Interview de M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme, aux services, aux professions libérales et à la consommation, à "France Inter" le 21 décembre 2011, sur la mobilisation de la police pour remplacer les grévistes à l'aéroport de Roissy-Charles De Gaulle, sur la défense de la qualité des produits fabriqués en France.

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Média : France Inter

Texte intégral

BRUNO DUVIC Sixième jour de grève des agents de sûreté dans les aéroports en pleine période de voyage pour les familles et les touristes, le gouvernement mobilise aujourd’hui la police pour remplacer les grévistes. C’était une solution d’urgence inévitable, selon vous ?

FREDERIC LEFEBVRE Ecoutez, le droit de grève est sacré dans notre pays, mais en même temps il n’est pas question que le gouvernement laisse des touristes, vous l’avez dit, un certain nombre de nos compatriotes, qui pendant les fêtes vont prendre des vacances, vont voir leur famille, pris en otages, et je crois que – et je le dis à FRANCE INTER – que le service public se déroule normalement, c’est la moindre des choses que l’on doit aux Français.

BRUNO DUVIC Et vous n’avez pas d’inquiétudes sur la mobilisation des forces de l’ordre ? Certains syndicats de policiers disent déjà qu’ils ne sont pas là pour briser les grèves.

FREDERIC LEFEBVRE Oui, enfin qu’il y ait des réactions des uns ou des autres, mais en l’occurrence il s’agit, vous le savez, de grève des agents qui sont chargés de faire la sécurité, et donc les forces de l’ordre sont bien placées pour la faire et sont parfaitement en capacité de la faire, et ils le feront si nécessaire, à tel ou tel endroit.

BRUNO DUVIC Si nécessaire, c’est certain aujourd’hui. Il y aura, aujourd’hui, des policiers qui interviendront à la place des agents de sûreté.

FREDERIC LEFEBVRE Eh bien écoutez, ce sera, en tout cas, je crois, une décision attendue par les Français qui se retrouvaient bloqués. Ça devient une habitude, vous avez remarqué, à chaque fois qu’il y a des vacances annoncées, des départs annoncés, on se retrouve avec telle ou telle catégorie qui décide de faire grève et de prendre en otages les citoyens. Je crois que ce n’est pas une méthode. On a mis en place, vous le savez, ça fonctionne d’ailleurs parfaitement bien ça avait été très critiqué à l’époque, le service minimum dans les transports en commun, eh bien il y aura, dorénavant, puisqu’il y a, pour le court terme, vous l’avez dit, des policiers et des gendarmes qui feront ce travail, mais pour le moyen terme une proposition de loi qui sera votée pour étendre le service minimum dans le transport aérien.

BRUNO DUVIC Alors, elle est au programme de l’Assemblée le 24 janvier. Est-ce qu’il faut aller plus loin…

FREDERIC LEFEBVRE Vous savez, c’est à la fois le confort immédiat des citoyens et des touristes, mais c’est en même temps l’image de la France. Ça fait partie des éléments, quand on interroge dans le monde entier, les touristes du monde entier, ça fait partie des éléments qui freinent l’accès d’un certain nombre de touristes en France.

BRUNO DUVIC Jean-François ACHILLI nous le disait dans le journal de 8H00, il y a eu une réunion à ce sujet lundi soir à l’Elysée. Cette réponse ferme des autorités, c’est une consigne du chef de l’Etat ?

FREDERIC LEFEBVRE Vous savez, quand le gouvernement agit, il y a une impulsion qui est donnée par le président de la République, tout ça est très normal.

BRUNO DUVIC Alors aujourd’hui, ce qu’on appelle service minimum, auquel vous faisiez référence, c’est l’obligation pour les grévistes de se déclarer à l’avance, de manière à ce que les compagnies puissent s’organiser, négocier, informer les voyageurs. Est-ce qu’il faut aller plus loin selon vous ? Hier Christian JACOB, le chef de file des députés UMP, évoquait l’hypothèse d’un véritable service minimum avec réquisition des salariés. Est-ce que vous seriez pour ?

FREDERIC LEFEBVRE Ecoutez, moi je trouve que l’extension de ce qui marche très très bien dans le transport en commun, au transport aérien, c’est la bonne solution, et donc la proposition de loi telle qu’elle a été déposée par Eric DIARD me paraît une solution adaptée, mesurée, équilibrée.

BRUNO DUVIC Pas la peine d’aller plus loin ?

FREDERIC LEFEBVRE Je crois vraiment que ce qui fonctionne pour le service minimum, il n’y a aucune raison pour que ça ne fonctionne pas pour le transport aérien.

BRUNO DUVIC Alors, quelle que soit la teneur, cela dit, de la proposition de loi, elle a peu de chance d’être définitivement adoptée avant la présidentielle, puisque le calendrier parlementaire est très serré. Premier examen le 24 janvier, elle ne sera pas adoptée avant la présidentielle.

FREDERIC LEFEBVRE Ecoutez, nous verrons bien. Moi je souhaite qu’elle le soit rapidement. Il peut arriver que des textes soient inscrits…

BRUNO DUVIC En urgence.

FREDERIC LEFEBVRE Vous savez, c’est un texte qui sera très très court, et donc on peut imaginer qu’il le soit, avec l’urgence, et donc examiné rapidement et inscrit à l’ordre du jour des deux Assemblées rapidement.

BRUNO DUVIC Est-ce que le gouvernement n’a pas sorti le bazooka un peu tôt dans cette histoire ? Les pilotes commencent à râler eux aussi, le syndicat SNPL dénonce une remise en cause du droit de grève, menace d’un mouvement en février. Est-ce qu’on a pris le dialogue social par le bon bout, Frédéric LEFEBVRE, dans cette histoire ?

FREDERIC LEFEBVRE Eh bien écoutez, franchement, le service minimum dans les transports en commun, on a entendu exactement la même chose au moment où on l’a mis en place, et aujourd’hui ça fonctionne très bien, et ce n’est pas pour autant que le droit de grève est remis en cause. Pourquoi est-ce que ça ne serait pas la même chose pour le transport aérien ? Je crois que surtout il y a, peut-être, un certain nombre de gens qui ont un peu tiré sur la ficelle, et qu’à force de systématiquement, systématiquement, dès qu’il y a un départ en vacances, prendre en otages les gens, ils ont finalement récolté ce qu’ils cherchaient sans doute, c'est-à-dire une réponse ferme.

BRUNO DUVIC Et en même temps, ce sera ma dernière question, on entend quelqu’un comme Dominique BUSSEREAU, ancien ministre des Transports, soutenir les revendications des grévistes en disant, « voilà, ils gagnent 1300 euros par mois en moyenne, ils demandent des hausses de salaires, ça n’a rien de scandaleux. »

FREDERIC LEFEBVRE Oui, mais encore une fois, il ne faut pas mélanger deux choses, le fond des revendications, qui peuvent être parfaitement légitimes, et par ailleurs le forme, la méthode, et c’est la raison pour laquelle il est absolument normal, dans une démocratie apaisée, quand il y a un service public, il y a un service minimum.

BRUNO DUVIC Et question aussi sur cette expression qui est répétée par Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, par vous-même ce matin, sur la prise d’otages. Je sais que ça fait hurler beaucoup de gens. Prise d’otages, ce n’est pas un peu fort, ce n’est pas un peu exagéré ?

FREDERIC LEFEBVRE Ecoutez, si vous interrogez les Français qui sont concernés, les touristes qui sont concernés, franchement, c’est exactement le sentiment qu’ils ont. Je suis certains que les Français qui nous écoutent, pour la grande majorité d’entre eux, attendaient qu’il y ait une réaction. D’ailleurs, pourquoi pourrait-on reprocher à un gouvernement de mettre en place ce qui existe pour les transports en commun, pour le transport aérien ?

BRUNO DUVIC Alors, le « Made in France », Frédéric LEFEBVRE, quelle différence faites-vous entre le label « Origine France » du président de la République, le « Produire en France » de François BAYROU, le « Patriotisme industriel » de François HOLLANDE et le « Protectionnisme européen », même « national » de Jean-Luc MELENCHON et Marine LE PEN ?

FREDERIC LEFEBVRE Alors d’abord, moi je vais vous dire, je suis très heureux de voir que le « fabriquer en France » que défend le président de la République depuis 2009, fait des adeptes. Tant mieux.

BRUNO DUVIC Alors, il y a bataille sur savoir qui est le premier à avoir eu cette idée. Vous, vous dites, voilà, c’est d’abord le président de la République.

FREDERIC LEFEBVRE Ce n’est même pas le sujet, vous savez. Le constat du président de la République et les engagements qu’il avait pris en 2007 étaient très clairs. Un pays où l’industrie a été sacrifiée, un pays où les ouvriers n’étaient plus calculés par les pouvoirs publics, est un pays qui perd une partie de son identité. C’est la raison pour laquelle le président de la République a fait d’une priorité l’industrie française. Et, la grande différence entre acheter français, et acheter ce qui est fabriqué en France, donc acheter la qualité française, c’est que, ce qui compte, ce n’est pas une marque française qui serait fabriquée à l’étranger, mais ce qui compte c’est même une marque étrangère, pourquoi pas, fabriquée en France avec les savoir-faire français, qui crée de l’emploi en France. Et vous avez cité le label « France origine garantie »…

BRUNO DUVIC Voilà, qui est dans le projet de loi sur la consommation actuellement…

FREDERIC LEFEBVRE Non, le label « France origine garantie » il existe déjà, il a été mis en place il y a aujourd’hui une…

BRUNO DUVIC Le principe, je le dis rapidement, c’est d’étendre ce qu’on connaît déjà à l’alimentation, à d’autres secteurs.

FREDERIC LEFEBVRE Alors, c’est deux choses différentes. Le label « France origine garantie » ça existe déjà, ça a été mis en place en 2010, c’est aujourd’hui une quarantaine de produits pour une quinzaine de marques, bientôt environ 500 produits pour une centaine de marques, qui doivent être fabriquées en France, dont la valeur ajoutée doit être au moins l’équivalent de 50% en France. Moi je suis, dans le texte qui est aujourd’hui examiné par le Parlement…

BRUNO DUVIC Au Sénat.

FREDERIC LEFEBVRE Nous sommes au Sénat, d’étendre l’IGP, l’Indication Géographique Protégée, qui est bien connue parce qu’elle a protégé les produits alimentaires dans notre pays, vous savez, le pruneau d’Agen…

BRUNO DUVIC Le fromage.

FRÉDÉRIC LEFEBVRE Le Brie de Meaux, on peut multiplier les exemples, de l’étendre pour les produits artisanaux, et les produits industriels.

BRUNO DUVIC A quel délai ?

FREDERIC LEFEBVRE On va pouvoir protéger le couteau Laguiole, la faïence de Gien, les émaux de Briare, je pourrai multiplier les exemples. Alors, le dispositif il est, dans le texte qui, je l’espère, sera définitivement adopté au mois de février, avec derrière cette action de labellisation, qui est très importante, puisque, on est dans un pays, les Français considèrent, et ils ont raison, que le « fabriquer en France » ça veut dire la qualité, et donc deux tiers des Français préfèrent acheter des produits fabriqués en France.

BRUNO DUVIC Le premier critère restant le prix évidemment, on y reviendra dans une seconde.

FREDERIC LEFEBVRE Oui, mais 75% des Français considèrent qu’il vaut même mieux payer un peu plus cher des produits de qualité. D’ailleurs vous savez…

BRUNO DUVIC Après ça dépend de l’écart.

FREDERIC LEFEBVRE C’est la grand-mère de mon épouse qui disait, elle était de Haute- Loire, « je n’ai pas les moyens d’acheter de la mauvaise qualité. »

BRUNO DUVIC Alors je ne sais pas si vous avez vu cette enquête sur RUE89, sur le thème « j’ai essayé d’acheter français, fabriqué en France, et je me suis presque ruiné. » Dans tous les secteurs, bricolage, habillement, produits de beauté, le « Made in France » est plus cher, je me souviens de l’exemple d’une machine-à-laver où il y a 100 euros d’écart. Encore une fois le critère du prix reste le critère numéro 1 pour l’achat des consommateurs français et le « Made in France » passe après.

FREDERIC LEFEBVRE Encore une fois, je viens de le dire, je rappelais cette phrase de bon sens, « je n’ai pas les moyens d’acheter de la mauvaise qualité », quand vous achetez de la bonne qualité ça dure plus longtemps, et donc sur la durée ça vous coûte moins cher. Vous savez, les gens le comprennent parfaitement, c’est pour ça que je vous le dis, dans toutes les enquêtes ils sont très nombreux, une très grande majorité, très large majorité, à préférer acheter de la qualité. Mais ce qui est très important, c’est qu’aujourd’hui ils ne peuvent pas…

BRUNO DUVIC Globalement quand même, dire que le prix est le premier critère, j’insiste.

FREDERIC LEFEBVRE Bien sûr, mais ce que je veux dire c’est qu’ils ne peuvent pas s’y retrouver aujourd’hui, parce que vous voyez fleurir des étiquettes « Made in France », « 100% français », sans qu’il y ait aucun moyen de vérifier. C’est la raison pour laquelle moi je préside le Conseil national de la consommation dans lequel il y a à la fois des entreprises et les associations de défense des consommateurs, qui travaillent, depuis un certain nombre de mois, sur la dématérialisation des informations sur les produits, et je leur ai demandé, pour la rentrée, une fois qu’on va avoir les labels, qu’on puisse construire une carte d’identité des produits qui permettra aux consommateurs…

BRUNO DUVIC Via les codes-barres, via les puces…

FREDERIC LEFEBVRE Via les codes-barres, via les flash-codes, de connaître l’origine des produits.

Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 22 décembre 2011