Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur le bilan de la loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités et de l'opération Campus, notamment en Lorraine, à Nancy le 15 mars 2012.

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Circonstance : Inauguration du Biopôle de Nancy, «pôle de recherche fondamentale en biologie» à l'université Henri-Poincaré, à Nancy le 15 mars 2012

Texte intégral

Je crois que nous pouvons tous être fiers d'inaugurer ce Biopôle de Nancy, un grand projet de recherche commun au CNRS et à l'université de Lorraine. Ce pôle de recherche fondamentale en biologie a vocation à avoir une visibilité mondiale.
Il est le symbole d'une Lorraine qui ne baisse pas les bras.
Et je voudrais vous dire combien j'ai le sentiment parmi vous, de retrouver une terre d'avenir qui croit au progrès, et combien je ressens auprès des chercheurs et des universitaires cette confiance si vitale dans la force de l'esprit ; cette force sans laquelle notre pays ne serait pas ce qu'il est.
Cette initiative, c'est d'abord la preuve que les acteurs d'un territoire lorsqu'ils se réunissent, peuvent porter un vrai projet d'envergure.
Ce Biopôle est financé par l'Etat, le conseil général, le conseil régional, l'université Henri Poincaré, la communauté urbaine du Grand Nancy. Bref, ce projet c'est celui d'abord du rassemblement, du rassemblement des institutions et du rassemblement des talents.
Le Biopôle va regrouper sur un même campus l'ensemble des équipes de recherche du domaine Biologie Santé de l'université de Lorraine et du CNRS.
Ce Biopôle s'inscrit dans un projet scientifique plus vaste de regroupement de l'ensemble de la biologie et de la santé sur un même site.
Toutes les institutions parties prenantes à ce projet pourront mutualiser leurs équipements, soutenues dans le cadre de l'opération Campus à hauteur de 67 millions d'euros. Des synergies vont apparaître dans l'interdisciplinarité qui caractérise ce projet, et dans l'émergence d'une approche intégrée alliant le développement des connaissances fondamentales et la recherche d'innovations en matière de thérapie et de diagnostic.
Le Biopôle va faire progresser les connaissances sur les mécanismes du Vivant. Elles permettront le développement de nouvelles thérapeutiques. Dans les laboratoires et les plateformes d'analyse que nous venons de visiter rapidement, elles feront émerger de nouvelles réponses dans le domaine des maladies ostéo-articulaires ou dans les pathologies d'origine génétique ou infectieuse.
Ce projet au fond, il est à l'image de l'effort que nous avons engagé pour nos universités et pour notre recherche.
Avec la loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités, nous avons recherché un objectif : donner aux acteurs les moyens de porter leur propre développement. Donner aux acteurs les moyens de conduire leur propre stratégie d'innovation. Cette stratégie s'incarne dans un véritable projet d'établissement ou dans le choix d'une fusion, comme c'est le cas pour les universités lorraines.
Je veux dire combien je suis frappé et heureux de voir avec quelle rapidité et avec quel engouement les responsables de nos universités se sont emparés de cette liberté, ce sont emparés de cette réforme.
On a tellement dit par le passé que tout était bloqué, que les conservatismes gelaient les initiatives, et c'est vrai que nous avons sans doute beaucoup trop tardé à rénover la loi de 1984. Il est vrai aussi que nous avons perdu du terrain, nous avons perdu des places dans les classements internationaux.
Mais en même temps, on voit qu'une fois que les choses sont enclenchées, une fois que les blocages sont levés, alors l'université française montre sa capacité de s'élancer dans une nouvelle aventure. Et je pense que c'est une leçon pour tous ceux qui pensent que notre pays n'a pas ou n'a plus l'énergie de se réinventer.
Cette réforme s'est accompagnée d'engagements budgétaires qui ont été à la hauteur de nos ambitions. Nous avons augmenté le financement des établissements d'enseignement supérieur de plus de 20 % entre 2007 et 2012. Malgré une crise d'une gravité extrême, malgré la nécessité de réduire nos déficits budgétaires, nous n'avons à aucun moment relâché nos efforts s'agissant de cette priorité donnée à l'enseignement supérieur et à la recherche.
Avec l'opération Campus, nous avons lancé, avec Laurent Wauquiez, un plan de grande ampleur pour mobiliser l'immobilier universitaire et construire de véritables campus. Et nous avons décidé de consacrer à cette initiative 5 milliards d'euros, à ce qu'on a appelé les campus d'excellence.
Cet effort a été ensuite démultiplié par le lancement du programme d'Investissements d'avenir, 35 milliards d'euros, dont plus de 20 milliards consacrés à l'enseignement supérieur et la recherche. Ces chiffres montrent que la nation française croit toujours au pouvoir de l'intelligence. Ces chiffres témoignent de notre détermination à gagner la bataille de la «matière grise» qui est à la source de l'attractivité et de la compétitivité de la France.
La Lorraine s'est totalement engagée dans cette bataille. L'université de Lorraine est en effet le fruit d'une des premières fusions institutionnelles réalisées après la loi de 2007. Créée en janvier 2012, elle rassemble les deux universités de Nancy, celle de Metz et l'Institut national polytechnique de Lorraine. Ce projet d'une unique Université de Lorraine rassemble aujourd'hui plus de 50 000 étudiants, 6 500 enseignants et personnels administratifs. Elle couvre l'ensemble des domaines scientifiques, elle inclut 45 composantes, dont 10 écoles d'ingénieurs et 8 IUT.
Ce projet a fait tomber des barrières qui séparaient depuis beaucoup trop longtemps les universités des grandes écoles avec je pense, ici, la première fusion entre universités et école d'ingénieurs. Vous avez fait le choix d'unir vos forces sous une même bannière, pour être plus puissants, pour être plus rayonnants. Et je pense que déjà l'Europe vous regarde d'un œil différent.
Le Gouvernement a accompagné ce mouvement qui anime la Lorraine. Nous avons décidé de financer le campus de l'université de Lorraine dans le cadre de l'opération Campus, au-delà des 10 campus sélectionnés. Nous y avons engagé 90 millions d'euros. Je veux rappeler que cette opération Campus portée par le Gouvernement a été fortement soutenue par les collectivités territoriales, qui ont souhaité contribuer au développement et au rayonnement du territoire lorrain.
Encore une fois, cette modernisation nous la réalisons tous ensemble. Quelles que soient nos sensibilités, quels que soient les intérêts des uns et des autres. Nous avons sur des opérations comme celle-là, je crois, fait la démonstration que notre pays pouvait se rassembler lorsqu'il s'agissait de l'essentiel et en l'occurrence, de son avenir.
En septembre dernier, la signature de la convention Campus du site lorrain a réuni l'Université de Lorraine, le Crous, la région, les deux départements, la communauté urbaine du Grand Nancy, l'agglomération de Metz Métropole. Cette opération Campus de Lorraine touche le pôle biologie santé à Nancy et le pôle gestion-management en centre ville, qui bénéficiera aussi au pôle droit-économie. Elle va permettre de structurer le domaine des mathématiques, de l'informatique et de la mécanique autour du pôle Sciences-technologies-management ou avec la création d'un institut des sciences de l'homme et de la société à Metz.
L'opération Campus de Lorraine, c'est vraiment l'émergence d'un véritable centre de vie étudiante sur les campus de Nancy et de Metz, avec la construction et la rénovation de logements étudiants, avec l'extension d'un restaurant universitaire. Le grand projet Artem, qui regroupe sur le même site plusieurs écoles supérieures va favoriser un brassage inter-disciplinaire entre l'art, les technologies, le management, au côté de l'Institut Jean Lamour dont Laurent Wauquiez a posé tout à l'heure, avec plusieurs d'entre vous, la première pierre.
L'excellence scientifique de la Lorraine a été récompensée par les belles réussites que vous avez obtenues dans le cadre des Investissements d'avenir.
16 projets ont été distingués dans le cadre des appels à projets, en tout cas, ceux concernant l'enseignement supérieur et la recherche, pour un montant total de 264 millions d'euros. Il s'agit de 4 Equipex, - on ne peut pas s'empêcher là de retomber dans des langages technocratiques -, 8 Labex, 3 infrastructures nationales en biologie-santé, et un institut de recherche technologique.
Avec ces 8 laboratoires d'excellence, les chercheurs vont bénéficier d'un investissement total de près de 70 millions d'euros. Ce sont les atouts de la Lorraine qui sont ainsi distingués.
Je pense à deux laboratoires portés par l'Université de Lorraine, qui montrent combien la gestion environnementale des ressources se trouve au cœur des préoccupations des acteurs de la région. Dans le domaine des matériaux, le laboratoire Damas doté de 7,5 millions d'euros, va développer de nouveaux alliages métalliques. Cette labellisation conforte les résultats obtenus dans ce domaine par la Lorraine lors de la première vague d'appels à projets, avec le labex "Ressources 21", la création de l'Institut de recherche technologique de niveau mondial sur les matériaux qu'on appelle "M2P", doté lui-même de 120 millions d'euros. A travers ce beau projet d'Institut de recherche technologique, la Lorraine s'appuie sur son savoir-faire dans le domaine des matériaux et de la métallurgie pour se projeter dans l'industrie de demain. La gestion environnementale sera aussi favorisée par la labellisation du laboratoire Arbre doté de 7,5 millions d'euros, dont les travaux portent sur les écosystèmes forestiers.
Enfin du côté des équipements d'excellence, parmi les nouveaux équipements retenus, je veux noter l'Equipex Ortolang porté par l'université de Lorraine et qui concerne cette fois les sciences humaines. Cette infrastructure en réseau va permettre la mutualisation de données littéraires et le développement de nouveaux outils sur la langue.
Nancy est également, cher André Rossinot, partenaire de 5 projets en réseau d'initiatives d'excellence en formations innovantes.
Je veux enfin évoquer le projet Istex porté par l'université de Lorraine, qui est une initiative nationale en information scientifique et technique, ouverte à toutes les universités de France et dotée de 60 millions d'euros.
Tous ces résultats aux appels à projets des Investissements d'avenir montrent qu'une dynamique lorraine est lancée, que cette dynamique est reconnue. Je sais que malgré tous ces succès, vous éprouvez de la déception à ne pas avoir été retenus lors du dernier appel à projets des Initiatives d'excellence, après votre pré-sélection. Je le comprends bien. Mais je veux dire que le jury international des Idex a salué votre formidable potentiel et vos atouts scientifiques.
L'Etat a depuis longtemps reconnu la valeur de l'Enseignement supérieur et de la Recherche à Nancy. Nous continuerons à travailler avec vous. Nous élaborerons un contrat de site avec les organismes de recherche présents sur le site que sont le CNRS et l'Inserm. Nous continuerons à soutenir les projets lorrains pour que votre dynamique se poursuive.
Voilà, Mesdames et Messieurs.
Je voudrais à travers l'exemple de ce que nous venons d'inaugurer, simplement conclure en mettant le doigt sur cette espèce de révolution culturelle qui est en train de s'emparer de l'ensemble de notre système d'enseignement supérieur et de recherche.
Aujourd'hui les initiatives foisonnent.
Aujourd'hui, la difficulté pour le Gouvernement c'est de gérer la déception lorsqu'un jury n'a pas retenu un projet.
Aujourd'hui, personne ne se pose plus la question de savoir si c'est normal qu'une université travaille avec une grande école.
Aujourd'hui, personne ne se pose plus la question de savoir si c'est normal que des organismes de recherche, les grandes écoles, les universités, les entreprises constituent ensemble de grands pôles de recherche qui ont une grande visibilité européenne et internationale.
C'est j'allais dire, presque miraculeux quand on sait d'où on vient.
Il se trouve qu'il y a très longtemps j'ai eu l'honneur d'être ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. J'avais fait une petite tentative pour faire en sorte qu'on puisse faire des expérimentations dans des universités, ce qui était beaucoup moins ambitieux que ce qu'on est en train de faire en ce moment ; simplement des expérimentations.
Mais le Conseil constitutionnel m'avait annulé en totalité cette réforme, en disant qu'elle allait introduire des inégalités entre les établissements et des inégalités entre les étudiants.
Nous voyons bien que c'était une logique qui était une logique qui était contraire à l'esprit même de l'université, à l'esprit de l'excellence.
A cet esprit de compétition pour l'intelligence, pour le développement de la connaissance qui ne peut pas se satisfaire d'une simple règle d'égalité. Je crois que nous avons vraiment franchi une étape très importante. Bien entendu, il y a encore énormément d'investissements à faire, de réformes à poursuivre, de textes à modifier pour améliorer les choses.
Mais il me semble qu'aujourd'hui personne ne peut plus dire que l'université et la recherche française sont bridées par des statuts et par des textes archaïques qui ne correspondent pas ou qui ne correspondaient pas à leurs besoins.
Alors maintenant c'est à vous de vous saisir de toutes ces libertés.
C'est à vous de présenter de meilleurs projets.
En tout cas c'était pour moi un plaisir que vous n'imaginez sans doute que de constater ici, en Lorraine, combien les choses ont changé et combien les universités françaises, la recherche française sont désormais en tout cas s'agissant de leur organisation, à armes égales pour affronter une compétition qui n'est pas une compétition économique, qui est une compétition simplement pour la place de notre pays, pour son rayonnement et pour notre participation à la recherche permanente sur la connaissance.
Je vous remercie.
Source http://www.gouvernement.fr, le 16 mars 2012