Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, en hommage aux unités engagées en opérations extérieures, en particulier en Afghanistan et en Libye, à Saint-Dizier le 12 décembre 2011.

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Circonstance : Remise de décoration aux unités engagées dans les opérations extérieures en Lybie et en Afghanistan, sur la base aérienne 113 « commandant Saint-Exupéry » de Saint-Dizier (Haute-Marne) le 12 décembre 2011

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
C'est avec une très grande fierté et avec beaucoup de gratitude que je m'exprime devant vous, les aviateurs de la base aérienne Antoine de Saint-Exupéry.
Je suis venu rendre hommage aux hommes et aux femmes de l'armée de l'air, et à travers eux c'est un hommage à tous ceux qui sont engagés au service de la France.
La fin des opérations en Libye, le début du désengagement en Afghanistan, les opérations en Côte d'Ivoire, au Sahel, au Liban au sein de la Finul, la lutte contre la piraterie au large de la Somalie ont marqué ces derniers mois.
Cette année, toutes nos composantes ont été mobilisées et combinées : nos forces terrestres, nos forces navales, nos forces aériennes et spatiales.
Nous avons engagé simultanément en opération jusqu'à 13 000 hommes, soit 50 % de plus que l'année précédente.
Avec Gérard Longuet, je veux saluer l'engagement et le courage de nos soldats, qui ont permis à la France de tenir son rang sur la scène internationale.
Je veux d'abord revenir sur la situation en Afghanistan.
Comme vous le savez, la France n'a jamais eu vocation à rester indéfiniment sur place. Elle a fait son travail, elle a fait son devoir. Elle continue de le faire. Le Président Karzaï a récemment annoncé la liste des zones qui vont être transférées par la coalition aux forces afghanes dans le cadre de la 2ème tranche du processus de transition.
Ces décisions constituent une étape importante dans le processus qui verra l'Afghanistan assumer la pleine responsabilité de la sécurité sur son territoire d'ici à la fin 2014.
Pour la France, le transfert d'abord de la province de Kaboul dans sa totalité et du district de Surobi marquent la reconnaissance des progrès enregistrés sur le terrain grâce à l'action de ses forces, en lien avec ses alliés et en soutien des forces de sécurité afghanes.
Ce transfert va permettre d'ici la fin de l'année le retour en France de 200 soldats supplémentaires, dont des aviateurs de Saint-Dizier en plus des 200 qui ont déjà rejoint la France à la fin d'octobre.
Pour mener à son terme la transition, la France restera pleinement engagée avec ses Alliés aux côtés du peuple afghan conformément aux objectifs que nous nous sommes ensemble fixés.
La France signera prochainement un traité de coopération avec l'Afghanistan pour que le retrait progressif de ses forces s'accompagne d'un renforcement de l'aide civile et de l'aide à la reconstruction au bénéfice du peuple afghan.
A l'heure où notre départ s'organise, je voudrais saluer la mémoire de tous nos soldats qui sont tombés au service de notre Nation. 25 sont morts et une centaine ont été blessés sur le théâtre afghan depuis le début de l'année. 76 depuis le début de notre engagement. Personne n'oubliera leur sacrifice et personne n'a le droit de dire que notre engagement total, que leur engagement total fut vain.
Nous avons chassé du pouvoir l'une des pires dictatures du monde ; l'Afghanistan n'est plus la base arrière du terrorisme international ; le peuple afghan n'est plus dans la servitude ; pas à pas, la stabilité économique et sociale s'est imposée sur le chaos.
Je veux également adresser une pensée aux cinq Casques bleus français de la Finul qui ont été blessés vendredi au sud du Liban, dans une attaque dont je veux dire que la lâcheté n'entamera pas notre détermination.
En Côte d'Ivoire, la France, à la demande des Nations Unies, a pris ses responsabilités sur la base de principes simples : le soutien à la démocratie, l'appui aux efforts de la communauté internationale et le respect de nos engagements. Notre intervention dans ce pays a contribué à la réconciliation et à la reconnaissance de son dirigeant légitimement élu. Et grâce à l'action de nos forces des élections législatives ont pu se dérouler hier en Côte d'Ivoire.
L'opération en Libye a marqué ces derniers mois. Elle a démontré l'aptitude de la France à mener des opérations complexes, qui engagent tout l'éventail de nos capacités.
Votre action a été déterminante et votre contribution fut décisive lors de l'opération Harmattan dans le ciel libyen.
Au cours de ces sept mois et demi d'opérations, votre dévouement et votre professionnalisme ont permis au chef de l'Etat et au Gouvernement français de disposer, dès les premiers instants, d'un outil militaire moderne, réactif et endurant, parfaitement adapté aux objectifs politiques que nous nous étions fixés.
La France a ainsi pu démontrer sa volonté mais surtout sa capacité de défendre ses valeurs, aux portes de l'Europe.
En initiant cette opération, seule dans les premières heures, la France a montré toute la détermination dont elle peut faire preuve lorsqu'il s'agit d'assumer des responsabilités internationales ou de défendre ses intérêts.
Votre réactivité a été exemplaire. Le 19 mars, 2 heures après la déclaration du président de la République à la Conférence de Paris, les forces de notre armée de l'air étaient en vol pour la Libye, parties de Saint-Dizier et de ses autres bases métropolitaines. Ce jour-là, les premières frappes ont été réalisées par les moyens que vous avez mis en oeuvre ici à Saint-Dizier. Et vous savez que c'était une question d'heures.
La progression des troupes du colonel Kadhafi vers Bengazi fut immédiatement stoppée. Grâce à vous, la tragédie, qui était annoncée, n'a pas eu lieu. C'est l'honneur de l'action militaire que de concrétiser les engagements pris par la France devant les autres nations du monde.
Je voudrais dire que si notre pays a ainsi pu répondre à l'urgence d'une situation qui se dégradait, si la France a pu prendre l'initiative à la tête d'une coalition naissante, si l'armée de l'air et si l'armée de l'air française a pu maintenir un niveau d'attaque proportionnel à ses objectifs politiques, c'est grâce à ses moyens performants et polyvalents, et je veux naturellement citer les mirages 2000 et le Rafale.
Les capacités ont été démontrées en Libye de façon tout à fait exceptionnelle. Dans ce succès, il y a bien sûr d'abord la maîtrise absolue des pilotes ; il y a la capacité des mécaniciens à assumer la maintenance des appareils ; mais il y a aussi les savoir-faire de nos industriels et de plusieurs générations d'ingénieurs et d'ouvriers.
Ces compétences, qui sont des compétences uniques, la France ne compte en aucun cas y renoncer.
Notre volonté, c'est de développer ces savoir-faire et ces compétences avec des partenaires stratégiques qui partagent avec la France une ambition pour leur outil de défense. C'est le sens des efforts avec le Brésil, les Emirats arabes Unis, ou encore avec l'Inde.
La France ne veut pas exporter le Rafale comme on exporte une simple machine. Elle veut des partenariats à long terme pour porter avec les pays intéressés une ambition technologique, une ambition industrielle et une ambition stratégique. Et une capacité militaire n'a de sens que si, à la réactivité, s'ajoute la possibilité d'agir dans la durée.
Pendant les sept mois et demi de conflit, vous avez, sans discontinuité, répondu à de très fortes sollicitations opérationnelles. En permanence, vous avez adapté votre outil aux évolutions de la situation sur le terrain et aux contraintes politiques qui en découlaient. Vous avez pu offrir une grande variété de modes d'action et d'effets, allant du tir ponctuel sur des véhicules à des frappes stratégiques sur des objectifs névralgiques, en passant par des vols de reconnaissance et de renseignement.
Je veux saluer la maîtrise avec laquelle vous avez évité des dommages collatéraux. Vous avez fait un usage de façon précise, retenue, dosée de la force, laissant toute leur place aux volets politique et diplomatique que le Gouvernement français mettait en oeuvre tout au long de l'intervention militaire. Aux yeux de la communauté internationale, vous avez tout simplement démontré que la France disposait d'une armée de l'air de tout premier rang.
Votre effort est d'autant plus méritoire que cette action s'est inscrite dans le contexte d'une réorganisation de notre appareil de défense, puisque d'ici 2015, les effectifs auront été réduits de 54000 hommes. 22 % des sites majeurs de l'armée de l'air auront été fermés d'ici fin de l'année 2012. Comme les autres services de l'Etat, le ministère de la Défense a pris sa part dans l'effort de rationalisation de l'action publique.
Mais je veux dire que cette réforme garde intacte notre capacité à défendre nos intérêts vitaux et nos valeurs. Nous devons garder la cohérence de notre outil militaire pour que la France conserve son rôle sur la scène internationale. Nous pouvons le faire aujourd'hui parce que cet outil est cohérent, il est complet et il est adaptable. Nous pouvons le faire car les hommes et les femmes recrutés, formés et entraînés dans les forces armées sont animés par des forces morales exceptionnelles. Cet outil militaire, il a fallu des décennies pour le construire. Il a un coût, qu'il nous faut maîtriser. Mais son maintien reste une priorité du Gouvernement, parce qu'il est une condition de notre souveraineté nationale.
J'ai souvent l'habitude de dire que notre souveraineté nationale dépend pour un large part de notre capacité à maîtriser nos finances publiques, mais ce ne sont pas les agences de notation qui décident de tout. Et en particulier ce ne sont pas elles qui décident de la place qu'un pays tient dans le monde. Et si nous tenons la place qui est la nôtre, c'est en grande partie en raison des efforts que nous avons fait pour construire un outil militaire dont vous êtes ici, chacun d'entre vous les représentants et l'expression de l'excellence.
Mesdames et Messieurs, je voulais maintenant pour terminer m'adresser à vous aviateurs, pères et mères de famille, ainsi qu'à vos enfants et vos proches. Je connais les tensions familiales que créent les exigences du métier pour lequel vous vous êtes engagés sans compter. Au cours des opérations extérieures, vous êtes loin de ceux qui comptent pour vous, et vous êtes loin de ceux qui vous attendent.
Pour vous, pour la France, vous avez choisi un destin particulièrement exigeant.
Votre mission s'effectue au péril de votre vie, vous le savez, et je voudrais que les Français ne l'oublient jamais. A vous et à vos enfants, je veux dire combien la Nation vous est reconnaissante.
C'est avec beaucoup de fierté que j'ai décoré tout à l'heure deux unités aériennes et cinq officiers français. L'escadron de Rafale "Provence" et l'escadron de drones "Belfort" ont joué un rôle déterminant en Libye depuis les premières heures de notre intervention jusqu'à la dernière mission. Elles ont également contribué à la sécurisation des forces terrestres en Afghanistan. Par cette décoration des officiers, c'est vous tous qui êtes honorés, hommes et femmes qui avez pris part aux opérations, du mécanicien au pilote, sans oublier les personnels en charge du renseignement dont nous savons que la tâche est vitale pour la sécurité de nos frappes au combat.
La décoration de deux officiers étrangers témoigne de l'importance de la coopération européenne dans le domaine de la Défense. Le général Both, de nationalité allemande, est le commandant du Groupement de transport aérien européen. Ce commandement a été créé il y a un an, et bien qu'il n'ait pas encore sa pleine capacité opérationnelle, il a démontré une grande efficacité en assurant 20 % des opérations logistiques au profit de la France, au cours de l'opération Harmattan.
Le Capitaine Abson, officier navigateur britannique sur Mirage 2000D, a été décoré pour s'être particulièrement distingué en Afghanistan au cours d'une mission de soutien aux forces de la coalition qui étaient prises sous un feu nourri.
La coopération franco britannique au niveau opérationnel est déjà très avancée, et je me réjouis de cette distinction qui en est aujourd'hui le symbole.
Au début de l'année, le président de la République est venu ici à Saint-Dizier vous adresser ses voeux, et il pressentait alors que les armées seraient beaucoup sollicitées en 2011. Cette année s'achève bientôt, et, en effet, vous avez dû vous engager avec beaucoup de courage et beaucoup de passion.
Mesdames et messieurs notre monde reste dangereux, il reste instable, l'éventail des menaces reste large. Notre pays doit rester vigilant. Vous êtes et vous serez toujours en situation de devoir agir. La France a confiance en vous et cette confiance est méritée parce que je sais que rien ne vous détourne jamais de vos devoirs.
Et je voudrais, pour finir, vous dire qu'après presque cinq ans de responsabilité du Gouvernement, après une longue fréquentation de l'armée de l'air, tout au long de ma vie publique, j'ai pour chacun d'entre vous une immense admiration, pour votre courage, pour votre engagement, pour votre efficacité, et pour vos qualités morales. Je veux simplement, au nom du Gouvernement, et au fond à travers le Gouvernement au nom de la nation française toute entière, vous dire merci.
Source http://www.gouvernement.fr, le 13 décembre 2011