Déclaration de Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux solidarités et à la cohésion sociale, sur la prise en charge des personnes âgées et le débat sur la dépendance, Paris le 10 novembre 2011.

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Circonstance : Journée nationale de l'action sociale retraite de la CNAV à Paris le 10 novembre 2011

Texte intégral


Permettez-moi tout d’abord de vous remercier de votre accueil et de vous dire combien je suis heureuse d’être ici, aujourd’hui, pour cette journée nationale de l’action sociale retraite organisée par la CNAV.
Evaluation, prévention, logement. Tels sont les thèmes autour desquels sont organisés vos débats. Tels sont en effet les champs privilégiés d’intervention de l’action sociale de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Tels sont, j’en suis convaincue, les enjeux principaux qui se posent à notre pays confronté, comme tant d’autres, à la question du vieillissement.
Où donc mieux qu’à la CNAV, revenir sur les enseignements principaux que le Gouvernement a retirés du grand débat sur la dépendance lancé le 8 février dernier par le Président de la République, et qui vont guider l’action des pouvoirs publics dans les mois qui viennent ?
1/ Le débat sur la dépendance a certes mis en évidence certaines tensions dans notre dispositif d’accompagnement des personnes âgées dépendantes. Mais il nous a surtout invités à changer de braquet pour préparer notre pays à faire face au pic du vieillissement en 2025-2030.
Je ne reviendrai pas sur l’organisation de ce débat. Il a permis d’éclairer le Gouvernement sur les enjeux liés au vieillissement.
Enjeux démographiques bien sûr. Rappelons simplement quelques chiffres : les plus de 60 ans représentent 23% de la population en 2010, ils en représenteront 31% en 2040 ; 3,4 millions de personnes de plus de 80 ans en 2010, ils seront 7 millions en 2040, soit un taux de croissance de 107% en 30 ans !
Enjeux financiers aussi. Plus de 25 milliards d’euros de moyens publics sont aujourd’hui dédiés à la prise en charge de la dépendance. Combien demain, avec le doublement attendu du nombre de personnes dépendantes ?
Enjeux sociétal enfin : quelle place voulons-nous faire aux personnes âgées dans la société française de demain ?
Il est apparu un besoin de renflouer le système de prise en charge des personnes âgées dépendantes et améliorer les conditions financières de cet accompagnement.
Il est inutile d’esquiver le sujet : oui, la crise financière à laquelle notre pays a dû faire face depuis cet été - et à laquelle nous continuons toujours d’essayer d’échapper, il faut le rappeler – n’a pas permis d’engager dès 2011 tous les moyens qui auraient pu être attendus.
Toutefois, malgré la crise, il faut aussi le reconnaître, le Gouvernement a choisi de maintenir la progression des efforts financiers engagés à destination des personnes âgées. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 actuellement en discussion apporte 450 millions d’euros de plus. Entre 2007 et 2012, l’ONDAM médico-social aura ainsi apporté plus de 3,3 milliards d’euros supplémentaires au secteur personnes âgées, soit une augmentation des moyens disponibles en base de 70%. C’est sans précédent. Le projet de loi de finances pour 2012 prévoit quant à lui 50 millions d’euros pour venir en aide aux services à domicile.
Si ces aspects financiers de court terme sont importants, ils ne sont pas à mes yeux les principaux enseignements de cette extraordinaire mobilisation sur le sujet du vieillissement.
Devant l’ampleur des questions posées par le vieillissement, la solution ne peut en effet résider en l’extrapolation de modes de réponse actuelles à l’enjeu démographique de demain. Tant les perspectives issues des projections démographiques et financières que les attentes-mêmes des Français nous l’interdisent.
Qui peut croire que face au doublement de personnes âgées dépendantes à horizon 2040 il soit possible et souhaitable de multiplier par deux le nombre de places en EHPAD, ce qui signifierait construire plus de 5000 à 7000 établissements supplémentaires en 30 ans ?
Qui peut surtout se résigner à voir stagner voire régresser l’espérance de vie sans incapacité lorsque l’espérance de vie continue elle de s’améliorer ? Il suffit de regarder les performances en la matière de certains de nos voisins européens pour se convaincre qu’il y a là une action prioritaire à donner.
Améliorer l’espérance de vie sans incapacité et favoriser l’autonomie le plus longtemps possible, telle doit être notre première ambition. Pour y répondre, nous devons réorienter nos politiques vers la prévention.
2/ C’est dans la mise en œuvre d’une vision élargie de la prévention de la perte d’autonomie que nous devons aujourd’hui mobiliser l’ensemble des acteurs.
Car, si la prévention a une dimension « santé publique » évidente, nous devons rechercher parallèlement, à améliorer l’autonomie des personnes.
Ce n’est évidemment pas vous qu’il s’agit de convaincre, tant l’action du réseau de la CNAV et des partenaires représentés si nombreux aujourd’hui, s’inscrit précisément dans ce sens. Je veux au contraire m’appuyer sur l’ensemble des initiatives que vous portez depuis de si nombreuses années pour diffuser parmi nos compatriotes une véritable culture de la prévention sur ce sujet.
J’évoquerais rapidement les différentes dimensions de la politique qu’il convient de renforcer :
* la première dimension est celle de l’évaluation et de la détection des facteurs de risque de la dépendance. Elle conduit à porter une grande attention à l’équilibre alimentaire ou à l’exercice physique. Elle impose de ne pas négliger les facteurs de risque sociaux. L’évaluation par les équipes des CARSAT ont cette mission. Dans ce domaine, je salue aussi les efforts prometteurs des centres de préventions de l’AGIRC-ARRCO, dont les représentants sont présents aujourd’hui.
* une autre dimension est celle de l’habitat : Madame Boulmier qui est parmi nous aujourd’hui a fait d’utiles préconisations dans ses rapports et je veux la remercier. Nous devrons sans aucun doute rééavaluer l’efficacité de notre dispositif d’aide à l’aménagement de l’habitat afin d’en renforcer l’efficacité. J’insiste toutefois sur l’acception large que nous devons avoir de l’aménagement de l’habitat. Au-delà du domicile de la personne, c’est tout l’aménagement de l’espace urbain, la politique des transports, la ville en un mot, qui doivent être pensés autrement afin de s’adapter au vieillissement. C’est dans le cadre de cette évaluation, que la prise en compte de la fragilité économique et sociale des personnes trouve sa place.
* la dernière dimension est celle de la participation sociale des personnes. En effet, si les personnes âgées doivent certes compter sur (le droit – l’aide), elles doivent aussi compter pour (le devoir – la participation sociale, la reconnaissance de leur pleine citoyenneté jusqu’au bout). Les phénomènes de glissement vers la dépendance sont évidemment alimentés par le sentiment d’isolement, d’inutilité. Cette prévention, elle doit donc irriguer toutes nos politiques publiques, celles de l’Etat comme celles des collectivités locales, afin de lutter efficacement contre l’isolement, l’immobilité, la désinsertion sociale, facteurs de fragilité des personnes âgées. Il s’agit d’une politique du lien social.
* Les exigences de la prévention dessinent les principes de réorientation de nos réponses.
Depuis 20 ans, nous avons privilégié la réponse santé, en faisant évoluer les maisons de retraite en lieux de soin.
Je ne crois pas que nous devions continuer de répondre de manière aussi stéréotypée. Entre le maintien à domicile ordinaire et l’entrée en établissement parfois indispensable, il y a de la place pour des solutions innovantes qui proposent de nouvelles manières de vivre « chez soi ». Je suis persuadée que ces solutions « intermédiaires » d’accompagnement favoriseront la participation des personnes âgées à la société, et qu’elles contribueront à prévenir les phénomènes de glissement vers la dépendance.
Non seulement nous pourrons ainsi améliorer la qualité de vie de nos aînés, mais en plus je suis certaine que cela sera moins coûteux pour notre système de protection sociale. Hospitaliser 15 jours une personne âgée, qui n’a en réalité pas besoin de soins médicaux, uniquement parce qu’il n’y a pas de solution de retour ou de maintien à domicile, quel gâchis financier et humain ! Le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie l’a évalué à 2 milliards d’euros. L’inflexion de notre modèle d’accompagnement des personnes âgées dépendantes contient donc en lui-même une partie de son propre financement. C’est ce que nous allons commencer à explorer dès l’année prochaine avec la mise en place des expérimentations prévues par l’article 37 bis du PLFSS.
* Cette exigence de la prévention, elle appelle également à repenser la gouvernance de notre dispositif de réponse à la perte d’autonomie. Nous devons l’enrichir.
Trop centré sur la réponse à la dépendance, il doit être élargi pour y intégrer pleinement les acteurs de la prévention.
La CNAV, est, de par sa politique d’action sociale, un acteur premier.
Cette politique, c’est évaluer les besoins et la vulnérabilité des personnes âgées. Cette politique, c’est aussi informer et conseiller les retraités sur les moyens pour « vivre avec » et « bien vivre » son vieillissement. Cette politique, c’est aussi développer des actions collectives de prévention, anticiper la perte d’autonomie et l’accompagner pour la retarder. En un mot, c’est la prévention du glissement dans la dépendance.
Cette politique, c’est aussi celle des autres acteurs de l’autonomie et de l’action sociale que vous avez réussi à mobiliser très largement aujourd’hui.
A travers votre journée, qui fait ainsi figure à mes yeux de laboratoire, vous soulignez ainsi l’importance du partenariat entre la CNAV et près de 250 structures conventionnées avec les CARSAT (Caisse d’Assurance Retraite et de la Santé au Travail) pour réaliser les évaluations des besoins des personnes âgées.
Ce sont les partenariats lancés ou esquissés avec l’ensemble des très nombreux partenaires présents aujourd’hui : avec représentants des autres organismes de protection sociale (MSA, RSI, AGIRC-ARRCO, CNAMTS), du secteur de l’aide à domicile, de l’ANAH (Agence nationale d’amélioration de l’habitat) ou encore de l’INPES (Institut national de prévention et d’éducation pour la Santé).
Cette mobilisation exceptionnelle de tous ces partenaires, elle témoigne des perspectives porteuses de cette politique. Je m’en réjouis et accorde à vos travaux une attention particulière.
Mesdames, Messieurs,
En ces temps de marges budgétaires très contraintes du fait d’une crise sans précédent que nous connaissons, je suis absolument certaine qu’en privilégiant la prévention et la participation sociale, nous saurons dessiner la voie d’une réponse respectueuse tout à la fois de nos équilibres économiques et des attentes de nos compatriotes, et porteuse d’une amélioration la qualité de vie des personnes âgées.
Je vous remercie.
Source http://www.solidarite.gouv.fr, le 16 novembre 2011