Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur les relations entre la France et le Sénégal et l'action de M. Abdoulaye Wade, président de la République du Sénégal, à Paris le 20 juin 2001.

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Circonstance : Dîner offert en l'honneur de M. Abdoulaye Wade, président de la République du Sénégal, en visite en France, le 20 juin 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Je suis très heureux de vous accueillir ici, au Palais des Affaires étrangères, vous, l'ami de la France - où vous avez étudié, où vous avez exercé votre métier d'avocat et où vous avez souvent résidé. Depuis votre élection à la présidence de la République du Sénégal, c'est la seconde visite officielle que vous accomplissez en France, sans compter un bref séjour au cours duquel vous avez été fait docteur honoris causa de l'Université de Bordeaux et une rapide visite à la Foire de Paris. La fidélité personnelle que vous exprimez ainsi à la France nous est précieuse et nous touche.
J'ai également le plaisir de recevoir le représentant d'un pays ami, le Sénégal, avec lequel la France entretient une relation aussi privilégiée qu'ancienne, qui ne relève pas du seul cadre des échanges entre Etats. Comme ailleurs en Afrique, l'histoire a tissé entre nos deux peuples, malgré des épisodes tragiques, des liens particuliers qui perdurent aujourd'hui, à travers notamment l'usage partagé de la langue française et des références culturelles et institutionnelles communes. Au-delà, le Sénégal et la France entretiennent aussi des affinités, une sympathie, une chaleur dans les relations personnelles, une amitié qui fonde une solidarité solide.
C'est enfin en tant que porte-parole du continent africain que vous êtes accueilli. L'intérêt de la France pour l'Afrique ne se dément pas. Les défis politiques, économiques et sociaux qui attendent votre continent sont considérables, mais nous mesurons, Monsieur le Président, l'ambition qui est la vôtre de les relever et de mobiliser pour cela les énergies de votre pays et de tout le continent.
Nous vous connaissions opiniâtre - et il fallait l'être pour mener sans désemparer un combat de plusieurs décennies dans l'opposition, combat qui a connu son aboutissement l'année dernière lors d'une élection que la communauté internationale a saluée comme un exemple d'alternance démocratique.
Nous vous savions aussi convaincant ; l'adoption de la nouvelle constitution que vous avez voulue pour le Sénégal, puis les élections législatives du mois d'avril, en ont apporté, si besoin était, une preuve supplémentaire. Les Sénégalais, dont l'attachement au débat politique constitue un lien de plus avec la France, ont ainsi manifesté par la voie la plus appropriée, celle des urnes, la confiance qu'ils vous témoignent.
C'est fort de cette légitimité que vous avez lancé les projets qui reflètent l'ambition que vous avez pour l'Afrique et les Africains. Votre attachement ancien à l'intégration africaine s'est traduit, depuis un an, par votre contribution importante à l'élaboration du projet d'Union africaine et par l'approfondissement des liens entre le Sénégal et les autres démocraties du continent.
Par-delà cette approche politique, vous avez présenté à vos pairs un document de portée économique. Le plan Oméga, dont vous avez la paternité, et les priorités qu'il dégage - infrastructures, éducation, santé et agriculture - me paraissent de nature à ouvrir pour l'Afrique, conjointement au Programme de partenariat du millénaire (MAP) du président Mbeki, une perspective fédératrice.
Le même souci d'efficacité vous anime s'agissant de la lutte contre le sida, qui frappe si durement l'Afrique. Dans quelques jours, à New York, vous participerez personnellement à la session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations unies consacrée à ce fléau. Puis Dakar hébergera en novembre prochain une réunion spécifique sur l'accès aux soins. Permettez-moi de saluer à l'avance cette initiative. Vous connaissez l'implication de la France dans la préparation de la session extraordinaire. Notre pays consacrera 150 millions d'euros sur trois ans à la lutte contre le sida dans les pays les plus pauvres. C'est dire notre détermination à lutter contre cette maladie. Nous serons donc à vos côtés dans la préparation de la réunion de Dakar.
J'entends en effet, avec le président de la République, que la France conserve un rôle moteur chaque fois qu'il s'agit de se faire le porte-parole des pays en développement, en particulier au sein du G8. J'entends que la France reste chef de file chaque fois qu'il s'agit d'alléger la dette. Vous savez la place qu'elle a prise dans l'initiative PPTE, dont bénéficie le Sénégal.
Ce rôle, qui entre dans la vocation historique de la France, nous le remplissons encore mieux quand nos deux pays parlent d'une même voix. Les occasions de le faire ne manquent pas. Je faisais allusion aux Nations Unies il y a un instant : vos soldats déployés au sein de la Mission des Nations unies au Congo, préparés et équipés avec notre appui, illustrent cette synergie. Dakar est d'ailleurs un des piliers majeurs de notre programme de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, le programme RECAMP.
Mais il est d'autres occasions d'agir ensemble : je pense par exemple au sommet de la francophonie à Beyrouth en octobre prochain, qui sera l'occasion de marquer notre souci commun de préserver la diversité culturelle et, pour vous, d'illustrer la place essentielle du Sénégal au sein de la communauté francophone. Votre visite à l'Académie française, demain, témoigne d'ailleurs de votre attachement à notre langue et à nos références partagées.
Monsieur le Président,
C'est à dessein que j'ai beaucoup évoqué l'avenir et les projets à mettre en uvre ensemble, auxquels j'aurais pu ajouter de nombreux autres programmes, en faveur du co-développement ou de l'économie de la Casamance. Car c'est d'abord aux jeunes générations sénégalaises que vous consacrez vos efforts, en préparant leur avenir.
J'ai débuté mon propos en vous remerciant de votre fidélité à notre pays. Je souhaiterais le conclure en vous assurant de la mienne, de celle de mon gouvernement et de celle de mon pays au Sénégal et à l'Afrique. Je lève mon verre à l'amitié franco-sénégalaise et à la fraternité entre nos deux peuples
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 21 juin 2001)