Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, à France Inter le 2 janvier 2012, sur le projet de TVA sociale, les enjeux du sommet social du 18 janvier et la campagne pour l'election présidentielle de 2012.

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Média : France Inter

Texte intégral

PATRICK COHEN Nicolas SARKOZY annonce sa volonté de lancer des réformes structurelles, dans les prochaines semaines. Il peut faire aboutir le projet de TVA sociale ou de TVA anti-délocalisation d’ici à la présidentielle ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Bien sûr ! On n’a pas le temps d’attendre. C’est très logique, on ne peut pas d’un côté dire que la crise est très grave, que la crise est la plus importante qu’on ait connue depuis la seconde guerre mondiale. Et de l’autre côté, dire qu’on peut se donner 6 mois. C’est cohérent, avec son discours de voeux, qui est le discours d’un grand président qui dit la vérité, qui dit aux Français qu’on a les atouts, mais que la crise n’est pas finie et qu’il faut aussi agir tout de suite.
 
PATRICK COHEN Oui, mais c’est un chantier compliqué, vous le savez. Un chantier qui touche à la fiscalité, aux entreprises. Pourquoi ne l’avoir pas fait plutôt dans ce cas-là, si ça paraît nécessaire ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Tout est compliqué, tout est difficile, et en même temps on ne peut pas juste en rester là ! Pendant ce quinquennat, on a beaucoup réformé, regarder la réforme des retraites, qu’on a fait, alors qu’elle n’était pas initialement prévue. Mais parce qu’elle devenait urgente. Voilà, on n’attend pas, quand ça devient urgent. Il faut le faire. On sait qu’il faut le faire, que c’est maintenant. On le fait, on n’attend pas la campagne présidentielle, on n’attend pas le débat avec un candidat dont on ne connait toujours pas le programme. J’entendais Benoît HAMON sur votre antenne, avant d’arriver, qui nous disait : qu’on saurait peut-être dans 3 semaines, comment le programme du Parti socialiste, qui avait été construit sur une prévision de croissance de 2,5 %, allait pouvoir être remis au goût du jour, vu qu’il n’y a jamais été.
 
PATRICK COHEN Bon, il ne le disait pas exactement comme ça, mais ce n’est pas le sujet. En tout cas, vous, vous croyez aux vertus de la TVA sociale, qui consiste à, je le rappelle à supprimer une partie des charges patronales et à faire payer cet allègement par le consommateur, via une hausse de la TVA.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ecoutez, je trouve qu’en économie, il faut avoir des idées simples. Aujourd’hui, notre fiscalité, elle est assise sur le travail. C’est un système ancien, ça ne nous est pas particulier. Dans tous les pays occidentaux, c’est comme ça. Le travail, ce n’était pas délocalisable à l’époque où notre fiscalité a été construite. On a besoin de fiscalité, on finance l’hôpital, l’armée, l’Etat, mais aujourd’hui, le travail, il est devenu délocalisable. Est-ce qu’on en reste là ? On continue à financer l’Etat à partir de quelque chose qui est délocalisable, on voudrait plus de travail et on taxe le travail ? Ou est-ce qu’on s’organise pour se financer, par exemple sur les importations, c'est-à-dire faire payer notre système de protection sociale, non plus seulement sur le travail des Français, mais sur tout ce qui est consommé, tout ce qui est importé et donc tout ce qui est travaillé ailleurs ! Bref ! Est-ce qu’on rééquilibre les choses pour se protéger tout simplement…
 
PATRICK COHEN Enfin au final, c’est le consommateur qui paie. Instaurer un nouveau prélèvement sur la consommation, au moment où on est en récession, ça me paraît…
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Mais monsieur COHEN, c’est toujours les Français qui paient. C’est toujours les Français qui paient. La question, c’est de savoir comment ? Aujourd’hui, ils paient sur le travail, donc ça abîme l’emploi, c’est une fiscalité qui pèse sur l’emploi. On finance notre protection sociale, en faisant payer l’emploi. Ce que l’on propose tout simplement, c’est de déplacer une partie de cette fiscalité-là, et de faire payer les importations. Dans les deux cas, c’est les Français qui paient. Mais on peut payer plus intelligemment. Si on fait payer les importations, il n’y a pas que les Français qui paient, il y a aussi des produits qui sont importés d’ailleurs, fabriqués ailleurs, ça en renchérit le coût, ça nous incite à produire et à consommer français, c’est intelligent.
 
PATRICK COHEN Vous dites : dans les deux cas, c’est les Français qui paient. Mais ils pourraient payer plus, en cas de TVA sociale ou de TVA anti-délocalisation, si la baisse des charges n’est pas répercutée sur les prix de vente, comme ça se…
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Il faut qu’elle soit répercutée.
 
PATRICK COHEN Bah ! Oui, mais on a vu pour la TVA sur la restauration, ça ne marchait pas !
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Oui, mais ce n’est pas la même chose, si vous voulez…
 
PATRICK COHEN Bah si ! Exactement !
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Non, pas du tout, parce que c’est l’Etat qui perçoit autrement son impôt, et qui du coup, n’a plus besoin de le percevoir sur le travail. Donc on peut baisser les cotisations sur le travail, d’autant qu’on a augmenté finalement en taxant les importations. C’est une idée simple, et c’est une idée forte. Moi, je crois aux idées simples.
 
PATRICK COHEN Pourriez-vous à l’occasion du sommet social de janvier, remettre sur la table, la question des 35 heures, comme durée légale du travail ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET La question des 35 heures, elle est posée, de manière permanente, depuis des années…
 
PATRICK COHEN Oui, mais quelle réponse ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET On a apporté un certain nombre de réponses, en assouplissant finalement, les 35 heures…
 
PATRICK COHEN Est-ce qu’il faut aller plus loin ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Il y a énormément de Français, qui ne travaillent pas 35 heures. Il y a 9 millions de Français qui bénéficient des heures supplémentaires défiscalisées, que cette majorité a installé en 2007. Est-ce qu’il faut aller plus loin…
 
PATRICK COHEN Est-ce qu’il faut aller vers plus de flexibilité ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Et avoir une durée du travail différente, en fait, par exemple, suivant les branches…
 
PATRICK COHEN Suivant les branches ou les entreprises, suivant leur capacité à garantir l’emploi, c’est l’idée ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET C’est une proposition qui est aujourd’hui faite dans le programme de l’UMP. Est-ce que le président de la République la reprendra avant ou pas ? C’est son choix.
 
PATRICK COHEN Ce sera donc pour Nicolas SARKOZY, sa manière de faire campagne. Engager des réformes dans les semaines et dans les mois à venir, c’est ça ?
 
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET  Non, mais vous n’avez pas bien entendu le…
 
PATRICK COHEN Si, si, j’ai parfaitement entendu !
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Non, non, non, non, il ne s’agit pas de faire campagne. Il s’agit d’être utile. La France est dans la crise. Non, mais, oui, je le redis, quand même, la France est dans la crise, la plus grave depuis la seconde guerre mondiale. Qu’est-ce qu’on fait ? On s’offre 6 mois de vacances politiques, ou on débat, on ne débat pas, en fait ! Ou on est utile, ou on est actif !
 
PATRICK COHEN Donc qu’est-ce qui va rester dans le programme du candidat SARKOZY ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET On met en oeuvre, tout ce qui peut être mis en oeuvre aujourd’hui, pour aider les Français à sortir de la crise, mettre en valeur leurs atouts et sauver de l’emploi. Et on le fait aujourd’hui, on n’attend pas 6 mois. C’est la responsabilité, je veux dire, vous en convenez ?
 
PATRICK COHEN Non, je ne conviens de rien du tout. Je suis là, pour vous poser des questions.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Vous voudriez qu’on se mette, pendant 6 mois, en vacances et qu’on ne fasse plus que de la politique ? Qu’on débatte avec Benoît HAMON et ses excès de mots tout à l’heure….
 
PATRICK COHEN Non, mais on peut se donner, qu’à 4 mois…
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET On ne profiterait peut-être pour essayer de comprendre, pourquoi il y a un candidat d’un côté qui fait une campagne placebo, et de l’autre côté, un remède très toxique qui s’appelle Benoît HAMON. Et peut-être que le candidat, un jour, nous dira, non mais peut-être que le candidat un jour, nous dira finalement s’il reprend à son actif tous ces excès-là ou si, au contraire, il les dénonce.
 
PATRICK COHEN Luc FERRY qui n’est pas un gauchiste échevelé, même s’il est parfois échevelé, évoque la détestation personnelle, dont Nicolas SARKOZY fait l’objet dans le pays. Ça peut se corriger Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET ? Ca peut s’inverser en 4 mois ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ecoutez, moi, ce n’est pas ce que j’entends, dans ma ville, à Longjumeau. J’entends surtout des Français qui sont très inquiets de la crise. Qui veulent savoir comment on va sauver l’emploi et notre système de protection sociale aujourd’hui, et à quoi la France ressemblera demain. C’est ça le sujet des Français, ce n’est pas des questions sentimentales, avec leur dirigeant. Et d’ailleurs, Nicolas SARKOZY a toujours été d’une très grande constance. Il le disait en 2007, moi, je pense qu’il le redira en 2012, il disait « Je ne vous demande pas de m’aimer, je vous demande de vous poser la question de savoir si je suis utile. Si c’est de moi, de mes propositions, de ma volonté de réforme que la France a besoin aujourd’hui. » Les Français ont répondu oui, en 2007, c’est vous qui êtes utile.
 
PATRICK COHEN Donc on peut se faire réélire sans se faire aimer des Français ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Mais bien sûr ! Les Français ont une grande maturité politique. Est-ce que votre sujet, c’est d’aimer vos dirigeants ? Est-ce que votre sujet c’est que vos dirigeants soient utiles ?
 
PATRICK COHEN Le sujet, c’est de choisir un président de la République ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Est-ce que c’est un problème sentimental ? Ou est-ce que c’est un problème d’avenir de la France ?
 
PATRICK COHEN Sentimental, n’est pas le mot juste. Mais le sujet, c’est de choisir un président de la République, Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Eh bien, dans la grande crise que nous traversons, on a besoin d’un président de la République, qui tienne la barre. Je ne suis pas sûr, qu’il y en ait beaucoup sur le marché.
 
PATRICK COHEN Les affaires en prime, c’est la Une de LIBERATION, on en parlait il y a un instant. Le Juge VAN RUYMBEKE continue de chercher quels ont été les montages financiers qui ont pu, éventuellement, financer la campagne d’Edouard BALLADUR en 95, c’est un sujet de préoccupation, d’inquiétude pour vous, cette enquête judiciaire sur l’affaire Karachi ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Comme vous dites, c’est une enquête judiciaire et donc on laisse la justice faire. Je rappelle quand même, que contrairement à ce que dit la gauche régulièrement, par exemple dans l’hémicycle. Le gouvernement a systématiquement déclassifié ce qui était autorisé à la déclassification et accompagner la justice de toutes les manières qu’il pouvait, pour que la justice puisse faire son travail. En revanche, il ne faut pas qu’il y ait d’inversion des rôles. Quand j’entends parler la gauche, j’ai l’impression qu’il y en a qui voudraient se faire Procureur, Juge, en plus de politique. C’est quand même un grand mélange des genres. Le réquisitoire et le verdict en plus que la politique ! Non, chacun est dans son rôle, la presse et les médias d’un côté, la justice de l’autre et les politiques dans le troisième.
 
PATRICK COHEN Et la justice fait son travail, elle ne s’acharne pas…
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Et la justice fait son travail, manifestement.
 
PATRICK COHEN Elle fait bien son travail. Elle fait correctement son travail ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ecoutez, elle travaille de façon évidente, on en a régulièrement l’écho dans la presse.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 16 janvier 2012