Déclaration de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur l'engagement des forces aériennes françaises dans le conflit du Kosovo, Mont-de-Marsan le 16 avril 1999.

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Circonstance : Visite de M. Richard au Centre d'Expériences aériennes militaires de la base de Mont-de-Marsan, le 16 avril 1999

Texte intégral

Messieurs les parlementaires,
Mesdames, Messieurs les élus
Monsieur le Préfet,
Mon Général,
Mesdames, Messieurs,
Au moment où nos forces armées sont engagées dans les Balkans, aux côtés de nos alliés, jai souhaité me rendre sur une base aérienne pour exprimer mon soutien et celui de la nation aux équipages, aux mécaniciens, aux contrôleurs, à toutes celles et à tous ceux qui participent, sur le théâtre ou à distance, à ces actions militaires et humanitaires.
La résolution de la crise du Kosovo est essentielle à plus dun titre. La sécurité de notre pays, et plus largement celle de lEurope, dépend de la stabilité dans les Balkans. Tolérer lépuration ethnique, la violation répétée des résolutions du Conseil de sécurité et du droit international, le mépris sanglant des droits de lhomme, nétait pas concevable. Voir sinstaurer de nouveau en Europe un modèle politique dapartheid, un modèle de ségrégation aux antipodes de nos valeurs démocratiques ne létait pas davantage.
Nos forces sont donc engagées, aux côtés de nos alliés, pour la sécurité de lEurope et pour le respect des droits fondamentaux de la personne humaine.
Ces deux fondements de notre engagement sinscrivent parfaitement dans le périmètre des valeurs que définissent lONU, lOSCE et lAlliance atlantique. Ces organisations ont joué, jouent ou joueront un rôle éminent dans la résolution de la crise. Ainsi, pour la première fois dans lhistoire, le Secrétaire général des Nations unies, M. Kofi Annan, a participé avant-hier au Conseil européen de Bruxelles consacré au Kosovo. Cest lillustration de la place quentendent occuper les Européens dans le traitement des crises qui les concernent.
Notre objectif fondamental demeure le règlement politique de la crise au Kosovo, règlement qui implique le droit pour tous de vivre en sécurité dans la province. Il est apparu, au terme de longs mois defforts diplomatiques - efforts que lobstination des autorités serbes à refuser tout compromis a rendu infructueux - que loption militaire devenait le meilleur moyen de parvenir à lobjectif que nous nous étions fixé. Cette option militaire se déroule dans la cohérence, étape par étape, avec ses contraintes nombreuses elles-mêmes liées à nos principes. Vous, militaires savez que ce nest jamais facile et que lemploi de la force exige sang-froid, ténacité et acceptation du rique.
Comme la indiqué hier le Premier Ministre au Sénat, lefficacité de cette option suppose une détermination sans faille, à laquelle les autorités françaises ne dérogeront pas. Cette détermination, je précise quelle est le fait dun Exécutif uni dans lépreuve, et conforté dans sa résolution par lengagement très clair de la représentation nationale et de la nette majorité de nos concitoyens.
Nous sommes aujourdhui engagés avec lAlliance atlantique, marquant ainsi notre convergence de vue avec ceux qui sont nos alliés depuis un demi-siècle. La France est, avec près de soixante avions, le premier contributeur européen en terme de moyens aériens. Nous participons à toutes les formes de missions conduites, de jour comme de nuit, par lensemble des alliés et nous navons pas à rougir des capacités de nos forces aériennes même si, à lévidence, certains appellent de leurs vux une présence européenne plus marquée à côté de nos amis américains.
On ne modifie pas les structures, les mentalités ou les perspectives en période de crise. Mais lon peut analyser avec lucidité les événements pour nourrir notre réflexion.
LEurope de la Défense, qui a connu une nouvelle accélération avec la déclaration de Saint-Malo en décembre dernier, progresse dans les esprits petit à petit. Pour y travailler méthodiquement et sans tapage depuis bientôt 2 ans, je me réjouis de ces nombreux signes dintérêt pour un projet qui bientôt réclamera aussi des actes.
A son niveau, avec ses moyens, larmée de lair sinscrit naturellement dans cette évolution. La coordination nécessaire à la planification des missions, le partage dune même connaissance des procédures, la recherche dune interopérabilité garante defficacité opérationnelle, lentraînement commun et aujourdhui lengagement sur le théâtre du Kosovo représentent bel et bien une avancée européenne sur le plan militaire.
Je souhaiterais maintenant développer deux points spécifiques sur lArmée de lAir française et sur ses missions, puisque nous sommes sur une base aérienne où la technologie la plus récente est adaptée à la réalité opérationnelle telle que la vivent vos camarades - cest le rôle du CEAM, le Centre dExpériences Aériennes Militaires.
Premier point : même sil ne saurait à lévidence tout régler, loutil aérien offre aux décideurs politiques, à la diplomatie, une souplesse demploi, une réactivité qui permet à celle-ci de toujours garder la maîtrise du processus. Contrairement à lautorité de Belgrade, les solutions radicales, la guerre totale que permet une situation de monopole du pouvoir na jamais été notre approche. Lobjectif de maîtrise de la violence, ancré dans nos valeurs démocratiques, reste pour nous fondamental, ce qui mamène à un second point.
Aussi terribles que soient les bombardements actuels, et les événements des derniers jours, aucun observateur sérieux ne contestera quune plus grande précision des frappes permet dépargner des populations civiles. Quittons un instant lactualité, et reportons-nous à lhistoire de ce siècle ! La technologie ne permet pas déviter toute atteinte à ces populations, mais cet objectif de maîtrise de la violence même si on ne lobtient pas entièrement fait honneur à nos démocraties.
Un dernier mot sur ce point : cet objectif de maîtrise de la violence contredit un autre objectif souhaitable, celui de la maîtrise du temps. Sil faut poursuivre pendant encore plusieurs semaines cette opération pour éviter des victimes civiles quentraînerait une action plus massive, et bien nous le ferons, mais jamais nous nemploierons les méthodes de déchaînement aveugle de la violence qui sont celles des autorités de Belgrade.
Mesdames, Messieurs les militaires, en étant directement ou indirectement engagés dans la gestion de la crise du Kosovo, vous participez à la construction dune Europe qui devient majeure, et qui nhésite plus à affirmer ses valeurs démocratiques. Vous uvrez aussi pour la paix et les droits de lhomme, qui sont au fondement de nos démocraties.
Je salue votre engagement dans cette action, et vous assure la cohésion des autorités politiques derrière vous. A travers cet engagement, vous concourrez à la mise en uvre dune armée de lair opérationnelle, apte à remplir les missions qui lui sont données.
Un dernier mot ira aux familles de tous les soldats des trois armées engagées dans lopération en cours, à qui jadresse un message de soutien et de réconfort.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http ://www.defense.gouv.fr, le 27 avril 1999)