Entretien de M. Edouard Courtial, secrétaire d'Etat aux Français de l'étranger, dans la revue "Arom" de novembre-décembre 2011, sur les Français résidant à l'étranger notamment leur représentation parlementaire.

Prononcé le 1er novembre 2011

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Texte intégral

Q - Monsieur le Ministre, votre nomination au poste de secrétaire d’État le 28 septembre, en remplacement de David Douillet, répond au souhait du président de la République et du gouvernement d’assurer le suivi de la représentation aujourd’hui élargie des Français de l’étranger à l’Assemblée des Français de l’étranger et donc au Sénat, mais surtout de mettre en œuvre une réforme, originale et assez unique qui prévoit l’élection et la participation directe des Français de l’étranger aux travaux du Parlement.
R - D’abord, je voudrais vous dire que par convictions personnelles, et d’ailleurs mon engagement politique le montre, j’ai toujours voulu servir mon pays, servir mes compatriotes, servir l’intérêt général. De ce fait, lorsque le président de la République et le Premier ministre m’ont proposé d’entrer au gouvernement pour traiter des Français de l’étranger, c’est avec enthousiasme que j’ai aussitôt accepté. D’abord, parce que c’est dans la continuité, de mon implication dans la vie publique, je l’ai dit, et ensuite parce que c’est pour moi l’occasion de servir mes compatriotes à une nouvelle échelle. Car comme élu local, j’ai l’habitude d’être au contact des réalités. Je le montre à la faveur des déplacements que j’effectue. À l’occasion de ces voyages, je rencontre systématiquement nos compatriotes pour échanger avec eux sur leurs préoccupations, les difficultés qu’ils rencontrent, les contraintes et les problèmes qui sont les leurs. J’ai toujours un moment de dialogue et d’écoute réservé à leurs élus à l’Assemblée des Français à l’étranger. Ces quelque deux millions, deux millions et demi de compatriotes sont des Français à part entière ; ils doivent être traités comme tels ! J’ajoute que je fais partie d’une génération qui a grandi à un moment où la mondialisation s’est imposée comme une réalité incontournable, à un moment où l’expatriation est devenue un phénomène de plus en plus banal.
Q - Quels autres pays ont des systèmes comparables ?
R - Accompagner cette évolution par la nomination d’un membre du gouvernement chargé des Français de l’étranger est donc tout à fait cohérent. Mais ce n’est pas, à proprement parler, une originalité française. D’autres pays ont des systèmes analogues. À titre d’exemple, à Manille, j’ai rencontré mon homologue, M. Esteban B. Conejos, secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères chargé des Philippins de l’étranger. Certes, la communauté philippine à l’étranger est bien plus importante que la communauté française mais les préoccupations sont les mêmes. Nos expatriés sont des éléments dynamiques de notre société, qui osent s’affranchir de certaines conventions ou comportements. Ils sont animés d’un véritable esprit d’entreprise, si ce n’est d’aventure. Considérez le nombre de nos compatriotes qui, avec leurs familles, vont courir les mers. Tous ne sont pas des aventuriers ou des capitaines d’industries. Dans certaines régions, nombreux ressentent durement la crise que nous traversons. Mais tous ont la ferme volonté d’affronter le monde qui bouge.
Q - Vous rentrez des États-Unis. Comment nos compatriotes là-bas, habituellement très intégrés au milieu américain, voient-ils cette démarche de caractère institutionnel ?
R - Lors de mon voyage aux États-Unis d’Amérique, trop bref naturellement, je n’ai pas parcouru la région des grands lacs, le centre ou la côte Ouest. Mais à Washington, à Boston, à New York, à Houston et à la Nouvelle Orléans, j’ai rencontré des Français qui font preuve d’une énergie indomptable, qui créent, qui fabriquent, qui investissent, qui innovent. J’ai fait une visite à de jeunes Français qui viennent d’ouvrir une boulangerie d’une grande chaîne française en plein Washington ; ils m’ont épaté. Ce n’était pas un pari gagné d’avance : ils se sont lancés, ils ont tenté, ils ont fait preuve d’audace. Avec une telle force de caractère, je ne doute pas qu’ils réussissent. Les Français à l’étranger sont un véritable gisement d’optimisme pour l’avenir. Qu’ils fabriquent des voitures à Wuhan, au centre de la Chine, qu’ils soient élèves de l’ESSEC à Singapour, représentants d’ONC humanitaires à Haïti… J’en parle avec passion parce que lorsque je vais les voir, ils me font part de leur expérience, de leurs projets. Ils le font avec enthousiasme, avec énergie, avec confiance en l’avenir en n’oubliant jamais de dire qu’ils sont Français et qu’ils aiment éperdument leur pays.
Q - Comme nous avons déjà 20 députés et sénateurs issus des outre-mer qui représentent également un peu la France dans leur environnement local aux quatre coins du monde, ne pensez-vous pas que cette nouvelle réforme risque d’apparaître aux yeux du grand public comme quelque peu superfétatoire en cette période de crise ? Tout cela ne coûte-t-il pas beaucoup d’argent à l’heure où le budget du ministère des Affaires étrangères se réduit comme peau de chagrin. Le grand public a le sentiment, sans doute à tort, que cette réforme tend à conforter à sa manière, car le résultat d’une élection n’est jamais sûr, les positions de l’actuelle majorité.
R - Je rappelle d’abord que la création de sièges pour les élus des Français établis hors de France à l’Assemblée nationale ne s’est pas traduite par une augmentation du nombre total de députés. Pour caricaturer, je dirais qu’on ne supprime pas un département, une région ou une commune pour faire des économies. Non, je ne crois pas qu’on puisse sérieusement mettre en balance la démocratie avec des considérations budgétaires. Si on les rapproche des Français d’Outre-mer aux Français de l’étranger dont le nombre est, au total, comparable, on s’aperçoit que les Français de l’étranger sont représentés, en tout et pour tout, par 12 sénateurs, 11 députés et 155 membres de l’Assemblée des Français de l’étranger. Ils n’ont ni conseillers régionaux, généraux, municipaux…
Les Français de l’étranger ont une réelle spécificité, ils ne sont pas des citoyens de second ordre, ils constituent une composante du Peuple français qui a un droit légitime à une représentation parlementaire.
Je suis un serviteur de la République. Et c’est avec un profond et sincère esprit républicain que j’aborde, comme il est normal, ces élections. J’appartiens à un gouvernement, soutenu par une majorité et fort de la confiance du président de la République. Il n’y a aucune ambiguïté là-dessus. Mais nous sommes un État de droit, nous avons des valeurs, nous avons des principes. Nous sommes fiers de notre devise. Le gouvernement sert l’intérêt général et organise les élections, comme toujours dans les meilleures conditions afin que chacun puisse s’exprimer librement. Cette réforme a un auteur : M. Nicolas Sarkozy. Elle a été lancée non par calcul partisan mais pour assurer la représentation de femmes et d’hommes qui, à leur manière, là où ils vivent, sont des représentants de la France, au contact des réalités de la mondialisation. C’est la règle de notre démocratie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 décembre 2011