Déclaration de M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants, en hommage aux soldats morts pour la France, à Compiègne le 11 novembre 2011.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Commémoration de l'armistice du 11 novembre 2018 devenant, ce jour, la commémoration de tous les morts pour la France depuis la Grande guerre, à Compiègne (Oise) le 11 novembre 2011

Texte intégral

En 1918, il y a aujourd’hui 93 ans, le onzième jour du onzième mois à la onzième heure, sur les ruines de pays dévastés par le sacrifice de leurs enfants, les bombardements et les flammes, dans le souvenir des assauts et des combats, dans celui des chairs mutilées et des mémoires endeuillées, une plume apposée dans un wagon de bois, au cœur de cette futaie de Rethondes, scellait la Paix.
Une fois de plus dans notre longue histoire, les femmes avaient enterré leurs pères, fils et maris, et la guerre s’était révélée dans toute sa cruauté. Pendant quatre années d’horreur, pas un village, pas une famille n’avait été épargnée par le deuil et la douleur. 1,4 millions de morts, plus de 4 millions de blessés : tel fut le lourd tribut versé par la France pour prix de la victoire.
En mémoire de cette tragédie, le Soldat inconnu, choisi au hasard parmi les Poilus morts pour la France, et symbole à lui seul de leur sacrifice commun, était inhumé sous l’arc de Triomphe. Le ravivage chaque année depuis lors de la Flamme du Souvenir autour de sa dépouille montre le prix que la France attache à chaque vie risquée en son nom. « Les morts, surtout les morts, commandent aux vivants, obéissons à leurs voix pour faire la paix qu'ils ont conquise, une France unie et laborieuse, constante et forte » avait adjuré Louis BARTHOU, Ministre de la Guerre d’alors.
A la « der des der », pourtant, d’autres conflits se sont succédés, emportant avec eux, leur terrible cohorte de désolations et d’amertume.
La Seconde Guerre mondiale puis les guerres d’Indochine et d’Afrique du Nord furent à leur tour honorés sous l’Arc de Triomphe, mais le 11 Novembre est resté une journée consacrée au seul souvenir des soldats tombés au cours de la guerre de 1914-1918.
Avec la disparition du dernier combattant français de la Première guerre mondiale, Lazare PONTICELLI, le 12 mars 2008, à 110 ans, et celle du dernier combattant connu de la Grande guerre, le britannique Claude CHOULES, ultime témoin de l'un des conflits les plus meurtriers de notre histoire, le Président de la République, chef des armées, a souhaité que ce 11 novembre prenne une signification nouvelle pour devenir la commémoration de tous les morts pour la France depuis la Grande guerre.
Si les circonstances des conflits et les raisons de leur engagement diffèrent, tous ces hommes sont, en effet, unis dans une même filiation par le sacrifice consenti.
C’est le même souffle qui anima le poilu du chemin des dames, conquérant de quelques mètres boueux dans l’hideuse fange des tranchées, et qui anime aujourd’hui le jeune marsouin ou légionnaire de Kapisa, soumis à la lâcheté de terroristes qui taisent leur nom en cachant leur visage.
C’est dans la même et singulière adhésion à des valeurs qui les transcendent que s’élançaient les valeureux de Mao Khe ou de Dien-Bien Phu en Indochine et les combattants en Algérie, défenseurs de l’intégrité d’un empire condamné par l’évolution des peuples.
C’est pour la France et l’idée qu’ils s’en faisaient que ces hommes et ces femmes ont donné leur vie. C’est notre sol, ce sont nos valeurs, c’est notre passé construit dans la douleur et notre avenir qu’ils ont défendu. C’est en notre nom qu’ils ont donné leur vie. Et qu’elle survienne à Tagab ou sur la Marne, la mort au combat ne change pas de nature.
C’est pourquoi, désormais, le 11 novembre honorera l’union des générations du feu.
Combattants et civils valeureux, visages connus ou silhouettes anonymes, ces hommes nés sur le sol de notre pays ou aux confins de nos anciennes colonies, citoyens d’une même République ont contribué à bâtir notre France. Et ils lui ont fait, pour cela, le don ultime, le don sur lequel personne ne peut jamais revenir, celui de leur vie.
La Nation a contracté à leur égard une dette qui ne s’éteindra pas alors même que, chaque jour encore, en ce début de XXIe siècle, nos soldats risquent leur vie pour faire entendre notre voix et construire toujours l’histoire, sous le signe de la démocratie et de la liberté, de peuples et de nations qui en étaient privés. Ce fut le cas encore récemment en Côte d’Ivoire et en Libye.
Que ce soit en Afrique, au Proche-Orient, en Afghanistan, de toutes origines, de tous milieux et de toutes croyances, à l’image de la société dont ils sont issus, ces soldats Français sont unis par les mêmes valeurs que sont la bravoure, la fidélité, l’intégrité et l’honneur. Eclaireurs des générations qui n’ont, de leur vie, jamais connu l’hideuse figure de la guerre, ils sont le plus beau visage de la France. En luttant quoiqu’il leur en coûte en notre nom à tous, ils consentent au sacrifice comme d’autres l’ont consenti avant eux, car ils savent que ce sacrifice a un sens et que ce sens a une portée concrète.
En décorant ce matin, pour la première fois depuis plus de 50 ans, les emblèmes de douze de nos unités engagées en Libye, en Afghanistan et en Côte d’Ivoire, le Président de la République a honoré l’engagement de cette nouvelle génération. Dans les prochains, à mon tour, je décorerai d’autres unités qui se sont distinguées. Je forme le vœu que chacun puisse aujourd’hui, entendre et retenir l’exigeante leçon d’une liberté portée par le courage, le service et la foi en son pays. Que les plus jeunes prennent conscience de la gravité et de la beauté de cet engagement, qu’ils se souviennent de ce qu’ils doivent à ces indéfectibles serviteurs de la Nation, à ces hommes d’honneur.
A la hauteur de la reconnaissance qui est la nôtre, nos soldats tombés de 2011 rejoignent désormais dans la commémoration ceux qui les ont précédés dans le sacrifice au cours du XXème siècle, pour que vive la France. Et ce jour est aussi l’occasion d’honorer tous ceux qui partagent ce même esprit de sacrifice au service de leur pays.
Après que la sonnerie de l’appel de l’armistice ait résonné dans la clairière, jusqu’au ciel peuplé de nos morts, des poilus au pantalon garance aux soldats tombés au champ d’honneur en Kapisa, des combattants des Ardennes aux « Justes » fusillés de la seconde guerre mondiale, ensemble, aujourd’hui, nous leur rendons l’hommage qu’ils méritent. Nous nous inclinons devant leur mémoire. Nous n’oublions pas leur sacrifice, pour certains si récent.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 18 janvier 2012