Texte intégral
À une époque où lon dit souvent que les héros sont fatigués, jai voulu lancer le label des « Maisons des Illustres ».
Dans cette mémoire commune, disparate, souvent éclatée, que constitue le champ considérable de notre patrimoine, de nos musées, de nos monuments, de nos paysages, il y a des lieux, des murs, où des vocations, des destins se sont forgés, celles des figures les plus marquantes de notre histoire politique, culturelle, militaire, artistique, scientifique. Les mettre en réseau, c'est donner la possibilité aux visiteurs de recoller les fragments d'une histoire partagée, au gré des références de chacun, des curiosités qui donnent l'occasion, le temps d'une visite, d'imaginer, de reconstituer un esprit des lieux ; de retrouver la grandeur dans le quotidien, dans le prosaïque parfois, dans le silence des demeures d'un temps.
Bibelots, intérieurs bourgeois, meubles et tentures, bibliothèques, encriers... Une vue, parfois, sur un paysage d'exception, maritime, rural, urbain. Ces 111 lieux de France, qui furent ceux de personnalités aussi variées que Sarah Bernhardt, Louis Aragon et Elsa Triolet, Georges Clemenceau, Marguerite Yourcenar tout près d'ici, ont tous en partage une invitation à l'introspection - celle qui, à partir de peu d'indices, nous permet de comprendre un champ des possibles, de toucher, au plus près des vies, des entrées dans l'histoire.
De l'invention du quotidien à l'histoire des grands hommes, les liens sont profonds, que les clivages historiographiques ou politiques ne peuvent rompre. Je suis convaincu que dans ces lieux s'incarne ce croisement, qui nous permet de lutter contre les mythologies du génie ex nihilo ou de l'abstraction du pouvoir ; de se défier, aussi, des démystifications pour la démystification - car à force de vouloir mettre à bas les grands récits, on court le risque de ne plus avoir de récit du tout.
C'est dans cet esprit que j'ai tenu à poser, avec l'autorisation de l'Amiral de Gaulle, la première plaque des "Maisons des Illustres" à La Boisserie, la résidence du Général de Gaulle à Colombey-les-deux-Eglises, il y a un peu plus de deux mois. Nous voici aujourd'hui réunis, 9 rue Princesse, à Lille, dans sa maison natale.
Quest-ce quune maison natale ? Un lieu où, a priori, le souffle de lhistoire nest pas forcément destiné à passer. Tout au plus une promesse de destin. Ici, un mode de vie, un attachement au catholicisme, une demeure d'industriels du textile, un fragment lillois de IIIème République ; une filiation, un attachement, celui de Charles de Gaulle pour ses grandsparents.
Des lectures les plus biographiques et intimistes aux perspectives plus déterministes d'une autre histoire sociale, les chemins sont multiples, et c'est tant mieux. Cette multitude des lectures de l'histoire, c'est celle précisément que je privilégie pour la Maison de l'histoire de France.
Je tiens à saluer tout d'abord le remarquable travail mené par la Fondation Charles de Gaulle, en matière de restauration et d'aménagement de ces lieux, qui sont grâce à elle ouverts au public depuis 1983. Un patient travail de reconstitution historique, des campagnes de souscription, l'aménagement d'une salle pour les conférences dans les anciens ateliers de la fabrique de tulle et des espaces pour les expositions temporaires ont permis à la Fondation d'en faire un espace de mémoire vivant, qui s'appuie également depuis 2005 sur son centre de ressources et de valorisation de l'oeuvre de Charles de Gaulle, à la création duquel l'ensemble des collectivités locales ainsi que le ministère de la Culture et de la Communication ont contribué, par leur soutien financier et par leur expertise.
En s'intégrant désormais au réseau des "Maisons des Illustres", cette demeure est plus que jamais une pierre biographique dans notre mémoire nationale. Celle d'une singularité exceptionnelle pour laquelle le mot "illustre" s'impose sans équivoque.
Je vous remercie.
Source http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 4 janvier 2012