis ?
R - On le saura lorsquon signera laccord au mois de janvier prochain, quand on aura les chiffres.
Q - Vous pouvez nous donner une fourchette ?
R - Non, pas encore, on discute avec nos amis afghans.
Q - La Conférence dIstanbul a-t-elle dessiné peut-être une stratégie pour la communauté internationale qui serait de faire reposer sur les pays de la région.
R - Oui absolument. Je rappelais que cétait une idée française, parmi dautres, mais cest la France qui a suggéré la recherche dun mécanisme de sécurité collective. Ce matin quand jen discutais avec mon collègue russe, il me disait : «est-ce que vous allez créer une nouvelle organisation ?» Pas forcément. Il y a déjà des organisations et des mécanismes qui existent. Ce que nous voulons, cest essayer de progresser dans une approche plus collective et plus globale, cela a été posé en principe a Istanbul et de nouvelles étapes ont été fixées.
En juin, à Kaboul, la conférence ministérielle pourrait permettre davancer sur ce projet, qui est compliqué : quand vous voyez la liste des voisins de lAfghanistan, la Russie elle-même, la Chine, lIran, le Pakistan, lOuzbékistan, le Tadjikistan, etc Cest une raison supplémentaire pour essayer. Ce processus dIstanbul va sy attaquer.
Q - Sur les élections en Russie, avez-vous évoqué avec votre homologue russe les défaillances apparentes ou, en tout cas, les soupçons de manipulation et de pressions sur les médias, en particulier Internet ?
R - Non, car quand je lai rencontré, je navais pas encore les déclarations des observateurs de lOSCE soulevant un certain nombre de questions. Nous en avons pris note et nous souhaitons que la clarté soit faite sur ces critiques pour connaître lampleur des difficultés auxquelles ce scrutin a pu donner lieu.
Q - Apparemment, Hillary Clinton a été assez critique à légard des modalités de ce scrutin.
R - Nous allons regarder exactement ce que lOSCE va mettre sur la table. Et sil y a des critiques à faire, nous les ferons.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 décembre 2011