Interview de M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme, aux services, aux professions libérales et à la consommation, à "Europe 1" le 2 janvier 2012, sur le pouvoir d'achat, les nouveaux taux de TVA, la relance du débat sur la TVA sociale.

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Média : Europe 1

Texte intégral

BRUCE TOUSSAINT Vous êtes notre invité ce matin, secrétaire d’État. Alors j’ai cité toutes vos attributions tout à l'heure ; si je résume : consommation, commerce, tourisme. Non, vous voulez que je dise tout ? C'est mieux quand même : services, professions libérales et PME.

FREDERIC LEFEBVRE Oui, faites comme vous voulez, monsieur TOUSSAINT.

BRUCE TOUSSAINT La TVA, ça intéresse tous ceux qui nous écoutent ce matin sur Europe 1, la nouvelle TVA à 7 %. Ça va être très compliqué dans les boulangeries aujourd'hui ! Vous allez nous en parler et puis de ce début d’année évidemment très politique. […]

Sujet sur le Paris Saint-Germain en stage à Doha (Qatar)

BRUCE TOUSSAINT Frédéric LEFEBVRE, le Qatar a investi beaucoup en France depuis quelques mois. C’est une bonne chose ?

FREDERIC LEFEBVRE Tous ceux qui décident d’investir en France, c’est une bonne chose. Cela crée des emplois, ça crée de la croissance. Le Qatar est le bienvenu comme tous les pays du monde. […]

BRUCE TOUSSAINT Frédéric LEFEBVRE est notre invité ce matin sur Europe 1. C’est lundi gueule de bois, Frédéric LEFEBVRE, pas à cause du réveillon du Nouvel An mais à cause des hausses du 1er janvier. Tout augmente : la TVA réduite, le gaz, les billets de train, les mutuelles, les taxis. Pas facile de dire « Bonne année » ce matin !

FREDERIC LEFEBVRE Vous savez d’abord, j’écoutais là, vous parliez de la TVA à 5,5 alinéa 7, les hausses de janvier. C’est toujours au mois de janvier qu’il y a un certain nombre de hausses. En même temps, sur cette TVA, c’est l’alignement sur la TVA de nos amis allemands. Et pourquoi nous faisons ça ? Parce qu’il y a une crise, monsieur TOUSSAINT, vous le savez. Et moi, je vous pose la question assez simplement.

BRUCE TOUSSAINT C’est vous qui me posez des questions ce matin ?

FREDERIC LEFEBVRE Oui, je vous pose la question assez simplement.

BRUCE TOUSSAINT Oui.

FREDERIC LEFEBVRE Vous pensez vraiment que si tout d’un coup par exemple la gauche arrivait, la crise s’évaporerait ?

BRUCE TOUSSAINT Je n’entends pas grand monde dire ça.

FREDERIC LEFEBVRE Et donc cette situation, elle est difficile, il faut l’affronter. C’est ce que nous faisons. C’est la raison pour laquelle, ça ne vous a pas échappé, je suis au Parlement sur un texte sur la consommation pour permettre aux consommateurs de reprendre le dessus sur les dépenses contraintes.

BRUCE TOUSSAINT Absolument. C'est vrai que vous êtes un peu le ministre du pouvoir d’achat. D’ailleurs ce mot a de nouveau été prononcé par le président de la République lors de ses voeux samedi soir en tous cas.

FREDERIC LEFEBVRE Il n’a jamais cessé de le prononcer.

BRUCE TOUSSAINT Mais enfin là, le pouvoir d’achat il en prend un coup avec toutes ces augmentations. Je reviens là-dessus mais ça fait beaucoup d’un coup.

FREDERIC LEFEBVRE D’abord Bruce TOUSSAINT, si vous regardez les prévisions de l’INSEE sur l’inflation pour l’année qui vient, on a plutôt une inflation qui devrait baisser, en tous cas l’augmentation devrait baisser par rapport à l’augmentation de l’année dernière. On était à 2,4 et la prévision elle est plutôt autour de 1,5. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que évidemment il faut continuer d’agir, soutenir l’économie. Ça veut dire qu’il faut, comme je l’ai dit et c’est ce que je fais au Parlement, donner la possibilité aux consommateurs de reprendre le dessus sur les dépenses contraintes. Ça veut dire par exemple, regardez : augmentation du gaz. Que fait le gouvernement ? On augmente le tarif social. On fait passer la prise en charge pour les gens les plus démunis de 146 à 152 euros. Il faut agir.

BRUCE TOUSSAINT Je reviens sur la TVA réduite. C’est assez incompréhensible honnêtement. Je ne sais pas si vous, vous arrivez à y comprendre quelque chose, mais je pense à tous ceux qui vont aller acheter à manger tout à l'heure dans une boulangerie à la mi-journée. Le sandwich qui n’a pas le même taux de TVA si vous prenez à emporter ou si vous mangez sur place.

FREDERIC LEFEBVRE C'est beaucoup plus simple. On peut toujours…

BRUCE TOUSSAINT Honnêtement, pourquoi c’est si compliqué ?

FREDERIC LEFEBVRE Alors eh bien écoutez, c’est très simple. Le gouvernement a décidé que les produits de première nécessité, notamment les produits alimentaires, resteraient à 5,5 et franchement, je pense que tous ceux qui nous écoutent doivent considérer que c’est plutôt une bonne décision. Par contre, tout ce que vous consommez sur place, que ce soit au restaurant, que ce soit quand vous achetez immédiatement pour consommer une part de pizza ou un sandwich, eh bien c’est une TVA à 7. Que tous ceux qui pensent que c’est très compliqué se rassurent. Il y a d’ailleurs une instruction fiscale…

BRUCE TOUSSAINT Enfin on peut tricher. Je veux dire, on ne va pas passer une heure là-dessus mais enfin c’est vrai que c'est quand même… C'est bizarre honnêtement.

FREDERIC LEFEBVRE Vous l’avez dit : on ne va pas passer une heure là-dessus, tout le monde peut toujours tricher. Ça n’a rien de bizarre. Je crois que c’est au contraire juste que de prévoir que les produits de première nécessité, c'est-à-dire ceux qui sont consommés y compris par les gens qui sont les plus démunis restent à 5,5.

BRUCE TOUSSAINT La TVA sociale. Le président a relancé le débat sur cette TVA sociale dans ses voeux. C’est une bonne idée ?

FREDERIC LEFEBVRE Alors il faut… D’abord, c’est vous qui le dites ; il n’a pas prononcé le mot « TVA sociale ».

BRUCE TOUSSAINT Non, parce que c’est un mot tabou. C’est comme récession ; c’est des mots qu’on n’a pas le droit de dire quand on est politique.

FREDERIC LEFEBVRE Pas du tout. Ce n’est pas parce que c’est un mot tabou. Comme toujours, on part de la solution et du moyen au lieu de partir de l’objectif. Quel est l’objectif ? Il faut réduire le poids des charges sociales sur le travail.

BRUCE TOUSSAINT Relancer la compétitivité des entreprises.

FREDERIC LEFEBVRE Et donc il faut chercher des solutions pour le faire.

BRUCE TOUSSAINT D’accord.

FREDERIC LEFEBVRE Vous parlez de TVA sociale : le président de la République a dit qu’il y a un sommet sur l’emploi et qu’à l’occasion de ce sommet, il va écouter les uns et les autres, écouter les propositions.

BRUCE TOUSSAINT Vous, vous n’avez jamais été très, très chaud sur la TVA sociale. Vous pouvez le dire ce matin. Ça n’a jamais – ce n’est pas votre tasse de thé, quoi.

FREDERIC LEFEBVRE Encore une fois, on est dans un pays – ce sont des sujets extrêmement complexes, Bruce TOUSSAINT, donc vous m’y invitez, je vais en parler.

BRUCE TOUSSAINT C’est vrai, c’est complexe. D’ailleurs même on le voit bien : au sein de la majorité, les avis sont partagés.

FREDERIC LEFEBVRE Bruce TOUSSAINT, je vais en parler, c’est extrêmement complexe. La question des charges sociales qui pèsent sur le travail, il faut évidemment trouver des solutions pour que notamment les importations participent au financement des charges sociales qui pèsent sur le travail. C'est l’intérêt de l’emploi. Il faut en même temps, dans un pays comme le nôtre où le principal moteur est la consommation, veiller à ne pas fragiliser ce moteur.

BRUCE TOUSSAINT Exactement. Et si on crée une TVA sociale, on baisse le pouvoir d’achat.

FREDERIC LEFEBVRE Et donc Bruce TOUSSAINT, c’est la raison pour laquelle le président de la République a dit qu’il allait écouter les uns et les autres et qu’il déciderait ensuite…

BRUCE TOUSSAINT Et s’il vous écoute vous, Frédéric LEFEBVRE ?

FREDERIC LEFEBVRE Attendez, mais encore une fois…

BRUCE TOUSSAINT Vous avez un avis sur la question quand même, avec votre poste au gouvernement.

FREDERIC LEFEBVRE Encore une fois, derrière le mot TVA sociale, vous pouvez mettre plein de choses différentes.

BRUCE TOUSSAINT Oui. Donc vous n’êtes pas chaud, quoi.

FREDERIC LEFEBVRE Non, je ne dis pas ça. Je dis que derrière le mot TVA sociale vous pouvez mettre plein de choses différentes, Bruce TOUSSAINT. Vous pouvez par exemple considérer que vous augmentez la TVA mais qu’en contrepartie, vous baissez les charges sur les entreprises. Vous pouvez aussi considérer que vous baissez les charges qui pèsent directement sur les salariés et donc du coup, augmenter le salaire direct.

BRUCE TOUSSAINT Tout cela sera discuté à l’occasion du sommet social, on a compris.

FREDERIC LEFEBVRE Donc vous voyez, c’est assez complexe et en même temps on ne peut pas rester immobile.

BRUCE TOUSSAINT Vous avez lu l’interview de Luc FERRY qui dit quand même : « Le bilan de Nicolas SARKOZY est extraordinairement mince. » Ce n’est pas rien, ça, comme accusation.

FREDERIC LEFEBVRE Écoutez, d’abord moi j’ai cru comprendre que la philosophie, elle était là pour essayer de comprendre plus que de juger.

BRUCE TOUSSAINT C’est vrai que c’est un philosophe, oui.

FREDERIC LEFEBVRE Donc je trouve que tout ça est un peu binaire pour tout vous dire. Quand je vais trois fois par semaine sur le terrain, à la rencontre des acteurs économiques, je vois des gens qui mesurent tous à quel point le président de la République a du courage et à quel point on a besoin de courage aujourd'hui. Vous savez, tous les gens qui nous écoutent aujourd'hui, il y en a peut-être qui trouvent beaucoup de défauts au président de la République mais je suis certain qu’il n’y en a pas un qui considère qu’il n’a pas de courage. Dans la situation d’aujourd'hui, c’est ce dont nous avons besoin. Je l’écoutais aux voeux, peut-être comme vous. Qu’est-ce qu’il nous a dit, le président de la République ? Il nous a dit : « Ayez confiance en vous. Moi j’ai confiance en vous ». Et c’est ça la réalité aujourd'hui dont a besoin notre pays : on a besoin de confiance.

BRUCE TOUSSAINT Et les Restos du coeur ? Un mot là-dessus, c’est important. Il y a eu un appel qui a été lancé, Europe 1 d’ailleurs l’a relayé. Vous vous êtes engagé, parce qu’il manque – il manque, quoi, il manque cinq millions d’euros environ à l’association Restos du coeur pour finir l’hiver, quoi.

FREDERIC LEFEBVRE Cinq millions de repas en réalité, qu’ils chiffrent eux-mêmes à un euro par repas. C’est la raison pour laquelle… Vous savez d’abord les Restos du coeur, moi quand j’étais maire-adjoint de Garches, je suis resté dix-huit ans, j’avais été le premier à signer un partenariat entre une ville et les Restos. Et quand j’ai entendu le cri de détresse d’Oliver BERTHE, j’ai pris mon téléphone, j’ai appelé sur leur lieu de vacances un certain nombre de grands patrons, d’entreprises de grande distribution, et ils m’ont dit : « On y va. » Et quand vous voyez que ça se cristallise comme ça, c’est évidemment très positif, ce n’est pas joué d’avance, eh bien vous allez plus loin, c'est ce que j’ai fait. Il y a donc – j’ai lancé un appel – il y a neuf enseignes que je vais réunir demain avec les Restos du coeur et avec aussi le Secours populaire parce que j’ai eu Julien LAUPRÊTRE qui m’a dit qu’il avait des difficultés aussi, parce qu’il faut faire face évidemment à cette situation.

BRUCE TOUSSAINT Merci Frédéric LEFEBVRE.

FREDERIC LEFEBVRE C’est moi qui vous remercie.

BRUCE TOUSSAINT Merci d’avoir été avec nous ce matin sur Europe 1 pour cette première de l’année.

Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 16 janvier 2012