Texte intégral
Je ferai quelques brèves remarques avant de répondre à vos questions. Nous avons évoqué lopération Protecteur Unifié en Libye pour constater quelle avait été un beau succès de lAlliance, quelle nous a permis déviter un bain de sang en Libye et quelle a été conduite dans des conditions qui nous ont évité tout dommage collatéral dans le respect du mandat prévu par la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies.
Nous avons ensuite évoqué la situation en Afghanistan pour nous réjouir du succès de la Conférence de Bonn qui a permis délaborer la «feuille de route» - si je puis dire -, avec dabord la mise en uvre de la transition. Vous savez que la France était très directement concernée puisque la Surobi a été incluse dans la dernière vague de régions dans lesquelles la sécurité est transférée aux autorités afghanes. Ceci va nous permettre de mettre en uvre les annonces du président de la République, en particulier le retrait dun millier de soldats français. Nous poursuivrons jusquen 2013.
À Bonn, nous nous sommes aussi projeté dans laprès-2014. La France, je lespère, va pouvoir signer avec lAfghanistan un Traité de coopération et damitié qui permettra de nous projeter dans les vingt prochaines années avec un plan daction sur les cinq premières années traitant de sujets divers comme la sécurité mais aussi léducation, lagriculture et la santé. Cest donc dans un partenariat de long terme avec lAfghanistan, dans lequel lOTAN sera impliquée, que nous sommes engagés.
Nous avons également beaucoup parlé des Balkans occidentaux qui ont vocation à sintégrer dans lespace euro-atlantique. Nous avons condamné les attaques inadmissibles dont la KFOR a été lobjet au Kosovo. Jai rendu hommage aux personnels de cette force qui ont réagi avec sang-froid et beaucoup de professionnalisme. Nous continuons donc à soutenir la KFOR pour quelle exerce son mandat en coordination avec la mission européenne EULEX. Jai aussi indiqué que cette volonté de partenariat avec les Balkans occidentaux concernait les différents pays de la région, dont la Serbie qui fait des progrès dans son processus de réforme. Laccord passé le 2 décembre sur les contrôles douaniers permet aussi davancer. Dans la mesure où le dialogue entre Belgrade et Pristina se confortera, nous souhaitons aussi que la Serbie soit partie prenante de ce partenariat.
Et puis, nous avons commencé à évoquer la question de la Russie. Nous en reparlerons demain avec le Conseil OTAN-Russie. Pour la France, la Russie est un partenaire important. Nous souhaitons que lélan qui a été donné au Sommet de Lisbonne pour resserrer ce partenariat ne se perde pas, même si parfois cette coopération est difficile. Elle avance dans de nombreux domaines. Je pense à lAfghanistan, à la lutte contre le terrorisme et la piraterie.
Nous sommes en revanche, pour linstant, dans une situation de quasi-blocage concernant la défense anti-missile. Comme dautres délégations, en particulier celle de Mme Clinton, jai indiqué que cette défense anti-missile nétait pas dirigée contre la Russie et que nous souhaitions y travailler avec elle dans la perspective du Sommet de Chicago. Certaines déclarations, notamment celles du président Medvedev sur la défense anti-missile, semblaient marquer un refroidissement des relations entre lOTAN et la Russie. Mais nous souhaitons ne pas sur-réagir à cette déclaration et la porte reste ouverte à la discussion. La discussion de demain sera, jen suis sûr, très riche et très franche.
Voilà les principaux sujets évoqués.
Q - Ce refroidissement de la Russie, vous lattribuez uniquement à la période électorale que la Russie vient de connaître ou à des raisons plus fondamentales ?
R - Sans doute la période électorale est-elle propice à un certain durcissement. Dailleurs, à ce sujet, je voudrais faire part de la préoccupation de la France sur la façon dont ces élections se sont déroulées. LOSCE a déjà fait des constats sévères sur lorganisation de ces élections. Je souhaite aussi rappeler que, dans notre coopération étroite avec la Russie, nous sommes attachés à un certain nombre de principes fondamentaux, notamment la liberté de manifester. Nous sommes préoccupés par les arrestations et les interpellations qui se multiplient depuis que le résultat des élections est connu.
Ceci crée un contexte qui peut expliquer ces durcissements. Néanmoins, ceci ne remet pas en cause lobjectif qui est le nôtre, celui de considérer la Russie comme un partenaire privilégié de lUnion européenne, de lOTAN et de la France. Je nai pas oublié les déclarations du président Obama au président Medvedev qui lui a dit : «You are not only a partner, you are also a friend». Jespère que ceci pourra se concrétiser dans les mois qui viennent.
Q - Comment réchauffer ce dialogue sil est bloqué depuis quasiment un an ?
R - En le poursuivant. Vous savez quà Honolulu le président Obama et le président Medvedev ont désigné des médiateurs pour continuer le dialogue sur la défense anti-missile. Aucune porte nest fermée.
Q - Certaines personnes font le lien entre cette situation et la situation au Pakistan où des lignes de ravitaillement sont bloquées et pensent que lOTAN se trouve peut-être dans une situation moins aisée pour négocier vu quelle a peut-être besoin de passer par la Russie pour le ravitaillement. Y voyez-vous un lien ?
R - Non, il ny a pas de lien. Je crois que la coopération avec la Russie, sagissant de lAfghanistan, est satisfaisante. Là-dessus, il ny a pas de changement. La difficulté, en lespèce, cest le Pakistan, pas la Russie.
Q - Ce sujet a-t-il été discuté aussi ?
R - Oui, nous avons évoqué la situation avec le Pakistan. Cest un interlocuteur difficile et pourtant incontournable. Là encore, il faut retisser tous les liens qui permettent davoir un dialogue.
Q - Comment contourner les difficultés nées des derniers incidents et la mort des gardes-frontaliers pakistanais qui restent un sujet sensible ?
R - Cest un sujet sensible. Jai vu les réactions que cela avait provoqué. Le président Karzaï - cétait dailleurs une des conclusions de la Conférence de Bonn - reste tout à fait convaincu quil ny aura pas de retour à la stabilité et à la paix en Afghanistan sans un dialogue constructif avec le Pakistan. La France avait lancé cette idée de «sécurité collective», avec les voisins de lAfghanistan, qui a été reprise à la Conférence dIstanbul. Cest désormais ce quon appelle le Processus dIstanbul. Nous allons donc travailler dans cette direction sans sous-estimer les difficultés actuelles.
Q - LOTAN a annoncé plusieurs fois quelle souhaite renforcer sa relation avec les pays arabes et notamment la Libye. Comment voyez-vous la relation de la France avec ces pays et comment perçoit-elle la montée des mouvements islamiques ?
R - Vous savez que lOTAN développe deux cadres de partenariat avec les pays dAfrique du Nord et du Moyen-Orient : le Dialogue méditerranéen, dun coté, et lInitiative de Coopération dIstanbul avec les pays du Golfe. Il nous semble que la Libye a sa place dans le Dialogue méditerranéen. Nous sommes tout à fait favorables à une mise en place du Dialogue.
Sagissant de la France et des pays du Printemps arabe, laspiration à la démocratie des peuples arabes doit être prise en compte. Quand il y a des élections qui se déroulent dans de bonnes conditions, comme cela a été le cas au Maroc, en Tunisie et apparemment en Égypte, on ne peut contester le résultat de celles-ci. Nous en prenons acte. Cest la volonté des peuples concernés. Dans le même temps, nous sommes également en droit de rester ferme sur nos principes et de rappeler quil y a certaines lignes rouges sur lesquelles nous serons vigilants. Je suis moi-même attentif aux déclarations de certaines formations politiques égyptiennes - je pense notamment au parti al-Nour -, sur lesquelles il faudrait des clarifications de la part de ceux qui participeront au prochain gouvernement.
Q - Concernant le cas libyen, on parle beaucoup de la présence incontrôlée darmes sur le territoire. Sagit-il dun sujet de préoccupation actuel aujourdhui ?
R - Cest un sujet de préoccupation. Nous souhaitons aider le nouveau gouvernement libyen à mieux maîtriser la situation. Ce qui nous préoccupe le plus, ce sont les armes qui sont en dehors du territoire libyen et qui sont parties dans le Sahel. La situation est en train de se dégrader. Jai rencontré ce matin mon homologue algérien et nous avons évoqué la nécessité de renforcer la coopération régionale au Sahel entre la Mauritanie, le Mali, le Niger et lAlgérie. Vous le savez, lUnion européenne est prête à aider. Nous avons obtenu la mise en place dun Plan Sahel qui apportera un soutien en matière de formation et de sécurité pour faire face à ce défi.
Q - Sur lIran, vous avez indiqué, après la rencontre avec vos collègues de lUnion européenne, quun embargo serait une possibilité. Où en est le travail sur ce thème et sagit-il dun thème de discussion à lOTAN ?
R - Nous y travaillons. Je ne pense pas quil sagisse dune question pour lOTAN, cest une question pour les Nations unies ou lUnion européenne. Cette dernière a déjà pris des sanctions.
Lors du dernier Conseil Affaires étrangères, il a été décidé de travailler sur les deux propositions françaises, qui sont le gel des avoirs de la Banque centrale et lembargo sur les exportations pétrolières de lIran. Nous sommes en train de travailler et de voir comment éviter que certains pays européens ne soient pénalisés par lembargo sur les exportations pétrolières. Il y a des possibilités de compensation avec dautres pays producteurs.
Jai vu aussi que le Congrès américain avait pris un certain nombre de décisions sur le gel des avoirs financiers. Nous sommes toujours sur la doctrine de la double piste - «double track» - avec lIran. Nous sommes prêts à dialoguer et nous avons fait des propositions en ce sens. Malheureusement, les lettres de Mme Ashton nont pas reçu de réponse satisfaisante jusquà présent. Simultanément, nous souhaitons durcir les sanctions puisque le dernier rapport de lAgence internationale de lénergie atomique nous a confirmé dans la conviction que lIran développait un programme de constitution de larme nucléaire.
Q - Toute cette question de compensation pétrolière, dont vous parliez déjà à la dernière sortie du Conseil Affaires étrangères, vous avez avancé sur les pistes, les alternatives ?
R - Des alternatives existent. Plusieurs pays producteurs sont prêts à augmenter leur production. La Libye, par exemple, a une production qui augmente sensiblement. Il y a dautres pays comme lArabie saoudite. Jai évoqué cette question quand jétais dans le Golfe, il y a deux semaines. LUnion européenne y travaille aussi.
Je vous rappelle que le prochain Conseil Affaires étrangères se tiendra en janvier. On évoquera à nouveau cette question à ce moment-là.
Q - Sur lAfghanistan, lincident à la frontière entraîne-t-il des conséquences sur la logistique ?
R - Nous souhaitons surmonter cette difficulté avec le Pakistan. Les derniers attentats perpétrés en Afghanistan compliquent les choses puisque le président Karzaï considère que lorigine de ces attentats est au Pakistan.
Q - Cela complique-t-il les choses pour lOTAN ?
R - Cela complique les choses. Comme je le disais, il ny aura pas de solution pour la sécurité et la stabilité de lAfghanistan si nous narrivons pas à impliquer le Pakistan dans un accord de sécurité régionale, qui avait été lancé par la France et qui constitue aujourdhui le Processus dIstanbul.
Q - Les autres opérations de lOTAN ont-elles été évoquées aujourdhui ? Notamment celle qui concerne la formation des forces de sécurité en Irak et la mission anti-piraterie dans lOcéan indien ? On arrive en effet à terme du mandat de la mission de formation en Irak. Y a-t-il une prolongation en perspective ?
R - On nen a pas parlé. Ce sera à lordre du jour le moment venu.
Q - Sur la question de loctroi du statut de candidat à la Serbie qui pourrait être décidé vendredi, la France est-elle toujours sur la même position alors que, selon les dernières informations, certains pays vont essayer de bloquer le processus ?
R - Nous pensons toujours que la Serbie a fait des progrès dans la direction que nous souhaitions. Je ne reviens pas sur les arrestations auxquelles elle a procédé à la demande du TPI. Des réformes sont également en cours. Nous considérons donc quil faut donner à la Serbie un signal dencouragement pour, notamment, linciter à poursuivre son dialogue avec Pristina. Des accords ont été signés. Nous ne voyons pas de raison pour ne pas avancer dans la reconnaissance du statut de candidat de la Serbie. Ce sera discuté au prochain Conseil européen et dans les semaines qui viennent. Il y a encore des réticences de lAllemagne mais nous ne désespérons pas de faire avancer le dossier.
Q - Larrêt de la Cour internationale de Justice change-t-il quelque chose pour la Macédoine ? Le processus va-t-il saccélérer ?
R - On ne la pas évoqué aujourdhui. On a redit que lobjectif était lintégration de lensemble des pays des Balkans dans la zone euro-atlantique. Nous encourageons la reprise du dialogue entre Athènes et Skopje.
Q - On a voulu donner à la Russie, concernant le bouclier anti-missile, des garanties de participation, dimplication et dinformation sur le projet. Cela na pas lair de fonctionner. Que peut-on faire dautre ?
R - Convaincre la Russie que ce nest pas dirigé contre elle. Je sais bien que cest une tâche difficile mais les processus de négociations sont relancés avec linitiative des présidents Obama et Medvedev. On a encore du chemin à faire dici Chicago. Jespère que les choses pourront se débloquer même si lon reste dans un contexte pré-électoral en Russie.
Q - La situation budgétaire des États va-t-elle influer sur ce projet ? Il est très coûteux, va-t-il être retardé ?
R - Il est effectivement très coûteux, cest vrai. À présent, la seule décision financière qui ait été prise, cest de limiter limplication des pays de lAlliance au financement du C2. Pour le reste, il sagit dun financement national.
Jai également évoqué la Defense and Deterrence Posture Review (DDPR) pour rappeler que, pour la France, le maintien aujourdhui dune capacité de dissuasion nucléaire est absolument essentiel à léquilibre du monde et à la sécurité de notre pays et de lAlliance dans son ensemble. Nous ne souhaitons pas que cet exercice aboutisse à affaiblir cette capacité de dissuasion, comme cela a été clairement dit à Lisbonne.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 décembre 2011
Nous avons ensuite évoqué la situation en Afghanistan pour nous réjouir du succès de la Conférence de Bonn qui a permis délaborer la «feuille de route» - si je puis dire -, avec dabord la mise en uvre de la transition. Vous savez que la France était très directement concernée puisque la Surobi a été incluse dans la dernière vague de régions dans lesquelles la sécurité est transférée aux autorités afghanes. Ceci va nous permettre de mettre en uvre les annonces du président de la République, en particulier le retrait dun millier de soldats français. Nous poursuivrons jusquen 2013.
À Bonn, nous nous sommes aussi projeté dans laprès-2014. La France, je lespère, va pouvoir signer avec lAfghanistan un Traité de coopération et damitié qui permettra de nous projeter dans les vingt prochaines années avec un plan daction sur les cinq premières années traitant de sujets divers comme la sécurité mais aussi léducation, lagriculture et la santé. Cest donc dans un partenariat de long terme avec lAfghanistan, dans lequel lOTAN sera impliquée, que nous sommes engagés.
Nous avons également beaucoup parlé des Balkans occidentaux qui ont vocation à sintégrer dans lespace euro-atlantique. Nous avons condamné les attaques inadmissibles dont la KFOR a été lobjet au Kosovo. Jai rendu hommage aux personnels de cette force qui ont réagi avec sang-froid et beaucoup de professionnalisme. Nous continuons donc à soutenir la KFOR pour quelle exerce son mandat en coordination avec la mission européenne EULEX. Jai aussi indiqué que cette volonté de partenariat avec les Balkans occidentaux concernait les différents pays de la région, dont la Serbie qui fait des progrès dans son processus de réforme. Laccord passé le 2 décembre sur les contrôles douaniers permet aussi davancer. Dans la mesure où le dialogue entre Belgrade et Pristina se confortera, nous souhaitons aussi que la Serbie soit partie prenante de ce partenariat.
Et puis, nous avons commencé à évoquer la question de la Russie. Nous en reparlerons demain avec le Conseil OTAN-Russie. Pour la France, la Russie est un partenaire important. Nous souhaitons que lélan qui a été donné au Sommet de Lisbonne pour resserrer ce partenariat ne se perde pas, même si parfois cette coopération est difficile. Elle avance dans de nombreux domaines. Je pense à lAfghanistan, à la lutte contre le terrorisme et la piraterie.
Nous sommes en revanche, pour linstant, dans une situation de quasi-blocage concernant la défense anti-missile. Comme dautres délégations, en particulier celle de Mme Clinton, jai indiqué que cette défense anti-missile nétait pas dirigée contre la Russie et que nous souhaitions y travailler avec elle dans la perspective du Sommet de Chicago. Certaines déclarations, notamment celles du président Medvedev sur la défense anti-missile, semblaient marquer un refroidissement des relations entre lOTAN et la Russie. Mais nous souhaitons ne pas sur-réagir à cette déclaration et la porte reste ouverte à la discussion. La discussion de demain sera, jen suis sûr, très riche et très franche.
Voilà les principaux sujets évoqués.
Q - Ce refroidissement de la Russie, vous lattribuez uniquement à la période électorale que la Russie vient de connaître ou à des raisons plus fondamentales ?
R - Sans doute la période électorale est-elle propice à un certain durcissement. Dailleurs, à ce sujet, je voudrais faire part de la préoccupation de la France sur la façon dont ces élections se sont déroulées. LOSCE a déjà fait des constats sévères sur lorganisation de ces élections. Je souhaite aussi rappeler que, dans notre coopération étroite avec la Russie, nous sommes attachés à un certain nombre de principes fondamentaux, notamment la liberté de manifester. Nous sommes préoccupés par les arrestations et les interpellations qui se multiplient depuis que le résultat des élections est connu.
Ceci crée un contexte qui peut expliquer ces durcissements. Néanmoins, ceci ne remet pas en cause lobjectif qui est le nôtre, celui de considérer la Russie comme un partenaire privilégié de lUnion européenne, de lOTAN et de la France. Je nai pas oublié les déclarations du président Obama au président Medvedev qui lui a dit : «You are not only a partner, you are also a friend». Jespère que ceci pourra se concrétiser dans les mois qui viennent.
Q - Comment réchauffer ce dialogue sil est bloqué depuis quasiment un an ?
R - En le poursuivant. Vous savez quà Honolulu le président Obama et le président Medvedev ont désigné des médiateurs pour continuer le dialogue sur la défense anti-missile. Aucune porte nest fermée.
Q - Certaines personnes font le lien entre cette situation et la situation au Pakistan où des lignes de ravitaillement sont bloquées et pensent que lOTAN se trouve peut-être dans une situation moins aisée pour négocier vu quelle a peut-être besoin de passer par la Russie pour le ravitaillement. Y voyez-vous un lien ?
R - Non, il ny a pas de lien. Je crois que la coopération avec la Russie, sagissant de lAfghanistan, est satisfaisante. Là-dessus, il ny a pas de changement. La difficulté, en lespèce, cest le Pakistan, pas la Russie.
Q - Ce sujet a-t-il été discuté aussi ?
R - Oui, nous avons évoqué la situation avec le Pakistan. Cest un interlocuteur difficile et pourtant incontournable. Là encore, il faut retisser tous les liens qui permettent davoir un dialogue.
Q - Comment contourner les difficultés nées des derniers incidents et la mort des gardes-frontaliers pakistanais qui restent un sujet sensible ?
R - Cest un sujet sensible. Jai vu les réactions que cela avait provoqué. Le président Karzaï - cétait dailleurs une des conclusions de la Conférence de Bonn - reste tout à fait convaincu quil ny aura pas de retour à la stabilité et à la paix en Afghanistan sans un dialogue constructif avec le Pakistan. La France avait lancé cette idée de «sécurité collective», avec les voisins de lAfghanistan, qui a été reprise à la Conférence dIstanbul. Cest désormais ce quon appelle le Processus dIstanbul. Nous allons donc travailler dans cette direction sans sous-estimer les difficultés actuelles.
Q - LOTAN a annoncé plusieurs fois quelle souhaite renforcer sa relation avec les pays arabes et notamment la Libye. Comment voyez-vous la relation de la France avec ces pays et comment perçoit-elle la montée des mouvements islamiques ?
R - Vous savez que lOTAN développe deux cadres de partenariat avec les pays dAfrique du Nord et du Moyen-Orient : le Dialogue méditerranéen, dun coté, et lInitiative de Coopération dIstanbul avec les pays du Golfe. Il nous semble que la Libye a sa place dans le Dialogue méditerranéen. Nous sommes tout à fait favorables à une mise en place du Dialogue.
Sagissant de la France et des pays du Printemps arabe, laspiration à la démocratie des peuples arabes doit être prise en compte. Quand il y a des élections qui se déroulent dans de bonnes conditions, comme cela a été le cas au Maroc, en Tunisie et apparemment en Égypte, on ne peut contester le résultat de celles-ci. Nous en prenons acte. Cest la volonté des peuples concernés. Dans le même temps, nous sommes également en droit de rester ferme sur nos principes et de rappeler quil y a certaines lignes rouges sur lesquelles nous serons vigilants. Je suis moi-même attentif aux déclarations de certaines formations politiques égyptiennes - je pense notamment au parti al-Nour -, sur lesquelles il faudrait des clarifications de la part de ceux qui participeront au prochain gouvernement.
Q - Concernant le cas libyen, on parle beaucoup de la présence incontrôlée darmes sur le territoire. Sagit-il dun sujet de préoccupation actuel aujourdhui ?
R - Cest un sujet de préoccupation. Nous souhaitons aider le nouveau gouvernement libyen à mieux maîtriser la situation. Ce qui nous préoccupe le plus, ce sont les armes qui sont en dehors du territoire libyen et qui sont parties dans le Sahel. La situation est en train de se dégrader. Jai rencontré ce matin mon homologue algérien et nous avons évoqué la nécessité de renforcer la coopération régionale au Sahel entre la Mauritanie, le Mali, le Niger et lAlgérie. Vous le savez, lUnion européenne est prête à aider. Nous avons obtenu la mise en place dun Plan Sahel qui apportera un soutien en matière de formation et de sécurité pour faire face à ce défi.
Q - Sur lIran, vous avez indiqué, après la rencontre avec vos collègues de lUnion européenne, quun embargo serait une possibilité. Où en est le travail sur ce thème et sagit-il dun thème de discussion à lOTAN ?
R - Nous y travaillons. Je ne pense pas quil sagisse dune question pour lOTAN, cest une question pour les Nations unies ou lUnion européenne. Cette dernière a déjà pris des sanctions.
Lors du dernier Conseil Affaires étrangères, il a été décidé de travailler sur les deux propositions françaises, qui sont le gel des avoirs de la Banque centrale et lembargo sur les exportations pétrolières de lIran. Nous sommes en train de travailler et de voir comment éviter que certains pays européens ne soient pénalisés par lembargo sur les exportations pétrolières. Il y a des possibilités de compensation avec dautres pays producteurs.
Jai vu aussi que le Congrès américain avait pris un certain nombre de décisions sur le gel des avoirs financiers. Nous sommes toujours sur la doctrine de la double piste - «double track» - avec lIran. Nous sommes prêts à dialoguer et nous avons fait des propositions en ce sens. Malheureusement, les lettres de Mme Ashton nont pas reçu de réponse satisfaisante jusquà présent. Simultanément, nous souhaitons durcir les sanctions puisque le dernier rapport de lAgence internationale de lénergie atomique nous a confirmé dans la conviction que lIran développait un programme de constitution de larme nucléaire.
Q - Toute cette question de compensation pétrolière, dont vous parliez déjà à la dernière sortie du Conseil Affaires étrangères, vous avez avancé sur les pistes, les alternatives ?
R - Des alternatives existent. Plusieurs pays producteurs sont prêts à augmenter leur production. La Libye, par exemple, a une production qui augmente sensiblement. Il y a dautres pays comme lArabie saoudite. Jai évoqué cette question quand jétais dans le Golfe, il y a deux semaines. LUnion européenne y travaille aussi.
Je vous rappelle que le prochain Conseil Affaires étrangères se tiendra en janvier. On évoquera à nouveau cette question à ce moment-là.
Q - Sur lAfghanistan, lincident à la frontière entraîne-t-il des conséquences sur la logistique ?
R - Nous souhaitons surmonter cette difficulté avec le Pakistan. Les derniers attentats perpétrés en Afghanistan compliquent les choses puisque le président Karzaï considère que lorigine de ces attentats est au Pakistan.
Q - Cela complique-t-il les choses pour lOTAN ?
R - Cela complique les choses. Comme je le disais, il ny aura pas de solution pour la sécurité et la stabilité de lAfghanistan si nous narrivons pas à impliquer le Pakistan dans un accord de sécurité régionale, qui avait été lancé par la France et qui constitue aujourdhui le Processus dIstanbul.
Q - Les autres opérations de lOTAN ont-elles été évoquées aujourdhui ? Notamment celle qui concerne la formation des forces de sécurité en Irak et la mission anti-piraterie dans lOcéan indien ? On arrive en effet à terme du mandat de la mission de formation en Irak. Y a-t-il une prolongation en perspective ?
R - On nen a pas parlé. Ce sera à lordre du jour le moment venu.
Q - Sur la question de loctroi du statut de candidat à la Serbie qui pourrait être décidé vendredi, la France est-elle toujours sur la même position alors que, selon les dernières informations, certains pays vont essayer de bloquer le processus ?
R - Nous pensons toujours que la Serbie a fait des progrès dans la direction que nous souhaitions. Je ne reviens pas sur les arrestations auxquelles elle a procédé à la demande du TPI. Des réformes sont également en cours. Nous considérons donc quil faut donner à la Serbie un signal dencouragement pour, notamment, linciter à poursuivre son dialogue avec Pristina. Des accords ont été signés. Nous ne voyons pas de raison pour ne pas avancer dans la reconnaissance du statut de candidat de la Serbie. Ce sera discuté au prochain Conseil européen et dans les semaines qui viennent. Il y a encore des réticences de lAllemagne mais nous ne désespérons pas de faire avancer le dossier.
Q - Larrêt de la Cour internationale de Justice change-t-il quelque chose pour la Macédoine ? Le processus va-t-il saccélérer ?
R - On ne la pas évoqué aujourdhui. On a redit que lobjectif était lintégration de lensemble des pays des Balkans dans la zone euro-atlantique. Nous encourageons la reprise du dialogue entre Athènes et Skopje.
Q - On a voulu donner à la Russie, concernant le bouclier anti-missile, des garanties de participation, dimplication et dinformation sur le projet. Cela na pas lair de fonctionner. Que peut-on faire dautre ?
R - Convaincre la Russie que ce nest pas dirigé contre elle. Je sais bien que cest une tâche difficile mais les processus de négociations sont relancés avec linitiative des présidents Obama et Medvedev. On a encore du chemin à faire dici Chicago. Jespère que les choses pourront se débloquer même si lon reste dans un contexte pré-électoral en Russie.
Q - La situation budgétaire des États va-t-elle influer sur ce projet ? Il est très coûteux, va-t-il être retardé ?
R - Il est effectivement très coûteux, cest vrai. À présent, la seule décision financière qui ait été prise, cest de limiter limplication des pays de lAlliance au financement du C2. Pour le reste, il sagit dun financement national.
Jai également évoqué la Defense and Deterrence Posture Review (DDPR) pour rappeler que, pour la France, le maintien aujourdhui dune capacité de dissuasion nucléaire est absolument essentiel à léquilibre du monde et à la sécurité de notre pays et de lAlliance dans son ensemble. Nous ne souhaitons pas que cet exercice aboutisse à affaiblir cette capacité de dissuasion, comme cela a été clairement dit à Lisbonne.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 décembre 2011