Déclaration de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes, lors de la conférence de presse conjointe avec M. Koichiro Gemba, ministre japonais des affaires étrangères, sur les relations entre la France et le Japon et les questions nucléaires nord-coréenne et iranienne, Tokyo le 14 janvier 2012.

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Circonstance : Voyage d'Alain Juppé au Japon et en Birmanie du 13 au 16 janvier 2012-déplacement au Japon les 13 et 14

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Laissez-moi tout d’abord vous dire mon plaisir d’être parmi vous aujourd’hui à Tokyo et d’y retrouver mon collègue, M. Koichiro Gemba. Nous avons eu ce matin une longue séance de travail, très approfondie et très fructueuse. Comme le ministre l’a rappelé, il s’agissait de la première session au niveau ministériel du dialogue stratégique tel qu’il a été voulu par nos chefs d’État et de gouvernement.
Le Japon a été et continue d’être, pour la France, un partenaire de premier plan et nous souhaitons renforcer nos liens de partenariat dans tous les domaines : politique, économique et culturel. Je voudrais commencer par renouveler notre message de soutien à la population japonaise pour son courage, sa ténacité, son esprit de solidarité face à la tragédie de Fukushima qui a profondément impressionné les Français. Face à l’adversité, le Japon a pu et peut compter sur le soutien indéfectible de la France et de son gouvernement.
Sur le plan bilatéral, nos discussions ont permis d’identifier quelques priorités fortes, notamment le renforcement de notre coopération dans le domaine de l’énergie et de la sûreté nucléaire, le développement de nouveaux partenariats économiques et technologiques et les perspectives d’un accord de partenariat global, économique et politique, entre l’Union européenne et le Japon.
Nous avons eu également des échanges approfondis sur la situation en Asie, en Corée du Nord bien sûr, mais aussi en Birmanie. J’ai été très intéressé par les impressions rapportées par M. Gemba à l’issue de son voyage. Je me rendrai moi-même en Birmanie demain et après-demain.
Nous avons aussi abordé assez longuement la question iranienne.
Sur tous ces sujets, comme sur la situation en Europe sur laquelle j’ai fait le point avec M. Gemba, nous avons pu constater une fois encore combien le Japon et la France étaient proches et partageaient les mêmes valeurs et des intérêts communs. Il est très important pour la France que le Japon joue pleinement son rôle sur la scène mondiale. C’est la raison pour laquelle j’ai renouvelé le soutien de mon pays à l’accession du Japon au statut de membre permanent du Conseil de sécurité.
Q - Ma question s’adresse aux deux ministres. Vous avez évoqué la question iranienne et la question nord-coréenne. Quelles sont les mesures à prendre envers ces deux pays pour assurer une dissuasion pleinement efficace ?
R - Sur la Corée du Nord, nous sommes convenus de rester en contact, d’échanger nos informations sur l’évolution du régime. Nous pensons, le Japon et la France, que l’hypothèse la plus probable est celle d’une continuité dans l’évolution de ce régime et la France sera particulièrement attentive sur trois points, qui conditionnent son dialogue avec la Corée du Nord. Tout d’abord, bien sûr, le respect des droits de l’Homme, ensuite, la reprise du dialogue intercoréen, enfin, la dénucléarisation. J’ai assuré M. Gemba du soutien de la France à l’égard du douloureux problème de l’enlèvement des citoyens japonais.
S’agissant de l’Iran, la France et ses partenaires de l’Union européenne considèrent que la poursuite par l’Iran de son programme nucléaire militaire - qui est avéré comme l’a montré le dernier rapport de l’Agence internationale de l’Énergie atomique - constitue à la fois une grave violation des obligations internationales de l’Iran et une menace pour la paix du monde. Ce serait donc une grave erreur que de laisser faire.
La première voie, c’est le dialogue et on continuera à proposer à l’Iran un dialogue, à condition qu’il soit sérieux et transparent. À ce jour, l’Iran n’a pas répondu à nos propositions.
Si l’ont veut donc écarter l’option militaire qui aurait des conséquences incalculables, nous pensons qu’il faut mettre en œuvre des sanctions plus dures qui soient de nature à faire plier l’Iran : d’une part, le gel des avoirs financiers de la Banque centrale ; d’autre part, l’embargo sur les exportations pétrolières de l’Iran.
Les États-Unis ont pris des dispositions en ce sens, l’Union européenne y travaille et devrait faire de même d’ici la fin du mois de janvier. Nous souhaitons vivement que le Japon puisse s’y associer. Nous comprenons les problèmes particuliers que cela lui pose, compte tenu de l’origine de ses approvisionnements pétroliers, et nous pensons qu’il y a des solutions. Nous souhaitons donc continuer le dialogue sur cette question avec notre partenaire japonais.
Q - Monsieur Juppé, hier, le Premier ministre japonais a exprimé ses craintes sur l’impact grave de ces sanctions y compris celles visant les banques qui continueraient à travailler avec la Banque centrale d’Iran. Il craint qu’il y ait un impact grave sur l’économie japonaise et sur l’économie mondiale. Est-ce que vous partagez cette crainte notamment pour les banques européennes ?
R - Sur la question pétrolière, je comprends bien les inquiétudes du Japon. Je pense toutefois qu’il y a des possibilités, pour certains pays producteurs, de prendre la relève de l’Iran. Je ne crois donc pas que l’impact sur les prix soit aussi important que l’on peut ici ou là le redouter. Je prendrai l’exemple de ce qui s’est passé au moment de l’effondrement de la production de la Lybie, il n’y a pas eu d’impact sur l’économie.
S’agissant du gel des avoirs de la Banque centrale, je ne crois pas du tout qu’il y aurait des conséquences sur l’économie mondiale. En tout cas, les conséquences resteraient, de mon point de vue, marginales. Et puis, il faut quand même se poser la question centrale : qu’est ce qui est le plus grave : les conséquences économiques éventuelles ou le fait que l’Iran se dote de l’arme atomique ?Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 janvier 2012