Texte intégral
Permettez-moi tout dabord de vous remercier de votre accueil et de vous dire combien je suis heureuse dêtre ici, aujourdhui, pour cette journée nationale de laction sociale retraite organisée par la CNAV.
Evaluation, prévention, logement. Tels sont les thèmes autour desquels sont organisés vos débats. Tels sont en effet les champs privilégiés dintervention de laction sociale de la Caisse nationale dassurance vieillesse. Tels sont, jen suis convaincue, les enjeux principaux qui se posent à notre pays confronté, comme tant dautres, à la question du vieillissement.
Où donc mieux quà la CNAV, revenir sur les enseignements principaux que le Gouvernement a retirés du grand débat sur la dépendance lancé le 8 février dernier par le Président de la République, et qui vont guider laction des pouvoirs publics dans les mois qui viennent ?
1/ Le débat sur la dépendance a certes mis en évidence certaines tensions dans notre dispositif daccompagnement des personnes âgées dépendantes. Mais il nous a surtout invités à changer de braquet pour préparer notre pays à faire face au pic du vieillissement en 2025-2030.
Je ne reviendrai pas sur lorganisation de ce débat. Il a permis déclairer le Gouvernement sur les enjeux liés au vieillissement.
Enjeux démographiques bien sûr. Rappelons simplement quelques chiffres : les plus de 60 ans représentent 23% de la population en 2010, ils en représenteront 31% en 2040 ; 3,4 millions de personnes de plus de 80 ans en 2010, ils seront 7 millions en 2040, soit un taux de croissance de 107% en 30 ans !
Enjeux financiers aussi. Plus de 25 milliards deuros de moyens publics sont aujourdhui dédiés à la prise en charge de la dépendance. Combien demain, avec le doublement attendu du nombre de personnes dépendantes ?
Enjeux sociétal enfin : quelle place voulons-nous faire aux personnes âgées dans la société française de demain ?
Il est apparu un besoin de renflouer le système de prise en charge des personnes âgées dépendantes et améliorer les conditions financières de cet accompagnement.
Il est inutile desquiver le sujet : oui, la crise financière à laquelle notre pays a dû faire face depuis cet été - et à laquelle nous continuons toujours dessayer déchapper, il faut le rappeler na pas permis dengager dès 2011 tous les moyens qui auraient pu être attendus.
Toutefois, malgré la crise, il faut aussi le reconnaître, le Gouvernement a choisi de maintenir la progression des efforts financiers engagés à destination des personnes âgées. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 actuellement en discussion apporte 450 millions deuros de plus. Entre 2007 et 2012, lONDAM médico-social aura ainsi apporté plus de 3,3 milliards deuros supplémentaires au secteur personnes âgées, soit une augmentation des moyens disponibles en base de 70%. Cest sans précédent. Le projet de loi de finances pour 2012 prévoit quant à lui 50 millions deuros pour venir en aide aux services à domicile.
Si ces aspects financiers de court terme sont importants, ils ne sont pas à mes yeux les principaux enseignements de cette extraordinaire mobilisation sur le sujet du vieillissement.
Devant lampleur des questions posées par le vieillissement, la solution ne peut en effet résider en lextrapolation de modes de réponse actuelles à lenjeu démographique de demain. Tant les perspectives issues des projections démographiques et financières que les attentes-mêmes des Français nous linterdisent.
Qui peut croire que face au doublement de personnes âgées dépendantes à horizon 2040 il soit possible et souhaitable de multiplier par deux le nombre de places en EHPAD, ce qui signifierait construire plus de 5000 à 7000 établissements supplémentaires en 30 ans ?
Qui peut surtout se résigner à voir stagner voire régresser lespérance de vie sans incapacité lorsque lespérance de vie continue elle de saméliorer ? Il suffit de regarder les performances en la matière de certains de nos voisins européens pour se convaincre quil y a là une action prioritaire à donner.
Améliorer lespérance de vie sans incapacité et favoriser lautonomie le plus longtemps possible, telle doit être notre première ambition. Pour y répondre, nous devons réorienter nos politiques vers la prévention.
2/ Cest dans la mise en uvre dune vision élargie de la prévention de la perte dautonomie que nous devons aujourdhui mobiliser lensemble des acteurs.
Car, si la prévention a une dimension « santé publique » évidente, nous devons rechercher parallèlement, à améliorer lautonomie des personnes.
Ce nest évidemment pas vous quil sagit de convaincre, tant laction du réseau de la CNAV et des partenaires représentés si nombreux aujourdhui, sinscrit précisément dans ce sens. Je veux au contraire mappuyer sur lensemble des initiatives que vous portez depuis de si nombreuses années pour diffuser parmi nos compatriotes une véritable culture de la prévention sur ce sujet.
Jévoquerais rapidement les différentes dimensions de la politique quil convient de renforcer :
* la première dimension est celle de lévaluation et de la détection des facteurs de risque de la dépendance. Elle conduit à porter une grande attention à léquilibre alimentaire ou à lexercice physique. Elle impose de ne pas négliger les facteurs de risque sociaux. Lévaluation par les équipes des CARSAT ont cette mission. Dans ce domaine, je salue aussi les efforts prometteurs des centres de préventions de lAGIRC-ARRCO, dont les représentants sont présents aujourdhui.
* une autre dimension est celle de lhabitat : Madame Boulmier qui est parmi nous aujourdhui a fait dutiles préconisations dans ses rapports et je veux la remercier. Nous devrons sans aucun doute rééavaluer lefficacité de notre dispositif daide à laménagement de lhabitat afin den renforcer lefficacité. Jinsiste toutefois sur lacception large que nous devons avoir de laménagement de lhabitat. Au-delà du domicile de la personne, cest tout laménagement de lespace urbain, la politique des transports, la ville en un mot, qui doivent être pensés autrement afin de sadapter au vieillissement. Cest dans le cadre de cette évaluation, que la prise en compte de la fragilité économique et sociale des personnes trouve sa place.
* la dernière dimension est celle de la participation sociale des personnes. En effet, si les personnes âgées doivent certes compter sur (le droit laide), elles doivent aussi compter pour (le devoir la participation sociale, la reconnaissance de leur pleine citoyenneté jusquau bout). Les phénomènes de glissement vers la dépendance sont évidemment alimentés par le sentiment disolement, dinutilité. Cette prévention, elle doit donc irriguer toutes nos politiques publiques, celles de lEtat comme celles des collectivités locales, afin de lutter efficacement contre lisolement, limmobilité, la désinsertion sociale, facteurs de fragilité des personnes âgées. Il sagit dune politique du lien social.
* Les exigences de la prévention dessinent les principes de réorientation de nos réponses.
Depuis 20 ans, nous avons privilégié la réponse santé, en faisant évoluer les maisons de retraite en lieux de soin.
Je ne crois pas que nous devions continuer de répondre de manière aussi stéréotypée. Entre le maintien à domicile ordinaire et lentrée en établissement parfois indispensable, il y a de la place pour des solutions innovantes qui proposent de nouvelles manières de vivre « chez soi ». Je suis persuadée que ces solutions « intermédiaires » daccompagnement favoriseront la participation des personnes âgées à la société, et quelles contribueront à prévenir les phénomènes de glissement vers la dépendance.
Non seulement nous pourrons ainsi améliorer la qualité de vie de nos aînés, mais en plus je suis certaine que cela sera moins coûteux pour notre système de protection sociale. Hospitaliser 15 jours une personne âgée, qui na en réalité pas besoin de soins médicaux, uniquement parce quil ny a pas de solution de retour ou de maintien à domicile, quel gâchis financier et humain ! Le Haut Conseil pour lavenir de lassurance maladie la évalué à 2 milliards deuros. Linflexion de notre modèle daccompagnement des personnes âgées dépendantes contient donc en lui-même une partie de son propre financement. Cest ce que nous allons commencer à explorer dès lannée prochaine avec la mise en place des expérimentations prévues par larticle 37 bis du PLFSS.
* Cette exigence de la prévention, elle appelle également à repenser la gouvernance de notre dispositif de réponse à la perte dautonomie. Nous devons lenrichir.
Trop centré sur la réponse à la dépendance, il doit être élargi pour y intégrer pleinement les acteurs de la prévention.
La CNAV, est, de par sa politique daction sociale, un acteur premier.
Cette politique, cest évaluer les besoins et la vulnérabilité des personnes âgées. Cette politique, cest aussi informer et conseiller les retraités sur les moyens pour « vivre avec » et « bien vivre » son vieillissement. Cette politique, cest aussi développer des actions collectives de prévention, anticiper la perte dautonomie et laccompagner pour la retarder. En un mot, cest la prévention du glissement dans la dépendance.
Cette politique, cest aussi celle des autres acteurs de lautonomie et de laction sociale que vous avez réussi à mobiliser très largement aujourdhui.
A travers votre journée, qui fait ainsi figure à mes yeux de laboratoire, vous soulignez ainsi limportance du partenariat entre la CNAV et près de 250 structures conventionnées avec les CARSAT (Caisse dAssurance Retraite et de la Santé au Travail) pour réaliser les évaluations des besoins des personnes âgées.
Ce sont les partenariats lancés ou esquissés avec lensemble des très nombreux partenaires présents aujourdhui : avec représentants des autres organismes de protection sociale (MSA, RSI, AGIRC-ARRCO, CNAMTS), du secteur de laide à domicile, de lANAH (Agence nationale damélioration de lhabitat) ou encore de lINPES (Institut national de prévention et déducation pour la Santé).
Cette mobilisation exceptionnelle de tous ces partenaires, elle témoigne des perspectives porteuses de cette politique. Je men réjouis et accorde à vos travaux une attention particulière.
Mesdames, Messieurs,
En ces temps de marges budgétaires très contraintes du fait dune crise sans précédent que nous connaissons, je suis absolument certaine quen privilégiant la prévention et la participation sociale, nous saurons dessiner la voie dune réponse respectueuse tout à la fois de nos équilibres économiques et des attentes de nos compatriotes, et porteuse dune amélioration la qualité de vie des personnes âgées.
Je vous remercie.
Source http://www.solidarite.gouv.fr, le 16 novembre 2011