Interview de M. Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à LCI le 19 janvier 2012, sur la TVA sociale, l'élection présidentielle 2012, le programme du PS et le quotient familial.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral


 
 
JULIEN ARNAUD Vous êtes ministre, évidemment, mais aussi maire du Puy-en- Velay, il y a eu une manifestation hier des salariés de LEJABY, l’usine d'Yssingeaux, qui est à côté du Puy-en-Velay, va fermer. Ce qui va laisser à peu près 250 personnes sur le carreau, une soixantaine donc manifestaient devant la mairie. Vous leur dites quoi à ces manifestants, c’est ça l’économie, et puis, voilà, il n’y a pas grand chose à faire ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Vous savez, c’est un dossier que je suis depuis deux ans, qu’on avait déjà vécu avec une première phase de fermeture, où le site d’Yssingeaux avait été menacé. C’est une très grosse épreuve d’abord pour ces salariées…
 
JULIEN ARNAUD Bien sûr…
 
LAURENT WAUQUIEZ Qui travaillaient dans ce domaine du textile, pour elles, c’était leur vie avec des productions qui étaient vraiment de qualité. Une des leçons d’abord, c’est qu’on est victime de l’écart de coût du travail, c’est un des thèmes du sommet social. La Tunisie, entre le coût en France et en Tunisie, on est de 8 à 13, comment faire pour faire en sorte que nos salariés qui ont un énorme travail, un très beau travail ne soient pas pénalisés par des charges qui pénalisent leur travail, et puis maintenant, il y a deux choses qui s’ouvrent pour moi, c’est, 1°) : se battre pour essayer d’assurer leur reconversion, essayer de les aider à rebondir le plus vite possible, et 2°) : je veux quand même voir si on ne peut pas travailler avec le repreneur pour renforcer le nombre d’emplois de production qui seraient maintenus en France.
 
JULIEN ARNAUD Pour qu’il y ait un petit peu moins de personnes sur le carreau, vous avez commencé…
 
LAURENT WAUQUIEZ Mais, juste, là, aussi une réflexion personnelle, pour moi, ça valide l’idée qu’on a besoin d’un protectionnisme européen.
 
JULIEN ARNAUD Alors, vous n’êtes pas tout à fait d’accord avec Jean-François COPE là-dessus…
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, on n’est pas d’accord, ça arrive.
 
JULIEN ARNAUD D’accord, oui, ça arrive, même, ça arrive notamment sur la TVA sociale, vous n’avez pas toujours été partisan de la TVA sociale ; finalement, vous plaidez aujourd’hui pour cette mesure. Là-dessus, Jean- François COPE, il avait raison.
 
LAURENT WAUQUIEZ Le président n’a pas parlé de TVA sociale, et le sujet…
 
JULIEN ARNAUD Non, mais enfin…
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, non, non, le sujet dont parle le président, c’est quoi, c’est précisément celui qu’on évoquait sur LEJABY, comment faire en sorte que les salaires ne soient pas en France pénalisés par un excès de charges qui finance notre protection sociale. Comment faire en sorte que les produits importés contribuent aussi au financement de notre protection sociale. Donc le thème est beaucoup plus large que juste la question de savoir : est-ce que l’on augmente la TVA pour baisser les charges ou non.
 
JULIEN ARNAUD Et vous êtes pour aujourd’hui, vous êtes partisan de cette mesure-là ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Moi, je suis partisan d’une mesure qui nous permet de faire contribuer les produits importés au financement de la protection sociale…
 
JULIEN ARNAUD Donc c’est-à-dire, limiter la hausse de la TVA sur les produits importés et non pas la faire sur tous les produits ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, ça, c’est impossible. Après, on a plusieurs mix qui sont envisageable, on peut utiliser un peu de TVA, on peut utiliser aussi d’autres outils, on peut essayer d’avoir recours à une partie de budgétisation, il y a plein de solutions différentes. Je crois que pour moi, ce qui compte, ce n’est pas outil TVA sociale, ce qui compte, c’est comment est-ce que les produits importés plutôt que les salaires français peuvent contribuer plus au financement de notre protection sociale.
 
JULIEN ARNAUD Mais comment on fait ça, concrètement alors ?
 
LAURENT WAUQUIEZ On l’a évoqué, vous avez plusieurs mix, on a plusieurs outils, est-ce qu’on utilise un peu une part de budgétisation, est-ce qu’on utilise une part de… certains dans la majorité proposent une part sur la CSG, d’autres proposent une part sur la TVA…
 
JULIEN ARNAUD C’est votre cas ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Moi, ce qui m’intéresse, c’est 1°) : faire financer les produits importés. 2°) : éviter que la facture sur les class es moyennes tombe sur le pouvoir d’achat, voilà, c’est tout.
 
JULIEN ARNAUD Ça veut dire que vous plaidez pour une baisse des charges salariales également ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Je considère que dans l’effort qui doit être fait, la principale préoccupation, c’est d’abord alléger le coût du travail, si vous reprenez l’exemple de LEJABY, dans l’exemple de LEJABY, la principale pénalisation, c’est pour ces salariés le coût du travail.
 
JULIEN ARNAUD Alors, j’avais cru comprendre, moi, que vous étiez favorable au fait que, on baisse les charges que paient les salariés, ce qui mécaniquement augmenterait la fiche de salaire net, est-ce que vous avez évolué là-dessus ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, je n’ai pas évolué là-dessus. Si jamais c’est possible, et si jamais on peut y arriver, il me semble important qu’il y ait aussi un geste qui soit fait pour les salariés. Mais ensuite, tout dépend…
 
JULIEN ARNAUD Mais ça n’est pas ça la piste privilégiée en ce moment ?
 
LAURENT WAUQUIEZ La piste privilégiée en ce moment, parce que c’est la priorité, dans le cadre de l’emploi, de la lutte pour l’emploi, on a besoin d’abord d’alléger le coût du travail.
 
JULIEN ARNAUD Vous entendez la fronde des députés sur cette réforme de la TVA ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Je ne crois pas qu’il y ait de fronde de députés, je crois qu’il y a surtout un grand intérêt pour essayer de faire en sorte que dans le prolongement du sommet social, il y ait des avancées.
 
JULIEN ARNAUD Lionnel LUCA, cela dit, a dit que de nombreux députés proches de la Droite sociale, qui est votre courant évidemment, étaient silencieusement opposés à cette TVA.
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, Lionnel LUCA, il a parlé de la Droite populaire…
 
JULIEN ARNAUD Non, non, mais là, spécifiquement, il a parlé des élus de la Droite sociale qui lui disaient qu’ils n’étaient pas tellement favorable, visiblement, ils ne vous l’ont pas trop dit à vous. Vous avez cogné assez fort sur le Parti socialiste hier en parlant d’un coup d’assommoir fiscal, c’était en Une du FIGARO. Quelle crédibilité elle a cette phrase au moment où on s’apprête à augmenter la TVA, il est là le coup d’assommoir…
 
LAURENT WAUQUIEZ Pas du tout…
 
JULIEN ARNAUD Ah bon…
 
LAURENT WAUQUIEZ La crédibilité, elle est sur quoi, la crédibilité, elle est sur : je regarde les propositions du Parti socialiste, il y a un point qui me gêne beaucoup, et qu’on a vu encore hier avec les allers et retours sur les 60.000 emplois publics. Il y a un manque de sincérité…
 
JULIEN ARNAUD Dans l’Education…
 
LAURENT WAUQUIEZ Oui. Il y a un manque de sincérité aujourd’hui dans le programme socialiste, on a une devanture qu’on met et qui est alléchante, on vous dit : si vous votez socialiste, on va vous remettre la retraite à 60 ans, on va embaucher 60.000 personnes. Et puis, parce que, au fur et à mesure du temps, ces mesures apparaissent irréalistes, on fait marche arrière, et l’arrière-boutique, elle, est vide. Et ce qui me gêne, c’est cette absence de sincérité, une devanture alléchante pour appâter l’électeur, et une arrière-boutique où les socialistes savent très bien que leurs propositions sont irréalistes. Ce manque de sincérité est très gênant. Pour moi, ce qui s’est passé hier, ce n’est pas juste un couac de campagne, ce n’est pas juste une question de gestion d’équipe, c’est beaucoup plus…
 
JULIEN ARNAUD C’est le recadrage de François HOLLANDE à Benoît HAMON, c’est ça dont vous parlez, sur ces histoires de 60.000 emplois…
 
LAURENT WAUQUIEZ Oui, mais c’est beaucoup plus qu’un simple recadrage d’équipe, c’est en réalité un manque très profond de sincérité dans ce qui est proposé par le Parti socialiste. Et aujourd’hui, si vous regardez sur les propositions du Parti socialiste, c’est le désert, en un sommet social, on a fait plus de propositions que tout le Parti socialiste sur l’emploi en cinq ans, sur la gestion de l’équipe, c’est la jungle, et autour du candidat François HOLLANDE, aujourd’hui, c’est le brouillard. Et donc c’est vraiment ce manque de sincérité qui me gêne.
 
JULIEN ARNAUD Sur le sommet social, il n’y a pas énormément de mesures quand même, celles qui ont été adoptées font consensus, quoi, ce n’est pas mille CDD à Pôle Emploi qui vont inverser la courbe du chômage, vous le savez bien…
 
LAURENT WAUQUIEZ Pardonnez-moi, mais là encore, partons d’exemples concrets, il y a des gens qui ont perdu leur emploi, pouvoir améliorer tout de suite la formation et la reconversion, c’est inutile ? Pouvoir faire en sorte que des jeunes puissent être embauchés immédiatement là où on a un gros problème sur le chômage des jeunes dans des entreprises sans charges, faire en sorte qu’on puisse avoir de l’activité partielle, pour éviter que les gens perdent leur emploi, améliorer l’accompagnement au niveau de Pôle Emploi, je crois que, aujourd’hui, personne ne peut dire que ce sommet était inutile, c’est un sommet qui a permis d’avancer de façon constructive, les syndicats d’ailleurs eux-mêmes ont été positifs, et la seule tonalité négative…
 
JULIEN ARNAUD Parce que pour l’instant, on n’est pas dans les sujets qui fâchent, mais ça sera moins positif dans les jours qui viennent, vous le savez bien, Laurent WAUQUIEZ…
 
LAURENT WAUQUIEZ Eh bien, déjà, je trouve que c’est un gros acquis – alors qu’on est dans une campagne présidentielle, où l’habitude française, c’est de ne plus avancer, de ne plus rien faire – de pouvoir se mettre autour de la table avec des partenaires sociaux qui sortent en disant : il y a eu des mesures utiles. Et je regrette que les seuls qui aient été négatifs, ce soit le Parti socialiste. Parce que je pense que sur un sujet comme ça, il peut y avoir un tout petit peu de hauteur de vue et d’intérêt général.
 
JULIEN ARNAUD Est-ce qu’il y a des mesures concrètes que vous souhaitez porter, vous, devant la vitrine, pour reprendre votre expression, pour la campagne présidentielle à droite. Par exemple, sur le sujet de la fiscalisation des allocations familiales, c’est quoi votre position là-dessus ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Eh bien, sur la fiscalisation des allocations familiales, pour moi, c’est un sujet qui est typique d’un sujet « classes moyennes », les propositions qui sont avancées par le Parti socialiste vont taper des familles qui sont des familles très modestes…
 
JULIEN ARNAUD Ils ne sont pas pour la fiscalisation des allocations familiales, vous avez bien entendu ça…
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, ils sont pour la destruction du quotient familial…
 
JULIEN ARNAUD Oui, mais c’est autre chose…
 
LAURENT WAUQUIEZ Qui est encore plus grave. C’est-à-dire, ça aboutit à faire en sorte…
 
JULIEN ARNAUD La baisse du plafonnement, plus précisément…
 
LAURENT WAUQUIEZ Oui, ça aboutit à faire en sorte que pour des familles qui gagneraient au-dessus de 4.000 euros nets, en additionnant le revenu du père et de la mère, ce qui va extrêmement vite, il y aurait une augmentation de la fiscalité, qui irait de 500 jusqu’à 1.000 euros, 500 à 1.000 euros pour une famille dans laquelle on gagne entre 2.000 à 2.500 euros chacun, c’est de la folie, et c’est là où ce que j’ai dénoncé, c’est vraiment un coup d’assommoir fiscal, vous prenez le quotient familial, vous prenez la volonté de fusionner l’IR et la CSG, vous prenez la volonté de revoir les impôts locaux, vous prenez la remise en cause de la déduction des heures supplémentaires, tout ceci constitue en fait…
 
JULIEN ARNAUD Alors, précisément, là-dessus, ça n’est pas tout à fait vrai, ils souhaitent garder la défiscalisation des heures supplémentaires, mais simplement annuler la baisse des charges pour les employeurs, mais en gardant la défiscalisation…
 
LAURENT WAUQUIEZ Ce qui est… et c’est là où je le dis, ça renvoie à ce qu’on disait sur un manque de sincérité, vous croyez un seul instant que les salariés vont pouvoir continuer à bénéficier d’heures supplémentaires alors qu’on va taper tous les outils qui permettent aujourd’hui de les rendre incitatives, et pour l’entreprise et pour le salarié, c’est là où je crois qu’il y a un vrai problème de sincérité. En fait, vous avez un programme qui est conçu sur des dépenses publiques, et qui, pour financer ces dépenses publiques, a derrière un programme de fiscalisation massive des classes moyennes.
 
JULIEN ARNAUD Mais je n’ai toujours pas compris, c’est presque fini, vous êtes pour la fiscalisation des allocations familiales ou pas ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Je suis contre.
 
JULIEN ARNAUD Contre la fiscalisation – d’accord – fiscalisation, allocations familiales qui resteraient universelles, donc comme c’est le cas actuellement…
 
LAURENT WAUQUIEZ C’est le seul outil en France qui bénéficie y compris aux classes moyennes, et c’est la politique familiale qui marche le mieux. Ne cassons pas ce qui marche.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 20 janvier 2012