Texte intégral
Monsieur le Président de la République du Niger,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
C’est un grand plaisir pour moi de vous retrouver ici à Marseille lors de ce 6ème Forum mondial de l’eau, rendez-vous auquel je vous avais invité depuis Bamako, lors du forum sur la «solidarité pour l’eau dans les pays du bassin du Niger», qui s’y était tenu les 17 et 18 octobre dernier.
Cet événement a été un grand succès : un millier de participants venus du monde entier, la présence de quatre chefs d’État, de très nombreux ministres et des personnalités de haut niveau représentant les bailleurs et les organisations internationales.
Pourquoi le Bassin du Niger intéresse-t-il autant ?
D’abord, en raison des défis, qui restent immenses. Les neuf pays du Bassin du Niger comptent une population de 275 millions d’habitants, qui connaissent une très vive croissance démographique. Les besoins en matière d’accès à l’eau potable et à l’assainissement, mais aussi, ne l’oublions jamais, d’accès à la sécurité alimentaire, vont aller croissant, et ce de manière exponentielle, dans les prochaines années, alors que les besoins existants sont déjà considérables.
Dans cette région, les retards du continent africain au regard des Objectifs du Millénaire pour le Développement ne sont pas des seulement des statistiques, mais ce sont pour les populations des réalités quotidiennes douloureuses. Sans accès à une eau saine, comment améliorer la santé publique ? Sans accès facile à l’eau, comment libérer les femmes et les jeunes filles d’une corvée qui, pour être millénaire, n’en est pas moins insupportable ? Ces défis que connaît l’Afrique de l’Ouest avec une acuité particulière imposent la mobilisation de la communauté internationale, et bien sûr des Africains eux-mêmes.
C’est aussi une région où le lien entre environnement, développement et sécurité est une réalité tangible. Les conflits d’usage autour de l’eau ont vite fait d’aviver les tensions entre certains groupes de populations, dont ne manquent pas de profiter les extrémistes. En outre, là comme ailleurs sur le continent africain, les effets néfastes du changement climatique pèsent sur les populations, qui ont le sentiment que la croissance de certains pays se fait à leur détriment.
Mais le Bassin du Niger attire aussi l’attention par les réussites qui sont à l’uvre. Au premier rang de ces réussites, je tiens à saluer l’Autorité du Bassin du Niger, organe de coopération régionale qui a prouvé son rôle indispensable. La France a soutenu l’ABN dès l’origine. Nous croyons en effet que si l’eau est parfois facteur de conflit, c’est aussi un puissant facteur de paix et de coopération.
La France s’est orientée très tôt dans la gestion par bassin et s’est convaincue, après avoir expérimenté diverses solutions, que les découpages politiques ou administratifs n’étaient pas les plus pertinents pour la gestion partagée de l’eau. De plus, nous avons aussi compris, avec le temps, la nécessité d’associer l’ensemble des acteurs à la gestion de ce bien public.
Or, ce qui vaut au sein d’un pays vaut aussi au sein d’une région du monde. L’eau ne connaît pas les frontières, et si comme le dit Blaise Pascal les «rivières sont des chemins qui marchent», elles n’ont pas besoin des cartes dessinées par les hommes pour savoir où aller. C’est pourquoi la coopération régionale autour des cours d’eau transfrontaliers revêt de tels enjeux. C’est pour les pays un enjeu de paix, c’est pour leur population un enjeu de développement. C’est pour ces raisons que l’entrée en vigueur de la convention des Nations unies de 1997 doit être une priorité partagée par le plus grand nombre possible de pays.
Et je n’oublie pas non plus le rôle essentiel des cours d’eau dans la production d’électricité, alors que nous nous sommes mobilisés au sein du G20 autour de ces projets d’infrastructures dont le continent a si grand besoin.
La réunion de Bamako, organisée par la Fondation Chirac et accueillie par le président Amadou Toumani Toure, a permis des avancées significatives sur l’ensemble de ces questions. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des résultats de cette conférence, mais je voudrais en souligner quelques uns.
Tout d’abord, j’ai été très impressionné par la clarté des propos tenus sur les financements par les Africains. L’idée que les pays bénéficiaires de l’aide internationale apportent les financements initiaux aux projets qu’ils ont eux-mêmes conçus, en écoutant les besoins des populations locales, et en associant les bailleurs internationaux à des réalisations inscrits dans la réalité du terrain, a recueilli un large consensus. C’est une approche qui se situe dans la droite ligne des principes de la Déclaration de Paris, et je salue l’engagement des pays africains qui consacrent un part croissante de leurs budgets nationaux à l’accès à l’eau et à l’assainissement. Cela ne veut pas dire, bien au contraire, que l’aide internationale doive reculer. Comme vous le savez, la France, malgré la dureté des temps, a maintenu l’intégralité de son budget d’aide au développement. Nous consacrons chaque année des montants très importants, plus de 600 millions d’euros, à l’accès à l’eau et à l’assainissement. En outre, chacun connaît notre mobilisation en faveur des financements innovants pour le développement, et nous sommes fiers d’avoir été rejoint dans ce combat par nos partenaires africains, en particulier le Mali qui joue un rôle moteur sur ces questions.
L’eau est un secteur où, je crois, nous pouvons avancer rapidement à partir des dispositifs innovants qui existent déjà, en France avec la loi de 2005 qui permet aux collectivités et aux agences de l’eau d’affecter 1 % de leur budget à des projets de coopération portant sur l’eau, ou d’autres mécanismes tout aussi intéressants qui existent chez certains de nos voisins européens.
L’importance de la coopération décentralisée a été aussi soulignée lors de la réunion de Bamako. En tant qu’élu local moi-même, je suis sensible à cette forme de coopération qui prend particulièrement en compte les réalités et les besoins concrets des populations.
La question de la sécurité alimentaire a aussi été largement traitée. Malheureusement, depuis le mois d’octobre, les perspectives sur ce sujet restent très préoccupantes dans plusieurs régions du continent africain, en particulier au Sahel. La France se mobilise pour répondre aux crises de l’urgence, mais nous sommes persuadés qu’un travail de fond doit être mené entre les États de la région et les partenaires internationaux afin de faire reculer ce fléau insupportable de la faim et de la malnutrition. Des avancées que l’on ne pensait pas possibles ont été obtenues durant notre présidence du G20, portant notamment sur la constitution de stocks alimentaires. Mais à long terme, chacun voit bien que le lien entre les sujets de l’eau, de l’agriculture mais aussi de l’énergie sera déterminant pour répondre aux besoins des 2 milliards d’habitants que comptera le continent africain en 2050. Ce sont des sujets importants qui devront être traités lors du sommet de «Rio +20».
Face à ces défis, vous pouvez compter sur la France pour se tenir aux côtés de ses amis du Bassin du Niger. Nous vous aiderons, nous vous ferons bénéficier de notre expérience et de notre expertise dans certains domaines. Mais aussi, nous vous écouterons et nous apprendrons de vous, car le succès de la coopération régionale que vos pays mettent en uvre sous nos yeux, afin de gérer et partager l’eau, cette ressource si précieuse, est une grande leçon pour toute l’Afrique et je le crois, pour le monde.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 mars 2012