Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les Députés,
Je suis très heureux de pouvoir mexprimer devant vous aujourdhui, ici, à Strasbourg, à la commission des Affaires étrangères du Parlement européen.
Cest dabord pour moi loccasion de marquer limportance que jaccorde à votre institution : en tant que ministre des Affaires étrangères et européennes ; en tant quEuropéen convaincu de la nécessité daller vers toujours plus dintégration ; mais aussi par fidélité, car jai moi-même été deux fois des vôtres, de juillet 1984 à mars 1986, puis de juillet à octobre 1989. Je mesure donc pleinement la lourde responsabilité de co-législateur qui vous revient depuis lentrée en vigueur du Traité de Lisbonne.
Cette visite est également pour moi loccasion de réaffirmer lattachement profond de la France au siège du Parlement européen, fixé par les traités ici, à Strasbourg, dans cette capitale européenne symbole de réconciliation franco-allemande, de démocratie, de droits de lHomme et de citoyenneté - un attachement qui se conjugue, vous le savez, avec un engagement continu de lÉtat et des collectivités locales pour renforcer laccessibilité et lattractivité de cette belle ville.
Vous connaissez ma conviction : aujourdhui, la France a besoin de plus dEurope.
LEurope que nous voulons, cest dabord une Europe qui garde lambition des «solidarités de faits» chères aux pères fondateurs. Ces solidarités sont le fruit des politiques communes. Aujourdhui, nous voulons les consolider, bien sûr à 27 si cest possible, mais aussi au sein davant-gardes plus restreintes rassemblant les pays qui veulent effectuer un saut dintégration supplémentaire, en particulier autour de la zone euro et de lespace Schengen.
LEurope que nous voulons, cest aussi une Europe où élargissement va de pair avec approfondissement et où la valeur ajoutée de léchelon européen se conjugue avec une proximité toujours plus grande avec les citoyens.
LEurope que nous voulons, cest enfin une Europe qui sait pouvoir puiser dans la réalité des nations qui la composent la force de projeter ses valeurs dans la mondialisation, en ayant à cur de définir et de défendre ses intérêts propres, sans naïveté.
Pour la France, lEurope doit donc aujourdhui avancer dans trois directions.
La première, cest lapprofondissement et lintégration, pour surmonter la crise de la dette et retrouver le chemin de la croissance, de la compétitivité et de lemploi.
Avec la crise, au-delà des enjeux purement économiques et financiers, une véritable prise de conscience sest produite. Pour la première fois dans lhistoire de la construction européenne, malgré la paix et lunité retrouvée du continent, malgré la construction de la zone euro et de lespace Schengen, malgré toutes les politiques communes que nous avions pu mettre en place, nous avons compris que le processus européen pouvait ne pas être irréversible.
Cette dynamique de lirréversibilité européenne, nous devons la retrouver. Cest tout le sens des deux traités intergouvernementaux qui ont été conclus avec le soutien de la France lors du Conseil européen du 30 janvier : le traité sur le mécanisme européen de stabilité (MES), qui préfigure un fonds monétaire européen et est appelé à entrer en vigueur le 1er juillet ; et le traité à 25 sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans lunion économique et monétaire, qui marque un nouveau saut dintégration équilibré, avec un gouvernement économique de la zone euro, des règles de responsabilité budgétaire, des outils coordonnés pour la croissance, la convergence et la compétitivité, y compris par coopérations renforcées.
La crise nest pas finie, certes. Mais lEurope vient de se doter dinstruments solides pour y répondre. Et je voudrais souligner le chemin parcouru depuis le premier plan daide à la Grèce, en mai 2010, quand nous avions dû coordonner dans lurgence des prêts bilatéraux. «Semestre européen», «pacte pour leuro plus», «six pack» sur la gouvernance économique, traité MES, traité à 25 : cest en renforçant ainsi notre intégration que nous susciterons un cadre propice au retour de la croissance et que nous pourrons à nouveau projeter une Europe forte dans la mondialisation. Et je sais que le Parlement européen ne manque pas didées, quil sagisse de la taxe sur les transactions financières ou des eurobonds.
La deuxième direction dans laquelle lUnion européenne doit avancer, cest la stabilisation de son grand voisinage méridional et continental.
Le «printemps arabe» nous la montré : nous avons eu tort de croire que la stabilité, la sécurité et la lutte contre le terrorisme justifiaient une certaine complaisance vis-à-vis de régimes qui faisaient fi des aspirations des peuples à la liberté et au respect des droits de lHomme. Aujourdhui, si nous savons que le chemin vers la démocratie sera long et exigeant, nous savons aussi que laspiration à la démocratie est universelle. Cest pourquoi, sans jamais transiger sur ses valeurs, lUnion européenne doit accompagner les transitions arabes avec tous les instruments dont elle dispose.
En Syrie, lUnion européenne a été la première à sanctionner Bachar al-Assad et les complices de ses crimes contre lhumanité, quand la Russie et la Chine continuent dempêcher le Conseil de sécurité de sexprimer. Gel davoirs, interdiction de visas, embargo pétrolier : nous avons pris sans tarder des mesures fortes. Aujourdhui, nous travaillons à de nouvelles sanctions, plus dures encore, en vue du Conseil Affaires étrangères du 27 février. Bachar al-Assad tombera. Il devra rendre compte du massacre de son peuple. LUnion européenne est, aujourdhui, unie pour soutenir linitiative de la Ligue arabe et renforcer lopposition syrienne. Aux côtés des 13 qui ont voté pour le projet de résolution bloqué par Moscou et Pékin, de tous nos alliés régionaux et bien sûr de la Turquie, jappelle lUnion européenne à apporter tout son appui au groupe des amis du peuple syrien, dont le président de la République a lancé lidée et dont la Ligue arabe a décidé quil se réunirait le 24 février à Tunis.
Dans le contexte du «printemps arabe», la France a soutenu la refondation, décidée en juin 2011, de la politique de voisinage de lUnion européenne, avec plus de moyens et une conditionnalité «intelligente», à la fois vigilante et incitative. LEurope doit aujourdhui accélérer la déclinaison concrète par pays de tous ses instruments, pour encourager la contagion des valeurs démocratiques, accompagner les transitions et aider au redémarrage économique, avec des partenariats équilibrés intégrant les spécificités de chacun.
Cela passe dabord, pour les prochaines perspectives financières, par le maintien du ratio actuel de 2/3 des crédits accordés au voisinage Sud et 1/3 au Partenariat oriental. Cela passe aussi par lappui de cette politique aux projets concrets de lUnion pour la Méditerranée, identifiés par son secrétariat à Barcelone : office méditerranéen de la jeunesse, soutien aux femmes, plan solaire méditerranéen, autoroute transmaghrébine, protection civile, dessalement à Gaza, etc. Cela passe enfin par la conclusion de statuts avancés - je pense notamment à la Tunisie -, et daccords sectoriels - je pense à laccord de libre échange Union européenne/Maroc sur les produits agricoles en faveur duquel je vous invite à voter demain.
Sagissant du voisinage continental de lUnion européenne, nous avons trois défis à relever.
Les Balkans, dabord, auxquels, dès la Présidence française de 2000, nous avons accordé une perspective européenne. Après avoir réussi les négociations avec la Croatie, nous devons consolider le chemin européen de la région, encourager les réformes et rester vigilants sur lÉtat de droit et le crime organisé. La France estime que les progrès accomplis, avec le tribunal pénal international pour lex-Yougoslavie et dans le dialogue avec le Kosovo, pourront conduire le Conseil du 28 février à accorder le statut de candidat à la Serbie. Cela permettra de faire progresser la normalisation avec le Kosovo, qui a aussi une vocation européenne.
Deuxième défi : le Partenariat oriental, qui est essentiel pour arrimer nos voisins aux valeurs européennes et pour consolider notre espace économique, pour autant que nous restions clairs sur sa finalité. Pour la France, il ne sagit pas dune antichambre vers ladhésion. Dabord, parce que lUnion nest pas en état doffrir de telles perspectives, mais aussi parce que ces pays en sont loin, quand ils ne reculent pas (Ukraine, Biélorussie), avec par ailleurs des avancées qui restent limitées sur les conflits gelés (Géorgie, Transnistrie, Haut-Karabagh).
Troisième défi : la Turquie. La position française na pas changé : notre crise confirme que le projet politique que nous portons pour lUnion européenne ne survivrait pas à ladhésion dun pays dun tel poids ; par ailleurs, la Turquie elle-même regarde aujourdhui bien au-delà de lUnion. Mais au-delà de nos difficultés bilatérales, je lai dit à Ahmet Davutoglu, lUnion européenne doit renforcer son dialogue politique avec la Turquie. Cest pourquoi jai demandé à Catherine Ashton de linviter au Conseil Affaires étrangères, pour que nous puissions coordonner nos efforts sur la Syrie, mais aussi pour aborder lIran ou la transition en Afghanistan. Il est également de lintérêt de lUnion européenne de progresser sur «lagenda positif» avancé par la Commission, notamment sur les migrations, avec un dialogue sur les visas qui commencerait par des facilitations en contrepartie dune signature de laccord de réadmission Union européenne/Turquie.
La troisième direction dans laquelle lEurope doit avancer, cest son affirmation dans la mondialisation, vis-à-vis des grands émergents, mais aussi face aux menaces pour la paix et à la sécurité.
Cela passe dabord par la défense décomplexée de nos valeurs démocratiques et humanistes. Je voudrais ici saluer le rôle considérable du prix Sakharov pour la liberté de lesprit, que décerne chaque année le Parlement européen depuis 1988 : en décembre dernier, vous lavez attribué à cinq acteurs du «printemps arabe». Jai salué ce choix, car je suis convaincu que lUnion européenne doit appuyer le mouvement vers la démocratie partout dans le monde, malgré ses soubresauts. Cest ce que nous avons fait en Côte dIvoire, en soutenant le vainqueur légitime Alassane Ouattara. Cest ce que nous faisons en sanctionnant le dictateur biélorusse Alexandre Loukachenko. Cest ce mouvement que je suis allé encourager en Birmanie. Et cest lattitude qui doit être celle lUnion européenne à lapproche délections, que ce soit au Sénégal, en Égypte ou en Russie.
Pour permettre à lUnion européenne de saffirmer face aux crises, je nai cessé de plaider en faveur davancées concrètes pour la défense européenne, en particulier pour la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC). LUnion doit tirer toutes les conséquences de la réduction de ses budgets de défense en allant vers davantage de mutualisation. Face à des menaces de sécurité qui la visent au premier chef, elle ne peut pas se contenter dun soft power.
Lintervention en Libye a montré les limites de la PSDC. Mais elle a aussi mis en lumière un réel leadership des Européens dans lOTAN. Un an après linitiative «Weimar», nous avons également obtenu de premiers résultats importants au Conseil en décembre dernier : la décision de lancer de nouvelles opérations de PSDC, au Sahel pour lutter contre Al Qaïda au Maghreb islamique, et dans la Corne de lAfrique, pour renforcer les capacités régionales maritimes contre la piraterie, en appui de lopération Atalante ; la décision dengager une dizaine de projets de mutualisation de capacités de défense identifiés par lAgence européenne de défense ; la décision dactiver le centre dopérations de lUnion européenne pour les opérations de PSDC dans la Corne de lAfrique. Nous souhaitons continuer à avancer, y compris vers une capacité permanente de planification et de conduite dopérations de lUnion européenne, sur la base de lexcellent rapport de Catherine Ashton sur la PSDC de juillet dernier. Pour la France, la démarche bilatérale de mutualisation avec le Royaume-Uni, par le traité de Lancaster House, va de pair avec ce renforcement de la PSDC.
Parmi les menaces à la paix et à la sécurité, la crise nucléaire iranienne montre sans doute plus quaucune autre lexigence dune action européenne forte et unie. Après les dernières provocations iraniennes et en labsence de toute réponse aux offres de dialogue présentées par Catherine Ashton, lUnion européenne a adopté des sanctions sans précédent, avec lembargo pétrolier et le gel de la banque centrale dIran. Nous naccepterons pas un Iran doté de larme nucléaire. Pour reprendre, le dialogue devra porter sans préconditions sur le programme nucléaire. Le choix appartient à lIran, mais il doit bien mesurer que rester dans cette impasse, ce serait courir le risque de voir dautres acteurs recourir à loption militaire.
Sur le processus de paix au Proche-Orient, jai la conviction que malgré les positions souvent différentes de ses États membres, lUnion européenne peut jouer un plus grand rôle. À la fois pour accompagner le redémarrage des négociations dont tous les paramètres sont connus, dans un contexte où laction des États-Unis et du Quartet seuls ne suffit plus et où il faut un changement de méthode ; mais aussi pour apporter des garanties concrètes, politiques, financières et de sécurité, en appui à un accord basé sur la solution des deux États-nations pour deux peuples.
Enfin, la France encourage la Haute Représentante et le Service européen daction extérieure à avancer dans la structuration du dialogue entre lUnion européenne et ses grands partenaires stratégiques. Nous souhaitons notamment que le principe de réciprocité soit placé au cur de ces relations. Notre objectif, cest de nous assurer que lUnion européenne ait désormais le souci dune concurrence loyale avec les grands émergents et quelle cesse de considérer naïvement que louverture unilatérale ou asymétrique du marché européen serait bénéfique en soi. Cela a pu aider ponctuellement des pays en sortie de crise. Mais ce serait une profonde erreur avec de grands émergents très concurrentiels comme la Chine, lInde ou le Brésil. Cest la raison pour laquelle nous attendons vivement la présentation prochaine par la Commission dun instrument de réciprocité en matière daccès aux marchés publics.
Mesdames, Messieurs,
Si jai tenu à venir aujourdhui devant vous, ici, au Parlement européen, cest parce que je sais combien il est important de partager avec vous une vision davenir pour lEurope, un projet incarnant lidentité et la citoyenneté européennes. Cest dautant plus essentiel que le Traité de Lisbonne a conforté le rôle de votre institution en lui donnant des compétences élargies. Cest pour vous une grande responsabilité. Et cest précisément dans cet esprit de responsabilité que nous devons travailler ensemble, dans le respect des prérogatives de chacune des institutions européennes.
LEurope est aujourdhui à un tournant. Mais je suis convaincu quelle a su se doter de moyens efficaces pour retrouver la stabilité et la croissance.
Pour autant, la France ne veut pas dune Union européenne qui se replie sur la gestion de la crise. Si lEurope a enfin découvert quelle nétait plus le centre du monde, elle ne doit pas oublier quelle demeure la première puissance économique mondiale : dans le monde de demain, elle aura un rôle majeur à jouer, comme pôle de démocratie, de prospérité et de stabilité.
Cette grande ambition européenne, je suis convaincu que nous la partageons. Et je suis convaincu que nous partageons la même volonté de continuer à laffirmer au-delà de nos frontières.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 février 2012
Mesdames, Messieurs les Députés,
Je suis très heureux de pouvoir mexprimer devant vous aujourdhui, ici, à Strasbourg, à la commission des Affaires étrangères du Parlement européen.
Cest dabord pour moi loccasion de marquer limportance que jaccorde à votre institution : en tant que ministre des Affaires étrangères et européennes ; en tant quEuropéen convaincu de la nécessité daller vers toujours plus dintégration ; mais aussi par fidélité, car jai moi-même été deux fois des vôtres, de juillet 1984 à mars 1986, puis de juillet à octobre 1989. Je mesure donc pleinement la lourde responsabilité de co-législateur qui vous revient depuis lentrée en vigueur du Traité de Lisbonne.
Cette visite est également pour moi loccasion de réaffirmer lattachement profond de la France au siège du Parlement européen, fixé par les traités ici, à Strasbourg, dans cette capitale européenne symbole de réconciliation franco-allemande, de démocratie, de droits de lHomme et de citoyenneté - un attachement qui se conjugue, vous le savez, avec un engagement continu de lÉtat et des collectivités locales pour renforcer laccessibilité et lattractivité de cette belle ville.
Vous connaissez ma conviction : aujourdhui, la France a besoin de plus dEurope.
LEurope que nous voulons, cest dabord une Europe qui garde lambition des «solidarités de faits» chères aux pères fondateurs. Ces solidarités sont le fruit des politiques communes. Aujourdhui, nous voulons les consolider, bien sûr à 27 si cest possible, mais aussi au sein davant-gardes plus restreintes rassemblant les pays qui veulent effectuer un saut dintégration supplémentaire, en particulier autour de la zone euro et de lespace Schengen.
LEurope que nous voulons, cest aussi une Europe où élargissement va de pair avec approfondissement et où la valeur ajoutée de léchelon européen se conjugue avec une proximité toujours plus grande avec les citoyens.
LEurope que nous voulons, cest enfin une Europe qui sait pouvoir puiser dans la réalité des nations qui la composent la force de projeter ses valeurs dans la mondialisation, en ayant à cur de définir et de défendre ses intérêts propres, sans naïveté.
Pour la France, lEurope doit donc aujourdhui avancer dans trois directions.
La première, cest lapprofondissement et lintégration, pour surmonter la crise de la dette et retrouver le chemin de la croissance, de la compétitivité et de lemploi.
Avec la crise, au-delà des enjeux purement économiques et financiers, une véritable prise de conscience sest produite. Pour la première fois dans lhistoire de la construction européenne, malgré la paix et lunité retrouvée du continent, malgré la construction de la zone euro et de lespace Schengen, malgré toutes les politiques communes que nous avions pu mettre en place, nous avons compris que le processus européen pouvait ne pas être irréversible.
Cette dynamique de lirréversibilité européenne, nous devons la retrouver. Cest tout le sens des deux traités intergouvernementaux qui ont été conclus avec le soutien de la France lors du Conseil européen du 30 janvier : le traité sur le mécanisme européen de stabilité (MES), qui préfigure un fonds monétaire européen et est appelé à entrer en vigueur le 1er juillet ; et le traité à 25 sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans lunion économique et monétaire, qui marque un nouveau saut dintégration équilibré, avec un gouvernement économique de la zone euro, des règles de responsabilité budgétaire, des outils coordonnés pour la croissance, la convergence et la compétitivité, y compris par coopérations renforcées.
La crise nest pas finie, certes. Mais lEurope vient de se doter dinstruments solides pour y répondre. Et je voudrais souligner le chemin parcouru depuis le premier plan daide à la Grèce, en mai 2010, quand nous avions dû coordonner dans lurgence des prêts bilatéraux. «Semestre européen», «pacte pour leuro plus», «six pack» sur la gouvernance économique, traité MES, traité à 25 : cest en renforçant ainsi notre intégration que nous susciterons un cadre propice au retour de la croissance et que nous pourrons à nouveau projeter une Europe forte dans la mondialisation. Et je sais que le Parlement européen ne manque pas didées, quil sagisse de la taxe sur les transactions financières ou des eurobonds.
La deuxième direction dans laquelle lUnion européenne doit avancer, cest la stabilisation de son grand voisinage méridional et continental.
Le «printemps arabe» nous la montré : nous avons eu tort de croire que la stabilité, la sécurité et la lutte contre le terrorisme justifiaient une certaine complaisance vis-à-vis de régimes qui faisaient fi des aspirations des peuples à la liberté et au respect des droits de lHomme. Aujourdhui, si nous savons que le chemin vers la démocratie sera long et exigeant, nous savons aussi que laspiration à la démocratie est universelle. Cest pourquoi, sans jamais transiger sur ses valeurs, lUnion européenne doit accompagner les transitions arabes avec tous les instruments dont elle dispose.
En Syrie, lUnion européenne a été la première à sanctionner Bachar al-Assad et les complices de ses crimes contre lhumanité, quand la Russie et la Chine continuent dempêcher le Conseil de sécurité de sexprimer. Gel davoirs, interdiction de visas, embargo pétrolier : nous avons pris sans tarder des mesures fortes. Aujourdhui, nous travaillons à de nouvelles sanctions, plus dures encore, en vue du Conseil Affaires étrangères du 27 février. Bachar al-Assad tombera. Il devra rendre compte du massacre de son peuple. LUnion européenne est, aujourdhui, unie pour soutenir linitiative de la Ligue arabe et renforcer lopposition syrienne. Aux côtés des 13 qui ont voté pour le projet de résolution bloqué par Moscou et Pékin, de tous nos alliés régionaux et bien sûr de la Turquie, jappelle lUnion européenne à apporter tout son appui au groupe des amis du peuple syrien, dont le président de la République a lancé lidée et dont la Ligue arabe a décidé quil se réunirait le 24 février à Tunis.
Dans le contexte du «printemps arabe», la France a soutenu la refondation, décidée en juin 2011, de la politique de voisinage de lUnion européenne, avec plus de moyens et une conditionnalité «intelligente», à la fois vigilante et incitative. LEurope doit aujourdhui accélérer la déclinaison concrète par pays de tous ses instruments, pour encourager la contagion des valeurs démocratiques, accompagner les transitions et aider au redémarrage économique, avec des partenariats équilibrés intégrant les spécificités de chacun.
Cela passe dabord, pour les prochaines perspectives financières, par le maintien du ratio actuel de 2/3 des crédits accordés au voisinage Sud et 1/3 au Partenariat oriental. Cela passe aussi par lappui de cette politique aux projets concrets de lUnion pour la Méditerranée, identifiés par son secrétariat à Barcelone : office méditerranéen de la jeunesse, soutien aux femmes, plan solaire méditerranéen, autoroute transmaghrébine, protection civile, dessalement à Gaza, etc. Cela passe enfin par la conclusion de statuts avancés - je pense notamment à la Tunisie -, et daccords sectoriels - je pense à laccord de libre échange Union européenne/Maroc sur les produits agricoles en faveur duquel je vous invite à voter demain.
Sagissant du voisinage continental de lUnion européenne, nous avons trois défis à relever.
Les Balkans, dabord, auxquels, dès la Présidence française de 2000, nous avons accordé une perspective européenne. Après avoir réussi les négociations avec la Croatie, nous devons consolider le chemin européen de la région, encourager les réformes et rester vigilants sur lÉtat de droit et le crime organisé. La France estime que les progrès accomplis, avec le tribunal pénal international pour lex-Yougoslavie et dans le dialogue avec le Kosovo, pourront conduire le Conseil du 28 février à accorder le statut de candidat à la Serbie. Cela permettra de faire progresser la normalisation avec le Kosovo, qui a aussi une vocation européenne.
Deuxième défi : le Partenariat oriental, qui est essentiel pour arrimer nos voisins aux valeurs européennes et pour consolider notre espace économique, pour autant que nous restions clairs sur sa finalité. Pour la France, il ne sagit pas dune antichambre vers ladhésion. Dabord, parce que lUnion nest pas en état doffrir de telles perspectives, mais aussi parce que ces pays en sont loin, quand ils ne reculent pas (Ukraine, Biélorussie), avec par ailleurs des avancées qui restent limitées sur les conflits gelés (Géorgie, Transnistrie, Haut-Karabagh).
Troisième défi : la Turquie. La position française na pas changé : notre crise confirme que le projet politique que nous portons pour lUnion européenne ne survivrait pas à ladhésion dun pays dun tel poids ; par ailleurs, la Turquie elle-même regarde aujourdhui bien au-delà de lUnion. Mais au-delà de nos difficultés bilatérales, je lai dit à Ahmet Davutoglu, lUnion européenne doit renforcer son dialogue politique avec la Turquie. Cest pourquoi jai demandé à Catherine Ashton de linviter au Conseil Affaires étrangères, pour que nous puissions coordonner nos efforts sur la Syrie, mais aussi pour aborder lIran ou la transition en Afghanistan. Il est également de lintérêt de lUnion européenne de progresser sur «lagenda positif» avancé par la Commission, notamment sur les migrations, avec un dialogue sur les visas qui commencerait par des facilitations en contrepartie dune signature de laccord de réadmission Union européenne/Turquie.
La troisième direction dans laquelle lEurope doit avancer, cest son affirmation dans la mondialisation, vis-à-vis des grands émergents, mais aussi face aux menaces pour la paix et à la sécurité.
Cela passe dabord par la défense décomplexée de nos valeurs démocratiques et humanistes. Je voudrais ici saluer le rôle considérable du prix Sakharov pour la liberté de lesprit, que décerne chaque année le Parlement européen depuis 1988 : en décembre dernier, vous lavez attribué à cinq acteurs du «printemps arabe». Jai salué ce choix, car je suis convaincu que lUnion européenne doit appuyer le mouvement vers la démocratie partout dans le monde, malgré ses soubresauts. Cest ce que nous avons fait en Côte dIvoire, en soutenant le vainqueur légitime Alassane Ouattara. Cest ce que nous faisons en sanctionnant le dictateur biélorusse Alexandre Loukachenko. Cest ce mouvement que je suis allé encourager en Birmanie. Et cest lattitude qui doit être celle lUnion européenne à lapproche délections, que ce soit au Sénégal, en Égypte ou en Russie.
Pour permettre à lUnion européenne de saffirmer face aux crises, je nai cessé de plaider en faveur davancées concrètes pour la défense européenne, en particulier pour la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC). LUnion doit tirer toutes les conséquences de la réduction de ses budgets de défense en allant vers davantage de mutualisation. Face à des menaces de sécurité qui la visent au premier chef, elle ne peut pas se contenter dun soft power.
Lintervention en Libye a montré les limites de la PSDC. Mais elle a aussi mis en lumière un réel leadership des Européens dans lOTAN. Un an après linitiative «Weimar», nous avons également obtenu de premiers résultats importants au Conseil en décembre dernier : la décision de lancer de nouvelles opérations de PSDC, au Sahel pour lutter contre Al Qaïda au Maghreb islamique, et dans la Corne de lAfrique, pour renforcer les capacités régionales maritimes contre la piraterie, en appui de lopération Atalante ; la décision dengager une dizaine de projets de mutualisation de capacités de défense identifiés par lAgence européenne de défense ; la décision dactiver le centre dopérations de lUnion européenne pour les opérations de PSDC dans la Corne de lAfrique. Nous souhaitons continuer à avancer, y compris vers une capacité permanente de planification et de conduite dopérations de lUnion européenne, sur la base de lexcellent rapport de Catherine Ashton sur la PSDC de juillet dernier. Pour la France, la démarche bilatérale de mutualisation avec le Royaume-Uni, par le traité de Lancaster House, va de pair avec ce renforcement de la PSDC.
Parmi les menaces à la paix et à la sécurité, la crise nucléaire iranienne montre sans doute plus quaucune autre lexigence dune action européenne forte et unie. Après les dernières provocations iraniennes et en labsence de toute réponse aux offres de dialogue présentées par Catherine Ashton, lUnion européenne a adopté des sanctions sans précédent, avec lembargo pétrolier et le gel de la banque centrale dIran. Nous naccepterons pas un Iran doté de larme nucléaire. Pour reprendre, le dialogue devra porter sans préconditions sur le programme nucléaire. Le choix appartient à lIran, mais il doit bien mesurer que rester dans cette impasse, ce serait courir le risque de voir dautres acteurs recourir à loption militaire.
Sur le processus de paix au Proche-Orient, jai la conviction que malgré les positions souvent différentes de ses États membres, lUnion européenne peut jouer un plus grand rôle. À la fois pour accompagner le redémarrage des négociations dont tous les paramètres sont connus, dans un contexte où laction des États-Unis et du Quartet seuls ne suffit plus et où il faut un changement de méthode ; mais aussi pour apporter des garanties concrètes, politiques, financières et de sécurité, en appui à un accord basé sur la solution des deux États-nations pour deux peuples.
Enfin, la France encourage la Haute Représentante et le Service européen daction extérieure à avancer dans la structuration du dialogue entre lUnion européenne et ses grands partenaires stratégiques. Nous souhaitons notamment que le principe de réciprocité soit placé au cur de ces relations. Notre objectif, cest de nous assurer que lUnion européenne ait désormais le souci dune concurrence loyale avec les grands émergents et quelle cesse de considérer naïvement que louverture unilatérale ou asymétrique du marché européen serait bénéfique en soi. Cela a pu aider ponctuellement des pays en sortie de crise. Mais ce serait une profonde erreur avec de grands émergents très concurrentiels comme la Chine, lInde ou le Brésil. Cest la raison pour laquelle nous attendons vivement la présentation prochaine par la Commission dun instrument de réciprocité en matière daccès aux marchés publics.
Mesdames, Messieurs,
Si jai tenu à venir aujourdhui devant vous, ici, au Parlement européen, cest parce que je sais combien il est important de partager avec vous une vision davenir pour lEurope, un projet incarnant lidentité et la citoyenneté européennes. Cest dautant plus essentiel que le Traité de Lisbonne a conforté le rôle de votre institution en lui donnant des compétences élargies. Cest pour vous une grande responsabilité. Et cest précisément dans cet esprit de responsabilité que nous devons travailler ensemble, dans le respect des prérogatives de chacune des institutions européennes.
LEurope est aujourdhui à un tournant. Mais je suis convaincu quelle a su se doter de moyens efficaces pour retrouver la stabilité et la croissance.
Pour autant, la France ne veut pas dune Union européenne qui se replie sur la gestion de la crise. Si lEurope a enfin découvert quelle nétait plus le centre du monde, elle ne doit pas oublier quelle demeure la première puissance économique mondiale : dans le monde de demain, elle aura un rôle majeur à jouer, comme pôle de démocratie, de prospérité et de stabilité.
Cette grande ambition européenne, je suis convaincu que nous la partageons. Et je suis convaincu que nous partageons la même volonté de continuer à laffirmer au-delà de nos frontières.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 février 2012