Déclaration de M. François Hollande, député PS et candidat à l'élection présidentielle, sur la nécessité de rassembler la gauche dès le premier tour, sur la fonction de président de la République et sur ses priorités gouvernementales, Blois le 3 avril 2012.

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Texte intégral

Mes chers amis, Mesdames, Messieurs, je suis heureux de retrouver Blois sous la direction de Marc. Et comme j’étais venu il y a maintenant plus de quatre ans lui apporter mon soutien pour permettre l’alternance ici à Blois, c’est à mon tour de vous demander votre soutien pour permettre l’alternance en France.
Christophe Degruelle nous a à la fois fait une leçon d’histoire, et en même temps donné des informations précieuses : il n’y aurait donc plus personne à l’Elysée… Mais entre le vide et le plein, il y a une élection présidentielle. Le moment arrive, le choix approche. C’est vous qui allez décider. C’est dans les derniers jours d’une campagne que se détermine l’avenir d’une Nation. Je suis en mouvement. Mais en même temps, rien n’est joué, rien n’est fait, rien n’est décidé. Ce sont les citoyens qui vont, à un moment, prendre la responsabilité de continuer — il y en a qui y pensent — avec le président sortant, ou décider de changer. Et moi, je veux vous appeler à changer.
C’est dans ces derniers instants qu’en définitive, un pays change de destin ; ce qui fait une intention, l’envie, le désir de connaître un autre avenir, et la décision un dimanche, le 22 avril — parce que c’est le premier dimanche qui compte — d’aller choisir le bulletin qui va faire la victoire. C’est tout le sens de ma campagne de ces dernières semaines. Il ne reste pas trop de jours. Parfois, on me dit : « La campagne est longue ». Moi, j’ai tout mon temps ! Mais en même temps, il faut bien qu’à un moment, les Français décident.
J’en connais qui, encore, doutent, s’interrogent : « Faut-il venir voter le 22 avril ? Pourquoi ne pas attendre le second tour, puisqu’il est déjà dit, prévu, que ce sera forcément entre le candidat sortant et moi-même que le débat se fera ? ». Qui le sait, qui peut le dire ? Avez-vous — en tout cas moi, je l’ai — à l’esprit le souvenir d’un 21 avril 2002 où, là encore, sondage après sondage, impression après impression, les Français pensaient que c’était déjà joué, que ça se ferait nécessairement au second tour ? Et puis la violence de l’annonce, la brutalité de ce résultat de premier tour, le 21 avril, quand on apprend que la Gauche a été écartée et qu’il nous faut, terrible choix, écarter l’extrême droite et voter pour le seul candidat qui reste de la République.
Mais moi, j’en ai gardé la mémoire, le souvenir, la blessure. Et je sais que pour cette fois-ci, il peut encore y avoir des tentations : ne pas venir voter, aller se disperser. C’est d’ailleurs ce qu’espère la Droite. Elle connaît bien sa situation. Le candidat sortant sait qu’il n’est pas populaire. Il a dû être informé ! Quand il circule, il a bien des retours — encore que ce n’est pas sûr, parce que chaque fois qu’il se déplace, les villes sont bouclées, les barrières installées. Et quand il voit des manifestants, il croit que c’est nous qui les envoyons. Nous n’y sommes pour rien ! Et quand des syndicats protestent, vous avez vu, il voudrait même les remplacer ! Donc, le seul espoir qu’il peut avoir, c’est que la colère, la frustration, le mécontentement se traduisent ou par l’abstention, ou par la dispersion.
Je l’entendais ce matin dire du bien du candidat du Front de Gauche. Il n’y est pour rien, Jean-Luc Mélenchon. Mais Nicolas Sarkozy n’avait pas assez de compliments à lui adresser. Il trouvait ses propositions formidables. Il trouvait qu’il faisait une bonne campagne — enfin, Jean-Luc Mélenchon ! Il trouvait qu’en définitive, les Français devaient se porter sur lui. Mais pourquoi tant de compliments ? A un moment, je me suis dit : « Mais il va peut-être appeler à voter pour le Front de Gauche ? ». Nous avons compris, autant de compliments traduisent une volonté, celle de disperser la Gauche. Moi, je respecte les autres candidatures à Gauche. Il est bien qu’il y ait toutes les familles représentées. Encore que la Droite n’a pas ce genre de pudeur ou de pluralisme. A Droite, ils se sont organisés pour présenter un seul candidat — quand je dis qu’ils se sont organisés, c’est que le candidat n’a pas laissé d’autres candidatures apparaître ! De gré, de force, ils se sont ralliés…
Mais nous, nous sommes dans cette situation. Et en même temps, je préfère vous dire la vérité : nous avons besoin d’avoir la force dès le premier tour, la dynamique, le mouvement, l’envie de victoire. Parce que c’est au premier tour que s’engagera, à ce moment-là, un processus irréversible. Ou au contraire, si nous nous sommes laissés aller, une autre campagne démarrera au lendemain du 22 avril. Alors soyons simples : la confrontation est entre la Gauche et la Droite. C’est un choix important pour la France de savoir quel sera son destin pour les cinq ans qui viennent, quelle sera la conception de l’Etat, quelle sera la part de la solidarité, que sera, aussi, ce qui relèvera de la cohésion nationale, des services publics, de la capacité à vivre ensemble.
C’est un choix important aussi pour l’Europe qui nous regarde, qui nous espère, qui se dit : « Ce n’est quand même pas possible d’avoir de l’austérité pour toujours, nous, Européens, qui avons voulu un espace de paix — c’est fait — mais aussi un espace de croissance ». Et beaucoup d’Européens espèrent notre victoire pour changer la direction de l’Europe. Jamais peut-être une élection en France n’aura eu une aussi grande portée pour l’ensemble de notre continent. Faites-en aussi la preuve, montrant que les Français sont capables de donner une autre ambition pour l’Europe !
Nous sommes dans un contexte exceptionnel, c’est vrai : la crise, crise européenne, sentiment d’impuissance. Beaucoup doutent. Nous devons les lever, ces doutes. Nous devons montrer que nous sommes plus forts que les marchés et que nous pouvons dominer les forces de la finance. C’est tout l’enjeu de cette élection présidentielle.
J’étais à Tours et je rappelais à celles et ceux, nombreux comme vous ce soir, qui m’écoutaient ; je leur disais : moi, je suis sérieusement de gauche, mais je suis pour une Gauche sérieuse, une Gauche qui ne peut pas décevoir mais une Gauche qui doit gagner. Parce que, rendez-vous compte si nous ne gagnons pas, vous imaginez ? Vous voyez les risques ? Vous n’en voulez pas ? Je n’ai pas besoin d’aller plus loin dans ma démonstration ? Vous imaginez les dégâts ? Vous les connaissez déjà ! Donc, ça n’ira pas plus loin, ça s’arrêtera le 6 mai !
Ce qui est en jeu, ce sont deux visions de la France entre la Droite et la Gauche, deux conceptions de la République. Le prochain président devra travailler avec toutes les forces vives, fixer la direction, montrer un respect des engagements — ça nous changera ! Mais il devra aussi être capable de faire vivre la communauté nationale avec ses élus, les villes, les départements, les régions, les territoires. Nous en avons besoin. Le prochain président devra également respecter les partenaires sociaux, les organisations professionnelles, les syndicats. Quand j’entends le candidat sortant attaquer les syndicats, j’entends surtout le président sortant attaquer les salariés ! Et c’est ce qui se prépare si nous n’y mettons pas bon ordre.
Et le voilà qui promet des référendums sur tous sujets. Consulter le peuple est plutôt une bonne approche. Que ne l’a-t-il fait, d’ailleurs, depuis cinq ans ? Avait-il consulté le peuple sur les retraites, sur le traité européen, sur les franchises médicales ? Et maintenant, ça le prend. Il veut consulter le peuple sur les étrangers, sur les chômeurs qui ne travailleraient pas — comme si les chômeurs étaient responsables de leur situation ! Ceux qui sont responsables du chômage, ce ne sont pas les chômeurs, ce sont ceux qui dirigent le pays ! Voilà même qu’il annonce un référendum si les élus locaux ne mettent pas leur gestion en bon ordre comme — comme si c’étaient les finances locales qui étaient déséquilibrées, alors que c’est l’Etat qui a aggravé la dette publique depuis cinq ans !
Eh bien moi, je conteste cette vision. La France doit être unie dans ce moment si difficile. Et demain, je serai le président qui rassemblera les Français, qui les mobilisera sur un grand objectif, qui demandera le concours de toutes les forces vives, les élus des territoires, les citoyens engagés dans les associations. Heureusement qu’ils sont là, ces bénévoles de tous les jours, ces républicains anonymes qui font que nos villes, nos quartiers peuvent encore tenir malgré les épreuves et les chocs !
Je travaillerai avec les syndicats et même avec le patronat — c’est vous dire ! J’ai compris qu’il n’était pas en notre faveur, qu’il soutenait le candidat sortant. C’est le bien le droit de ce syndicat patronal, soutenir un « candidat du peuple » comme il se prétend… Mais nous, nous devons travailler avec tous. Nous avons besoin des entreprises, nous avons besoin d’investissement, nous avons besoin des syndicats.
Nous avons besoin de confiance, tout simplement de confiance. Voilà le mot que je veux prononcer devant vous, ce beau mot qui permet de donner du sens à la politique. Parce que la politique doit montrer qu’elle peut agir. Parce que la République a des valeurs qui peuvent servir de levier. Parce que nous avons des atouts considérables dans notre pays, atouts économiques, atouts culturels, les services publics, mais aussi cette jeunesse sur laquelle je veux m’appuyer, ou plus exactement cette jeunesse à qui il faut faire confiance pour demain.
Le rôle d’un chef, ce n’est pas d’être chef de tout, c’est d’être chef d’Etat. Etre chef de l’Etat, ce n’est pas être chef de la majorité — il y a un premier ministre, qui ne peut pas être un collaborateur. Ce n’est pas être chef de parti. Ce n’est pas être chef de clan ou de caste. Etre chef de l’Etat, c’est être capable de fixer la direction, de donner un sens à l’action publique, de respecter les pouvoirs, de faire que la justice puisse être indépendante, de donner l’exemple, d’assurer une moralisation de la vie politique — oui, elle est nécessaire. Et nous aurons aussi à prendre des engagements là-dessus, sur le non-cumul des mandats, sur la parité, sur la décentralisation qui devra être renforcée, et aussi sur les financements de campagne électorale. On en apprend beaucoup en ce moment ! Je ne connais rien des instructions en cours et je ne veux pas les commenter, mais il faudrait quand même mettre un terme à ces financements par les particuliers s’ils atteignent un certain niveau et s’ils se répètent. Et je ne parle pas de ce qui est en dehors même de la loi ! La moralisation de la vie politique doit être une exigence de la part du prochain chef de l’Etat.
Un président de la République — faut-il encore qu’il soit choisi par les Français — doit être porté par une grande cause, par un grand idéal, par un dépassement de lui-même et de tout ce qui traverse notre pays. Cette grande cause, celle que j’ai annoncée depuis le début de cette campagne, c’est la jeunesse de France, c’est l’école de la République, c’est de donner les moyens de la formation, de la qualification. C’est le sens des 60 000 postes que j’ai promis et qui seront affectés le plus tôt possible, les 12 000 premiers dans les réseaux des enfants et des élèves qui sont les plus en difficulté, les RASED, les SEGPA, là où il y a ce devoir moral, dans les zones rurales comme dans les quartiers, d’apporter le concours de l’école de la République pour donner sa chance à chacun.
Nous ferons en sorte qu’aucun jeune de 16 à 18 ans ne puisse connaître la déscolarisation. Chaque jeune — chaque jeune ! — devra avoir une solution : ou un emploi, ou un apprentissage, ou une formation, ou un service civique. Je n’abandonnerai aucun enfant de France ! Et je ferai aussi de l’emploi des jeunes la grande priorité. A la fois avec les emplois d’avenir, les emplois-jeunes que nous devrons affecter là où les quartiers nous envoient le pire des messages, celui du désoeœuvrement ou du découragement avec des taux de chômage des jeunes qui dépassent 30% ou 40%. Nous introduirons le contrat de génération, qui permettra de recruter des jeunes — enfin ! — avec des contrats à durée indéterminée et de garder des seniors pour qu’ils puissent partir en retraite dans les meilleures conditions. Oui, tout sera fait pour la formation, la qualification, l’entrée dans l’emploi, l’accès au logement pour les jeunes.
Je n’oublie pas les autres. Je connais les parents, qui souffrent aussi mais qui attendent, qui espèrent que d’abord, la vie sera meilleure pour leurs enfants. C’est ce que j’appelle le rêve français, la capacité que nous devons avoir de permettre à la génération qui vient de vivre mieux que la nôtre. C’est ce que nous avons reçu de nos propres parents, de nos propres grands-parents. Eh bien, nous sommes en dette aujourd’hui à l’égard de nos enfants.
Il en est de même d’ailleurs sur la question écologique, environnementale. Nous avons une transition énergétique à accomplir et nous la mènerons. Nous ferons en sorte qu’un million de logements chaque année puissent être isolés pour que nous puissions faire des économies d’énergie. Nous ferons monter les énergies renouvelables, parce que nous en avons le devoir. Nous investirons sur l’économie verte.
Bref, nous avons à préparer l’avenir ensemble. C’est ça, le rôle du président de la République. C’est cela la confiance que nous devons apporter dans notre avenir.
Et puis il y a la justice. La justice ! Voilà ce qui a manqué depuis cinq ans, tant toutes les décisions qui ont été prises ont été à rebours de cet idéal républicain de l’égalité. Eh bien nous la remettrons, cette égalité, sur ses pieds !
Justice fiscale, avec une réforme qui permettra que les revenus du travail et les revenus du capital soient imposés de la même façon. Nous en terminerons avec ces niches fiscales. Nous mettrons aussi la progressivité de l’impôt pour les entreprises. Il n’est pas normal que les plus petites paient plus d’impôt, en proportion de leurs bénéfices, que les plus grandes ! Et puis certains revenus sont, à ce point, indécents que nous les fiscaliserons à un niveau qui dissuadera la distribution de ces bonus, de ces stock-options qui atteignent des montants qu’un smicard ne pourrait pas espérer plusieurs vies durant ! Nous y mettrons bon ordre, là encore.
Justice ! Justice toujours ! Justice sociale ! Nous permettrons à ceux qui ont travaillé 41 années de partir, enfin, à 60 ans !
Justice aussi dans l’accès à la santé. Nous contrôlerons les dépassements d’honoraires. Nous ferons que l’hôpital public soit un service public et pas une entreprise. Nous installerons davantage de médecins dans de meilleures conditions. Nous rémunérerons différemment la médecine de ville. Nous engagerons enfin la réforme de la dépendance qui est tant attendue, tant espérée par les familles qui n’en peuvent plus, où on est obligé de céder son patrimoine si on veut finir sa vie dignement. Ah, il faudra sans doute la solidarité nationale, parce que je refuse que ce soient les assurances qui déterminent de notre existence, la protection des risques !
Justice, toujours ! Justice territoriale, parce que nous devons avoir une solidarité entre les collectivités et l’Etat lui-même, assurant une péréquation.
Justice toujours, parce que nous devrons protéger le pouvoir d’achat. Eh bien oui, il y aura des tarifs de base pour l’eau, l’électricité, le gaz, pour que les familles puissent savoir ce qu’elles peuvent dépenser sans craindre une augmentation des tarifs. Nous bloquerons aussi le prix de l’essence pendant trois mois, pour contrôler les marges de distribution. Et nous introduirons une fiscalité sur les carburants différente d’aujourd’hui, parce que l’Etat ne peut pas gagner, quand même, un centime d’euro sur la hausse du prix des carburants ! Protection du pouvoir, d’achat parce qu’aujourd’hui c’est quand même la crainte que beaucoup de nos concitoyens expriment : comment faire non pas pour boucler la fin de mois, mais déjà au milieu du mois ? Et là encore, nous devons aussi donner une protection aux salariés. Je ne sais pas ce que sera le projet du candidat sortant. Enfin si, je le connais – vous aussi : c’est son bilan. On le connaît, son bilan ! Il a été précisé. C’est le chômage au plus haut, le pouvoir d’achat au plus bas, des déficits, des dettes. Voilà le bilan. Comment le présenter, ce bilan ? C’est compliqué pour lui, mettez-vous un peu à sa place – enfin, si l’on peut dire ! Mais il y a aussi une manœoeuvre de sa part qui consiste à annoncer autant de propositions qu’il y a de jours de campagne. Je m’y perds, moi aussi ! Il paraît que ça vient jeudi. Jeudi, il nous annonce son projet ! J’ai pensé qu’il allait le faire après le 6 mai ! Il nous annonce même des surprises. Mais la surprise, on l’a déjà eue depuis cinq ans – et elle est mauvaise ! Et autant de propositions, pour quoi faire ? Pour cacher quel bilan, en définitive ? L’autre jour c’était vers les jeunes qu’il s’adressait. Il avait trouvé une nouvelle idée : les jeunes ont des difficultés, eh bien il y aura une banque pour les jeunes. Comme si, aujourd’hui, les jeunes cherchaient un crédit ! Mais non, ils ne cherchent pas un crédit. Ils cherchent une formation, une qualification, un emploi, un logement, une dignité ! Et quand je regardais ce qu’était la banque en question, c’était en fait un service Internet qui servait, comme on dit, d’interface entre les banques et les jeunes. Je me suis même demandé si cette proposition n’annonçait pas une augmentation des frais d’inscription dans les universités, vieille idée de la Droite. Moi, je vous dis qu’il y a aussi, au-delà de ce qui sera annoncé, un programme caché – mais que vous connaissez. Des conventions emplois compétitivité, qui ne seraient rien d’autre que l’abandon de la durée légale du travail. Ils y pensent depuis tellement de temps ! Ces 35 heures, ils nous en parlent comme si c’était les 35 heures qui étaient responsables de la compétitivité de l’économie française dégradée. Non, ce sont eux les responsables ! Les entreprises peuvent aujourd’hui faire autant d’heures supplémentaires qu’il leur est loisible de faire. Donc leur idée, c’est de faire que désormais, il n’y ait même plus d’heures supplémentaires. Il n’y aura même plus d’heures légales ! Et c’est aussi de faire en sorte que les salariés soient sous la contrainte, s’ils veulent garder leur emploi, de renoncer à leurs droits. Voilà le programme caché de la Droite ! Et le programme caché, c’est aussi l’austérité. Ils nous disent : « Avec la Gauche, vous aurez des impôts ». C’est fait ! Les impôts sont là ! Et on a même l’annonce d’une TVA au mois d’octobre ! Eh bien le choix est simple : si vous ne voulez pas de ce programme-là, changez de président !
Ne croyez pas que l’élection serait faite. Ne pensez pas qu’il suffit simplement de capter la colère, de prononcer une sanction – non, nous avons mieux à faire, parce que nous sommes la Gauche ! La Gauche n’est pas simplement un refus, un rejet, une condamnation. La Gauche, c’est une espérance. C’est celle que nous devons porter. La confiance. La justice. Le respect. Oui, le respect ! Le respect, d’abord en étant exemplaire au sommet de l’Etat. Exemplaire sur le plan de l’autorité de l’Etat. Faire appliquer les lois de la République. Faire vivre la laïcité. Pas de leçon à recevoir du candidat sortant en matière de laïcité ! Quand je pense qu’il se saisit de ce principe, de cette belle valeur, qui d’ailleurs rassemble tous les Républicains, pour s’arroger là le monopole de la promotion de la laïcité et nous faire éventuellement leçon là-dessus ! Quand c’est lui qui est allé, comme ministre de l’Intérieur, devant un congrès – celui de l’UOIF – où il y avait d’un côté les hommes et de l’autre côté les femmes ! Quand c’est lui qui a pu dire que les pasteurs, les curés avaient une autorité supérieure à celle des maîtres, des instituteurs et des enseignants ! Non, pas de leçon !
Le prochain président de la République devra être le garant de la laïcité, protéger la liberté de conscience, la liberté de culte et, en même temps, garantir le vivre ensemble, le respect des droits et des devoirs de chacun. Le prochain président de la République, quand il regardera les citoyens, ne regardera pas une apparence en pensant qu’il y a déjà une appartenance à une religion. Non ! Il n’y a d’apparence et d’appartenance qu’à la République ! Personne, aucun visage n’indique une religion. Tous les visages que je vois ici sont des visages de citoyens, sans qu’il me soit nécessaire de connaître leur conviction religieuse, leur appartenance, leur histoire ou leur parcours. Vous êtes tous, toutes, d’abord des citoyens de la République !
Respect, parce que je le disais, nous avons besoin du concours de tous pour réussir. Respect, parce que celui qui est à la tête de l’Etat doit respecter les serviteurs de l’Etat, les fonctionnaires qui ne doivent pas être regardés simplement comme des variables d’ajustement. Et voilà que le candidat sortant voudrait que la règle du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux, qui a déjà fait tant de mal dans l’Etat, puisse s’appliquer pour les collectivités locales – et les collectivités locales récalcitrantes viendraient à perdre leurs dotations, celles qui sont versées par l’Etat. Rendez-vous compte du processus qui serait en marche ! De la perte de solidarité ! De l’effacement des services publics !
Je ne dis pas qu’il n’y a pas d’efforts à faire, d’économies à engager. Sûrement. Mais il y a aussi des secteurs prioritaires de l’action publique : l’éducation – qui sera sanctuarisée, protégée –, la justice, la sécurité, la santé, parce que ce sont des droits essentiels qui garantissent la cohésion nationale.
Le respect aussi en matière de sécurité. Là encore, ne nous laissons pas impressionner. Il s’est passé des événements tragiques, sur lesquels l’ensemble des Français a eu l’attitude qui convenait, de nous réunir, d’éviter tout amalgame, de partager le deuil des familles. Mais je vois bien, maintenant, qu’on voudrait installer le sujet de la sécurité dans le coeœur de cette campagne, quand il y a tant d’attente en matière d’emploi et de pouvoir d’achat. Il est annoncé l’expulsion de prédicateurs islamistes. Je n’ai rien contre ces décisions. Mais pourquoi n’ont-elles pas été prises avant ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi ce zèle – nécessaire –, mais pourquoi cette précipitation ? Pourquoi n’y avait-il pas eu, avant, des décisions en ces matières ? Ne vous laissez pas impressionner. Dans tous les domaines de la vie publique, de l’action étatique, nous avons, nous la Gauche, et j’aurai, comme premier responsable de l’état, la volonté de prendre en main ces dossiers. Celui de la sécurité comme tous les autres ! Les violences aux personnes ont augmenté de 20 % depuis que Nicolas Sarkozy a la responsabilité de l’Etat. Les effectifs de Police et de Gendarmerie ont diminué de 10 000. Des zones ont été abandonnées. Eh bien là encore, nous montrerons que c’est la Gauche qui peut agir !
Mesdames, Messieurs, chers amis, je vais bientôt interrompre mon propos. Je ne voudrais pas que vous preniez froid ! J’ai besoin de vous. Vous devez bientôt aller convaincre bien au-delà de ce cercle déjà imposant. Vous avez à favoriser un changement. Je ne vous demande pas votre aide ! Quand j’entends le candidat sortant, devant ses partisans, lancer ce cri pathétique : « Aidez-moi, aidez-moi, aidez-moi ! »... Il est bien temps ! Pourquoi ne s’est-il pas posé la question, depuis le début de son mandat : « Comment aider les Français ? ». C’est son rôle – enfin, c’était son rôle ! Parce que bientôt, ce sera le nôtre ! Aider les Français, aider la France.
Le combat que je mène en votre nom est le combat de toute ma vie. Jamais il n’est possible de confier une mission aussi élevée à un responsable public que de défendre ses idées dans une campagne présidentielle. J’ai dirigé dix dans le Parti socialiste. J’ai eu à mener des campagnes européennes, régionales, municipales, départementales. Je suis aujourd’hui votre candidat pour l’élection présidentielle. Je sais l’attente que vous portez sur moi, la mission qui doit être la mienne, le devoir de victoire que je me suis assigné. J’irai jusqu’au bout. On me dit souvent, partout où je me déplace : « Courage, courage ! ». Je n’en manque pas, et vous m’en donnez beaucoup. On me dit : « Tenez bon, accrochez-vous ». Je m’accroche, à vous ! On me dit : « Allez jusqu’au bout ! ». J’irai jusqu’au bout, jusqu’à la victoire, celle que vous attendez, celle que vous espérez !
Et je ne me détournerai jamais de mon objectif. Oh ! Les attaques, je les connais ! Les polémiques, les caricatures ! Ils diront tant de nous, pour dire si peu d’eux. Ils essaieront d’occulter, de maquiller leur bilan, triste bilan. Ils essaieront de faire peur. Ils diront : « Vous allez voir, avec la Gauche ! Elle va vider les caisses ». C’est fait ! « Si la Gauche revient, cela va être la dette publique à un niveau record ». C’est fait ! Et ils ajouteront : « Mais si la Gauche revient, ce sera la dégradation de la France ». C’est fait ! « si la Gauche revient, ce sera l’insécurité. » Elle est là !
N’ayez aucune peur. Dites à nos concitoyens qu’ils n’ont rien à perdre en faisant le changement. Que le plus grand risque, d’ailleurs, ce serait de ne pas changer.
Ce que nous devons lever, c’est l’espérance. Pas simplement la colère. La colère est l’expression de ce désordre à l’échelle du monde, de ces injustices, de ces misères, de ces marchés qui nous soumettent à leur propre dérèglement. La colère devant tant d’inégalités, je la comprends. Je l’exprime aussi. Ces souffrances, ces pauvretés, ces précarités, nous les connaissons à chaque instant. Non, ce que nous avons à faire, c’est bien plus que d’exprimer une colère : c’est de la traduire en changement, en transformation, en gouvernement, en lois !
J’en connais toujours, parmi le peuple de Gauche et même au-delà du peuple de Gauche, parmi les Français, qui vont dans les manifestations – et ils ont raison –, qui font grève – et parfois c’est nécessaire –, qui protestent, qui ont des calicots, qui ont des banderoles – et c’est leur droit le plus strict. Et c’est même leur devoir. Mais lorsque nous avons la possibilité, par un vote, de changer, de transformer et d’agir, prenons ce droit et exprimons-le dès le premier tour du scrutin !
Le changement, ce n’est pas simplement maintenant, c’est tout de suite ! Ce sera dès le premier jour de notre accession à la présidence de la République. Nous ne perdrons pas de temps. Nous ne vous décevrons pas. Nous agirons tout de suite. Nous aurons notre calendrier jusqu’aux élections législatives. Ensuite, pensez bien à nous donner une majorité à l’Assemblée nationale – Nous aurions l’air de quoi ! Et puis après, nous aurons à amplifier le mouvement. Rien ne nous sera facilité. Ne pensez pas que ce serait simple, dans le contexte que l’on connaît, avec ces gouvernements conservateurs, avec ces marchés financiers qui ne nous espèrent pas, eux, qui nous craignent. Les gouvernements conservateurs se sont, paraît-il, ligués contre moi. J’en suis fier ! Il aurait manqué, maintenant, qu’ils me soutiennent ! Je laisse cela au candidat sortant. Et en même temps, je sais bien qu’il y en a, même parmi ces conservateurs, qui se disent : « Peut-être qu’il vaudrait mieux qu’il y ait en France un changement ». Ils le connaissent aussi. Ils l’ont pratiqué. Et puis ils savent bien que si c’est nous, si c’est moi, l’Europe changera de direction !
(…...)
Nos concitoyens qui arrivaient dans le bureau de vote ne savaient pas encore ce qu’ils allaient faire. Je voulais leur dire – je n’en avais pas le droit. Je les regardais. Ils se détournaient – et ils en avaient le devoir. Eh bien oui, jusqu’au dernier moment, c’est ce miracle qui peut se produire : celui de la démocratie du suffrage universel.
Je suis ici, Christophe l’évoquait, devant ce monument, ce bâtiment où se tiennent les rendez-vous de l’histoire. Eh bien une fois encore, la France a rendez-vous avec l’histoire. Et l’histoire, nous la ferons le 22 avril et surtout le 6 mai. L’histoire, nous la ferons avec la victoire ! L’histoire, c’est la Gauche qui fera une nouvelle fois avancer la France !
Chers amis, je vous dis rendez-vous le 6 mai et le 22 avril pour construire l’histoire ensemble !

Source : http://francoishollande.fr, le 5 avril 2012