Texte intégral
JEAN-MICHEL APHATIE Comment avez-vous réagi en apprenant le meurtre dAgnès, 13 ans, dans les conditions que nous connaissons, elle était collégienne, scolarisée dans un établissement privé du Chambon-sur-Lignon ?
LUC CHATEL Oh, je dirai que jai réagi comme tous les Français, c'est-à-dire que jai été bouleversé, dabord comme père de famille, moi jai deux jeunes filles de 13 et 15 ans ; bouleversé aussi comme ministre de lEducation nationale, parce quon se dit : « Comment cela a-t-il pu être possible, aux abords dun établissement scolaire ? ». Et donc, immédiatement, ce qui vient à lesprit, c'est de se dire : un, il faut savoir ce qui sest passé. Deux, il faut tout mettre en oeuvre pour faire en sorte que ça ne se passe plus jamais. C'est ça aujourd'hui la volonté du gouvernement, la volonté des responsables publics.
JEAN-MICHEL APHATIE Considérez-vous, Luc CHATEL, que la présence du meurtrier présumé, déjà auteur de violences sexuelles, dans un internat mixte, résulte dune erreur dans la chaîne judiciaire ?
LUC CHATEL Oui, en tout cas, manifestement, compte tenu des antécédents judiciaires de ce jeune, il navait pas sa place dans un établissement, je dirais, ordinaire, quil soit mixte ou non mixte.
JEAN-MICHEL APHATIE Vous dites : oui, franchement, donc il faut rechercher des responsables.
LUC CHATEL Non, mais il y faut... il y a une enquête. Le garde des Sceaux la indiqué, et cette enquête déterminera les failles. Il y a eu dysfonctionnement, le ministre de lIntérieur la très bien dit hier, il faut reconnaître la vérité, il y a eu dysfonctionnement, sinon ce drame naurait pas eu lieu.
JEAN-MICHEL APHATIE Le père dAgnès...
LUC CHATEL Donc, ma conviction, est que ce jeune navait pas sa place dans un tel établissement, compte tenu de la gravité des faits, du premier viol quil avait opéré sur une mineure à lété 2010.
JEAN-MICHEL APHATIE Le père dAgnès dit ce matin dans LE PARISIEN, je le cite : « Nous serons combatifs sur le plan judiciaire, nous ne nous contenterons pas dexplications du type « c'est la faute à pas de chance, tout le monde a fait son travail ». Vous êtes daccord avec le père dAgnès : tout le monde na pas fait son travail ?
LUC CHATEL Mais, on ne peut quêtre daccord, dabord, face à la détresse de ce père, et je veux saluer sa grande dignité, parce quil a tenu des propos hier, absolument remarquables, et il a raison, il faut tout faire en sorte pour savoir comment un tel dysfonctionnement a-t-il pu être possible, et faire en sorte de remédier lorganisation du système, faire en sorte que ça saméliore, et que ce ne soit plus possible. Et c'est le travail que nous avons initié.
JEAN-MICHEL APHATIE Savez-vous, Luc CHATEL, si oui ou non le responsable du lycée Cévenol du Chambon-sur-Lignon, avait connaissance des faits reprochés à lassassin présumé ? LUC CHATEL Le père de ce jeune, a écrit au directeur de létablissement, cétait à l été 2010, au moment où il était incarcéré à titre provisoire, après, son arrestation sur le premier viol, pour le faire libérer et pour permettre son placement sous contrôle judiciaire, il y avait une obligation de scolarisation. Donc, le père a recherché plusieurs établissements, quatre lui ont fermé la porte, et donc, dans cet établissement Cévenol, le père a expliqué la situation de son fils, il a même écrit au directeur de lécole. Il na pas précisé le détail des faits jai la lettre donc il na pas... simplement, il est fait état...
JEAN-MICHEL APHATIE Même verbalement...
LUC CHATEL Non.
JEAN-MICHEL APHATIE Il na pas précisé les faits.
LUC CHATEL Alors, écoutez, ensuite, moi, je nai pas les raisons de douter de la position du directeur de létablissement, qui dit : « Je savais que cet élève avait commis des faits graves, je nen connaissais pas la nature ». Voilà la position. Et je nétais pas dans le bureau du directeur détablissement lorsque le père et le directeur se sont rencontrés. Et il faut que vous compreniez une chose, Jean-Michel APHATIE, c'est que comme c'est un établissement privé, sous contrat, lEducation nationale, les services académiques, ninterfèrent pas dans le placement des élèves, dans le recrutement. C'est différent dun collège public, où là, lInspection académique exercice un suivi. Là, dans le privé...
JEAN-MICHEL APHATIE Le caractère privé de létablissement, est un facteur explicatif de... du drame qui sest produit ?
LUC CHATEL Ce n'est pas un facteur explicatif, cest que dans le système privé, les établissements choisissent leurs élèves, et donc c'est une relation entre le directeur de létablissement et la famille. Point. Là où dans un établissement public, il y a un suivi académique, de lInspection de lacadémie et autres, c'est tout, c'est un état de fait.
JEAN-MICHEL APHATIE Lassassin présumé du lycée du Chambon-sur-Lignon, a été sanctionné au mois de juin de cette année, dans cet établissement, pour des comportements déplacés, semble-t-il, parce quon na pas une précision exacte là-dessus, semble-t-il vis-à-vis des filles de létablissement. Cet évènement scolaire-là, n'est pas remonté jusquau dossier judiciaire. Est-ce une erreur, selon vous, Luc CHATEL ?
LUC CHATEL Ecoutez, lenquête le dira. Ce que je peux vous confirmer, c'est queffectivement, au cours de sa... donc, ce lycéen est arrivé dans le collège, après les vacances de la Toussaint 2010, donc à la suite de sa sortie de prison....
JEAN-MICHEL APHATIE Novembre 2010.
LUC CHATEL Et au cours de lannée scolaire 2010/2011, il a fait lobjet de deux procédures disciplinaires, qui se sont traduites par deux exclusions temporaires dune semaine. Voilà. Donc ça c'est la situation, ce qui fait quà la fin de lannée de 1ère STG, il était en 1ère, la Direction de létablissement a vu les parents, et il a été question de se séparer de cet élève. Simplement, il y a eu discussions entre la famille et finalement létablissement a choisi de conserver, de proposer, de redémarrer, à cet élève.
JEAN-MICHEL APHATIE Les faits reprochés étaient-ils liés à des comportements, anormaux, vis-à-vis des filles scolarisées dans cet établissement ?
LUC CHATEL Ecoutez, je nai pas à révéler, à dévoiler le contenu des conseils de vie scolaire et des procédures disciplinaires. Simplement, ce que je peux vous dire, c'est que oui, il y a eu deux procédures disciplinaires au cours de lexercice de lannée 2010/2011.
JEAN-MICHEL APHATIE Et ces faits-là ne sont pas remontés jusquau dossier judiciaire.
LUC CHATEL Alors, lenquête le dira, je nai pas cette information. Lenquête déterminera les relations exactes entre les services de justice et ceux du collège privé sous contrat, qui suivaient cet élève. Ce qui est important, c'est que lon voit bien quil y a eu un dysfonctionnement dans linformation. Ce que nous souhaitons, et c'est ce qua voulu dire le Premier ministre hier, c'est que de manière systématique, les chefs détablissement soient informés lorsquun mineur qui a commis des faits graves, viol en loccurrence, est accueilli dans un établissement scolaire.
JEAN-MICHEL APHATIE Quils soient informés des faits.
LUC CHATEL Quils soient informés de la nature des faits.
JEAN-MICHEL APHATIE Vous êtes daccord avec ça, Luc CHATEL.
LUC CHATEL Oui, de la nature des faits, absolument.
JEAN-MICHEL APHATIE Est-ce que ça n'est pas une manière de responsabiliser ou dengager la responsabilité du chef détablissement, si ensuite cet élève scolarisé, hélas, ... des faits qui sont condamnables.
LUC CHATEL Nous voulons, et je veux, nous voulons, je veux, en tant que ministre de lEducation nationale, des chefs détablissement qui soient davantage responsabilisés, et je pense que connaître la nature des faits, c'est garantir un meilleur accompagnement, un meilleur suivi des équipes éducatives.
JEAN-MICHEL APHATIE Mais sil avait connu les faits, si le principal du collège du Chambon-sur-Lignon, avait connu les faits, il naurait pas scolarisé cet élève.
LUC CHATEL Ça, c'est vous qui le dites, je veux dire. Ensuite, il y a des projets éducatifs, adaptés, personnalisés, individualisés, et des liens entre la justice, la prévention judiciaire de la jeunesse et lEducation nationale, qui peuvent se nouer, parce quon connaît mieux les faits. Donc, ce qui est très important, c'est quil y ait une systématisation de linformation.
JEAN-MICHEL APHATIE Savez-vous Luc CHATEL, si dautres jeunes gens, coupables de faits aussi grave que ceux que nous évoquons, sont scolarisés aujourd'hui dans des établissements de lEducation nationale ?
LUC CHATEL Ce que nous voulons, c'est que lorsque des jeunes, qui sont auteurs de faits extrêmement graves, il sagissait de faits extrêmement graves, le viol de 2010, systématiquement, soient placés en centres éducatifs fermés. Voilà.
JEAN-MICHEL APHATIE Savez-vous si aujourd'hui, des jeunes...
LUC CHATEL Je nai pas cette information. Ce que je peux vous dire, c'est quil y a...
JEAN-MICHEL APHATIE Vous navez pas cette information.
LUC CHATEL Non, je nai pas cette information...
JEAN-MICHEL APHATIE Vous lavez recherchée ?
LUC CHATEL Ce que je peux vous dire c'est quil y a plusieurs centaines de jeunes qui sont aujourd'hui sous contrôle judiciaire, et dans leur contrôle judiciaire, figure lobligation de scolarisation. Simplement, ils ne sont pas...
JEAN-MICHEL APHATIE Vous avez recherché le fait de savoir si des jeunes gens, soupçonnés de faits aussi graves, sont scolarisés... ?
LUC CHATEL Naturellement, nous allons chercher cette information. Simplement, il faut que vous ayez en tête quil y a plusieurs centaines de jeunes qui sont sous contrôle judiciaire, et qui sont mineurs, et donc leur contrôle judiciaire fait état dune scolarisation, de manière à ce quils se réinsèrent, mais il y a un accompagnement, et les plus dangereux, ceux qui sont auteurs de faits criminels extrêmement graves, doivent être systématiquement placés en centres éducatifs fermés, c'est pour ça que nous allons augmenter de 50 % le nombre de places de ces centres éducatifs fermés.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 22 novembre 2011