Texte intégral
En premier lieu, je tiens à vous remercier pour votre accueil chaleureux et généreux en cette journée un peu particulière que je suis très heureuse de passer en votre sein.
Cette journée est en effet importante et, dune certaine manière, exceptionnelle. Non pas seulement en raison de sa date, rare, quest le 29 février. Mais surtout parce que nous voyons, aujourdhui, laboutissement dun travail de longue haleine, de plus de 8 mois, qui a accompagné lélaboration du plan de santé mentale et psychiatrie 2011-2015.
Ces 8 mois de travail ont permis à Xavier Bertrand, Nora Berra, et moi-même de faire vivre une vraie réflexion sur la place de la santé mentale dans notre société et celle de demain. Une réflexion qui a rassemblé tous les acteurs du champ sanitaires et médico-social, les professionnels comme les représentants des usagers et des familles, ainsi que des sociétés savantes. Une réflexion qui a permis de redéfinir les objectifs partagés que nous nous donnons pour que les personnes qui vivent avec des troubles psychiques aient tous accès à un soin de qualité et trouvent leur place dans la société, quels que soient leur âge, leur situation sociale, leur adresse.
Depuis 2005, un certain nombre dactions en direction de la psychiatrie et des personnes vivant avec des troubles psychiques avaient été menées. Cétait dans le cadre du plan santé mentale 2005-2008 mais aussi des programmes de création de places dans les établissements et services médico-sociaux rendus possibles par la reconnaissance du handicap psychique dans la loi handicap.
Toutefois, nous avions besoin, après les nombreux rapports et évaluations, de ce temps de dialogue et de concertation pour redonner une dynamique à une politique si difficile à faire vivre tous les jours. Dans un contexte marqué parfois par la confusion et la méconnaissance des rôles de chacun, la société française avait elle aussi besoin de trouver des repères pour se mobiliser autour des enjeux de la santé mentale.
Les objectifs sur lesquels nous avons convergé, ils entrent singulièrement en résonance avec ceux qui animent laction de la société parisienne daide en santé mentale.
En effet, dès 1959 la SPASM a proposé une démarche visionnaire aux personnes vivant avec des troubles psychiques : un lieu daccueil organisé sur une conception liant le sanitaire et le social, cest-à-dire combinant le soin et la vie avec. A partir de là, et votre film lillustre très bien, vous avez construit une palette de lieux et programmes (que vous appelez unités) qui viennent répondre aux besoins de la personne afin « que saméliore sa santé, sa qualité de vie et son expérience sociale et professionnelle ». Ce sont dans ces termes que vous définissez votre mission.
Cest cette même ligne directrice qui a guidé ma réflexion tout au long du dialogue sur le plan psychiatrie et santé mentale à venir : permettre à nos compatriotes vivant des troubles psychiques handicapant de trouver ou retrouver une place dans la société, un projet de vie, du sens au soin. Ce projet, nous avions déjà commencé à le dessiner dans la grande loi sur le Handicap de 2005 que jai eu lhonneur de porter et que jai continué à mobiliser pour cette nouvelle politique de psychiatrie et santé mentale, rappelant sans cesse limportance de la citoyenneté et de la participation sociale.
Construit autour de la prévention des ruptures en tous genres qui affaiblissent nos dispositifs de réponse aux troubles psychiques, le plan psychiatrie et santé mentale 2011-2015 renvoie aux deux enjeux consubstantiels, si je puis dire, de ces politiques.
Il sagit tout dabord, de lenjeu de santé publique pointé par lOrganisation mondiale de la santé. Celle-ci considère que 5 des 10 pathologies les plus préoccupantes au 21e siècle concernent la psychiatrie. Face à cet enjeu, prévention et accès à des soins de qualité partout et pour tous sont une exigence. Cela nécessite de sinquiéter des phénomènes daddiction et de toxicomanie, tout comme cela suppose de bien sorganiser en sappuyant notamment sur le secteur pour répondre dans la plus grande proximité aux besoins de soin. Lobjectif est déviter la souffrance psychique, réduire les comportements à risque, et tout faire pour que létat de santé se dégrade le moins possible. Lamélioration de laccès aux soins doit commencer dès les urgences car cest souvent dans lurgence que le besoin daide sexprime, pour les personnes concernées comme pour les familles désemparées.
Mais les troubles psychiques posent également un défi à notre cohésion sociale. Lisolement et lexclusion guettent trop souvent nos compatriotes atteints de troubles psychiques graves. Trop souvent ces pathologies mènent à la rue : 1/3 des personnes sans-abri ont une pathologie psychiatrique grave. _ Les pathologies psychiatriques sont la première cause dinvalidité et la deuxième cause des arrêts de travail de longue durée. On compte ainsi 60% de chômeurs parmi les personnes handicapées psychiques.
Et puis, il y a toute lexclusion « symbolique » que lon subit parfois avec la honte de parler de sa maladie ou de son handicap, avec les discriminations dont sont victimes en silence les personnes et leur entourage du fait de représentations négatives de ces troubles.
Ces constats nous alarment sur des situations individuelles et familiales parfois dramatiques et sur les dommages collatéraux sur la société toute entière : par exemple on estime à 22,8 Md les pertes de production liées à ces maladies, par compensation de revenus et absence de contribution au PIB.
La prise en compte des implications sociales des troubles psychiques et du handicap qui leur est lié nous oblige à une véritable inflexion dans la conduite de nos politiques. Il sagit dintégrer pleinement les enjeux de participation sociale et de citoyenneté portés par la loi du 11 février 2005 à lorganisation des soins. Cette inflexion, elle préfigure ladaptation de notre système de santé pour répondre au défi de la chronicité.
En effet, pour ces maladies au long cours, si le soin et les capacités dhospitalisation sont à lévidence des questions centrales, le soin ne peut être une fin en soi. Pour ces maladies, lefficacité du soin se mesure à la vie quil permet de retrouver.
Cest pourquoi le logement, lemploi, la vie sociale sont des parties intégrantes du plan, en tant quils sont des leviers de la citoyenneté et de la dignité des personnes. Je suis par ailleurs convaincue que ce sont des leviers du rétablissement. Car sans projet ni perspective de vivre, quelle volonté est assez forte pour franchir patiemment toutes les étapes du soin dans la durée ?
Cest par le renforcement des droits, par le développement dun véritable accompagnement social et médico-social et par linvention et le déploiement de solutions alternatives à des hospitalisations souvent inadaptées, que nous redonnerons à ces personnes leur place dans notre destin commun en leur permettant tout simplement la vie quand même, la vie « avec » la maladie.
Ces principes dictent lorganisation à mettre en place : lhôpital ne peut plus être à la fois le réceptacle et le responsable de la réponse à lensemble des besoins individuels de soin, daccompagnement, de suivi, de prévention et de réinsertion sociale et professionnelle des personnes nécessitant des soins en psychiatrie. Cest cher et inefficace. Nous devons ainsi mieux coordonner laction des différents acteurs et la complémentarité des interventions pour favoriser un recours plus efficace aux moyens disponibles, souvent nombreux et divers mais pas toujours efficients et coordonnés.
Ces principes dorganisation, il reviendra aux agences régionales de santé, de les décliner. Il est désormais derrière nous temps où le national imposait les réponses sur lensemble du territoire. Face à un problème complexe, la réponse nest pas dans la diffusion de solutions clé en mains. Ce plan propose au niveau national des lignes directrices fortes, des priorités daction claires, des consignes dorganisation, et passe le relais aux acteurs de terrain pour les traduire dans leurs réalités locales et déployer ainsi sur lensemble du territoire des réponses sanitaires, médico-sociales et sociales cohérentes et efficientes. Ce sont donc 26 programmes régionaux psychiatrie et santé mentale qui permettront, dès juillet 2012, la mise en uvre opérationnelle de cette politique.
Ce plan nouvelle génération a donc ceci dinnovant quil met en uvre lesprit de la réforme portée par la loi Hôpital Patients Santé et Territoires.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.solidarite.gouv.fr, le 13 mars 2012