Interview de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative à Europe 1 le 9 novembre 2011, sur le climat social et politique et les propositions de l'UMP sur l'éducation et le métier d'enseignant.

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Média : Europe 1

Texte intégral


 
 
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Un de vos amis, le ministre François BAROIN, a accusé les socialistes, hier en plein débat à l’Assemblée, d’être arrivés au pouvoir, en 97, par « effraction. » De la part de François BAROIN est-ce que c’est un manque d’éducation ou un mot malheureux ?
 
LUC CHATEL Ecoutez, personne n’est dupe de la comédie qui a été sur-jouée hier à l’Assemblée nationale par les socialistes.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Par qui ?
 
LUC CHATEL Par les socialistes. On voit très bien qu’il s’agit d’une manoeuvre de diversion, pour éviter le débat d’idées. Si vous voulez, ça fait sourire de voir certains jouer les vierges effarouchées, ceux qui pendant 5 ans ont tancé le président de la République en le traitant parfois de voyou, qui font des doigts d’honneur au Premier ministre, nous expliquer aujourd’hui que les comportements du gouvernement sont inadmissibles.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Donc, François BAROIN a eu raison ?
 
LUC CHATEL Vous savez, on a toujours raison de débattre du fond. François BAROIN a fait référence à des positions de fond du Parti socialiste, qui n’ont pas évolué, et c’est bien le problème aujourd’hui. Aujourd’hui nous avons une crise sans précédent, et le Parti socialiste est enfermé dans un programme qui n’est plus d’actualité, et ne répond pas sur le fond du problème français.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous ne me répondez pas. Quand on dit « effraction » en 1997, demandez à messieurs CHIRAC, VILLEPIN et JUPPE, qui a décidé de la dissolution de l’Assemblée. Ils le savent bien, puisque c’était eux. Et les socialistes, Lionel JOSPIN en tête, avec François HOLLANDE, n’ont fait que gagner des élections anticipées par quelqu’un d’autre.
 
LUC CHATEL Donc en l’occurrence ce n’était pas vraiment une effraction puisqu’on avait entrouvert la porte avec la dissolution. C’est ce que vous voulez dire Jean-Pierre ELKABBACH ?
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Non, c’est le suffrage universel.
 
LUC CHATEL Enfin, ce que j’ai vu hier c’était moins de l’effraction que de la diffraction, c'est-à-dire une capacité à contourner l’obstacle, à onduler autour des problèmes, à ne pas regarder la réalité en face. Franchement, Jean-Pierre ELKABBACH, aujourd’hui, ce qui est important vis-à-vis des Français, c’est d’apporter des solutions pour la crise. Est-ce que vous pensez que de…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et vous croyez que le mot qui a été employé, et qui tend un climat déjà électrique, qui ne correspond pas à ce qu’est le pays…
 
LUC CHATEL Non, mais vous connaissez le débat parlementaire, vous savez comment ça se passe aux questions au gouvernement, les Français ne se rendent pas compte que vous avez à 2 mètres des individus qui vous hurlent dessus, et donc vous avez un ministre qui répond, qui essaie de répondre sur le fond, et il a bien fait, il a fait bien fait, projet contre projet. C’est ça qui nous intéresse. C’est ça qui intéressera les Français le moment venu.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Je sais, Luc CHATEL, qu’il n’est pas dans le caractère de François BAROIN de s’excuser, mais il peut trouver peut-être une formule diplomatique alambiquée, il peut dire qu’il regrette, qu’il se rétracte. Vous ne pensez pas, vous ?
 
LUC CHATEL Eh bien écoutez, vous lui demanderez.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Votre avis.
 
LUC CHATEL Moi je n’ai pas vu monsieur EMMANUELLI s’excuser après le geste qu’il avait fait à l’Assemblée nationale, je n’ai pas entendu madame AUBRY s’excuser lorsqu’elle disait que le président de la République, Nicolas SARKOZY, faisait honte à la France. Voilà.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Il faudrait que vous vous mettiez d’accord entre vous, avec un des chefs du mouvement libéral. Gérard LONGUET vient de dire « BAROIN, François, n’a pas usé du mot le plus pertinent, il devrait s’excuser. »
 
LUC CHATEL Quand on est libéral, on est indépendant d’esprit, vous le savez.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Justement, est-ce que vous confirmez que vous allez, avec Gérard LONGUET et Hervé NOVELLI, ce soir, devenir un des dirigeants libéraux de l’UMP ?
 
LUC CHATEL Ecoutez, j’appartiens à la famille indépendante, on va dire, depuis 1991. Je suis entré en politique par ces idées, les idées de liberté, d’autonomie, de responsabilités…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais au sein de l’UMP vous ne pouviez pas vous exprimer ?
 
LUC CHATEL Si, bien sûr.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Il faut encore créer des fractions, des chefs et des sous-chefs ?
 
LUC CHATEL Ce n’est pas une fraction. Jean-Pierre ELKABBACH, le mouvement indépendant, réformateur, libéral, appelez-le comme vous voulez, c’est une vieille tradition politique française, c’est un courant d’idées, qui a porté aux responsabilités, d’ailleurs, un président de la République, plusieurs Premier ministre, a dirigé plusieurs fois le pays, donc ce n’est pas un club, ce n’est pas un clan, c’est un mouvement politique de fond, ça n’a rien à voir.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH D’accord. Mais au moment où en Europe et en France, face à la crise, on a besoin de l’Etat, est-ce que vous ne jouez pas à contretemps ou contre-emploi ?
 
LUC CHATEL Justement, c’est intéressant d’en parler. Justement, c’est intéressant d’en parler, parce que, au moment où ces idées-là, les idées de liberté, d’autonomie, de responsabilités, triomphent dans le monde entier, il faudrait que nous soyons, quelque part, des bouc-émissaires sur la crise actuelle. Le problème de la crise actuelle ce n’est pas la libéralisme, c’est les excès de libéralisme, c'est-à-dire l’ultralibéralisme, c'est-à-dire le fait qu’à un moment on ait voulu trop déréglementer, trop privatiser, trop faire de place aux marchés, sans règles, sans règles.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et donc maintenant vous allez pouvoir vous exprimer, monsieur le libéral, au sein de l’UMP, mais en étant un membre de… libérale.
 
LUC CHATEL Ecoutez, avec Gérard LONGUET, avec Jean-Pierre RAFFARIN, avec Jean-Claude GAUDIN, avec Hervé NOVELLI, nous souhaitons que ces idées, qui existent depuis longtemps, dans notre famille politique, soient portées dans le cadre de la campagne présidentielle, mais c’est une démarche unioniste, dans l’UMP, au service du candidat, du président Nicolas SARKOZY.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Les syndicats d’enseignants montent déjà au créneau, Luc CHATEL, après la proposition faite hier lors de la convention de l’UMP sur l’Education. Un nouveau statut, les enseignants feront non seulement cours, mais ils auront des missions d’accompagnement, etc. Est-ce que vous le retenez déjà ?
 
LUC CHATEL Ecoutez, le métier d’enseignant, en 30 ans, a considérablement changé. Pourquoi ? Parce qu’il y a eu une révolution qui s’est passée, c’est ce qu’on appelle la massification du système éducatif. Il y avait 20% de bacheliers en 1981, ils sont 71% d’une classe d’âge aujourd’hui. Vous ne pouvez pas travailler de la même façon dans la classe quand vous avez 20% d’élèves et 71% d’élèves.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Donc on change le statut ? On devra changer.
 
LUC CHATEL Et donc, en 1950, le statut, puisque le décret qui encadre le statut des enseignant date de 1950, le métier principal d’enseignant c’était d’instruire, aujourd’hui on voit bien que la mission a évolué, que l’enseignant il est aussi là pour apporter un soutien personnel pour les élèves qui ont des difficultés, il est aussi là pour aider les élèves en matière d’orientation…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Alors ? Alors ?
 
LUC CHATEL Il est aussi là pour recevoir les parents, travailler en équipe pédagogique, donc je pense que c’est important que dans le cadre de la campagne présidentielle on ait un débat sur l’avenir de notre école, sur ses missions, et donc, par voie de conséquence, sur le rôle des enseignants et leur statut. Et, vous savez, je vois régulièrement les syndicats de l’Education nationale, en tant que ministre de l’Education, et sur tout cela, sur ce principe, ils sont d’accord. Ils voient bien que le métier a changé, ils voient bien que les élèves qu’ils sont dans leur classe ne sont plus les mêmes, ils voient bien que le système ne s’est pas adapté.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais est-ce qu’ils sont d’accord pour travailler plus d’heure pour le même salaire ?
 
LUC CHATEL Nous verrons…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et est-ce que vous vous adressez aux volontaires, ou à tous les enseignants ?
 
LUC CHATEL Nous verrons ensuite où nous mettons le curseur, après avoir engagé un certain nombre de discussions, de concertations, et puis notre candidat décidera de ce qu’il veut vraiment proposer, aux Français d’abord, parce que l’école c’est un projet qui concerne tous les Français, et aux enseignants en particulier.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH L’UMP propose de supprimer les cours du samedi matin dans le primaire. Vous êtes d’accord ?
 
LUC CHATEL Alors les cours du samedi matin dans le primaire ont été supprimés, depuis la réforme de Xavier DARCOS, l’UMP propose d’aller plus loin au collège. Alors, je pense que c’est une idée intéressante, mais je pense qu’il faut l’aborder dans le cadre d’une réflexion globale sur les rythmes scolaires. Nos enfants passent trop de temps à l’école, concentré sur un nombre de jours trop petit, trop réduit. Donc ça veut dire beaucoup d’heures par jour, et de la fatigue. Donc, nous avons des propositions sur ce sujet, qui là aussi doivent faire l’objet du débat présidentiel, notamment de mieux réorganiser le temps de travail sur l’ensemble de l’année.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Donc, là, vous et l’UMP vous travaillez pour le futur candidat à l’Elysée ?
 
LUC CHATEL Bien sûr, c’est l’objet d’une convention thématique qui se déroule en ce moment.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH C’est ça. Et l’UMP propose aussi, d’après ce que j’ai lu, qu’un chef d’établissement pourrait évaluer des enseignants. Est-ce que vous allez créer, vous aussi, des agents de notation ?
 
LUC CHATEL Alors, vous savez que… il ne s’agit pas de créer des agences de notation, il s’agit d’évaluer, comme dans tous les organismes modernes, qu’ils soient publics ou privés. Oui, c’est important de mesurer la performance d’un système éducatif, nous le faisons d’ailleurs avec les évaluations qui ont été instaurées en CE1, en CM2, demain en 5ème, et c’est important aussi de motiver les enseignants, de les responsabiliser.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH C'est-à-dire que les parents pourront choisir l’école et les enseignants où placer leurs enfants ?
 
LUC CHATEL A terme je pense que c’est une hypothèse qu’il faut avoir en tête. Nous n’en sommes pas encore là, parce qu’il faudra avoir instauré des indicateurs absolument transparents, indépendants, des performances du système éducatif, et du fonctionnement de chaque école, donc il y a des étapes intermédiaires importantes. Vous savez, je viens de mettre en place une expérimentation. Dans 300 collèges, en ce moment en France, vous avez le chef d’établissement qui choisit ses enseignants, vous avez des enseignants qui sont volontaires par rapport à un projet, et qui s’engagent à rester 5 ans en étant mieux rémunérés, pour adapter la pédagogie aux élèves qu’ils accueillent. Donc je pense que c’est dans cette direction qu’il faudra aller, en étendant cette expérimentation.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Il y a un sujet brûlant, on l’évoque au passage, prolonger l’année scolaire de deux semaines, c’est possible ça un jour ?
 
LUC CHATEL Ecoutez, il faut réfléchir à une meilleure organisation du temps passé à l’école tout au long de l’année, et il faut que le temps de l’école, qui est aujourd’hui le temps de la société, eh bien soit adapté au monde d’aujourd’hui, donc ça passe par des réglages sur le nombre de semaines passées à l’école, sur la durée de la journée, de présence dans l’école. Voilà. Simplement, c’est un débat compliqué, compliqué, qui concerne beaucoup d’acteurs, pendant 1 an il y a eu un travail, une conférence nationale…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais vous ne dites pas non ?
 
LUC CHATEL Moi je dis que c’est important qu’on avance sur ce sujet dans le cadre de la campagne présidentielle.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Voilà, et ce sera des éléments pour le futur candidat. Le libéral Luc CHATEL va tout de suite où ?
 
LUC CHATEL A Colombey-les-deux-Eglises…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Pourquoi ?
 
LUC CHATEL Il se trouve que le président de la République va rendre hommage, un 9 novembre, au Général de GAULLE, et que Colombey-les-deux-Eglises est dans la communauté de commune de Chaumont que je préside, Jean-Pierre ELKABBACH.
 
Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 15 novembre 2011