Texte intégral
À lheure où je me trouve à Dakar, où je suis venu saluer, au nom de la France et du président de la République, léclatant succès de la démocratie sénégalaise, cest à lavenir de lAfrique toute entière que je pense. Jai, au fond de moi-même, la conviction que le continent africain sera la puissance émergente du XXIème siècle.
Je ne sous-estime certes pas les défis formidables quil doit relever : la pauvreté, les guerres, quelles soient civiles ou extérieures, une croissance démographique souvent encore non maîtrisée, les conséquences du réchauffement climatique, les grandes pandémies, la gestion impossible de gigantesques mégalopoles telles Le Caire ou Lagos, la faiblesse de lÉtat de droit, la corruption qui dévore léconomie et la société La liste nest pas exhaustive.
Et pourtant, que de raisons despérer !
Par delà les crises, les économies africaines connaissent depuis plus de dix ans une croissance soutenue ininterrompue. Lémergence dune classe moyenne, de mieux en mieux formée, constitue le socle dune expansion appelée à durer. Il ny a pas dexemple historique dune population qui augmente et, parallèlement, dune activité qui régresse. Or, en 2050, le quart de lhumanité devrait être africain. Son immense jeunesse sera la principale richesse de lAfrique qui renferme, par ailleurs, dans son sol, de considérables ressources naturelles. Pour les entreprises, lAfrique est dores et déjà la zone géographique où la rentabilité des investissements est lune des plus élevées. Avec lintégration continentale et régionale, elle a pris son destin en main. Bref, elle est désormais notre nouvelle frontière, tant nos intérêts économiques et stratégiques sont liés, tant nos affinités culturelles et humaines sont étroites.
Jai ressenti dans tous mes déplacements sur le continent une estime profonde pour notre pays, une grande reconnaissance pour ses engagements récents, et, plus généralement une incroyable «demande de France».
Il est vrai quon entend souvent encore chez certains commentateurs français le refrain bien usé des suspicions à légard de notre action en Afrique, et la ritournelle de la «Françafrique». Efforçons nous de sortir des vieux schémas dépassés pour regarder en face la réalité daujourdhui. Notre diplomatie met en uvre, en Afrique, une politique nouvelle dont le fil conducteur apparaît en toute clarté : répondre, dans la fidélité à nos valeurs et la cohérence avec nos intérêts, aux attentes de nos partenaires africains.
Avant toute chose, les Africains veulent la paix. Dans ce domaine, la France a pris toutes ses responsabilités : formation des soldats africains qui combattent en Somalie dans la force de lUnion africaine, soutien aux opérations de lONU dont 80 % se déroulent sur le continent africain, rôle pionnier dans la lutte contre la piraterie au large de la Corne de lAfrique, mobilisation de lUnion européenne pour accompagner les pays du Sahel dans leur lutte contre AQMI Comme la montré lintervention en Côte dIvoire, lappui de la France se fait en totale transparence, en concertation étroite avec les organisations africaines et dans le strict respect des mandats internationaux. La France est convaincue que cest lAfrique elle-même qui doit assurer sa propre stabilité. Cest la raison pour laquelle nous appuyons sans réserve lintégration continentale et régionale. Cest la raison pour laquelle nous avons révisé tous nos accords de défense, qui dataient des années 1960. Ils ont été soumis à ratification de notre Parlement et sont donc intégralement publics. Ils prévoient que nos forces, qui ont été réorganisées, semploient à former les unités régionales voulues par lUnion africaine.
Les Africains veulent aussi que la patrie des droits de lHomme apporte son soutien aux processus démocratiques en cours sur le continent. Car le vent de la liberté y souffle puissamment. Depuis cinq ans nous pouvons être fiers davoir accompagné les peuples dans la libre expression de leur volonté souveraine : au Soudan du Sud désormais indépendant après des années de guerre ; en Côte divoire où, en faisant triompher le suffrage universel avec lUnion africaine et les Nations unies, nous avons mis fin à une longue guerre civile ; en Guinée où un demi-siècle de dictature a été balayé dans les urnes ; au Sénégal où la tradition démocratique et lesprit de responsabilité de lancien et du nouveau président ont permis de surmonter de façon exemplaire les tensions liées à une candidature mal comprise ; au Mali où, malgré les tensions actuelles, tous les efforts sont faits pour que les élections se tiennent et que la démocratie soit sauvegardée.
Il est vrai que, dans de nombreux États, de grands progrès restent à accomplir. Mais la France ne se prive pas de le dire : la démocratie et la bonne gouvernance ne sont pas négociables. Partout le développement passe par la lutte contre la corruption et par la réduction des inégalités. Elles sont la condition indispensable à la concorde civile et à lattractivité économique.
Or les Africains veulent que la France les accompagne, en partenaire, sur le chemin du développement pour relever les défis de lurbanisation galopante, de léducation de masse, de la rareté de leau potable, des phénomènes climatiques extrêmes. Là encore la France na pas à rougir : notre aide publique au développement en faveur de lAfrique a cru de 25 % depuis 2007. La France consacre à lAfrique plus de la moitié de son aide au développement. Elle a été à la pointe de la mobilisation internationale face aux crises alimentaires en Somalie et au Sahel. Conformément aux engagements pris par le président de la République au Sommet de lUnion africaine, lannée dernière, la France a mis la sécurité alimentaire, le financement du développement et celui des infrastructures au cur des décisions du G20.
Le développement durable de lAfrique est laxe prioritaire de notre stratégie de coopération. Dans cette perspective, nous sommes attentifs à ne pas accroître lendettement des États, à leur permettre de conserver la maîtrise de leurs sols, à préserver lenvironnement et à encourager une croissance riche en emplois locaux. Je suggère à nos amis africains de choisir tous leurs partenaires en gardant ces critères à lesprit, pour éviter les lendemains qui déchantent.
Que veulent enfin les Africains ? Que la voix de lAfrique porte dans le concert des Nations et quon cesse de parler à sa place. La diplomatie française, depuis cinq ans, en a fait un principe daction. Jamais nous ne nous sommes autant concertés avec les organisations régionales africaines. Le président de la République, comme moi-même, nous sommes rendus au siège de lUnion africaine à Addis Abeba, ou au siège de la CEDEAO à Abuja. Sous sa présidence, la France a donné, toute sa place à lAfrique au G8 et au G20. Elle a travaillé en étroite liaison avec les membres africains du Conseil de sécurité dont elle demande par ailleurs une profonde réforme afin que le continent africain y soit mieux représenté.
Au total, je retiens de mes contacts avec nos partenaires africains, quils sont attachés à resserrer leurs liens damitié et de coopération avec la France. Cest vrai avec nos amis francophones qui partagent avec nous le trésor dune langue commune. Mais cest vrai aussi dans les pays anglophones, hispanophones et lusophones, où lon se presse, dans nos alliances et nos instituts, pour apprendre le français. Les étudiants africains sont des milliers en France : ils sont lavenir de lAfrique et des amis à vie de la France. Il faut continuer à les accueillir avec amitié. La richesse de nos liens humains avec lAfrique est une chance irremplaçable.
Répondre aux attentes de lAfrique, cest du même coup être utile à la France, tant les destins de nos continents sont liés, quil sagisse de croissance économique, de développement durable, des mouvements de population, ou des liens linguistiques, culturels et humains. Oui, lAfrique est aussi une chance pour la France.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 avril 2012
Je ne sous-estime certes pas les défis formidables quil doit relever : la pauvreté, les guerres, quelles soient civiles ou extérieures, une croissance démographique souvent encore non maîtrisée, les conséquences du réchauffement climatique, les grandes pandémies, la gestion impossible de gigantesques mégalopoles telles Le Caire ou Lagos, la faiblesse de lÉtat de droit, la corruption qui dévore léconomie et la société La liste nest pas exhaustive.
Et pourtant, que de raisons despérer !
Par delà les crises, les économies africaines connaissent depuis plus de dix ans une croissance soutenue ininterrompue. Lémergence dune classe moyenne, de mieux en mieux formée, constitue le socle dune expansion appelée à durer. Il ny a pas dexemple historique dune population qui augmente et, parallèlement, dune activité qui régresse. Or, en 2050, le quart de lhumanité devrait être africain. Son immense jeunesse sera la principale richesse de lAfrique qui renferme, par ailleurs, dans son sol, de considérables ressources naturelles. Pour les entreprises, lAfrique est dores et déjà la zone géographique où la rentabilité des investissements est lune des plus élevées. Avec lintégration continentale et régionale, elle a pris son destin en main. Bref, elle est désormais notre nouvelle frontière, tant nos intérêts économiques et stratégiques sont liés, tant nos affinités culturelles et humaines sont étroites.
Jai ressenti dans tous mes déplacements sur le continent une estime profonde pour notre pays, une grande reconnaissance pour ses engagements récents, et, plus généralement une incroyable «demande de France».
Il est vrai quon entend souvent encore chez certains commentateurs français le refrain bien usé des suspicions à légard de notre action en Afrique, et la ritournelle de la «Françafrique». Efforçons nous de sortir des vieux schémas dépassés pour regarder en face la réalité daujourdhui. Notre diplomatie met en uvre, en Afrique, une politique nouvelle dont le fil conducteur apparaît en toute clarté : répondre, dans la fidélité à nos valeurs et la cohérence avec nos intérêts, aux attentes de nos partenaires africains.
Avant toute chose, les Africains veulent la paix. Dans ce domaine, la France a pris toutes ses responsabilités : formation des soldats africains qui combattent en Somalie dans la force de lUnion africaine, soutien aux opérations de lONU dont 80 % se déroulent sur le continent africain, rôle pionnier dans la lutte contre la piraterie au large de la Corne de lAfrique, mobilisation de lUnion européenne pour accompagner les pays du Sahel dans leur lutte contre AQMI Comme la montré lintervention en Côte dIvoire, lappui de la France se fait en totale transparence, en concertation étroite avec les organisations africaines et dans le strict respect des mandats internationaux. La France est convaincue que cest lAfrique elle-même qui doit assurer sa propre stabilité. Cest la raison pour laquelle nous appuyons sans réserve lintégration continentale et régionale. Cest la raison pour laquelle nous avons révisé tous nos accords de défense, qui dataient des années 1960. Ils ont été soumis à ratification de notre Parlement et sont donc intégralement publics. Ils prévoient que nos forces, qui ont été réorganisées, semploient à former les unités régionales voulues par lUnion africaine.
Les Africains veulent aussi que la patrie des droits de lHomme apporte son soutien aux processus démocratiques en cours sur le continent. Car le vent de la liberté y souffle puissamment. Depuis cinq ans nous pouvons être fiers davoir accompagné les peuples dans la libre expression de leur volonté souveraine : au Soudan du Sud désormais indépendant après des années de guerre ; en Côte divoire où, en faisant triompher le suffrage universel avec lUnion africaine et les Nations unies, nous avons mis fin à une longue guerre civile ; en Guinée où un demi-siècle de dictature a été balayé dans les urnes ; au Sénégal où la tradition démocratique et lesprit de responsabilité de lancien et du nouveau président ont permis de surmonter de façon exemplaire les tensions liées à une candidature mal comprise ; au Mali où, malgré les tensions actuelles, tous les efforts sont faits pour que les élections se tiennent et que la démocratie soit sauvegardée.
Il est vrai que, dans de nombreux États, de grands progrès restent à accomplir. Mais la France ne se prive pas de le dire : la démocratie et la bonne gouvernance ne sont pas négociables. Partout le développement passe par la lutte contre la corruption et par la réduction des inégalités. Elles sont la condition indispensable à la concorde civile et à lattractivité économique.
Or les Africains veulent que la France les accompagne, en partenaire, sur le chemin du développement pour relever les défis de lurbanisation galopante, de léducation de masse, de la rareté de leau potable, des phénomènes climatiques extrêmes. Là encore la France na pas à rougir : notre aide publique au développement en faveur de lAfrique a cru de 25 % depuis 2007. La France consacre à lAfrique plus de la moitié de son aide au développement. Elle a été à la pointe de la mobilisation internationale face aux crises alimentaires en Somalie et au Sahel. Conformément aux engagements pris par le président de la République au Sommet de lUnion africaine, lannée dernière, la France a mis la sécurité alimentaire, le financement du développement et celui des infrastructures au cur des décisions du G20.
Le développement durable de lAfrique est laxe prioritaire de notre stratégie de coopération. Dans cette perspective, nous sommes attentifs à ne pas accroître lendettement des États, à leur permettre de conserver la maîtrise de leurs sols, à préserver lenvironnement et à encourager une croissance riche en emplois locaux. Je suggère à nos amis africains de choisir tous leurs partenaires en gardant ces critères à lesprit, pour éviter les lendemains qui déchantent.
Que veulent enfin les Africains ? Que la voix de lAfrique porte dans le concert des Nations et quon cesse de parler à sa place. La diplomatie française, depuis cinq ans, en a fait un principe daction. Jamais nous ne nous sommes autant concertés avec les organisations régionales africaines. Le président de la République, comme moi-même, nous sommes rendus au siège de lUnion africaine à Addis Abeba, ou au siège de la CEDEAO à Abuja. Sous sa présidence, la France a donné, toute sa place à lAfrique au G8 et au G20. Elle a travaillé en étroite liaison avec les membres africains du Conseil de sécurité dont elle demande par ailleurs une profonde réforme afin que le continent africain y soit mieux représenté.
Au total, je retiens de mes contacts avec nos partenaires africains, quils sont attachés à resserrer leurs liens damitié et de coopération avec la France. Cest vrai avec nos amis francophones qui partagent avec nous le trésor dune langue commune. Mais cest vrai aussi dans les pays anglophones, hispanophones et lusophones, où lon se presse, dans nos alliances et nos instituts, pour apprendre le français. Les étudiants africains sont des milliers en France : ils sont lavenir de lAfrique et des amis à vie de la France. Il faut continuer à les accueillir avec amitié. La richesse de nos liens humains avec lAfrique est une chance irremplaçable.
Répondre aux attentes de lAfrique, cest du même coup être utile à la France, tant les destins de nos continents sont liés, quil sagisse de croissance économique, de développement durable, des mouvements de population, ou des liens linguistiques, culturels et humains. Oui, lAfrique est aussi une chance pour la France.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 avril 2012