Déclaration de Mme Nadine Morano, ministre de l'apprentissage et de la formation professionnelle, sur la lutte et la prévention contre les dérives sectaires dans la formation professionnelle, Paris le 9 février 2012.

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Circonstance : Journée de prévention contre les dérives sectaires dans la formation professionnelle à Paris le 9 février 2012

Texte intégral


Je souhaite d’abord remercier chacune et chacun des intervenants de cette matinée pour la qualité de leurs contributions et de leurs témoignages. Grâce à leurs échanges nous avons notamment pu cerner avec plus de précision les enjeux liés à l’identification, à la prévention, et à la lutte contre les dérives sectaires dans le secteur de la formation professionnelle. Je tiens également à remercier les représentants des associations de victime qui ont répondu présent à mon invitation pour témoigner de leur engagement, et notamment Catherine PICARD (Présidente de l’Union Nationale des Associations de Défense et de l’Individu) et Annie GUIBERT (Présidente du Centre contre les manipulations mentales) qui ont participé aux table-rondes.
A l’issue de cette matinée de travail, je me réjouis de voir que notre pays peut compter sur des acteurs fortement mobilisés pour assurer des formations de qualité et véritablement sûres à nos compatriotes.
Aussi, je souhaite revenir rapidement sur les principaux enseignements que je retiens des échanges.
Concrètement, la première table-ronde a notamment permis de souligner comment le besoin de vigilance face aux risques sectaires s’est progressivement orienté vers la formation professionnelle. En effet, comme je l’ai rappelé lors de l’ouverture de nos travaux, la diversité des organismes de formation et la multitude des formations proposées dans notre pays, constituent une nouvelle opportunité pour des mouvements peu scrupuleux qui souhaitent étendre leur sphère d’influence et acquérir de nouveaux moyens financiers en polluant notre système de formation. Face à ces risques, nous avons toutefois vu que des acteurs de la formation comme l’AFPA, Pôle emploi, la Fédération de la Formation Professionnelle et OPCALIA, qui est le deuxième OPCA par sa collecte, ont su développer des outils pour identifier et prévenir les risques éventuels. A l’issue de cette table ronde, j’ai également noté avec intérêt que notre pays peut se féliciter d’être sans doute l’un des pays en Europe - et dans le monde - les plus moteurs en matière de prévention des risques sectaires.
S’agissant de la deuxième table-ronde, je retiens notamment le constat suivant : alors que les entreprises n’ont jamais au autant besoin de recourir à des formations du type comportemental, la qualité de ce type de formation est encore trop souvent difficile à vérifier. Tous les dirigeants d’organismes ne sont pas aussi sérieux que ceux, comme Michel LORA (Directeur-Fondateur du Groupe Intervention Innovation), qui sont présents aujourd’hui.
De leur côté, Monsieur Hocine IBEGAZENE, dirigeant d’une importante PME du secteur équipementier automobile, et Monsieur Denys NEYMON, DRH de Suez environnement, ont rappelé à juste titre que dans le contexte d’une économie mondialisée ces formations constituent un véritable besoin pour les entreprises et surtout un élément indispensable de compétitivité. Il faut toutefois être particulièrement vigilant par rapport à ces formations, car le processus de dérive peut être très insidieux et potentiellement très dangereux. Comme l’on expliqué Martine LEONARD (Médecin inspecteur régional du travail de la DIRECCTE Lorraine) et Florence PINLOCHE (Psychologue clinicienne), face à la dynamique de groupe et au mélange de l’intime et du professionnel, la frontière entre ce qui relève de la formation professionnelle et de la manipulation mentale peut être étroite. C’est pourquoi, dans le prolongement par exemple des travaux menés par les équipes de l’OPQF (Office Professionnel de Qualification des organismes de Formation) sous la direction de Christine ANCEAU, il faut absolument redoubler d’effort en donnant des repères de qualité et de sécurité à nos compatriotes qui ont besoin de se former.
C’est d’ailleurs tout le sens de la troisième table-ronde qui a permis de faire le point sur les outils et les modalités de contrôle en matière de formation professionnelle. De ces échanges, je retiens un point très important : le contrôle et la lutte contre les dérives sectaires relèvent d’une responsabilité partagée entre l’ensemble des acteurs de la formation professionnelle. Les entreprises, notamment les plus grandes dont le secteur d’activité est sensible, ont un rôle à jouer pour développer une véritable politique de contrôle au sein de leur groupe. Je me réjouis d’ailleurs de voir que certaines comme Thalès sont déjà fortement mobilisées. Mais d’autres outils existent pour lutter contre les dérives. Je pense par exemple au rôle des certifications, comme celles de l’AFNOR, ainsi qu’aux systèmes de vigilance développés par les OPCA, comme AGEFOS-PME, qui sont un gage de qualité.
En matière de contrôle, nous l’avons vu lors de la dernière table-ronde, le rôle de l’Etat est aussi déterminant. A ce titre, je le rappelle, les services régionaux de contrôle sont les premiers acteurs en matière de suivi et de contrôle des organismes de formation. Ce contrôle s’exerce d’abord par l’examen et l’enregistrement ou le refus d’enregistrement des déclarations d’activité. Depuis 2010, le Gouvernement a recentré l’activité des services régionaux de contrôle dans le domaine des contrôles de la formation professionnelle continue au sens strict. Suite à cette instruction, les services ont réalisé plus de 4000 opérations de contrôle en 2010 et le nombre de contrôle d’organismes de formation s’est établi à 2 848 en 2010 contre 2 135 en 2009. Par ailleurs, une première campagne de contrôle initiée en août 2010 sur les formations comportementales de développement personnel a produit des résultats encourageants : 40 déclarations d’activité ont été annulées, car les prestations ne constituaient pas des actions de formation. Certaines activités étaient même susceptibles de générer des dérives sectaires et un grand nombre d’irrégularités vis-à-vis du code du travail ont concerné des prestations apparentées à des pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique.
Je souhaite d’ailleurs saluer le travail réalisé par les équipes des services régionaux de contrôle et leurs représentants qui sont dans cette salle et dont l’action a permis d’atteindre ces résultats.
Parce qu’il faut aller plus loin, j’ai décidé d’amplifier la démarche engagée en 2010 en donnant, début janvier, des instructions par circulaire à l’ensemble des services régionaux de contrôle pour renforcer la protection de nos concitoyens. Il s’agit d’un plan de contrôle offensif sur les organismes les moins sérieux. J’attends une vigilance toute particulière sur le contrôle des organismes de formation dont l’offre pourrait laisser penser qu’ils n’ont pas véritablement de finalité professionnelle et qui pourrait même nuire à la sécurité de l’individu.
Mais il faut aussi informer et mieux faire connaitre les formations proposées pour rendre les marques de qualité plus visibles. L’exemple de KELIOS qui est déployé par le FONGECIF Ile-de France et la Région Ile-de-France, nous a montré le chemin à suivre. C’est pourquoi, la Bibliothèque nationale de l’offre de formation dont j’ai annoncée la création sera opérationnelle dès la fin du 1er semestre. Unique et nationale, elle optimisera l’ensemble des offres pour les prescripteurs publics. Par ailleurs, j’ai demandé à Centre Inffo d’ouvrir son portail de l’orientation pour recenser et accueillir l’offre qui bénéficie des certifications, normes et labels pour que cette information puisse être directement accessible par les bénéficiaires comme par les entreprises.
Mesdames et Messieurs,
Je tiens à le rappeler, la prévention et la lutte contre les dérives sectaires sont une question de responsabilité partagée. Les interventions de ce matin ont permis d’avancer fortement pour sensibiliser les acteurs de la formation et renforcer la vigilance commune que nous devons avoir face aux pratiques à risque. Il s’agit d’une responsabilité d’autant plus forte que les dérives sectaires touchent souvent en priorité les publics fragiles comme les demandeurs d’emploi ou les personnes handicapées. A cet égard, je souhaite en particulier remercier les représentants du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH) qui ont participé à cette journée.
Notre détermination doit être totale, car la prévention et la lutte contre les dérives sectaires sont un devoir moral vis-à-vis des plus fragiles et de tous ceux qui s’engagent avec professionnalisme et passion dans la formation de nos concitoyens.
Je vous remercie.
Source http://www.travail-emploi-sante.gouv.fr, le 13 février 2012