Texte intégral
Monsieur le Président, je suis très heureux dêtre pour la première fois devant vous. Je rappelle dailleurs que le gouvernement est à la disposition du Parlement, quelle que soit la pression de lactualité internationale. Je mefforcerai donc dêtre le plus exhaustif possible dans les réponses que japporterai à vos questions.
Je dirai tout dabord quelques mots sur larchitecture de laccord de vendredi dernier, bien que le sujet ait été évoqué par le Premier ministre pendant les questions dactualité.
Cet accord sarticule autour de trois principes.
Premièrement, une discipline budgétaire plus stricte.
Le pacte de stabilité et de croissance sera durci : des sanctions automatiques sappliqueront chaque fois que le déficit excédera 3 % du PIB, et seule une majorité qualifiée dÉtats pourra faire obstacle au constat du non-respect de cette règle et de la trajectoire qui doit y conduire.
Les États sengagent par ailleurs à adopter une «règle dor» sur la définition de laquelle il faudra sentendre dici au mois de mars 2012. Il appartiendra ensuite à la Cour de justice de lUnion de valider la règle dor qui sera ainsi votée dans chacun des pays.
Le Parlement a débattu dun texte.
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La France aura de toute façon à faire face à ce rendez-vous, quels que soient les résultats des élections de la fin du premier semestre.
Deuxième principe : une solidarité effective.
Un mécanisme européen de stabilité (MES) va se substituer au Fonds européen de stabilité financière (FESF). Ce mécanisme permanent, doté de 500 milliards deuros, sera géré par ladministration de la Banque centrale européenne, ce qui est un gage de solidité, de crédibilité et de cohérence. En outre, les États membres de la zone euro se sont fixé pour objectif de mettre des ressources supplémentaires - pouvant aller jusquà 200 milliards deuros - à la disposition du FMI.
Troisième principe : la nécessité de restaurer progressivement la confiance dans la gouvernance de la zone euro, pour supprimer une des principales causes de la situation actuelle.
Il y a dix jours, la Banque centrale européenne (BCE) et les banques centrales ont coordonné leur action pour favoriser laccès aux liquidités. De fait, depuis lété, les banques étaient soumises à deux problèmes : lun de solvabilité - elles devront donc augmenter leurs fonds propres dici au mois de juin -, lautre de liquidité - doù les inquiétudes des acteurs économiques pour leur accès au crédit.
Le retrait des fonds américains a rapidement rendu plus difficile laccès au dollar pour une partie des banques européennes, notamment pour les banques françaises. Il y avait là un risque de « credit crunch », qui a conduit ces établissements à privilégier le crédit au sein de leur zone nationale en délaissant un peu linvestissement international. Cependant, il y a dix jours, la coordination des actions des banques centrales - canadienne, américaine, japonaise et BCE - pour les échanges de lignes de liquidité a nettement fait baisser la pression sur le financement de léconomie à linternational. Puis, la semaine dernière, la décision de la BCE douvrir une ligne de crédit illimité à trois ans - ce qui constitue une première - a assuré aux banques la garantie daccéder sans difficulté aux liquidités dont elles auraient besoin pour remplir leur mission. Le faible taux de ce crédit - 1 % - leur permettra en outre déchapper à la très forte pression exercée par les marchés. Le problème de liquidité semble donc être durablement écarté.
Pour ce qui est de la solvabilité, les besoins des banques européennes en fonds propres ont été estimés par lAutorité bancaire européenne à un montant de 115 milliards environ ; ceux des banques françaises ont été, quant à eux, évalués à 7,3 milliards, soit un peu moins que les 8,8 milliards initialement prévus.
Les quatre banques françaises dimportance systémique ayant réalisé 11 milliards de bénéfices à la fin du premier semestre, elles seront largement en mesure daugmenter leurs fonds propres en respectant le calendrier fixé sans avoir à faire appel à des capitaux publics, ce quelles ne demandent dailleurs pas.
Cette augmentation des fonds propres ne se fera pas au détriment de laccès au crédit. Et, pour répondre à votre question, monsieur le président, je vous précise que, sur les douze derniers mois, lencours des crédits distribués aux entreprises françaises a augmenté dun peu plus de 5 %, contre 1,5 ou 1,6 % en moyenne dans la zone euro. Les quelques signes de tension constatés en certains endroits du territoire sexpliquent par linquiétude éprouvée par les banquiers quant à leur accès aux liquidités, mais tout devrait revenir à la normale.
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Je terminerai sur AREVA. Léquipe dirigeante a publié hier une nouvelle feuille de route qui décline une stratégie de moyen terme, à la fois ambitieuse et raisonnable, prenant en compte limpact de Fukushima, lannonce par lAllemagne de son désengagement du nucléaire et la situation dinvestissements sur lesquels il y aura naturellement des éclaircissements à apporter le moment venu. Mais, comme nous lavons demandé, Éric Besson et moi-même, rien ne sera fait là au détriment de lemploi en France.
Quant aux participations dAREVA dans Eramet, le gouvernement entend nenvisager que les solutions assurant leur maintien dans la sphère publique. Eramet est notamment implanté en Nouvelle-Calédonie et les chantiers miniers de cette zone du Pacifique ont évidemment une grande importance stratégique.
Q - (à propos de la croissance économique)
R - M. François Brottes ma demandé si lon parlait de croissance économique au sein des instances internationales, notamment européennes. Lors des réunions du G20 de Toronto puis de Londres, les participants, qui représentent 85 % de léconomie mondiale, navaient chaque fois traité quun seul thème : au cours de la première, la consolidation budgétaire par la réduction des déficits publics ; au cours de la seconde, tenue au moment de la crise, la relance économique. En revanche, le G20 de Cannes a accordé à ces deux questions un traitement plus équilibré, grâce à un intense travail diplomatique qui a convaincu des pays comme le Canada, le Brésil et la Chine de la nécessité de sengager en faveur de normes juridiques et de politiques publiques précises. Dès lors, les pays qui le peuvent mèneront une politique de relance pour soutenir la croissance mondiale, et les pays qui le doivent pratiqueront la consolidation budgétaire. Comme presque tous les autres pays européens à lexception de lAllemagne, la France se situe plutôt dans la deuxième catégorie car ladoption dune politique de relance impliquerait daccroître les dépenses publiques, et donc daggraver notre déficit, tout en réduisant les recettes.
Nous devons, sans pour autant nous soumettre aux diktats des experts internationaux, procéder à des choix compatibles avec la situation de nos finances publiques. Nous avons ainsi dû abandonner le dispositif dit Scellier, de défiscalisation de certains investissements immobiliers, apparemment connu du monde entier - le FMI ma interrogé sur le sujet, ce qui démontre dailleurs, si besoin était, que nos comptes publics sont scrutés ligne par ligne par les observateurs du monde entier !
Des études dimpact ont bien été menées sur le passage du taux de TVA de 5,5 % à 7 % - je vous les transmettrai. Elles montrent que lincidence de ce relèvement est relativement marginale. Plus élevé, il aurait provoqué des tensions car ceux qui sont au taux de 19,6 % auraient pu demander à en bénéficier et les assujettis au taux de 5,5 % le refuser en prétextant que la marche à gravir était trop haute. Le choix retenu répond à la fois au souci de convergence fiscale avec lAllemagne, où le taux intermédiaire de TVA est également de 7 %, et à celui dune modération du poids de cette taxe indirecte.
( )
LAllemagne dépend de lénergie nucléaire à hauteur de 25 %, alors que nous en dépendons pour près de 80 %. Il est donc normal que nos choix ne soient pas les mêmes. La France ayant opté en faveur du maintien du nucléaire, les tribulations de cette année ne devraient pas entraîner de conséquences sur lemploi chez Areva. Elles peuvent, en revanche, avoir un impact sur la stratégie de ce groupe qui voit ses activités se réduire, spécialement en Allemagne. On ne peut pas tout demander à une entreprise : une stratégie dinvestissement saccompagne nécessairement dune adaptation à lévolution des besoins et des marchés.
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MM. Jean Dionis du Séjour, William Dumas et dautres ont soulevé la question dune dégradation éventuelle de la note de la France par les agences financières spécialisées. Mais Moodys et Standard & Poors ont placé toute la zone euro sous le même régime de surveillance, y compris lAllemagne, pourtant considérée comme le bon élève. Sont concernés la dette publique, les fonds et les établissements publics de tous ces États. Et si, ici, on ne parle que de la France, croyez bien quil en est de même ailleurs : aux Pays-Bas ou en Autriche, on ne parle que de la dégradation de la note néerlandaise ou autrichienne ! Cest lensemble de la zone qui, fragilisée certes à des degrés divers, risque dêtre dégradée en raison de sa trop faible gouvernance. Il revient donc aux États et aux institutions européennes de jouer leur rôle. Laccord intervenu vendredi dernier répond point par point aux interrogations nées de la crise que nous connaissons depuis dix-huit mois, quil sagisse de la gouvernance, des sanctions, de la solidarité ou de la consolidation budgétaire, qui se fera selon un calendrier et des méthodes communs pour tous les pays membres de la zone euro.
Le message envoyé par les agences nest quun élément à considérer parmi dautres. À garder lil continuellement rivé sur lévolution des marchés, on se prive de la distanciation nécessaire pour élaborer une stratégie. Je rappelle que nous avons arrêté la nôtre depuis deux ans ; elle comporte des réformes en profondeur : réforme des retraites, RGPP, réduction des dépenses de lÉtat et de lassurance maladie, gel des dotations aux collectivités locales, suppression progressive dun certain nombre de niches fiscales Mais nous avons besoin de croissance. Les mesures prises à cette fin dans les précédents budgets, notamment pour protéger le pouvoir dachat, ont donné de bons résultats : ainsi, au dernier trimestre, la consommation a permis un rebond de croissance de 0,4 %, malgré leffacement de 11 milliards de niches fiscales. Notre dispositif était donc bien calibré mais il faut tenir compte du ralentissement économique général. Nous subirons inévitablement leffet des incertitudes quant à lévolution de léconomie américaine et des économies émergentes, pour ne pas parler de linstabilité de la zone euro. Nous en avons déjà tenu compte en corrigeant notre prévision de croissance pour 2012 et nous faisons le pari que les décisions prises aujourdhui produiront des résultats à terme. Mais nous connaîtrons dici là quelques semaines difficiles.
Nous ne voulons pas nous situer dans la perspective dune dégradation de la note de la France. Nous pouvons toutefois, comme travail décole, réaliser une simulation de son incidence sur le service de la dette publique. Dans cette hypothèse, une augmentation dun point du taux dintérêt pour les obligations à dix ans représente un surcoût denviron deux milliards la première année, dun peu moins de quatre la deuxième, pour atteindre, au bout de huit ans, quatorze milliards par an. Ce qui nest pas négligeable. Cependant, paradoxalement, alors que la zone euro na jamais traversé de crise aussi violente, jamais non plus la France na emprunté à des taux aussi bas ! Ils sont aujourdhui en moyenne de 3,2 %, contre 3,5 % il y a six mois, alors que la crise sest encore aggravée. Prudemment, nous avons prévu dans la loi de Finances pour 2012 un taux de 3,7 % à dix ans, alors que, comme je viens de le dire, il sétablit aujourdhui à 3,2 %. Nous disposons donc dun peu de marge. Même si elle constitue toujours le deuxième poste budgétaire civil de lÉtat, la charge annuelle de la dette reste de 49 milliards. Cela étant, en cas de décrochage - que nous refusons denvisager -, nous passerions dans un autre monde : les mesures fiscales se révéleraient insuffisantes et il faudrait en venir à une coordination des politiques publiques à léchelle européenne.
( )
Monsieur Daniel Paul, le texte de laccord intergouvernemental européen sera définitivement fixé en mars prochain. Selon la qualification juridique arrêtée, nous déterminerons alors le cheminement à suivre pour lintégrer dans notre droit public. Sil sagit dun protocole additionnel, une révision constitutionnelle ne sera pas nécessaire. La seule clause pouvant obliger à une telle révision est évidemment la règle dor et, compte tenu de la position prise par la gauche, nous ne pourrons, hélas, régler cette question quaprès lélection présidentielle.
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Madame Pascale Got, grâce à laccord de Strasbourg, dit Monti-Merkel-Sarkozy, on ne prend plus lopinion publique à témoin des difficultés auxquelles nous exposerait la BCE. Comme vous le savez, la France aurait voulu que celle-ci accorde une licence bancaire au FESF, le Fonds européen de stabilité financière mais, dans la mesure où le mécanisme européen de stabilité constituera un dispositif plus large que la BCE gérera, et dans la mesure aussi où la banque centrale a, de sa propre initiative, pris les décisions nécessaires quant à la baisse des taux dintérêt et à laccès aux liquidités, il lui appartient de définir sa politique, conformément à son statut dinstitution indépendante. Nous ne la ferons donc plus intervenir dans le champ des décisions intergouvernementales. Elle a beaucoup évolué, elle sait ce quelle a à faire, elle joue désormais un rôle important. Mais on ne saurait comparer son action à celle de la Réserve fédérale américaine (FED), de la Banque dAngleterre ou de la Banque nationale suisse. Lhistoire nous dira donc si la BCE doit encore évoluer. Mais nous navons pas discuté dune modification de traité visant à remettre en cause son indépendance.
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Madame Anne Grommerch, lAutorité bancaire européenne a demandé aux banques de porter leur ratio de fonds propres à 9 % en juin prochain, soit, pour les banques françaises, une recapitalisation à hauteur de 7,3 milliards, sans appel au soutien public - ce qui pourrait être considéré comme une norme «Bâle deux et demi», ou encore «Bâle III moins six ans» puisque cela revient à leur demander dappliquer maintenant une norme qui naurait dû entrer en vigueur quen 2017. Mais elles sont en mesure de le faire et, en tout état de cause, elles le doivent, en vertu de laccord européen.
Cela étant, le problème nest pas tant lapplication de Bâle III à lintérieur de la zone euro, car les régulateurs y veilleront, que son application à lextérieur de cette zone, notamment par les Américains, qui nen sont même pas encore à Bâle II. Nous en discutons donc au sein du G20.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 décembre 2011
Je dirai tout dabord quelques mots sur larchitecture de laccord de vendredi dernier, bien que le sujet ait été évoqué par le Premier ministre pendant les questions dactualité.
Cet accord sarticule autour de trois principes.
Premièrement, une discipline budgétaire plus stricte.
Le pacte de stabilité et de croissance sera durci : des sanctions automatiques sappliqueront chaque fois que le déficit excédera 3 % du PIB, et seule une majorité qualifiée dÉtats pourra faire obstacle au constat du non-respect de cette règle et de la trajectoire qui doit y conduire.
Les États sengagent par ailleurs à adopter une «règle dor» sur la définition de laquelle il faudra sentendre dici au mois de mars 2012. Il appartiendra ensuite à la Cour de justice de lUnion de valider la règle dor qui sera ainsi votée dans chacun des pays.
Le Parlement a débattu dun texte.
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La France aura de toute façon à faire face à ce rendez-vous, quels que soient les résultats des élections de la fin du premier semestre.
Deuxième principe : une solidarité effective.
Un mécanisme européen de stabilité (MES) va se substituer au Fonds européen de stabilité financière (FESF). Ce mécanisme permanent, doté de 500 milliards deuros, sera géré par ladministration de la Banque centrale européenne, ce qui est un gage de solidité, de crédibilité et de cohérence. En outre, les États membres de la zone euro se sont fixé pour objectif de mettre des ressources supplémentaires - pouvant aller jusquà 200 milliards deuros - à la disposition du FMI.
Troisième principe : la nécessité de restaurer progressivement la confiance dans la gouvernance de la zone euro, pour supprimer une des principales causes de la situation actuelle.
Il y a dix jours, la Banque centrale européenne (BCE) et les banques centrales ont coordonné leur action pour favoriser laccès aux liquidités. De fait, depuis lété, les banques étaient soumises à deux problèmes : lun de solvabilité - elles devront donc augmenter leurs fonds propres dici au mois de juin -, lautre de liquidité - doù les inquiétudes des acteurs économiques pour leur accès au crédit.
Le retrait des fonds américains a rapidement rendu plus difficile laccès au dollar pour une partie des banques européennes, notamment pour les banques françaises. Il y avait là un risque de « credit crunch », qui a conduit ces établissements à privilégier le crédit au sein de leur zone nationale en délaissant un peu linvestissement international. Cependant, il y a dix jours, la coordination des actions des banques centrales - canadienne, américaine, japonaise et BCE - pour les échanges de lignes de liquidité a nettement fait baisser la pression sur le financement de léconomie à linternational. Puis, la semaine dernière, la décision de la BCE douvrir une ligne de crédit illimité à trois ans - ce qui constitue une première - a assuré aux banques la garantie daccéder sans difficulté aux liquidités dont elles auraient besoin pour remplir leur mission. Le faible taux de ce crédit - 1 % - leur permettra en outre déchapper à la très forte pression exercée par les marchés. Le problème de liquidité semble donc être durablement écarté.
Pour ce qui est de la solvabilité, les besoins des banques européennes en fonds propres ont été estimés par lAutorité bancaire européenne à un montant de 115 milliards environ ; ceux des banques françaises ont été, quant à eux, évalués à 7,3 milliards, soit un peu moins que les 8,8 milliards initialement prévus.
Les quatre banques françaises dimportance systémique ayant réalisé 11 milliards de bénéfices à la fin du premier semestre, elles seront largement en mesure daugmenter leurs fonds propres en respectant le calendrier fixé sans avoir à faire appel à des capitaux publics, ce quelles ne demandent dailleurs pas.
Cette augmentation des fonds propres ne se fera pas au détriment de laccès au crédit. Et, pour répondre à votre question, monsieur le président, je vous précise que, sur les douze derniers mois, lencours des crédits distribués aux entreprises françaises a augmenté dun peu plus de 5 %, contre 1,5 ou 1,6 % en moyenne dans la zone euro. Les quelques signes de tension constatés en certains endroits du territoire sexpliquent par linquiétude éprouvée par les banquiers quant à leur accès aux liquidités, mais tout devrait revenir à la normale.
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Je terminerai sur AREVA. Léquipe dirigeante a publié hier une nouvelle feuille de route qui décline une stratégie de moyen terme, à la fois ambitieuse et raisonnable, prenant en compte limpact de Fukushima, lannonce par lAllemagne de son désengagement du nucléaire et la situation dinvestissements sur lesquels il y aura naturellement des éclaircissements à apporter le moment venu. Mais, comme nous lavons demandé, Éric Besson et moi-même, rien ne sera fait là au détriment de lemploi en France.
Quant aux participations dAREVA dans Eramet, le gouvernement entend nenvisager que les solutions assurant leur maintien dans la sphère publique. Eramet est notamment implanté en Nouvelle-Calédonie et les chantiers miniers de cette zone du Pacifique ont évidemment une grande importance stratégique.
Q - (à propos de la croissance économique)
R - M. François Brottes ma demandé si lon parlait de croissance économique au sein des instances internationales, notamment européennes. Lors des réunions du G20 de Toronto puis de Londres, les participants, qui représentent 85 % de léconomie mondiale, navaient chaque fois traité quun seul thème : au cours de la première, la consolidation budgétaire par la réduction des déficits publics ; au cours de la seconde, tenue au moment de la crise, la relance économique. En revanche, le G20 de Cannes a accordé à ces deux questions un traitement plus équilibré, grâce à un intense travail diplomatique qui a convaincu des pays comme le Canada, le Brésil et la Chine de la nécessité de sengager en faveur de normes juridiques et de politiques publiques précises. Dès lors, les pays qui le peuvent mèneront une politique de relance pour soutenir la croissance mondiale, et les pays qui le doivent pratiqueront la consolidation budgétaire. Comme presque tous les autres pays européens à lexception de lAllemagne, la France se situe plutôt dans la deuxième catégorie car ladoption dune politique de relance impliquerait daccroître les dépenses publiques, et donc daggraver notre déficit, tout en réduisant les recettes.
Nous devons, sans pour autant nous soumettre aux diktats des experts internationaux, procéder à des choix compatibles avec la situation de nos finances publiques. Nous avons ainsi dû abandonner le dispositif dit Scellier, de défiscalisation de certains investissements immobiliers, apparemment connu du monde entier - le FMI ma interrogé sur le sujet, ce qui démontre dailleurs, si besoin était, que nos comptes publics sont scrutés ligne par ligne par les observateurs du monde entier !
Des études dimpact ont bien été menées sur le passage du taux de TVA de 5,5 % à 7 % - je vous les transmettrai. Elles montrent que lincidence de ce relèvement est relativement marginale. Plus élevé, il aurait provoqué des tensions car ceux qui sont au taux de 19,6 % auraient pu demander à en bénéficier et les assujettis au taux de 5,5 % le refuser en prétextant que la marche à gravir était trop haute. Le choix retenu répond à la fois au souci de convergence fiscale avec lAllemagne, où le taux intermédiaire de TVA est également de 7 %, et à celui dune modération du poids de cette taxe indirecte.
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LAllemagne dépend de lénergie nucléaire à hauteur de 25 %, alors que nous en dépendons pour près de 80 %. Il est donc normal que nos choix ne soient pas les mêmes. La France ayant opté en faveur du maintien du nucléaire, les tribulations de cette année ne devraient pas entraîner de conséquences sur lemploi chez Areva. Elles peuvent, en revanche, avoir un impact sur la stratégie de ce groupe qui voit ses activités se réduire, spécialement en Allemagne. On ne peut pas tout demander à une entreprise : une stratégie dinvestissement saccompagne nécessairement dune adaptation à lévolution des besoins et des marchés.
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MM. Jean Dionis du Séjour, William Dumas et dautres ont soulevé la question dune dégradation éventuelle de la note de la France par les agences financières spécialisées. Mais Moodys et Standard & Poors ont placé toute la zone euro sous le même régime de surveillance, y compris lAllemagne, pourtant considérée comme le bon élève. Sont concernés la dette publique, les fonds et les établissements publics de tous ces États. Et si, ici, on ne parle que de la France, croyez bien quil en est de même ailleurs : aux Pays-Bas ou en Autriche, on ne parle que de la dégradation de la note néerlandaise ou autrichienne ! Cest lensemble de la zone qui, fragilisée certes à des degrés divers, risque dêtre dégradée en raison de sa trop faible gouvernance. Il revient donc aux États et aux institutions européennes de jouer leur rôle. Laccord intervenu vendredi dernier répond point par point aux interrogations nées de la crise que nous connaissons depuis dix-huit mois, quil sagisse de la gouvernance, des sanctions, de la solidarité ou de la consolidation budgétaire, qui se fera selon un calendrier et des méthodes communs pour tous les pays membres de la zone euro.
Le message envoyé par les agences nest quun élément à considérer parmi dautres. À garder lil continuellement rivé sur lévolution des marchés, on se prive de la distanciation nécessaire pour élaborer une stratégie. Je rappelle que nous avons arrêté la nôtre depuis deux ans ; elle comporte des réformes en profondeur : réforme des retraites, RGPP, réduction des dépenses de lÉtat et de lassurance maladie, gel des dotations aux collectivités locales, suppression progressive dun certain nombre de niches fiscales Mais nous avons besoin de croissance. Les mesures prises à cette fin dans les précédents budgets, notamment pour protéger le pouvoir dachat, ont donné de bons résultats : ainsi, au dernier trimestre, la consommation a permis un rebond de croissance de 0,4 %, malgré leffacement de 11 milliards de niches fiscales. Notre dispositif était donc bien calibré mais il faut tenir compte du ralentissement économique général. Nous subirons inévitablement leffet des incertitudes quant à lévolution de léconomie américaine et des économies émergentes, pour ne pas parler de linstabilité de la zone euro. Nous en avons déjà tenu compte en corrigeant notre prévision de croissance pour 2012 et nous faisons le pari que les décisions prises aujourdhui produiront des résultats à terme. Mais nous connaîtrons dici là quelques semaines difficiles.
Nous ne voulons pas nous situer dans la perspective dune dégradation de la note de la France. Nous pouvons toutefois, comme travail décole, réaliser une simulation de son incidence sur le service de la dette publique. Dans cette hypothèse, une augmentation dun point du taux dintérêt pour les obligations à dix ans représente un surcoût denviron deux milliards la première année, dun peu moins de quatre la deuxième, pour atteindre, au bout de huit ans, quatorze milliards par an. Ce qui nest pas négligeable. Cependant, paradoxalement, alors que la zone euro na jamais traversé de crise aussi violente, jamais non plus la France na emprunté à des taux aussi bas ! Ils sont aujourdhui en moyenne de 3,2 %, contre 3,5 % il y a six mois, alors que la crise sest encore aggravée. Prudemment, nous avons prévu dans la loi de Finances pour 2012 un taux de 3,7 % à dix ans, alors que, comme je viens de le dire, il sétablit aujourdhui à 3,2 %. Nous disposons donc dun peu de marge. Même si elle constitue toujours le deuxième poste budgétaire civil de lÉtat, la charge annuelle de la dette reste de 49 milliards. Cela étant, en cas de décrochage - que nous refusons denvisager -, nous passerions dans un autre monde : les mesures fiscales se révéleraient insuffisantes et il faudrait en venir à une coordination des politiques publiques à léchelle européenne.
( )
Monsieur Daniel Paul, le texte de laccord intergouvernemental européen sera définitivement fixé en mars prochain. Selon la qualification juridique arrêtée, nous déterminerons alors le cheminement à suivre pour lintégrer dans notre droit public. Sil sagit dun protocole additionnel, une révision constitutionnelle ne sera pas nécessaire. La seule clause pouvant obliger à une telle révision est évidemment la règle dor et, compte tenu de la position prise par la gauche, nous ne pourrons, hélas, régler cette question quaprès lélection présidentielle.
( )
Madame Pascale Got, grâce à laccord de Strasbourg, dit Monti-Merkel-Sarkozy, on ne prend plus lopinion publique à témoin des difficultés auxquelles nous exposerait la BCE. Comme vous le savez, la France aurait voulu que celle-ci accorde une licence bancaire au FESF, le Fonds européen de stabilité financière mais, dans la mesure où le mécanisme européen de stabilité constituera un dispositif plus large que la BCE gérera, et dans la mesure aussi où la banque centrale a, de sa propre initiative, pris les décisions nécessaires quant à la baisse des taux dintérêt et à laccès aux liquidités, il lui appartient de définir sa politique, conformément à son statut dinstitution indépendante. Nous ne la ferons donc plus intervenir dans le champ des décisions intergouvernementales. Elle a beaucoup évolué, elle sait ce quelle a à faire, elle joue désormais un rôle important. Mais on ne saurait comparer son action à celle de la Réserve fédérale américaine (FED), de la Banque dAngleterre ou de la Banque nationale suisse. Lhistoire nous dira donc si la BCE doit encore évoluer. Mais nous navons pas discuté dune modification de traité visant à remettre en cause son indépendance.
( )
Madame Anne Grommerch, lAutorité bancaire européenne a demandé aux banques de porter leur ratio de fonds propres à 9 % en juin prochain, soit, pour les banques françaises, une recapitalisation à hauteur de 7,3 milliards, sans appel au soutien public - ce qui pourrait être considéré comme une norme «Bâle deux et demi», ou encore «Bâle III moins six ans» puisque cela revient à leur demander dappliquer maintenant une norme qui naurait dû entrer en vigueur quen 2017. Mais elles sont en mesure de le faire et, en tout état de cause, elles le doivent, en vertu de laccord européen.
Cela étant, le problème nest pas tant lapplication de Bâle III à lintérieur de la zone euro, car les régulateurs y veilleront, que son application à lextérieur de cette zone, notamment par les Américains, qui nen sont même pas encore à Bâle II. Nous en discutons donc au sein du G20.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 décembre 2011