Extraits de l'entretien de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes, avec "I-Télé" le 7 mars 2012, sur les sujets d'actualité internationale, l'élection américaine, le nucléaire iranien, la recherche d'un plan de paix israélo-palestinien, l'élection de Vladimir Poutine en Russie et l'appel à l'union de l'opposition syrienne.

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Q - Aux États-Unis Mitt Romney semble faire la différence dans le camp républicain. Cela promet-il un durcissement des États-Unis ?
R - C’est probable. Je ne vais pas me prononcer sur le choix des Américains, je vais seulement souligner combien les campagnes électorales là-bas sont violentes. Le poids que joue l’argent et les clivages idéologiques sont très forts aux États-Unis.
Q - Si M. Obama est battu, le risque de guerre avec l’Iran sera fort…
R - N’anticipons pas. Comme l’a dit le président de la République, nous avons d’excellentes relations avec le président Obama et je pense que sa diplomatie est à la fois courageuse et tout à fait cohérente avec ce que nous essayons de faire nous-mêmes.
Q - Le dialogue ONU-Iran va peut-être reprendre sur le contrôle… Vous êtes sceptique ?
R - Oui, je suis un peu sceptique. Quand on regarde la farce constituée par les élections en Iran, le succès de ce qu’on appelle les conservateurs, on finit par considérer qu’Ahmadinejad est un modéré ou un libéral. Je crois que l’Iran continue à tenir un double langage et c’est la raison pour laquelle il faut que nous restions extrêmement fermes sur les sanctions que nous avons prises et qui sont, de mon point de vue, la meilleure manière d’éviter une option militaire qui pourrait avoir des conséquences incalculables.
Q - Est-ce qu’Israël n’est pas déjà déterminé à mettre en œuvre l’option militaire ? À frapper ?
R - Je pense qu’il y a encore un débat en Israël et je crois que notre responsabilité c’est d’attirer l’attention d’Israël sur ce que j’ai appelé les conséquences incalculables d’un tel geste.
Q - Le président Sarkozy a annoncé hier que s’il était réélu, il prendrait une initiative pour que 2012 soit l’année de la paix au Proche-Orient. Quelle initiative ?
R - Il a déjà fait beaucoup pour cela. Je vous rappelle qu’il a pris l’année dernière, à l’Assemblée générale des Nations unies, une initiative forte en disant : «Commençons à reconnaître aux Palestiniens un statut d’État observateur». Nous l’avons concrétisée en votant pour l’entrée de l’Autorité palestinienne à l’UNESCO. Le moment venu, il réitèrera cette initiative pour que les Palestiniens et les Israéliens se remettent autour de la table ; c’est notre objectif. Il n’y a pas d’autre solution que des négociations directes aboutissant à la création d’un État de Palestine coexistant en paix et en sécurité avec l’État d’Israël.
Je rappelle aussi que le président de la République a toujours dit que, pour nous, la sécurité d’Israël était un point absolument essentiel et que nous serions toujours aux côtés d’Israël si sa sécurité était menacée.
Q - En Russie, considérez-vous que Vladimir Poutine est légitime ?
R - Les élections se sont déroulées dans des conditions critiquables et, d’ailleurs, les observateurs internationaux les ont critiquées. Il n’en reste pas moins que, malgré ces imperfections, l’élection de M. Poutine n’est pas à remettre en cause. Aujourd’hui, c’est donc notre interlocuteur et vous savez que nous avons intérêt à développer avec la Russie un partenariat stratégique comme le fait l’ensemble de l’Union européenne.
Q - La rébellion syrienne est très divisée, elle se déchire même. Est-ce que cela n’empêche pas toute action internationale ?
R - Hélas ! Nous ne cessons de dire à l’opposition syrienne que si elle ne se regroupe pas, si elle n’associe pas toutes les tendances de la société syrienne - les chrétiens, les alaouites, les sunnites, etc. - elle ne gagnera pas. C’est vraiment un acte de survie. Regardez ce qui s’est passé en Libye : si le Conseil national de transition a fini par s’imposer, c’est parce qu’il était uni. J’appelle donc l’opposition syrienne à s’unir et nous sommes prêts à l’y aider.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 mars 2012