Déclaration de M. Henri de Raincourt, ministre de la coopération, sur la préservation du Lac Tchad, à Marseille le 12 mars 2012.

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Circonstance : 6ème Forum Mondial de l'Eau, à Marseille (Bouches-du-Rhône) du 12 au 17 mars 2012

Texte intégral

Monsieur le Président de la République du Tchad,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Représentants de la Commission du Bassin du Lac Tchad et Représentants de la communauté internationale,
Mesdames et Messieurs,

Je suis très heureux d’être parmi vous aujourd’hui pour cet atelier de haut niveau consacré au Lac Tchad. Ma présence témoigne du souhait du président de la République que la France soit représentée par un membre du gouvernement lors de cet événement important, et tout autant de mon intérêt personnel pour ce sujet qui a un tel impact sur les vies de 30 millions d’Africains.

Monsieur le Président,
Je crois que la question du Lac Tchad est exemplaire des défis nouveaux auxquels doivent faire les pays en développement et des réponses que la communauté internationale doit y apporter, avec eux. Nous sommes au cœoeur de ces questions qui nous réunissent aujourd’hui si nombreux à Marseille. Nous sommes au cœur de l’imbrication de la dimension environnementale, de la dimension économique et de la dimension politique. Nous sommes au coeœur du développement du Tchad, de la région, de l’Afrique et, je le crois, d’une grande partie de l’humanité. Voilà en effet, vous l’avez dit Monsieur le Président, la deuxième plus grande réserve d’eau d’Afrique qui, sous nos yeux, a diminué de moitié en l’espace de 20 ans. Les causes de cette réduction sont à trouver à la fois dans des raisons climatiques mais aussi dans les activités de l’homme. Il est légitime et utile que les experts analysent très précisément les raisons d’une telle réduction, et j’y reviendrai. Mais pour les populations concernées, pour les économies de la région et, je le crois, pour l’équilibre écologique de toute la planète, un bouleversement écologique d’une telle ampleur est tout simplement insupportable et des remèdes doivent y être apportés. Ces solutions sont à trouver par les Tchadiens, par les pays voisins, par la communauté internationale et, en tout premier lieu, les amis de l’Afrique, dont la France a le privilège de faire partie.
La préservation de ce bien public mondial que sont les réserves d’eau ne relève pas de quelque dogme écologique intransigeant et abstrait. C’est donc, avant tout, le sort des populations qui nous préoccupe. Ces populations qui trouvent dans le lac les moyens de leur vie, parfois de leur survie, mais qui ont su aussi s’adapter aux nouvelles conditions, car tel est le génie humain. Le retrait des eaux a pu faire que tel pêcheur est devenu agriculteur ou que tel nomade s’est sédentarisé. Or la relation que tissent les sociétés humaines avec leur environnement est complexe, fragile et parfois instable. Nous parlons d’une région où le risque de conflits liés à la raréfaction des ressources naturelles est une réalité. Nous parlons aussi d’une région où sévit une insécurité alimentaire récurrente. La France s’est mobilisée contre ce fléau partout où elle l’a pu, par ses actions propres comme au sein des enceintes internationales, notamment du G20, sous l’impulsion du président de la République.
Peut-être ce qui a manqué jusqu’à présent dans les projets de sauvegarde du Lac Tchad, c’est de ne pas avoir assez donné la parole à ces populations. Or, les nombreux projets que vous venez de nous présenter, Monsieur le Président, relèvent précisément de cette nouvelle approche, qui consiste à partir en premier lieu des besoins exprimés par les pays, les gouvernements bien sûr mais aussi la société civile et les communautés locales. L’appropriation, ce terme bien connu de la communauté du développement, reste souvent un concept bien abstrait. Or les projets qui nous ont été présentés sont des projets conçus par les Africains pour les Africains. Et la communauté des bailleurs le sait bien, car ils en ont fait un thème récurrent de leurs réunions sur l’efficacité de l’aide, ce sont ces projets-là qui ont les plus grandes chances de succès. Ce sont ces projets conçus au plus près des préoccupations des populations qui présentent le rapport coût-bénéfice le plus favorable et qui, dans le contexte budgétaire actuel, doivent être financés en priorité. C’est pour la France une conviction bien ancrée, qui découle des principes de la Déclaration de Paris et qui est désormais le fil directeur de notre politique de coopération.

Monsieur le Président,
Vous pouvez compter sur la France pour soutenir votre initiative et nous nous emploierons à mobiliser tous nos partenaires afin que chacun étudie de quelle manière il peut envisager aux projets qui nous ont été présentés. Je pense en particulier aux instances européennes où la France se mobilisera pour que les besoins des populations du bassin du Lac Tchad soient entendus, soient compris et soient traités. Il va de soi qu’il faudra que les bailleurs prennent le temps nécessaire pour étudier chacun des projets. Et si cet atelier de Marseille représente une avancée essentielle et, je crois, décisive, dans la mobilisation de la communauté des bailleurs, nous ne partons pas d’une feuille blanche. En particulier, la nécessité de procéder à des études détaillées sur les paramètres d’une gestion intégrée de la ressource en eau dans le bassin du Lac Tchad est indispensable. La France, à travers le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM) travaille sur ces questions depuis plusieurs années, et j’ai le plaisir d’annoncer qu’un projet d’étude important vient d’être finalisé. La convention pourra en être signée à l’issue de la réunion. Elle porte sur une première tranche de financement à hauteur de 800 000 euros sur un projet total de 12 millions d’euros, qui comporte également des aspects portant sur la gouvernance de l’eau et le renforcement des capacités de la Commission du basin du lac Tchad (CBLT).
À travers ce geste et la mise en oeœuvre du premier des projets présentés aujourd’hui, la France témoigne qu’elle croit en la sauvegarde du Lac Tchad. Elle indique qu’elle prend à cœur le sort des populations locales et qu’elle est persuadée que l’action conjuguée des pays de la région comme des acteurs internationaux sauvera ce trésor naturel, qui se trouve en Afrique mais qui appartient à l’humanité tout entière. Voici quelques années déjà, la France s’est mobilisée, afin que la forêt, en particulier les forêts africaines, soit considérée comme un bien public mondial essentiel au regard du réchauffement climatique et fasse l’objet d’un traitement privilégié au sein de la convention climat. Un tel discours paraissait utopique. Mais progressivement se sont mis en place des mécanismes innovants qui encouragent la préservation de la forêt et contribuent à améliorer les conditions de vie des populations locales. Face aux défis du développement et de l’environnement, l’utopie du moment est parfois le réalisme du futur. C’est tout le sens de notre engagement en faveur des financements innovants. C’est donc pourquoi je suis si optimiste sur le succès de la mobilisation autour du Lac Tchad.

Monsieur le Président,
Grâce à cet atelier de Marseille, vous ne présentez pas une utopie mais vous proposez une espérance. Vous pouvez comptez sur la France pour être à vos côtés, et je suis sûr que nos partenaires européens nous suivront. Je salue aussi la présence des institutions financières des pays arabes dont l’engagement en faveur du développement est bien connu et qui connaissent si bien les sujets de la lutte contre l’aridité et la désertification. La réunion de tous ces acteurs est le signe qu’au cours de ce 6ème Forum mondial de l’eau de Marseille, qui se veut le «forum des solutions», toutes les solutions ne seront peut-être pas trouvées pour régler la question de l’accès à l’eau dans le monde, mais qu’en Afrique, une espérance s’est levée pour le Lac Tchad, grâce à votre conviction, Monsieur le Président, et cette espérance, la France la soutient et la partage.
Je vous remercie.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 mars 2012