Déclaration de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes, lors du point de presse conjoint avec M. Kevin Rudd, ministre australien des affaires étrangères, sur les relations entre la France et l'Australie, la dégradation de la note financière de la France et la crise de la zone euro, la situation en Syrie et le programme nucléaire iranien, Paris le 19 janvier 2012.

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Circonstance : Visite en France du ministre australien des affaires étrangères Kevin Rudd : entretien et déjeuner de travail avec Alain Juppé à Paris le 19 janvier 2012

Texte intégral

Mesdames et Messieurs, je suis ravi d’accueillir à Paris mon collègue et ami Kevin Rudd. Je n’ai pas oublié l’hospitalité extrêmement chaleureuse qu’il m’avait réservée à Canberra en septembre dernier alors qu’il achevait sa convalescence. Je suis heureux de l’accueillir aujourd’hui en pleine forme à Paris.
Ce matin, nous avons inauguré ensemble une journée consacrée au renforcement de nos échanges universitaires. Bientôt, CampusFrance, qui est le nouvel organisme français chargé de gérer les bourses de nos étudiants, ouvrira une antenne en Australie avec la volonté de développer nos échanges bilatéraux dans ce domaine.
Nous avons ensuite commencé nos consultations politiques et nous allons les poursuivre au cours du déjeuner.
Je voudrais une fois de plus réaffirmer toute l’importance que la France attache à cette relation bilatérale, mais aussi à nos échanges de vues sur la situation régionale et internationale. Nous avons déjà évoqué les questions régionales dans le Pacifique, dans l’Océan Indien, vis-à-vis de la Chine, en Birmanie. Kevin Rudd a été l’un des premiers ministres, me semble-t-il, à se rendre récemment en Birmanie. J’y étais moi-même il y a quelques jours.
Au cours du déjeuner, nous aborderons bien sûr tout ce qui concerne la situation en Afghanistan ou au Proche-Orient sur laquelle nous avons également beaucoup de choses à échanger.
J’ai parlé bien évidemment à Kevin Rudd de la situation de la zone euro et des décisions que nous sommes en train de prendre pour ramener le calme dans la situation économique de notre zone.
Nous sommes convenus de systématiser ces contacts et d’avoir, au moins une fois l’an, une rencontre à notre niveau. Nous demanderons également à nos collaborateurs de se rencontrer plus fréquemment que ce n’est l’habitude, pour échanger nos points de vues, parce que la France et l’Australie ont, je crois, beaucoup de choses à se dire sur beaucoup de sujets d’importance internationale.
Voilà très brièvement résumé l’état actuel de nos discussions. Je suis très heureux de donner la parole à Kevin.
Q - (A propos de la récente dégradation de la note financière de la France par l’agence de notation Standard and Poor’s et des implications économiques et politiques sur les relations entre la France et l’Australie).
R - Quelques mots à propos de cette question. Vous avez mentionné que l’une des trois principales agences de notations a dégradé la note de la France, mais les deux autres agences ont maintenu le triple A de la France, et Standard and Poor’s a dégradé 8 autres pays européens, après les États-Unis d’Amérique. Donc, ce n’est pas un problème français, c’est un problème global qui concerne aussi la zone euro.
Ce n’est pas une bonne nouvelle mais ce n’est pas une nouvelle catastrophique, et quand vous voyez la réaction des marchés depuis l’annonce de cette décision, cette réaction est très modérée. La dernière émission de bons du Trésor sur le marché a été réalisée à un meilleur taux que précédemment, donc nous devons rester réalistes et garder notre calme et notre sang froid.
C’est une incitation pour la France de continuer à poursuivre sa politique économique de deux façons. D’une part en stoppant notre endettement, cela signifie réduire notre déficit public, nous avons obtenu de bons résultats l’an passé et si nous poursuivons sur la même tendance, nous atteindrons 3% en 2013 et l’équilibre budgétaire en 2016.
L’autre chemin à suivre est d’encourager la croissance et la modernisation de l’économie française, et nous avons particulièrement un programme dans la recherche et l’innovation, donc la stratégie est très bien définie par le président français et le gouvernement français et nous poursuivront sur cette voie.
Q - Monsieur le Ministre, la délégation d’observateurs de la Ligue arabe va rendre son rapport dans les heures qui viennent. Le nombre d’ONG et d’opposants demandent que cela s’arrête parce que, d’après eux, c’est inefficace.
Quel est votre point de vue sur cette délégation qui s’est rendue là-bas, sur le blocage du Conseil de sécurité et sur la situation actuelle en Syrie ?
R - Vous savez quelle est la position de la France depuis le départ sur la tragédie syrienne. Nous avons pris des positions extrêmement claires et fortes pour demander à la communauté internationale de tout faire pour arrêter ce massacre. Nous soutenons, depuis l’origine, le plan de sortie de crise de la Ligue arabe. Cependant, nous constatons aujourd’hui que les conditions dans lesquelles se déroulent les travaux de la mission d’observateurs ne sont pas satisfaisantes. La Syrie ne respecte pas les engagements qu’elle avait pris vis-à-vis de la Ligue arabe comme par exemple renvoyer les troupes dans les casernes, en effet, en ce moment-même, les troupes sont en train de bombarder certaines villes syriennes.
Ce que nous souhaitons, c’est que la Ligue arabe établisse rapidement un rapport aussi complet et objectif que possible sur ce qui a été constaté. Je pense qu’ensuite ce rapport devrait être remis au Conseil de sécurité des Nations unies pour qu’il puisse en délibérer. Nous sommes bloqués au Conseil de sécurité par l’attitude russe et je pense qu’il ne faut pas renoncer à faire évoluer les choses.
Par ailleurs, nous poursuivons nos contacts avec l’opposition syrienne pour l’inciter à s’organiser davantage, à être plus ouverte sur l’ensemble des sensibilités syriennes de façon à faire avancer ce mouvement de libération du peuple syrien.
Q - (A propos de l’Iran)
R - Vous savez, pour la France comme pour nos partenaires européens, pour les États-Unis d’Amérique également, le développement par l’Iran d’un programme qui conduirait ce pays à se doter de l’arme nucléaire est inacceptable. Nous avons toujours indiqué à l’Iran que nous étions prêts au dialogue et la voie du dialogue est en permanence ouverte. Mme Ashton, au nom de l’Union européenne a fait en ce sens des propositions très précises, malheureusement jusqu’à aujourd’hui, l’Iran ne s’est pas engagé de façon transparente et coopérative dans ce processus de discussion. C’est la raison pour laquelle, afin d’éviter ce qui serait sans doute irréparable, c’est-à-dire une option militaire, nous pensons qu’il faut durcir les sanctions afin de faire évoluer le régime iranien. Nous avons proposé notamment de durcir ces sanctions dans deux domaines : un embargo sur les exportations pétrolières iraniennes et d’autre part un gel des avoirs de la Banque centrale iranienne.
Le congrès des États-Unis a déjà pris des décisions en ce sens, elles ont été validées par le président Obama. Nous sommes en train d’y travailler dans l’Union européenne et je pense que lundi prochain, lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne, nous pourrons nous mettre d’accord sur un programme de sanctions dans les deux domaines que je viens d’évoquer.
Il y a eu des discussions, c’est vrai, parce que certains pays sont très dépendants de leurs approvisionnements en pétrole mais on peut trouver des solutions et le gouvernement français fera tout pour qu’un accord clair puisse être conclu à Vingt-sept sur ces questions.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 janvier 2012