Texte intégral
JULIEN ARNAUD Merci dêtre là. Avant de parler décole, parlons un petit peu dEurope. Un accord a été trouvé hier soir à Bruxelles, est-ce que ça y est, cette fois leuro est sauvé pour de bon et on naura pas, dans 15 jours, un autre « sommet » de la dernière chance ?
LUC CHATEL Ecoutez, en tout cas il y a un accord, c'est quelque chose de très important.
JULIEN ARNAUD Oui.
LUC CHATEL Je crois que lon peut dire ce matin que les dirigeants européens ont été à la hauteur des enjeux, des évènements, et cétait essentiel, parce que nous sommes dans une crise sans précédent, qui est bien sûr une crise de la monnaie, de lendettement, mais qui touche chacun de nos concitoyens.
JULIEN ARNAUD A la hauteur mais dans le fonds, il y aura mille milliards, alors que les marchés demandaient 2 000 et sur les banques, le FMI demandait 200 milliards, et finalement 100 milliards.
LUC CHATEL Ecoutez, chacun ira de ses commentaires pour dire que lon a été trop loin pour certains, pas assez pour dautres. Ce que je constate, c'est quil y a un accord, et encore hier, beaucoup dobservateurs doutaient de la capacité des dirigeants européens à se mettre daccord, donc il y a eu une vraie volonté politique, moi je ne peux que men féliciter, les dirigeants européens ont montré que lorsque lEurope est capable de parler dune seule voix, lorsquil y a une volonté politique, lorsquil y a de la détermination, eh bien ça marche, on obtient des résultats, et c'est ça quil faut retenir.
JULIEN ARNAUD Nicolas SARKOZY sera à la télévision ce soir, il y aura sans doute des nouvelles annonces économiques. Souhaitez-vous une hausse de la TVA ?
LUC CHATEL Moi, je nai pas à souhaiter ou ne pas souhaiter, je ne suis pas ministre du Budget, je ne suis pas ministre de lEconomie. Le président de la République sexpliquera dabord devant les Français pour replacer en perspective cette crise qui peut paraitre lointaine, quand on parle de Fonds de recapitalisation des banques, quand on parle dannulation dune partie de la dette grecque, c'est vrai quà Chaumont, ça peut paraitre un peu lointain, or, ça touche...
JULIEN ARNAUD En revanche, la TVA, à Chaumont, ça parle.
LUC CHATEL Absolument, parce que cette crise, elle a des conséquences sur lactivité économique française, sur le budget de la Nation, et donc le président de la République replacera en perspectives tout cela, en rappelant leffort de maitrise de la dépense publique que nous avons engagé, qui est très important. Aujourd'hui, nos Etats sont endettés, et nous devons, coûte que coûte, contenir cet endettement, réduire la dépense publique, pour sortir de cette zone de turbulences.
JULIEN ARNAUD Alors, vous nêtes pas ministre de lEconomie, effectivement, mais les sujets sont transversaux et le chômage, par exemple, il a augmenté hier, parlons du chômage des jeunes. Un récent reportage aux Pays Bas, montrait quil y avait beaucoup moins de chômage des jeunes aux Pays- Bas quen France parce que lorientation arrivait de façon beaucoup plus précoce à lécole, dès le collège, dès 12 ou 13 ans, en France, on ny est pas du tout. Est-ce quil faut aller dans cette direction-là, daprès vous ?
LUC CHATEL Il faut aller, et c'est le choix que nous avons fait avec la réforme du lycée, vers une orientation beaucoup plus progressive, réversible, qui accepte dailleurs le droit à lerreur, on a le droit à 12 ans de ne pas savoir ce que lon va faire dans la vie, on a le droit de se tromper, on a le droit de faire un choix à 14 ans, et puis à 16 ans, de sapercevoir que ce n'est pas forcément la bonne voie. Donc, tout le système que nous avons mis en place avec la réforme du lycée, vise à une orientation beaucoup plus progressive, accompagnée...
JULIEN ARNAUD Mais, à 12 ans, on est au collège.
LUC CHATEL Oui, à 12 ans, on est au collège, mais le lycée, vous savez, aujourd'hui, il y avait une pré-orientation à la fin du collège, qui une information importante, et lidée cest que, après, au lycée, si on a une erreur dorientation, eh bien on puisse la corriger, changer de série, changer de filière technologique à filière professionnelle.
JULIEN ARNAUD Mais est-ce quil faut commencer dès le collège et dire une bonne fois pour toutes : le mythe du collège unique, c'est terminé ?
LUC CHATEL Je pense que, plutôt que de collège unique, il nous faut parler de collège pour tous. Ça a été une avancée considérable quil y ait 100 % dune classe dâge au collège, et il ne faut pas la remettre en cause. Simplement, au moment où nous avons entamé un processus dit de personnalisation des parcours, c'est-à-dire nous adapter, adapter la pédagogie, adapter lorganisation du système éducatif à chaque élève, pour quil y ait bien en sortant, une solution pour chacun, et au moment où on fait cela, je pense que c'est important quau collège on réfléchisse à des parcours différenciés. Vous avez des élèves qui, dès 13 ans, montrent...
JULIEN ARNAUD Donc, hors collège unique.
LUC CHATEL Non, lidée, c'est : tout le monde au collège, mais des parcours différenciés, c'est-à-dire que par exemple, et nous avons commencé à lexpérimenter cette année, dès la 4ème ou en 3ème, eh bien, un parcours qui permet davantage de découverte de lentreprise, qui permet une pré-orientation vers le professionnel, mais qui doit être réversible. Il ne faut pas, à 12 ans, orienter tout le monde vers une filière dont on ne peut pas sortir.
JULIEN ARNAUD Quen est-il de lévaluation dès la maternelle ?
LUC CHATEL Alors, juste un mot, il ne sagit pas dune évaluation au sens de celle que nous pratiquons en CE1, ou en CM2, évaluation qui nous permet de centraliser des résultats au niveau national, deffectuer des statistiques, et de mesurer les performances de notre système éducatif. Non, il sagit dun repérage précoce de la difficulté scolaire. On ne peut pas sindigner quil y ait environ 15 % délèves qui quittent le premier degré, sans maitriser parfaitement la lecture et lécriture, ce qui est le cas aujourd'hui, et ne pas nous mobiliser totalement sur le repérage précoce de la difficulté. Tous les spécialistes du langage vous expliquent que tout se passe en entrant au cours préparatoire et à la fin de la grande section de maternelle. Donc, c'est important que, à cet âge-là, on mobilise des moyens pour repérer les élèves qui auront des difficultés à lire.
JULIEN ARNAUD Daccord.
LUC CHATEL C'est ce que nous allons faire.
JULIEN ARNAUD Parlons des professeurs. Est-ce que dans le contexte économique actuel, c'est logique dimaginer que les professeurs sensés être les meilleurs, c'est-à-dire les agrégés, par exemple, travaillent moins dheures et soient payés plus que les autres ?
LUC CHATEL Ecoutez, ce qui est normal c'est quil y ait un statut qui correspond au niveau détudes, au niveau de diplômes, de concours, quont passés les professeurs. Maintenant, je crois quil sera...
JULIEN ARNAUD Oui, mais on peut se dire quils peuvent aussi dispenser plus dheures de cours que les autres, pour faire profiter plus délèves de leur savoir.
LUC CHATEL Je crois que le vrai sujet, c'est que, aujourd'hui, tous les textes qui régissent, qui encadrent le statut des enseignants, datent de 1950. Donc, il nest pas interdit que, par exemple, au cours de la prochaine campagne présidentielle, qui va être un grand débat devant les Français, on réfléchisse dabord à lévolution de lécole, qu'est-ce que lon attend de lécole aujourd'hui, et une fois que lon aura répondu à cette question, à lévolution du métier denseignant...
JULIEN ARNAUD Et du statut.
LUC CHATEL Le travail, le métier denseignant et donc de son statut. Le travail de lenseignant n'est pas le même aujourd'hui, quen 1950, lorsque les décrets sont sortis. A lépoque, lenseignant était avant tout un instructeur, il était là pour transmettre le savoir, et il lest toujours, mais on attend aussi de lenseignant quil soit là en accompagnement, quil effectue du soutien scolaire, quil travaille en équipe pédagogique. Donc, c'est de tout ça dont il faut réfléchir, et le candidat que je soutiendrais, je pense, fera un certain nombre de propositions dans ce domaine.
JULIEN ARNAUD Un autre candidat, ça sera François HOLLANDE et il a prévu, lui, 60 000 postes dans lEducation nationale, pendant le quinquennat. Est-ce que c'est faisable ?
LUC CHATEL C'est une fable. C'est une fable parce que, dabord c'est impossible techniquement, il faudrait recruter pour aller dans le sens de la proposition de François HOLLANDE, il faudrait recruter chaque année 40 000 enseignants dans lEducation nationale...
JULIEN ARNAUD Il ne parle pas que denseignants, lui, hein, dans les 60 000 postes, ce n'est pas que enseignants, il est plus large que ça.
LUC CHATEL Il est en train de faire un virage sur laile, parce quil se rend compte de labsurdité de sa proposition, mais au départ, cétait bien, 60 000 enseignants. Il faudrait recruter 40 000 professeurs par an, si vous voulez en plus remplacer les départs en retraite, cest exactement le nombre de candidats qui passent le concours aujourd'hui. On ne va pas recruter 100 % des candidats, c'est absurde. Et puis surtout, c'est irresponsable au regard de ce qui s'est passé cette nuit à Bruxelles, 18 milliards de dépenses supplémentaires, c'est irresponsable. Alors, monsieur SAPIN nous explique aujourd'hui : « Mais on va les prendre ailleurs », mais où ? Les Français ont le droit de savoir ! Ils vont retirer 60 000 policiers ?
JULIEN ARNAUD Il nous reste 20 secondes...
LUC CHATEL 60 000 infirmières ?
JULIEN ARNAUD Il nous reste quelques secondes...
LUC CHATEL Cest absurde.
JULIEN ARNAUD Luc CHATEL, deux réponses, très courtes, sil vous plait. Sur la théorie du genre, vous avez été interpellé par certains députés, est-ce que cette théorie fera lobjet de questions au baccalauréat, oui ou non ?
LUC CHATEL La théorie du genre ne figure pas dans les programmes de Sciences de la vie et de la terre, qui sont dédiés à la sexualité, lévolution de sa sexualité, à lâge de ladolescence c'est important à ce que lon apprenne un certain nombre de choses dans ce domaine, elles figurent dans certains manuels, mais pas dans les programmes. Vous savez, les examens, ils sont basés sur le contenu des programmes.
JULIEN ARNAUD Luc CHATEL qui se prononce donc pour un débat pendant la présidentielle, notamment sur le statut des professeurs. Merci beaucoup.
LUC CHATEL Merci à vous.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement le 18 novembre 2011