Entretien de M. Henri de Raincourt, ministre de la coopération, avec Radio France Internationale le 23 janvier 2012, sur la coopération décentralisée et nationale entre la France et les Territoires palestiniens et sur le processus de paix israélo-palestinien.

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Circonstance : Déplacement en Israël et dans les Territoires palestiniens, du 22 au 24 janvier 2012

Média : Radio France Internationale

Texte intégral


Q - Venons-en maintenant aux Assises de la Coopération décentralisée franco-palestinienne qui se sont ouvertes aujourd’hui à Hébron en Cisjordanie, deux jours de réunion pour mettre en évidence l’importance de l’action des collectivités locales françaises dans les Territoires palestiniens. En ligne, avec nous, le ministre français de la Coopération. Vous avez assisté à l’ouverture des travaux à Hébron. Vous êtes en ligne de Jérusalem. En quelques mots, en quoi consiste cette coopération décentralisée ?
R - La coopération décentralisée, ce sont des collectivités locales françaises qui passent des accords de partenariat avec d’autres collectivités locales dans d’autres pays. Cela existe dans la plupart des pays. Pour ce qui concerne les Territoires palestiniens, il y a aujourd’hui 90 partenariats qui sont établis entre des collectivités françaises et des localités palestiniennes, notamment avec des villes telles que Paris, Lyon, Toulouse ou Bordeaux, mais aussi avec des Conseils régionaux et des Conseils généraux. C’est donc un ensemble important de collectivités territoriales qui permet de financer des projets substantiels d’équipement et de développement pour les Territoires palestiniens.
Q - Plus important, Henri de Raincourt, que la coopération au niveau national, au niveau de l’État français ?
R - Ce n’est pas tout à fait la même chose parce que la coopération nationale au niveau de l’État français avoisine les 70 millions d’euros par an alors que les collectivités territoriales tournent autour de 2 millions d’euros. On n’est donc pas à la même échelle, mais je crois que ce qu’il faut bien voir c’est la complémentarité entre l’action de l’État et l’action conduite par les collectivités territoriales. C’est très important parce que c’est un message qui existe, des liens qui se créent directement entre les peuples. Ce qui veut dire que quand on travaille pour le développement, quand on travaille pour l’établissement de la paix, d’une plus grande liberté dans les pays, et pour une meilleure vie démocratique, ce ne sont pas seulement des décisions qui sont prises par les dirigeants - même si elles sont évidemment nécessaires. Tout cela ne peut fonctionner et bien marcher que dans la mesure où les peuples s’approprient eux-mêmes ces politiques. La coopération décentralisée est, je crois, maintenant considérée comme indispensable pour créer une véritable synergie entre les peuples et entre les politiques de développement qui sont menées.
Q - Vous avez vous-même signé une convention ce matin avec le Premier ministre palestinien Salam Fayyad, sur quoi porte-t-elle ?
R - Cette convention porte sur un projet d’alimentation en eau potable - de distribution et de traitement de l’eau potable à Jénine dans le nord de la Cisjordanie. C’est un projet de 10,5 millions d’euros qui concerne 125.000 habitants. C’est donc un projet très important qui est mené par l’opérateur du gouvernement français, l’Agence française de développement, en liaison avec les autorités locales. L’opération se déroulera sur deux années. Quand on sait l’importance de l’eau pour tous les habitants, et ceux de cette région en particulier, je crois que c’est une action extrêmement positive.
Q - À propos des ressources en eau précisément, Henri de Raincourt, vous avez vu ce récent rapport parlementaire français, le rapport Glavany, qui parlait de la gestion des ressources en eau et qui utilisait à ce propos le mot «apartheid» pour décrire la façon dont Israël se comportait vis-à-vis des Territoires palestiniens. Reprenez-vous à votre compte ce terme ?
R - D’abord, je veux vous dire qu’il ne faut pas confondre les pouvoirs. Le pouvoir exécutif n’a pas de commentaire direct à faire sur les travaux du pouvoir législatif.
Q - Non, ce n’est pas le rapport que je vous demandais de juger, c’est le terme qui était employé dans ce dernier.
R - Je vous dis qu’en tant que tel le gouvernement français n’a pas de jugement à porter sur un mot qui est utilisé par un auteur d’un rapport parlementaire.
Q - Donc, vous ne le reprenez pas à votre compte ?
R - En revanche, je crois que les questions posées dans ce rapport sont tout à fait essentielles, tout à fait sensibles. À la place qui est la mienne, en pareilles circonstances, je pense qu’il vaut mieux essayer d’utiliser des mots qui ne sont blessants pour personne, car quand on cherche la concorde, quand on cherche la réunion des bonnes volontés, cela ne se fait pas en blessant les uns ou les autres. Il faut faire attention aux mots que l’on utilise parce cela crée des dégâts collatéraux qui parfois mettent en danger l’objet même de l’action que l’on entend mener.
Q - Alors précisément, Henri de Raincourt, la France soutient le processus de paix. Ce processus de paix israélo-palestinien, il est enlisé, il n’avance plus. Dans le même temps, la France à travers la coopération dont on parlait, contribue finalement à subventionner une situation qui ne convient à personne. Est-ce qu’il n’y a pas là un problème de stratégie ?
R - La stratégie de la France en la matière est très simple. Nous militons pour deux États dans ce secteur, libres, indépendants, démocratiques qui établissent en eux les conditions d’une cohabitation réussie : la sécurité pour l’État d’Israël, que naturellement personne ne saurait remettre en question, l’État d’Israël reconnu par ses voisins, et deuxièmement la création d’un authentique État palestinien parce qu’aujourd’hui, je crois que les progrès qui ont été faits sur les Territoires palestiniens vont permettre d’envisager la création de cet État palestinien. C’est une aspiration légitime des habitants de la région à laquelle la communauté internationale doit pouvoir répondre et dans l’intérêt, bien compris, des uns et des autres.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 janvier 2012