Déclaration de Mmme Claude Greff, secrétaire d'Etat à la famille, sur le réglement des conflits, la médiation et la conciliation dans les procédures familiales, Paris le 26 janvier 2012.

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Circonstance : Etats généraux du droit de la famille à Paris le 26 janvier 2012

Texte intégral


C’est pour moi un plaisir particulier que de participer à la première demi-journée de vos travaux consacrés aux Etats généraux du droit de la Famille.
Ces états généraux sont pour vous un temps fort de l’année. Ils permettent aux experts que vous êtes dans tous les domaines du droit de la famille de dresser des constats, d’apporter des réponses à nos concitoyens, faisant ainsi honneur au serment que vous, avocats, avez prêté.
Et je tiens, tout particulièrement, à remercier votre Président, Monsieur CHARRIERE-BOURNAZEL, pour son engagement personnel, d’abord en tant que Bâtonnier de Paris, puis depuis son élection à la présidence du Conseil national des barreaux.
Votre journée d’aujourd’hui est placée sous le signe des procédures familiales et je constate avec la plus grande satisfaction que tout comme moi, vous placez la famille au coeur de vos préoccupations.
Je suis Secrétaire d’Etat chargée de la famille, mais je pense pouvoir vous dire que je suis aussi l’avocate de toutes les familles.
Nombreuse, traditionnelle, recomposée, monoparentale, tous ces modèles de familles coexistent aujourd’hui dans une société qui a évolué. Et comme les familles évoluent, leurs besoins changent et il est de mon devoir, comme du vôtre que de les accompagner.
Comment ignorer que les conflits les plus douloureux, les situations familiales les plus difficiles se traitent dans vos cabinets et que c’est aussi là que les solutions s’envisagent. Vous êtes très souvent les premiers interlocuteurs des familles.
A cet égard, je suis particulièrement attentive aux développements des modes alternatifs de règlements des litiges que certains d’entre vous ont initiés depuis déjà plusieurs années. Ils ont conduit à la loi du 22 décembre 2010 avec la consécration des conventions de procédure participative facilitant le règlement des conflits, en amont de la saisine du juge, et avec l’aide de l’avocat.
En tant qu’auxiliaires de justice, vous êtes des plaideurs, certes, mais de plus en plus, les pouvoirs publics vous demandent d’être les interlocuteurs privilégiés des familles : vous avez même récemment acquis, par la loi, une mission de pacificateurs des conflits, de médiateurs, de conciliateurs.
Vos fonctions de conseil sont aujourd’hui à l’honneur, et je peux vous dire : ces missions sont salutaires.
Elles me confortent dans l’idée qu’il faut repérer et plus en amont les situations de crise, et apporter des solutions concrètes, avant qu’il ne soit trop tard.
Les familles ont besoin d’être accompagnées avant la crise plus que jamais surtout quand on sait que les procès sont souvent longs.
Je vous le dis sans détours, ma conviction profonde est qu’il faut prévenir en amont le risque de défaillance familiale.
La défense des Droits de l’enfant figure aujourd’hui au rang des priorités gouvernementales.
Cet attachement s’explique : d’abord parce que la France a été l’un des premiers Etats au monde à signer la convention du 20 novembre 1989.
Mais, également parce qu’elle joue un rôle constructif au sein de plusieurs organisations internationales dans la protection et la promotion de ces droits.
C’est à ce titre que je voudrais revenir sur les avancées majeures de la loi Française du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance.
Plaçant l’intérêt supérieur de l’enfant au coeur du dispositif, la loi a ainsi pour ambition de renouveler les relations avec les familles. Dans une logique de prévention, nous avons notamment amélioré notre dispositif d’alerte, de signalement et d’évaluation, grâce à la création de cellules locales chargées du recueil et du traitement des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger.
Aujourd’hui, un nouveau projet est porté par le Conseil de l’Europe pour les années à venir, il doit être annoncé lors d’une réunion stratégique le 15 février 2012 et servira de cadre à la poursuite des travaux en matière de droits de l’enfant.
Mais j’ai voulu aller plus loin !
A la suite des drames récents survenus dans des familles, j’ai souhaité saisir l’ IGAS sur l’évaluation des dispositifs de prévention prévus par la loi du 5 mars 2007 et les failles du système de repérage des risques en amont.
En tout état de cause, dans ces circonstances, signaler est un devoir citoyen.
Le 119, numéro d’appel gratuit et anonyme est une réponse et contribue à la responsabilisation de tous.
A mes yeux, cette nécessaire responsabilisation des parents passe par le respect de certains devoirs trop souvent ignorés tels que l’obligation alimentaire et de soins envers l’enfant, même majeur, mais aussi la protection des familles monoparentales contre le parent défaillant.
De ce point de vue, le père qui disparait commet un abandon. Vous savez que le coût social global de ces abandons est massif. Ils concernent 1 million d’enfants aujourd’hui qui vivent le plus souvent avec leur mère. Vous le savez également l’art 371-2 du Code civil définit l’obligation alimentaire et d’entretien des parents et pourtant, nombreuses sont les familles qui l’ignorent.
J’ai tenu, aussi, à redire ma détermination à mener jusqu’au bout le combat pour le transfert du versement des allocations familiales aux familles d’accueil lorsque les enfants sont placés. En pratique, vous savez que ce n’est pas toujours le cas. Je veux ainsi qu’un lien entre la prise en charge effective de l’enfant et les allocations familiales soit assuré.
Mais je suis fermement opposée au code pénal pour les mineurs comme unique réponse à tous ces faits divers, et dit qu’il faut en appeler aussi à la responsabilisation des parents.
Oui la famille fragilisée est parfois empêchée d’assumer et d’assurer convenablement sa fonction première : aider ses membres à devenir des acteurs responsables de la société, capables de développer des relations harmonieuses avec autrui.
Mais être parent aujourd’hui ne se vit plus dans la stricte intimité de la cellule familiale.
Les pouvoirs publics ont investi le champ du soutien à la parentalité en mettant en place, il y a plus d’un an aujourd’hui, le Conseil National de Soutien à la Parentalité pour améliorer l’efficacité et la lisibilité des actions menées auprès des familles sur le territoire.
C’est une étape, mais je sais que les familles ont une véritable attente : s’il ne fallait retenir qu’un chiffre du sondage TNS SOFRES réalisé pour le Secrétariat d’Etat chargé de la famille, je vous dirais que 57% des répondants considèrent qu’il est devenu plus difficile d’éduquer des enfants.
Dans le secret de vos cabinets, vous avez souvent entendu cette phrase : « être parent aujourd’hui, c’est plus difficile ».
Violence, drogue, alcool, dangers liés à Internet, tous ces sujets vous touchent et nous interpellent : les familles sont parfois désorientées et démunies.
Ma conviction est qu’aujourd’hui il est nécessaire d’accompagner les parents, qui en expriment le besoin, dans leur rôle éducatif et de promouvoir les environnements favorables à l’exercice de la parentalité.
La parentalité !
Vaste sujet de société s’il en est, et qui nous concerne tous !
Avec un budget de plus de 100 milliards d’euros, notre politique familiale est dynamique et enviée par de nombreux pays européens.
Nous n’avons pas à rougir de notre politique familiale dynamique et exemplaire.
Avec 828 000 naissances en 2010, la France est championne d’Europe de la natalité !
La plus belle illustration de l’efficacité de notre politique familiale est le cumul de 2 indicateurs : un taux de natalité élevé de près de 2 enfants par femme en âge de procréer et un taux d’activité professionnel féminin de 85%.
La politique familiale, ce sont donc des prestations, des services, et des avantages fiscaux.
Mais si elles sont aujourd’hui très majoritairement satisfaites des prestations versées par la CAF, les familles expriment de plus en plus clairement des besoins nouveaux qui appellent des réponses de notre part.
Mesdames, Messieurs, mes nombreux déplacements en régions, mes rencontres notamment avec les professionnels que vous êtes du droit de la famille, acteurs de terrain, vous m’avez tous permis d’élaborer des propositions.
Alors permettez-moi de vous présenter l’une des mesures phares du plan national de soutien à la parentalité : « La maison pour les familles ».
1/ A qui s’adresser lorsque son enfant ne vous écoute plus ? Ne vous respecte plus ? Ou lorsqu’on soupçonne qu’il est au contact de la drogue ? Faut-il en parler à un médecin ? A son professeur ? Est-ce-que l’on a envie d’en parler à sa famille ?
Les parents ont besoin d’un repère, d’un soutien, d’une aide extérieure, pour prévenir, avant qu’il ne soit trop tard. Sur le territoire, des initiatives existent mais elles ne sont pas bien repérées et les parents ne sont pas assez informés.
C’est pour cette raison que j’ai créé l'appellation "Maison pour les familles" : un lieu unique, qui existe déjà mais qui sera bien identifié où nous pourront trouver les réponses à nos problèmes ponctuels de vie quotidienne.
Je vous rappelle ce chiffre : seulement 30% des familles disent savoir exactement à qui s’adresser pour demander de l’aide. C’est bien peu !
Bien évidemment, si vous le souhaitez en tant qu’avocats, vous avez toute votre place dans ces maisons pour les familles ! Et bien sûr, au contact quotidien des familles, vous saurez mieux que quiconque les orienter, afin qu’elles viennent chercher des réponses aux questions qu’elles se posent.
2/ Je l’ai dit, comme « valeur », la famille est plébiscitée puisque 89% des jeunes veulent que leur couple dure.
Mais force est de constater que comme « institution », la famille est souvent fragilisée et ébranlée.
Et c’est là le second constat, je crois, que nous pouvons dresser ensemble.
Le tableau est connu : divorces en forte augmentation, multiplication des familles monoparentales et recomposées, souffrances des enfants après la séparation de leurs parents, etc.
Il est à noter que l’augmentation des ruptures conjugales ou familiales sont particulièrement coûteuses socialement et économiquement.
J’ai donc souhaité renforcer la préparation au mariage civil qui fait partie intégrante de la politique nationale que je conduis depuis six mois de soutien à la parentalité. Le mariage civil, est un acte républicain.
Vous êtes les mieux placés pour comprendre que nous devons expliquer aux futurs conjoints les droits et les devoirs des époux qui deviendront des parents.
Vous le faites déjà tant au quotidien !
Et la lecture (aride) de six articles du code civil, lors d’une célébration parfois de cinq minutes, ne facilite pas les choses !
C’est pourquoi, je souhaite très vite, inciter toutes les mairies de France qui le demandent, avec le soutien de l’Association des Maires de France, à acquérir un dispositif complet de préparation au mariage civil composé :
- d’un livret présenté sur le modèle de la ville de Meudon, et surtout
- d’un référentiel de formation principalement destiné aux professionnels des mairies et de tous ceux qui sont au contact des futurs époux.
3/ Pour les familles, je veux que toutes les informations qui leur sont destinées soient accessibles en un clic !
Je lancerai dans quelques jours un espace internet d’information leur donnant accès à :
- une multiplicité de sujets touchant le champ de leur vie pratique, des informations sur les soutiens financiers dont ils peuvent bénéficier, des dispositifs d’accompagnement, de la santé et de la protection de l’enfant, de l’école et des loisirs ;
- une présentation des droits reconnus aux parents, les grandes étapes du développement de l’enfant et certains questionnements qui les jalonnent ;
- la connaissance par les parents des actions de soutien qui leur sont dédiées et la reconnaissance de leur spécificité.
4/En matière de filiation adoptive, un guide pour les futurs parents adoptants sera disponible et un espace internet dédié aux professionnels sera mis en ligne car la parentalité adoptive mérite une attention particulière.
Mon actualité en la matière : la proposition de loi sur l’adoption que je vais soutenir au Parlement le 15 février prochain.
Je ne voudrais pas terminer l’évocation de ces mesures sans parler de l’importance que j’accorde au pilotage de cette politique publique de soutien à la parentalité qui doit être déclinée localement.
Enfin, à ceux qui s’étonneraient que l’on porte des projets à l’heure où la contrainte financière est si forte, je réponds qu’en période de crise, il faut savoir être imaginatif et a fortiori susciter l’innovation !
Et parce que la contrainte financière est forte, préserver la famille - valeur plébiscitée par les Français- est essentiel.
Aujourd’hui, vous, spécialistes du droit de la famille me donnez l’occasion de réaffirmer ma foi indéfectible en la famille, socle de la société.
Comme vous, je veux agir pour prévenir les crises et accompagner les parents en valorisant leurs valeurs, leurs compétences, leurs ressources, plutôt qu’en les stigmatisant ou en pointant leurs défaillances.
Agir en matière de soutien à la parentalité, dans tous les sens du terme, c’est bien plus qu’une politique, c’est un enjeu d’avenir.
Je vous remercie de m’avoir conviée à cette rencontre.
Source http://www.cnb.avocat.fr, le 21 février 2012