Texte intégral
Interview à France 2, le 25 juin 2001 - 7h50
F. David - Un certain nombre de téléspectateurs vont découvrir votre visage aujourd'hui. Hier, vous avez été désigné par la LCR comme son candidat à l'élection présidentielle. Vous avez 27 ans : vous êtes tombé tout petit dans la politique, depuis presque la moitié de votre vie vous militez. Aujourd'hui, c'est un nouveau combat qui s'engage pour vous ?
- "Effectivement, je suis un peu l'illustre inconnu de ces élections. Le choix qu'a fait la LCR ce week-end, c'est de donner plusieurs visages à sa politique. On l'a fait aux dernières élections européennes avec R. Baquetat [phon.] qui est actuellement députée. Aujourd'hui, je suis candidat de la LCR aux élections présidentielles. On va être plusieurs à mener cette campagne. L'analyse qu'on fait, c'est qu'il y a une nouvelle situation mais aussi une nouvelle génération, y compris dans le monde du travail."
Cela veut dire que vous black-outez la vieille génération, dont le patron, A. Krivine ?
- "Non, absolument pas. Ce n'est pas une passation de pouvoir, vous ne serez pas débarrassés d'A. Krivine comme cela ! On sera plusieurs à faire la campagne. Pourquoi pas un jeune facteur de 27 ans pour représenter cette politique ? Après tout, c'est aussi une façon de montrer que la politique n'est pas réservée à des professionnels qui pensent que c'est un métier et qui, pour la plupart, ont quand même été formés dans les mêmes cercles que ceux qui nous exploitent, nous salariés, au quotidien dans les entreprises."
On dit qu'en ce moment l'extrême gauche se porte plutôt pas trop mal. A. Laguiller de LO sera candidate. La candidature commune entre vos deux formations est-elle définitivement écartée ?
- "Pas pour nous. Nous faisons la proposition à LO de les rencontrer dès demain. Je suis un candidat qui reste disponible à 100 % à un accord avec LO. Je ne suis ni le concurrent d'A. Laguiller ni son enfant spirituel. Nous pensons que l'extrême gauche peut faire une percée électorale à ces élections parce que cela peut devenir, peut-être, pour la première fois, le vote utile à gauche pour sanctionner la politique du Gouvernement. Nous pensons que l'extrême gauche, notamment depuis les deux dernières élections, c'est deux courants, deux partis : LO et la LCR. Nous sommes pour que ces deux voies se rencontrent pour se mettre d'accord sur une politique commune et prendre nos responsabilités ensemble. On pense qu'on devrait être condamnés à s'entendre."
A. Krivine, en 1974, avait réalisé sur son nom 0,36 % des voix, ce qui n'est quand même pas énorme. Vous espérez faire combien, si vous allez jusqu'au bout ?
- "En 1974, je venais juste de naître ! Je pense que nous sommes dans une nouvelle situation politique. L'un des éléments qui change, c'est que l'extrême gauche, électoralement, devient une réalité depuis plusieurs élections, depuis trois ou quatre ans. Aux dernières élections municipales, la "LCR 100 % à gauche" avait fait des scores plutôt importants. Cela correspond à une réalité plus profonde, à une nouvelle situation politique qui est marquée par de nouvelles luttes sociales, mais aussi par un nouvel espace politique à la gauche de la gauche gouvernementale, y compris une nouvelle génération qui rentre en politique."
Durant cette campagne, vous allez taper sur qui finalement ? Vous allez taper plutôt à droite, plutôt à gauche ou vous allez équilibrer vos attaques ?
- "Nous nous présentons à ces élections pour revendiquer un renouveau social et politique. On est dans une situation où il y a un patronat arrogant qui licencie à tour de bras, qui multiplie en même temps que ses profits en bourse les inégalités et la précarité dans l'ensemble de la société. Face à cela, un gouvernement dit de gauche, plutôt que de nous défendre, capitule devant la voracité de quelques actionnaires. Nous sommes d'abord candidats pour une autre politique, qui défende les victimes du capitalisme actuel. C'est vrai au niveau social, au niveau démocratique, et même au même au niveau écologique."
Aujourd'hui, le Gouvernement va annoncer une hausse du Smic - on parle à peu près de 4 %. A votre avis, de combien faudrait-il augmenter le Smic ?
- "Nous pensons que, comme dans beaucoup de domaines, c'est insuffisant. Notre politique sera tournée vers une autre répartition des richesses. Nous proposons par exemple une augmentation généralisée des salaires et des minima sociaux d'au moins 1500 francs? Nous demandons également l'installation d'un salaire minimum européen."
Quand vous aurez développé vos revendications pour le premier tour, il y aura le second tour derrière. Pendant des années, la LCR a toujours appelé à battre la droite. Là, on a le sentiment que cette consigne de vote ne sera pas aussi simple ?
- "Pour nous, ce n'est pas une question de principe. Là, effectivement, on vient de prendre une position : laisser les électeurs libres de leur choix et, pour la première fois, effectivement, ..."
.... cela veut dire que vous ne donnez pas de consigne de vote ?
- "Dans l'état actuel des choses, on ne donne pas de consigne de vote. On pense que la balle est dans le camp du Gouvernement. Pour nous, la gauche et la droite, ce n'est pas la même chose. Depuis que je vote - cela ne fait pas si longtemps que cela - j'ai toujours voté à gauche pour battre la politique de la droite au deuxième tour. Sauf que je n'ai jamais vraiment vu la différence, si ce n'est que ma propre entreprise, La Poste, risque d'être privatisée sous un gouvernement de gauche. Donc, nous disons à la gauche plurielle, comme je pense de nombreux postiers, comme l'ensemble des couches populaires que c'est à eux de faire la démonstration s'il est encore utile de voter pour eux au deuxième tour. Il faut plutôt poser cette question à Jospin et à sa politique."
Mais vous ne lui donnez pas un délai supplémentaire pour infléchir sa politique ?
- "Il a jusqu'aux élections présidentielles pour faire la démonstration qu'il peut faire l'inverse de ce qu'il a fait jusqu'à présent, c'est-à-dire le bilan d'une politique qui entre ne serait-ce que la loi Aubry ou les privatisations, suffit à prouver qu'aujourd'hui, ce n'est pas le patronat qui est inquiet, mais plutôt les salariés et l'ensemble du monde du travail."
Reprochez-vous aussi à ceux qui sont alliés au Gouvernement, qui font partie de la majorité plurielle, je pense notamment au Parti communiste et aux Verts, l'abandon de leurs principes ?
- "Ce n'est pas une question de principe. Les communistes, les écologistes et nous-mêmes nous retrouvons notamment dans les mobilisations dans la rue sur toute une série de revendications communes. On va continuer à le faire, on est heureux de le faire et on est enthousiastes pour le faire, parce qu'on pense que c'est d'abord une mobilisation qui permettra d'imposer une autre politique. Ce qu'on regrette simplement, c'est que les députés de la gauche plurielle votent le lundi le contraire de ce qu'ils ont dénoncé le dimanche dans la rue avec nous. Le grand écart permanent, au bout d'un moment, ne devient plus possible. Ce n'est pas une question de principe : on s'adresse aux communistes, aux écologistes et même aux socialistes qui ne se reconnaissent plus dans les candidatures sponsorisées par le Gouvernement."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 25 juin 2001)
F. David - Un certain nombre de téléspectateurs vont découvrir votre visage aujourd'hui. Hier, vous avez été désigné par la LCR comme son candidat à l'élection présidentielle. Vous avez 27 ans : vous êtes tombé tout petit dans la politique, depuis presque la moitié de votre vie vous militez. Aujourd'hui, c'est un nouveau combat qui s'engage pour vous ?
- "Effectivement, je suis un peu l'illustre inconnu de ces élections. Le choix qu'a fait la LCR ce week-end, c'est de donner plusieurs visages à sa politique. On l'a fait aux dernières élections européennes avec R. Baquetat [phon.] qui est actuellement députée. Aujourd'hui, je suis candidat de la LCR aux élections présidentielles. On va être plusieurs à mener cette campagne. L'analyse qu'on fait, c'est qu'il y a une nouvelle situation mais aussi une nouvelle génération, y compris dans le monde du travail."
Cela veut dire que vous black-outez la vieille génération, dont le patron, A. Krivine ?
- "Non, absolument pas. Ce n'est pas une passation de pouvoir, vous ne serez pas débarrassés d'A. Krivine comme cela ! On sera plusieurs à faire la campagne. Pourquoi pas un jeune facteur de 27 ans pour représenter cette politique ? Après tout, c'est aussi une façon de montrer que la politique n'est pas réservée à des professionnels qui pensent que c'est un métier et qui, pour la plupart, ont quand même été formés dans les mêmes cercles que ceux qui nous exploitent, nous salariés, au quotidien dans les entreprises."
On dit qu'en ce moment l'extrême gauche se porte plutôt pas trop mal. A. Laguiller de LO sera candidate. La candidature commune entre vos deux formations est-elle définitivement écartée ?
- "Pas pour nous. Nous faisons la proposition à LO de les rencontrer dès demain. Je suis un candidat qui reste disponible à 100 % à un accord avec LO. Je ne suis ni le concurrent d'A. Laguiller ni son enfant spirituel. Nous pensons que l'extrême gauche peut faire une percée électorale à ces élections parce que cela peut devenir, peut-être, pour la première fois, le vote utile à gauche pour sanctionner la politique du Gouvernement. Nous pensons que l'extrême gauche, notamment depuis les deux dernières élections, c'est deux courants, deux partis : LO et la LCR. Nous sommes pour que ces deux voies se rencontrent pour se mettre d'accord sur une politique commune et prendre nos responsabilités ensemble. On pense qu'on devrait être condamnés à s'entendre."
A. Krivine, en 1974, avait réalisé sur son nom 0,36 % des voix, ce qui n'est quand même pas énorme. Vous espérez faire combien, si vous allez jusqu'au bout ?
- "En 1974, je venais juste de naître ! Je pense que nous sommes dans une nouvelle situation politique. L'un des éléments qui change, c'est que l'extrême gauche, électoralement, devient une réalité depuis plusieurs élections, depuis trois ou quatre ans. Aux dernières élections municipales, la "LCR 100 % à gauche" avait fait des scores plutôt importants. Cela correspond à une réalité plus profonde, à une nouvelle situation politique qui est marquée par de nouvelles luttes sociales, mais aussi par un nouvel espace politique à la gauche de la gauche gouvernementale, y compris une nouvelle génération qui rentre en politique."
Durant cette campagne, vous allez taper sur qui finalement ? Vous allez taper plutôt à droite, plutôt à gauche ou vous allez équilibrer vos attaques ?
- "Nous nous présentons à ces élections pour revendiquer un renouveau social et politique. On est dans une situation où il y a un patronat arrogant qui licencie à tour de bras, qui multiplie en même temps que ses profits en bourse les inégalités et la précarité dans l'ensemble de la société. Face à cela, un gouvernement dit de gauche, plutôt que de nous défendre, capitule devant la voracité de quelques actionnaires. Nous sommes d'abord candidats pour une autre politique, qui défende les victimes du capitalisme actuel. C'est vrai au niveau social, au niveau démocratique, et même au même au niveau écologique."
Aujourd'hui, le Gouvernement va annoncer une hausse du Smic - on parle à peu près de 4 %. A votre avis, de combien faudrait-il augmenter le Smic ?
- "Nous pensons que, comme dans beaucoup de domaines, c'est insuffisant. Notre politique sera tournée vers une autre répartition des richesses. Nous proposons par exemple une augmentation généralisée des salaires et des minima sociaux d'au moins 1500 francs? Nous demandons également l'installation d'un salaire minimum européen."
Quand vous aurez développé vos revendications pour le premier tour, il y aura le second tour derrière. Pendant des années, la LCR a toujours appelé à battre la droite. Là, on a le sentiment que cette consigne de vote ne sera pas aussi simple ?
- "Pour nous, ce n'est pas une question de principe. Là, effectivement, on vient de prendre une position : laisser les électeurs libres de leur choix et, pour la première fois, effectivement, ..."
.... cela veut dire que vous ne donnez pas de consigne de vote ?
- "Dans l'état actuel des choses, on ne donne pas de consigne de vote. On pense que la balle est dans le camp du Gouvernement. Pour nous, la gauche et la droite, ce n'est pas la même chose. Depuis que je vote - cela ne fait pas si longtemps que cela - j'ai toujours voté à gauche pour battre la politique de la droite au deuxième tour. Sauf que je n'ai jamais vraiment vu la différence, si ce n'est que ma propre entreprise, La Poste, risque d'être privatisée sous un gouvernement de gauche. Donc, nous disons à la gauche plurielle, comme je pense de nombreux postiers, comme l'ensemble des couches populaires que c'est à eux de faire la démonstration s'il est encore utile de voter pour eux au deuxième tour. Il faut plutôt poser cette question à Jospin et à sa politique."
Mais vous ne lui donnez pas un délai supplémentaire pour infléchir sa politique ?
- "Il a jusqu'aux élections présidentielles pour faire la démonstration qu'il peut faire l'inverse de ce qu'il a fait jusqu'à présent, c'est-à-dire le bilan d'une politique qui entre ne serait-ce que la loi Aubry ou les privatisations, suffit à prouver qu'aujourd'hui, ce n'est pas le patronat qui est inquiet, mais plutôt les salariés et l'ensemble du monde du travail."
Reprochez-vous aussi à ceux qui sont alliés au Gouvernement, qui font partie de la majorité plurielle, je pense notamment au Parti communiste et aux Verts, l'abandon de leurs principes ?
- "Ce n'est pas une question de principe. Les communistes, les écologistes et nous-mêmes nous retrouvons notamment dans les mobilisations dans la rue sur toute une série de revendications communes. On va continuer à le faire, on est heureux de le faire et on est enthousiastes pour le faire, parce qu'on pense que c'est d'abord une mobilisation qui permettra d'imposer une autre politique. Ce qu'on regrette simplement, c'est que les députés de la gauche plurielle votent le lundi le contraire de ce qu'ils ont dénoncé le dimanche dans la rue avec nous. Le grand écart permanent, au bout d'un moment, ne devient plus possible. Ce n'est pas une question de principe : on s'adresse aux communistes, aux écologistes et même aux socialistes qui ne se reconnaissent plus dans les candidatures sponsorisées par le Gouvernement."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 25 juin 2001)