Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, sur l'accueil et la prise en charge des enfants autistes et de leur famille, Aubry le Hainaut le 15 février 2012.

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Circonstance : Inauguration du service d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) à Aubry du Hainaut le 13 février 2012

Texte intégral


Je suis très heureuse d’être aujourd’hui parmi vous pour inaugurer le service d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) « Alissa », ici, à Aubry du Hainaut. « Le destin n’est pas une chaîne mais un envol », nous dit l’écrivain et dramaturge italien Alessandro Baricco.
A travers cette belle métaphore, il exprime, me semble-t-il, l’aspiration inaliénable de tout être à la liberté, quelles que soient les entraves auxquelles il est confronté.
Cette aspiration, c’est aussi, naturellement, celle des enfants et des adolescents accompagnés par ce service et celle des équipes qui oeuvrent à leurs côtés pour les aider à gagner cette liberté.
Vous le comprendrez donc, c’est pour moi un moment particulièrement émouvant que l’inauguration de cette structure dédiée à nos jeunes concitoyens autistes.
Vous le savez, le Premier ministre a choisi cette année de faire de l’autisme la « grande cause nationale » pour 2012.
C’est un signe fort de notre engagement à apporter aux personnes autistes et à leurs familles des réponses concrètes pour améliorer leur qualité de vie.
* Apporter des réponses concrètes aux jeunes autistes et à leurs familles : telle est bien la volonté qui a présidé à l’avènement de votre beau projet (I).
Alissa, c’est d’abord un projet innovant de plateforme globale, fondé sur une exigence de décloisonnement, ô combien nécessaire dans notre système de prise en charge.
Ainsi, sur un même site, vous entendez regrouper :
- un service d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) pour les enfants atteints d’autismes et de troubles envahissant du développement ;
- et un institut médico-social (IME) pour enfants et adolescents dont les troubles ne permettent généralement pas une scolarisation en milieu ordinaire.
Et c’est bien ainsi que nous devons concevoir le secteur médico-social de demain.
En cela, vous faites figure de précurseur, et je vous en suis particulièrement reconnaissante.
Dans l’élaboration de ce projet ambitieux, je sais que vous avez pu compter sur un soutien décisif : celui de Valérie Létard, qui connaît mieux que quiconque les problématiques du handicap.
Vous avez su me convaincre, Madame la ministre, chère Valérie Létard, de l’utilité d’une telle structure de proximité, car je partage avec vous, dans la politique que je mène au niveau national, la vision d’un système de prise en charge et d’accompagnement global.
C’est pourquoi je suis très heureuse de vous confirmer que j’ai décidé d’assurer le financement de ce projet en mobilisant la réserve ministérielle pour un montant total de 900 000 euros.
Je vais demander au directeur général de l’agence régionale de santé de prendre dès cette année l’arrêté d’autorisation et je souhaite qu’au plus tard dans les deux ans la plate forme fonctionne dans son intégralité.
Par ailleurs, dans la même perspective d’encourager des initiatives comme celle-ci, je vous annonce également que l’ARS nord Pas de Calais va bénéficier d’une enveloppe de mesures nouvelles de près de 20 millions d’euros, qui lui permettra de créer encore de nouvelles places dans la région.
* Plus largement, en matière d’accompagnement des jeunes autistes et de leurs familles, je dirais que nous avons une obligation de résultat pour répondre aux attentes des familles qui nous obligent (II).
Le Gouvernement a voulu, à travers le Plan Autisme 2008-2010, prendre le sujet à bras-le-corps, pour l’aborder enfin avec responsabilité, dans toutes ses dimensions, et ainsi apporter des réponses concrètes au désarroi des familles.
Vous le savez, ce plan représente un engagement financier très fort. Plus de 200 millions d’euros y sont consacrés et le rapport que vous m’avez remis, Madame la ministre, chère Valérie Létard, le souligne : il a permis des progrès sensibles.
Des progrès sensibles, d’abord, sur la connaissance de la maladie. Je pense à la publication, en mars 2010, du « socle commun de connaissance sur l’autisme », élaboré avec l’appui méthodologique de la Haute Autorité de Santé. Il est clair, désormais, que l’autisme n’est pas une psychose !
Des progrès sensibles, ensuite, sur le diagnostic avec le renforcement des moyens alloués aux Centres de ressources autisme créés en 2005 et des équipes hospitalières de diagnostic.
Au total, cela représente une augmentation de 5,6 millions d’euros sur la durée du plan.
Des progrès sensibles, enfin, sur la prise en charge de la maladie, en favorisant sa diversification, grâce au lancement des premiers établissements et services expérimentaux mettant en oeuvre explicitement des méthodes comportementales ou développementales.
Le plan prévoit notamment la création de 4 100 places supplémentaires dédiées aux personnes autistes, soit 2 100 places pour enfants et 2 000 places pour adultes. C’est un effort considérable !
Où en sommes-nous aujourd’hui, concrètement ?
A mi parcours, soit au 31 décembre 2010, 88,5 % des places pour enfants ont d’ores et déjà été autorisées et 1 330 places ont été ouvertes, ce qui représente près des deux tiers des prévisions du plan.
Pour les adultes, 50 % des places sont également créées.
Enfin, 24 structures expérimentales, mettant en oeuvre les méthodes dites comportementalistes, encore peu implantées en France, ont également été autorisées.
Cela représente 381 places et un financement de 20,4 millions d’euros. Nous tenons donc nos objectifs et nous continuerons de les tenir !
* Si les avancées significatives sont donc bien réelles, elles ne nous exonèrent pas – bien au contraire – d’aller encore plus loin.
Vous avez bien montré, Madame la ministre, chère Valérie Létard, que, pour les familles, cela reste encore trop souvent un véritable parcours du combattant (III).
Avec vous, je veux le dire : oui, nous pouvons et nous devons améliorer le dépistage et le diagnostic précoce.
Oui, nous devons mettre en place des accompagnements adaptés et poursuivre la dynamique de développement de l’offre.
Je reste d’ailleurs persuadée qu’on peut le faire sans peser davantage sur les finances publiques, grâce à une meilleure efficience.
Aujourd’hui, par exemple, des milliers d’autistes sont encore accueillis en hôpital psychiatrique, pour un coût journalier de 700 euros, alors qu’ils seraient mieux pris en charge en structure médico-sociale, à un prix de journée pourtant deux fois moindre !
Nous devons privilégier la reconversion de structures sanitaires et le redéploiement au sein de structures médico-sociales existantes.
Cette problématique est d’ailleurs transversale à l’ensemble du secteur médico-social. Sur ce sujet, je vais prochainement confier à l’IGAS et à l’IGF une mission afin d’identifier les marges d’efficience.
J’étais par exemple en Moselle il y a quelques semaines et, dans ce département, le taux d’occupation moyen des IME est d’à peine 80 % !
Oui, nous devons également renforcer l’information et la formation des familles, des aidants et des professionnels.
La Haute autorité de santé a publié un certain nombre de recommandations, notamment sur les méthodes d’accompagnement.
Ces recommandations doivent être diffusées ; elles doivent être dans les programmes de formation ; elles doivent être mises en oeuvre dans les établissements médico-sociaux.
Former, toujours former et encore former ! C’est cette volonté qui doit nous animer.
Oui, nous devrons prendre une décision sur l’utilisation de certaines méthodes de prise en charge.
Pour ce faire, la Haute autorité de santé a été saisie. Elle devrait rendre ses conclusions dans les toutes prochaines semaines.
Pour ma part, je considère, avec le Premier ministre, que les traitements qui n’ont pas fait leurs preuves ou qui porteraient atteinte à la dignité des personnes autistes ne doivent plus être proposés.
Oui, enfin, nous devons continuer de faire vivre la dynamique que le plan a initiée. Pour cela, il nous faut redoubler d’efforts et nous allons le faire !
Vous le savez, le Premier ministre a reçu, jeudi dernier, les associations du collectif « Ensemble pour l’autisme » et il m’a chargée d’élaborer un nouveau plan autisme.
Je vais me mettre à la tâche, avec détermination, et nous allons nous appuyer sur votre rapport, Madame la ministre, chère Valérie Létard, qui constitue un socle solide pour continuer à avancer.
* Enfin, je ne voudrais pas conclure, chers amis, sans vous rappeler à quel point, plus largement, depuis cinq ans, le Président de la République et le Premier ministre sont mobilisés pour relever les défis de la loi de 2005 (IV).
Ainsi, sur la période 2007-2012, les moyens consacrés à la politique du handicap auront augmenté de 25 %. Là encore, c’est un effort considérable qui mérite d’être souligné.
Dans le contexte de crise économique que nous connaissons, le Premier ministre a notamment souhaité que les personnes handicapées ne soient pas la variable d’ajustement de la crise.
C’est pourquoi les moyens mis en oeuvre augmenteront encore l’année prochaine.
Alors, pourquoi apporter cette attention aux personnes handicapées ? D’abord, parce que l’on ne saurait transiger avec la justice, qui est le socle même de notre pacte social.
Ensuite, parce que faire progresser les droits des personnes handicapées, c’est en réalité faire progresser les droits de tous.
* A vous toutes et vous tous qui êtes si investis dans cette politique, je veux dire mon estime et ma gratitude. Ensemble, je ne doute pas que nous saurons faire évoluer le regard que nous portons sur nos concitoyens autistes.
Source http://www.solidarite.gouv.fr, le 21 février 2012