Interview de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative à RTL le 22 novembre 2011, sur la violence à l'école et le meurtre d'une jeune collégienne à Chambon sur Lignon.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


 
 
 
JEAN-MICHEL APHATIE Comment avez-vous réagi en apprenant le meurtre d’Agnès, 13 ans, dans les conditions que nous connaissons, elle était collégienne, scolarisée dans un établissement privé du Chambon-sur-Lignon ?
 
LUC CHATEL Oh, je dirai que j’ai réagi comme tous les Français, c'est-à-dire que j’ai été bouleversé, d’abord comme père de famille, moi j’ai deux jeunes filles de 13 et 15 ans ; bouleversé aussi comme ministre de l’Education nationale, parce qu’on se dit : « Comment cela a-t-il pu être possible, aux abords d’un établissement scolaire ? ». Et donc, immédiatement, ce qui vient à l’esprit, c'est de se dire : un, il faut savoir ce qui s’est passé. Deux, il faut tout mettre en oeuvre pour faire en sorte que ça ne se passe plus jamais. C'est ça aujourd'hui la volonté du gouvernement, la volonté des responsables publics.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Considérez-vous, Luc CHATEL, que la présence du meurtrier présumé, déjà auteur de violences sexuelles, dans un internat mixte, résulte d’une erreur dans la chaîne judiciaire ?
 
LUC CHATEL Oui, en tout cas, manifestement, compte tenu des antécédents judiciaires de ce jeune, il n’avait pas sa place dans un établissement, je dirais, ordinaire, qu’il soit mixte ou non mixte.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Vous dites : oui, franchement, donc il faut rechercher des responsables.
 
LUC CHATEL Non, mais il y faut... il y a une enquête. Le garde des Sceaux l’a indiqué, et cette enquête déterminera les failles. Il y a eu dysfonctionnement, le ministre de l’Intérieur l’a très bien dit hier, il faut reconnaître la vérité, il y a eu dysfonctionnement, sinon ce drame n’aurait pas eu lieu.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Le père d’Agnès...
 
LUC CHATEL Donc, ma conviction, est que ce jeune n’avait pas sa place dans un tel établissement, compte tenu de la gravité des faits, du premier viol qu’il avait opéré sur une mineure à l’été 2010.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Le père d’Agnès dit ce matin dans LE PARISIEN, je le cite : « Nous serons combatifs sur le plan judiciaire, nous ne nous contenterons pas d’explications du type « c'est la faute à pas de chance, tout le monde a fait son travail ». Vous êtes d’accord avec le père d’Agnès : tout le monde n’a pas fait son travail ?
 
LUC CHATEL Mais, on ne peut qu’être d’accord, d’abord, face à la détresse de ce père, et je veux saluer sa grande dignité, parce qu’il a tenu des propos hier, absolument remarquables, et il a raison, il faut tout faire en sorte pour savoir comment un tel dysfonctionnement a-t-il pu être possible, et faire en sorte de remédier l’organisation du système, faire en sorte que ça s’améliore, et que ce ne soit plus possible. Et c'est le travail que nous avons initié.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Savez-vous, Luc CHATEL, si oui ou non le responsable du lycée Cévenol du Chambon-sur-Lignon, avait connaissance des faits reprochés à l’assassin présumé ? LUC CHATEL Le père de ce jeune, a écrit au directeur de l’établissement, c’était à l’ été 2010, au moment où il était incarcéré à titre provisoire, après, son arrestation sur le premier viol, pour le faire libérer et pour permettre son placement sous contrôle judiciaire, il y avait une obligation de scolarisation. Donc, le père a recherché plusieurs établissements, quatre lui ont fermé la porte, et donc, dans cet établissement Cévenol, le père a expliqué la situation de son fils, il a même écrit au directeur de l’école. Il n’a pas précisé le détail des faits – j’ai la lettre – donc il n’a pas... simplement, il est fait état...
 
JEAN-MICHEL APHATIE Même verbalement...
 
LUC CHATEL Non.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Il n’a pas précisé les faits.
 
LUC CHATEL Alors, écoutez, ensuite, moi, je n’ai pas les raisons de douter de la position du directeur de l’établissement, qui dit : « Je savais que cet élève avait commis des faits graves, je n’en connaissais pas la nature ». Voilà la position. Et je n’étais pas dans le bureau du directeur d’établissement lorsque le père et le directeur se sont rencontrés. Et il faut que vous compreniez une chose, Jean-Michel APHATIE, c'est que comme c'est un établissement privé, sous contrat, l’Education nationale, les services académiques, n’interfèrent pas dans le placement des élèves, dans le recrutement. C'est différent d’un collège public, où là, l’Inspection académique exercice un suivi. Là, dans le privé...
 
JEAN-MICHEL APHATIE Le caractère privé de l’établissement, est un facteur explicatif de... du drame qui s’est produit ?
 
LUC CHATEL Ce n'est pas un facteur explicatif, c’est que dans le système privé, les établissements choisissent leurs élèves, et donc c'est une relation entre le directeur de l’établissement et la famille. Point. Là où dans un établissement public, il y a un suivi académique, de l’Inspection de l’académie et autres, c'est tout, c'est un état de fait.
 
JEAN-MICHEL APHATIE L’assassin présumé du lycée du Chambon-sur-Lignon, a été sanctionné au mois de juin de cette année, dans cet établissement, pour des comportements déplacés, semble-t-il, parce qu’on n’a pas une précision exacte là-dessus, semble-t-il vis-à-vis des filles de l’établissement. Cet évènement scolaire-là, n'est pas remonté jusqu’au dossier judiciaire. Est-ce une erreur, selon vous, Luc CHATEL ?
 
LUC CHATEL Ecoutez, l’enquête le dira. Ce que je peux vous confirmer, c'est qu’effectivement, au cours de sa... donc, ce lycéen est arrivé dans le collège, après les vacances de la Toussaint 2010, donc à la suite de sa sortie de prison....
 
JEAN-MICHEL APHATIE Novembre 2010.
 
LUC CHATEL Et au cours de l’année scolaire 2010/2011, il a fait l’objet de deux procédures disciplinaires, qui se sont traduites par deux exclusions temporaires d’une semaine. Voilà. Donc ça c'est la situation, ce qui fait qu’à la fin de l’année de 1ère STG, il était en 1ère, la Direction de l’établissement a vu les parents, et il a été question de se séparer de cet élève. Simplement, il y a eu discussions entre la famille et finalement l’établissement a choisi de conserver, de proposer, de redémarrer, à cet élève.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Les faits reprochés étaient-ils liés à des comportements, anormaux, vis-à-vis des filles scolarisées dans cet établissement ?
 
LUC CHATEL Ecoutez, je n’ai pas à révéler, à dévoiler le contenu des conseils de vie scolaire et des procédures disciplinaires. Simplement, ce que je peux vous dire, c'est que oui, il y a eu deux procédures disciplinaires au cours de l’exercice de l’année 2010/2011.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Et ces faits-là ne sont pas remontés jusqu’au dossier judiciaire.
 
LUC CHATEL Alors, l’enquête le dira, je n’ai pas cette information. L’enquête déterminera les relations exactes entre les services de justice et ceux du collège privé sous contrat, qui suivaient cet élève. Ce qui est important, c'est que l’on voit bien qu’il y a eu un dysfonctionnement dans l’information. Ce que nous souhaitons, et c'est ce qu’a voulu dire le Premier ministre hier, c'est que de manière systématique, les chefs d’établissement soient informés lorsqu’un mineur qui a commis des faits graves, viol en l’occurrence, est accueilli dans un établissement scolaire.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Qu’ils soient informés des faits.
 
LUC CHATEL Qu’ils soient informés de la nature des faits.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Vous êtes d’accord avec ça, Luc CHATEL.
 
LUC CHATEL Oui, de la nature des faits, absolument.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Est-ce que ça n'est pas une manière de responsabiliser ou d’engager la responsabilité du chef d’établissement, si ensuite cet élève scolarisé, hélas, ... des faits qui sont condamnables.
 
LUC CHATEL Nous voulons, et je veux, nous voulons, je veux, en tant que ministre de l’Education nationale, des chefs d’établissement qui soient davantage responsabilisés, et je pense que connaître la nature des faits, c'est garantir un meilleur accompagnement, un meilleur suivi des équipes éducatives.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Mais s’il avait connu les faits, si le principal du collège du Chambon-sur-Lignon, avait connu les faits, il n’aurait pas scolarisé cet élève.
 
LUC CHATEL Ça, c'est vous qui le dites, je veux dire. Ensuite, il y a des projets éducatifs, adaptés, personnalisés, individualisés, et des liens entre la justice, la prévention judiciaire de la jeunesse et l’Education nationale, qui peuvent se nouer, parce qu’on connaît mieux les faits. Donc, ce qui est très important, c'est qu’il y ait une systématisation de l’information.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Savez-vous Luc CHATEL, si d’autres jeunes gens, coupables de faits aussi grave que ceux que nous évoquons, sont scolarisés aujourd'hui dans des établissements de l’Education nationale ?
 
LUC CHATEL Ce que nous voulons, c'est que lorsque des jeunes, qui sont auteurs de faits extrêmement graves, il s’agissait de faits extrêmement graves, le viol de 2010, systématiquement, soient placés en centres éducatifs fermés. Voilà.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Savez-vous si aujourd'hui, des jeunes...
 
LUC CHATEL Je n’ai pas cette information. Ce que je peux vous dire, c'est qu’il y a...
 
JEAN-MICHEL APHATIE Vous n’avez pas cette information.
 
LUC CHATEL Non, je n’ai pas cette information...
 
JEAN-MICHEL APHATIE Vous l’avez recherchée ?
 
LUC CHATEL Ce que je peux vous dire c'est qu’il y a plusieurs centaines de jeunes qui sont aujourd'hui sous contrôle judiciaire, et dans leur contrôle judiciaire, figure l’obligation de scolarisation. Simplement, ils ne sont pas...
 
JEAN-MICHEL APHATIE Vous avez recherché le fait de savoir si des jeunes gens, soupçonnés de faits aussi graves, sont scolarisés... ?
 
LUC CHATEL Naturellement, nous allons chercher cette information. Simplement, il faut que vous ayez en tête qu’il y a plusieurs centaines de jeunes qui sont sous contrôle judiciaire, et qui sont mineurs, et donc leur contrôle judiciaire fait état d’une scolarisation, de manière à ce qu’ils se réinsèrent, mais il y a un accompagnement, et les plus dangereux, ceux qui sont auteurs de faits criminels extrêmement graves, doivent être systématiquement placés en centres éducatifs fermés, c'est pour ça que nous allons augmenter de 50 % le nombre de places de ces centres éducatifs fermés.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 22 novembre 2011