Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur la poursuite du désendettement et la nécessité de relancer la croissance par les investissements d'avenir, l'innovation et la recherche, à Bordeaux le 3 février 2012.

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Circonstance : Déplacement sur le thème des investissements d'avenir, allocution à l'hôtel de ville, à Bordeaux le 3 février 2012

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Mon cher Alain,
Je voudrais à nouveau te dire que c’est pour moi un très très grand plaisir d’être avec toi à Bordeaux. J’ai dit tout à l’heure, non seulement que les Bordelais étaient fiers de leur ville, mais j’ai dit aussi, tu n’as pas voulu le rappeler par pudeur, que les Bordelais aimaient leur maire.
Et chacun voit bien combien Alain Juppé aime Bordeaux. Il l’aime quand il est à Bordeaux et qu’il en parle, mais je peux vous dire qu’il l’aime aussi quand il est à Paris et qu’il parle de cette ville qui rayonne ; qui rayonne notamment par la mise en valeur de son patrimoine, par une politique très ambitieuse de modernisation, et nous savons tous ici que c’est à toi, à ton équipe municipale qu’elle le doit.
Bordeaux a donc un très grand et un très bon maire, et mon Gouvernement a un grand et un très bon ministre des Affaires étrangères !
Je me souviens qu’un jour un journaliste m’avait demandé, si ce n’était pas un problème d’intégrer dans l’équipe gouvernementale un ancien Premier Ministre. La vérité c’est que, non seulement ça n’en était pas un, c’est un atout !
C’est d’autant plus un atout que, Alain et moi, nous avons la même vision de la France, la vision d’une nation innovante, d’une nation généreuse, d’une nation courageuse dans l’adversité.
Et je voudrais profiter de l’occasion qui m’est donnée d’être aujourd’hui dans ta mairie pour rendre hommage à ton engagement au service de notre pays.
Les succès de la diplomatie française reposent sur les impulsions que tu lui as données, en lien direct avec le Président de la République.
Il faut dire que ces dernières années nous avons dû affronter des défis considérables.
L’accélération de la mondialisation qui est à l’origine de la crise que nous sommes en train de traverser ; puisqu’au fond de cette crise c’est la montée en puissance de pays qui viennent nous disputer le rôle dominant qui était le nôtre dans l’économie mondiale.
Le système capitaliste qui est passé au bord du gouffre en 2009.
De l’autre côté de la Méditerranée, des peuples se sont libérés et, du coup, c’est tout l’avenir du bassin méditerranéen qu’il faut maintenant redessiner.
De la gestion des finances publiques au fonctionnement de l’Union européenne, l’immobilisme a été de toutes parts emporté par les événements.
C’est vrai qu’à l’époque, tu l’as rappelé, nous avons eu ensemble quelques débats sur la question européenne. Mais je crois que l’accélération de l’Histoire s’est chargée de balayer les rares différences que nous avions.
Nous militions tous les deux pour une Europe politique, pour une Europe qui soit capable d’opposer des réponses fortes aux soubresauts de l’économie financière, pour une Europe qui soit capable de protéger ses citoyens, pour une Europe qui affirme son rayonnement à travers la puissance de ses nations qui la composent.
Et cette puissance, elle ne va pas et c’est un des points sur lesquels on s’est, je crois, toujours retrouvé, elle ne va pas sans souveraineté financière.
En France comme dans d’autres pays, nous avons laissé la spirale de l’endettement public se développer, s’accélérer.
Nous vivions dans une sorte d’illusion, l’illusion que les grandes puissances ne seraient jamais attaquées sur leur capacité à rembourser leur dette.
Nous pêchions par naïveté, parfois par cynisme, en se disant que la question du remboursement viendrait toujours plus tard, qu’elle serait l’affaire des Gouvernements ultérieurs ou des générations futures. Et je crois qu’il suffit de se souvenir du parcours d’Alain Juppé, de se souvenir de ce qu’il a fait, notamment lorsqu’il était Premier ministre, pour constater que l’on a toujours eu sur cette question, le même discours et qu’on a tous les deux depuis très longtemps, tiré la sonnette d’alarme sur le danger qu’il y avait à ne pas engager le désendettement de notre pays.
Eh bien, cette logique funeste, elle est arrivée à son terme.
L’intérêt général commande de poursuivre sur la voie de la réduction des dépenses que nous avons engagée.
Et toute la difficulté de notre tâche, en cette période qui est vraiment une période de vaches maigres s’agissant des finances publiques, c’est d’aller en parallèle chercher de la croissance.
La croissance est au centre de toutes les préoccupations françaises : la croissance c’est l’emploi, c’est le pouvoir d’achat, c’est la ré-industrialisation, c’est la lutte contre les délocalisations…
C’est la raison pour laquelle il faut relancer notre machine économique.
Cela passe par l’investissement, ça passe par l’innovation, par la recherche.
Et ça passe donc par la mise en œuvre de cette politique considérable, de cette politique sans précédent que tu as initié avec Michel Rocard, qui est celle des grands investissements d’avenir. Et je disais tout à l’heure, et je veux le répéter ici que ce rapport que tu a fais avec Michel Rocard sur les investissements d’avenir, illustre pour moi ce que devrait être le dialogue politique dans notre pays.
Plutôt que d’avoir une majorité qui essaye de relever des défis qui sont les défis que le monde nous lance, qui sont des défis qui ne sont ni de droite, ni de gauche, et une opposition qui considère que tout ce que le Gouvernement fait, naturellement, est à défaire, nous devrions pouvoir même si il y a des divergences, même si il y a des différences, même s’il y a toujours plusieurs solutions à apporter au problème, nous devrions être capables, sur quelques sujets essentiels, de nous retrouver, ne serait-ce que pour démontrer à l’extérieur l’unité, la force de notre pays. C’est ce que font beaucoup d’autres pays européens qui, tout en ayant des débats politiques qui sont des vrais débats politiques, sont capables de s’entendre sur des questions essentielles.
La réforme des retraites dans la plupart des pays européens ou encore l’attitude à adopter pour protéger la monnaie européenne en soutenant les compromis que les Etats sont amenés à faire à travers les traités qui viennent d’être négociés. Je regrette souvent que notre pays n’ait pas encore trouvé cette maturité politique qu’ont beaucoup d’autres pays européens et qui leur donne une grande force, et d’une certaine façon c’est ce que tu as préfiguré ou c’est ce que tu as illustré, en tout cas tu as démontré que c’était possible avec ce travail avec Michel Rocard.
Voila, je veux dire, enfin pour terminer, que je ne souscris pas au discours défaitiste, que je récuse l’analyse de ceux qui prétendent que notre pays est à genoux.
Notre pays a des ressources, nous avons depuis 2007 démontré que la France pouvait se moderniser et en particulier qu’elle pouvait le faire, finalement, dans un climat social relativement apaisé par rapport à notre histoire, à notre culture, à nos traditions.
Nous avons, depuis 2008, tenu le choc de la crise avec beaucoup de sang-froid. Dans tous les territoires de notre pays nous avons des compétences qui ne demandent qu’à s’exercer, nous avons des universités, des entreprises qui sont prêtes à travailler ensemble.
Et je l’ai vu aujourd’hui à Bordeaux où je suis venu annoncer une phase très importante dans le développement du grand programme d’investissements d’avenir que nous avons lancé.
Voilà, ce quinquennat aura été celui où la mondialisation aura frappé le plus fortement à notre porte.
Le temps n’est plus où l’on pouvait définir pour la France des projets qui tenaient à peine compte de ce qui se passe en dehors de nos frontières.
Cela peut nous inquiéter, mais cela peut aussi et surtout nous inciter à exploiter tous nos atouts dont nous disposons, à retrousser nos manches, à assurer avec fierté l’héritage et la vocation de notre pays.
Ici à Bordeaux, il y a presque 160 ans, un homme dont l’Histoire a condamné le régime autoritaire mais qui a contribué à jeter les bases de la modernisation économique de la France, prononçait à la Chambre de commerce un discours qui a fait date parce que, pour la première fois, il plaçait le développement industriel au premier rang des ambitions politiques.
Il s’agit de Napoléon III, qui avait dit alors :
« Nous avons d'immenses territoires incultes à défricher, des routes à ouvrir, des ports à creuser, des rivières à rendre navigables, des canaux à terminer, notre réseau de chemins de fer à compléter. (…) Nous avons tous nos grands ports de l'Ouest à rapprocher du continent américain par la rapidité de ces communications qui nous manquent encore. Nous avons partout enfin des ruines à relever, des vérités à faire triompher. »
Chaque époque doit relever les défis qui lui sont propres.
Pour notre part, nous devons relancer la construction européenne, nous devons contribuer à l’édification d’un monde où la prospérité sera plus équitablement répartie entre tous les continents, nous devons préparer l’avènement de nouvelles formes d’énergies, nous devons utiliser les formidables ressources technologiques de notre temps pour les mettre au service du progrès.
Ce ne sont pas des ambitions étroitement nationales, mais ce sont des ambitions où notre pays a les moyens de faire entendre sa voix et de mettre en valeur ses forces intellectuelles et techniques.
Je voudrais, pour terminer, dire une nouvelle fois le plaisir qui est le mien, la fierté qui est la mienne de travailler avec Alain Juppé. Je crois que dans les circonstances extrêmement difficiles que nous connaissons, à un moment où le monde connaît des crises sans précédent, la voix de la France, c'est la voix d'Alain Juppé, et nous sommes fiers de l'entendre aux Nations-Unies il y a quelques jours, nous sommes fiers de l'entendre dans le bassin méditerranéen où tant de liens nous unissent avec les peuples qui essayent de construire leur avenir.
Et puis, j'ai beaucoup d'admiration pour le maire de Bordeaux, et pour la ville de Bordeaux et j'ai toujours même eu un peu de jalousie pour cette magnifique ville de Bordeaux qui sait allier un dynamisme économique et un art de vivre sans doute inégalé ailleurs sur le territoire français.
J'ai quelques origines dans le Sud-ouest, puisqu'une partie de ma famille est basque, et, dans ma jeunesse j'avais un ami qui était un étudiant extrêmement brillant, basque, à qui on a proposé des responsabilités considérables dans de très grandes entreprises françaises, mais qui les a toujours refusées, parce qu'il disait : Bordeaux c'est l'extrême limite de ce que je peux accepter. Après Bordeaux, on respire moins bien.
Source http://www.gouvernement.fr, le 6 février 2012